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Les auteurs qui ont écrit sur les matières criminelles, peuvent se diviser en deux classes : les uns qui, foulant aux pieds les lois existantes et les regardant comme menacées d'une ruine plus ou moins prochaine, ont édifié sur leurs débris futurs, des systèmes nouveaux, de nouvelles théories; les autres qui se sont enfermés dans les travaux moins brillans, mais non moins utiles peut-être, de l'interprétation et du commentaire.

pour les

Les premiers s'adressent à un petit nombre d'esprits élevés, aux législateurs. à l'avenir qui mûrit leurs idées et les sanctionne quelquefois. Tels ont été Beccaria, Filangieri, Bentham, Scipion Bexon. Tels sont encore MM. Guizot, de Broglie, Pastoret, Bérenger, Comte, Charles Lucas et Rossi. Les autres ont écrit magistrats, pour les praticiens. Ils suivent la loi dans ses applications, posent les limites de sa puissance et savent l'y contenir. Mais embarrassés dans les détails de l'explication, rarement ils s'élèvent jusqu'à la théorie qui rend raison de la loi ; leur mission est plutôt de concilier des textes qui se contredisent ou de les mettre en harmonie avec la jurisprudence des arrêts. Nous citerons les honorables et fructueux travaux de Jousse, Lacombe, Muyart de Vouglans, Bourguignon, Mars, Carnot et Legraverend.

Entre ces deux routes suivies avec gloire par ces savans écrivains, une voie reste ouverte : c'est de réunir les études de la théorie aux explications du commentaire, d'embrasser à la fois la philosophie de la loi et son application, la doctrine et la pratique. Cette voie nouvelle a déjà été parcourue en matière civile par un jurisconsulte célèbre, M. Boncenne, dont l'un de nous s'enorgueillit d'avoir été le disciple.

Pourquoi hésiterions-nous à le dire? Notre ambition a été de suivre, quoique de loin, cet illustre devancier dans la carrière qu'il a tracée avec tant d'éclat.

Éclairer l'application de la loi pénale par sa théorie, telle est donc l'idée principale qui a présidé à la composition de cet ouvrage; mais tout en le puisant à cette source nouvelle et féconde, notre but a été de faire un ouvrage de pratique. Après la promulgation d'un code la première pensée, comme le premier besoin, est d'en examiner les textes : c'est le règne du commentaire. Mais après l'étude des textes vient celle de la théorie de la loi, source d'interprétation aussi abondante, quelquefois plus fidèle. Cette étude ne se traîne pas après la loi; elle plane sur les textes, elle remonte aux règles élémentaires, elle les prend à leur berceau, dans les temps éloignés, elle les suit dans leur développement, dans leurs déviations, elle leur restitue leur sens propre et leur énergie. Elle fait alliance avec les sciences morales: elle s'appuie de l'histoire, de la philosophie, de la morale, des législations comparées. Ainsi ses travaux s'empreignent d'un intérêt plus vrai; les limites du Droit s'agrandissent, et les mesquines proportions dans lesquelles on l'a trop étouffé disparaissent.

IV

Placée à ce point de vuc, la science des lois embrasse toutes les études qui s'y rattachent; elle examine tous les systèmes qu'elle recèle dans son sein; elle rapproche les législations et les principes, elle compare, elle juge.

Après avoir posé les règles, elle s'occupe à les appliquer, elle descend dans l'arène de l'interprétation. Elle examine avec leur appui les arrêts de la jurisprudence, elle les place en face des textes, elle en fait rayonner la lumière. C'est le commentaire tel que l'état actuel des esprits et des connaissances semble l'exiger, le commentaire qui domine la loi et la soumet à sa critique avant de l'expliquer.

Ce peu de lignes résume le plan, plan vaste et difficile que nous nous sommes proposé en commençant ce travail. Il a suffi de l'énoncer pour motiver notre collaboration cette tâche n'excédait-elle pas les forces d'un seul homme? Nous avons réuni en commun, pendant plusieurs années, de laborieux efforts, de consciencieuses études, en nourrissant l'espoir que le public donnerait sa sanction à cette association toute scientifique.

Un mot sur l'application de ce plan.

