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mentionnés aux art. 86, 87 et 91, auront été exécutés ou simplement tentés par une bande, la peine de mort sera appliquée, sans distinction de grades, à tous les individus faisant partie de la bande et qui auront été saisis sur le lieu de la réunion séditieuse. - Sera puni des mêmes peines, quoique non saisi sur le lieu, quiconque aura dirigé la sédition ou aura exercé dans la bande un emploi ou commandement quelconque. >>

assistance ne sont réputés complices qu'autant 97 et 98 du code pén. L'art. 97 est ainsi conçu : qu'ils ont agi sciemment et volontairement; « Dans le cas où l'un ou plusieurs des crimes sciemment, c'est-à-dire avec la connaissance du but et du caractère des bandes; volontairement, c'est-à-dire sans contrainte. Telle est l'explication que l'art. 99 donne de ces expressions. Et en effet, comme l'existence de la bande ne constitue un crime que lorsqu'elle est organisée pour agir dans un but déterminé, il est évident que la participation ne peut devenir criminelle qu'autant que le complice a connu les circonstances constitutives du crime. En second lieu, si l'individu accusé de complicité n'a fourni des munitions ou des armes qu'en cédant à des menaces, il est visible qu'il n'y aurait plus de participation criminelle. Il ne serait même pas nécessaire que les violences et les menaces eussent été employées; le seul aspect d'une bande armée est un motif suffisant de justification pour les habitants qui auraient fourni des munitions ou des armes.

Il n'est pas sans intérêt de remarquer que, dans son texte primitif, l'art. 96 au lieu de ces termes: envoyé des convois de subsistances, portait seulement envoyé des vivres. La commission du Corps législatif proposa cette modification: « Un père, un fils, une femme, des domestiques qui auraient envoyé à leurs parents ou à leurs maîtres quelques vivres, sans connaître leurs desseins ou démarches, ne sauraient, dans ce cas, être regardés comme ayant fourni des vivres à une masse armée ou insurgée. Cet envoi ne peut être assimilé à une fourniture de subsistances, dans le sens où la loi a voulu l'entendre. » Ces observations, sanctionnées par l'adoption de l'amendement, révèlent parfaitement le sens de la loi : les seuls envois de vivres ne suffiraient pas pour former le lien de la complicité; il faut l'expédition d'un convoi de subsistances: une telle expédition indique seule en effet de la part de son auteur une coopération réelle aux entreprises des bandes; et l'en voi même de quelques vivres à un père, à un frère, avec connaissance de leur crime, ne pourrait suffire pour constituer une coopération coupable.

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Le projet primitif du code portait dans le premier paragraphe de cet article les mots : même sans armes. La commission du corps législatif demanda la suppression de ces expressions : « Une réunion séditieuse, porte son rapport, est souvent composée d'une multitude d'individus des deux sexes, entraînés par erreur, séduction ou délire; souvent elle est accrue par une foule curieuse, sans mauvaises intentions. Pourra-t-on appliquer à des individus non armés, trouvés sur le lieu du tumulte, les mêmes peines qu'aux chefs et provocateurs de la sédition, les mêmes peines qu'à la main parricide qui aura voulu détruire le souverain? Cette mesure n'aurait-elle pas des suites funestes, en jetant dans le désespoir et la misère un grand nombre d'individus et leur famille? Ces considérations font penser à la commission qu'on se déterminera à retrancher de l'article les mots même sans armes, et à mettre ceuxci : « à tous les individus faisant partie de la bande, et qui auront été saisis armés, sur le lieu de la réunion séditieuse, ou qui y auraient paru avec des armes. » Le conseil d'état adopta la suppression des mots méme sans armes, parce qu'elle lui parut donner plus de certitude à la justice; mais il rejeta la rédaction proposée, parce que, porte le procèsverbal de la délibération, « elle est trop indéfiniment exclusive de toute peine à l'égard de ceux qui n'auraient pas été trouvés armés. » Ce qu'il faut induire de cette décision du Conseil d'état, c'est qu'il n'est pas nécessaire que les individus aient été saisis les armes à la main sur le lieu de la réunion séditieuse, pour devenir passibles de l'application de l'art. 97. Mais il faut toujours, suivant les expressions de l'art. 96, qu'ils aient fait partie d'une bande armée, et par conséquent qu'à une époque quelconque ils y aient porté des armes.

A l'égard des individus qui ont seulement fait partie des bandes, mais sans y exercer aucun emploi, la loi fait une distinction qui prend sa base dans le but même que se proposait l'association si ce but est l'un des attentats prévus par les art. 86, 87 et 91, la peine de mort s'applique indistinctement à tous ; si c'est Les circonstances caractéristiques du crime l'un des crimes prévus par l'art. 96, la peine prévu par l'art. 97, à l'égard des individus qui de la déportation leur est seule infligée. n'ont occupé aucun emploi, sont: 1° qu'ils Cette distinction est formulée dans les art. aient fait partie d'une bande organisée et

armée, c'est-à-dire qu'ils aient été membres de l'association: il ne suffirait pas qu'ils s'y fussent trouvés accidentellement; 2° que cette bande ait exécuté ou tenté les crimes mentionnés aux art. 86,87 et 91 : d'où il suit que, dans l'espèce de cet article, ce n'est plus seulement l'acte préparatoire de l'organisation de la bande qui est incriminé, c'est le crime même qu'elle a pour objet de consommer; il faut donc que ce crime ait eu un commencement d'exécution; 3o enfin, qu'ils aient été saisis sur le lieu de la réunion séditieuse. Le concours de ces trois circonstances, qui doivent être expressément spécifiées par le jury, peut seul motiver l'application de la peine de mort.

La troisième de ces conditions exigera quelques explications: nous y reviendrons tout à l'heure. Mais dès à présent on doit remarquer que le 2o § de l'art. 97 qui crée une exception, à l'égard des commandants et directeurs des bandes, à la règle qui exige l'arrestation sur le lieu de la sédition, était complétement inutile, puisque l'art. 96 punissait déjà cette classe d'individus de la peine de mort, à raison du seul fait de leur emploi dans les bandes, et abstraction faite du moment ou du lieu où ils ont été saisis.

L'article 97 ne doit point être séparé de l'article 98, qui est ainsi conçu : « Hors le cas où la réunion séditieuse aurait eu pour objet ou résultat l'un ou plusieurs des crimes énoncés aux art. 86, 87 et 91, les individus faisant partie des bandes dont il est parlé ci-dessus, sans y exercer aucun commandement ni emploi, et qui auront été saisis sur les lieux, seront punis de la déportation. >>

Cet article fait naître plusieurs observations, dont quelques-unes se rattachent à la fois à l'art. 97. Remarquons, d'abord, que l'art. 98 n'exige plus, comme celui qui le précède, que le crime qui est le but de la réunion séditieuse soit exécuté, ou du moins ait reçu un commencement d'exécution. Il suffit, dans les termes de cet article, pour que ceux qui n'ont exercé aucun emploi dans les bandes soient passibles de la déportation, qu'ils aient fait partie de ces bandes, que le but de la réunion ait été un des crimes mentionnés en l'art. 96, et enfin qu'ils aient été saisis sur les lieux. Mais ces trois circonstances doivent être expressément déclarées par le jury,

Il ne peut être douteux que les art. 97 et 98, en portant des peines contre les individus qui ont fait partie des bandes ou réunions séditieuses, sans y exercer de commandement, se réfèrent nécessairement à l'art. 96, en ce qui

concerne le caractère et le but de ces bandes. Cette interprétation, soumise à la Cour de cassation, a été pleinement adoptée par un arrêt du 29 mars 1833, portant: « que l'art. 98, en excluant le cas où la bande aurait eu pour but les crimes mentionnés en l'art. 97, ne soumet à la peine de la déportation que les individus qui ont fait partie des bandes dont il a été parlé ci-dessus; que, par ces expressions, le législateur s'est nécessairement référé à l'art. 96, le seul qui, avant l'art. 98 ( indépendamment de l'art. 97), ait parlé des bandes; qu'il s'ensuit, 1° que la bande, pour réunir le caractère de criminalité défini par l'art. 96, doit être armée; 2° qu'elle doit avoir pour but l'un des faits énoncés audit art. 96; qu'en effet, l'art. 99 ne punit ceux qui, sans contrainte, lui auront fourni des logements et lieux de retraite ou de réunion, qu'autant qu'ils auront connu le but et le caractère de ladite bande; qu'il faut donc que le but et le caractère de ces bandes soient expressément spécifiés dans la déclaration du jury. »

Les crimes prévus par les art. 96 et 98 peuvent même être considérés en général comme une modification des attentats punis par les art. 86, 87 et 91. En effet, un lien intime existe entre ces diverses actions; elles participent de la même nature politique; elles ont un but général qui est le même, le renversement du gouvernement; enfin l'envahissement et le pillage des propriétés publiques ne peuvent être qu'un moyen de préparer ou de faciliter l'attentat. Il suit de là que, dans une accusation d'attentat contre le gouvernement, la question de savoir si l'accusé s'est mis à la tête ou a fait partie d'une bande armée ayant pour but l'un des crimes énoncés en l'art. 96, peut être subsidiairement posée au jury, et que le jury peut lui-même et d'office restreindre sa réponse à ces termes. La Cour de cassation a reconnu ce point, dans l'espèce de l'art. 98, par le motif: « qu'il existe une corrélation nécessaire entre cet article et les art. 87 et 91, et que le crime prévu par l'art. 98, et puni de la peine de la déportation, ne forme pas un crime étranger à ceux (prévus par les art. 87 et 91) qui constituaient l'accusation [2]. »