Le mode le plus simple de le réaliser nous a paru être de traiter les matières du Code pénal dans une suite de chapitres qui puisent dans la diversité même de ccs matières une division toute naturelle. Nous avons préféré cette méthode claire et commode, à la forme du commentaire par articles qui conduit à des répétitions inévitables et s'oppose au développement des théories, et à la forme du traité dogmatique qui crée des divisions et des classifications plus propres à fatiguer le lecteur qu'à l'éclairer.

C'est ainsi que le premier chapitre traite de la division des faits punissables; le deuxième, de la rétroactivité des lois pénales; le troisième, de l'application du Code aux délits militaires ; le quatrième, des peines afflictives et infamantes, etc.

Cependant, si nous avons toujours suivi, autant que possible, l'ordre du Code même auquel des esprits sont dès long-temps habitués, nous avons dû, dans quelques cas rares, déroger à cette règle. Nous citerons pour exemple la tentative. Évidemment sa place n'était pas à l'art. 2 du Code. La tentative, de même que la récidive, la complicité, l'âge, l'ivresse, la démence, est une circonstance modicative de la criminalité; nous devions donc, pour rétablir un ordre plus rationnel, la remettre à sa véritable place, elle forme le chapitre dix de l'ouvrage.

Ainsi, chaque chapitre renferme un traité complet, non pas seulement de la théorie de la matière qui en fait l'objet, mais de toutes les questions pratiques qu'elle a fait naître, l'interprétation des textes, et l'examen critique soit des arrêts par lesquels la jurisprudence les a expliqués, soit des opinions des auteurs.

Il reste à faire une observation qui a pour objet de faciliter les recherches. Lorsque le lecteur voudra retrouver une question controverséc, un principe établi, il lui suffira de se reporter au chapitre qui traite de la matière à laquelle se rattache ce principe ou cette question. Ainsi, cette recherche a-t-elle pour objet une question de complicité, de faux en écriture privée, de vagabondange, chacune de ces matières étant groupée dans un chapitre distinct, il sera facile de trouver immédiatement le point qui fait l'objet de la recherche en se reportant à ce chapitre. C'est là l'un des principaux avantages du plan que nous avons adopté. Des tables préparées avec le plus grand soin, faciliteront d'ailleurs toutes les investigations.

AVIS DE L'ÉDITEUR BELGE.

Le Code pénal de 1810 n'a été modifié par la loi française du 28 avril 1832, que sous le rapport en quelque sorte des pénalités. Les Chambres francaises se sont bornées à mettre la législation pénale cn harmonie avec le progrès des mœurs, et n'ont pas cru devoir introduire d'innovation, dans le système pénal en lui-même; ce qui laisse aux ouvrages de doctrine publiés depuis toute leur importance pour la Belgique. Celui-que nous éditons aurait, même dans l'hypothèse d'un reinaniement complet dans le système, conservé tout son intérêt, puisque, pour la première fois en France, la matière y est traitée du point de vue élevé de la législation positive, éclairée par la philosophie du droit et les antécédents de l'histoire. Cette seule considération suffisait pour déterminer l'Éditeur belge à enrichir sa collection de ce nouvel ouvrage, qui, considéré comme œuvre philosophique, est un des plus remarquables qui aient paru depuis longtemps, outre qu'il traite d'une des branches les plus importantes de la science du droit. L'Éditeur belge a cru néanmoins devoir indiquer par notes les modifications introduites sous le rapport des pénalités et des incriminations, modifications qui ne

peuvent échapper à ceux qui ont la moindre notion du Code pénal, mais qu'il importe de signaler aux élèves des universités, moins familiers avec cette matière, et pour qui cet ouvrage ne peut manquer de devenir classique, puisqu'il est le seul qui ait su joindre les vues élevées de la théorie au développement juridique des textes.

Ce travail de comparaison fera l'objet de notes dans le cours de la discussion et d'un tableau comparatif du Code de 1810, mis en présence des modifications de la loi française de 1832 et qu'on trouvera à l'appendice.Pour compléter l'ouvrage, l'Éditeur belge a cru devoir joindre au texte français les notes que fournissent la législation et la jurisprudence belge sur la matière. Parmi les plus intéressantes, nous signalerons celles sur le systême des prisons en Belgique, la juridiction et la compétence militaire, les modifications introduites par des lois particulières, et en conséquence des principes consacrés par la Constitution, etc. Ces additions pourront donner quelque prix à notre édition, qui se recommande d'ailleurs par les soins apportés à son exécution.

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