L'une des trois circonstances caractéristiques des crimes prévus par les art. 97 et 98, est que

[1] Sirey 1833. 1. 410.

[2] Arr. cass. 20 janv. 1832. (Journ, du droit crim. 1832, p. 14).

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les accusés aient été saisis sur le lieu de la réunion séditieuse. Or nous verrons tout à l'heure, en expliquant l'art. 100, que la loi jette un voile d'amnistie sur ceux qui se sont retirés au premier avertissement des autorités civiles ou militaires : aucune peine n'est prononcée contre eux. Faut-il donc induire, de la combinaison de ces différentes dispositions, que les accusés dont il s'agit ne peuvent être déclarés saisis sur les lieux, dans le sens des art. 97 et 98, qu'autant que leur arrestation a été précédée d'une sommation de se disperser qui remplisse le vœu de l'art. 100? M. Carnot n'hésite point à résoudre cette question affirmativement: >> Pour rendre applicable, dit-il, la peine que prononce l'art. 97 à ceux-là même qui ont été saisis sur le lieu, il faut que l'invitation leur ait été faite de se retirer, et qu'il leur ait été accordé le temps moralement indispensable pour y obtempérer [1]. » Cette opinion est évidemment trop absolue, et une distinction nous semble nécessaire. Si les accusés sont saisis sur le lieu de la réunion séditieuse, avant que cette réunion se soit portée à des actes d'exécution des crimes qu'elle a pour but d'accomplir, nous ne mettons pas en doute qu'un avertisse ment préalable ne soit nécessaire, pour que cette arrestation devienne une circonstance constitutive du crime. En effet, l'art. 100 efface toute criminalité, dès qu'à la voix de l'autorité les membres de la réunion se sont dispersés; c'est donc la persistance de ces rebelles à faire partie de la bande, après que cette voix s'est fait entendre, qui seule constitue le crime. La loi a voulu séparer les hommes égarés des hommes qu'anime une volonté coupable; elle a voulu que ceux que différents prétextes auraient pu entraîner ou séduire, pussent reconnaître l'abîme où l'on entraînait leurs pas et se rejeter en arrière. En supprimant un salutaire avertis sement, on créerait des catégories de coupables que le législateur a voulu épargner, parce que leur crime est le crime de leurs chefs, parce que l'exemple n'exige pas qu'une population entière soit frappée.

Mais la position de ces hommes n'est plus la même, si le crime, dont la bande n'est que l'instrument, est en pleine exécution, si des actes de ce crime sont accomplis, s'il est impossible aux membres qui la composent de méconnaître le but où ils sont conduits. Car, qu'ont-ils besoin de l'avertissement de l'autorité, s'ils savent qu'ils commettent un crime et s'ils con

[1] Commentaire du C. P. t. 1, p. 275.

viennent de lui prêter leur concours ? Et comment exiger cette formalité de l'avertissement préalable, si la bande a commencé une attaque à force ouverte, ou qu'elle se rue sur des propriétés pour les piller ou les dévaster? Ne seraitil pas dérisoire de faire, dans ce cas, de l'avertissement une condition constitutive du crime? La loi, d'ailleurs, ne l'a pas voulu ; l'art. 100 ne prononce d'exemption de peines en faveur des rebelles qui se sont dispersés, que pour le seul fait de la sédition; or la sédition, dans ce cas, c'est l'acte d'avoir fait partie d'une bande armée et organisée, ayant un but déterminé par la loi, mais abstraction faite des crimes que cette bande aurait pu commettre.

En appliquant cette distinction aux art. 97 et 98, on arrive à cette double conséquence que, dans l'espèce prévue par le premier de ces articles, l'avertissement est une formalité superflue pour la punition des coupables, puisque cet article exige, pour l'application de la peine, le commencement d'exécution de l'attentat que la bande a eu pour but; mais que, dans l'hypothèse prévue par l'art. 98, cette formalité doit être, au contraire, rigoureusement accomplie, puisqu'un simple acte préparatoire suffit, suivant les termes de cet article, pour motiver son application, et qu'il importe de bien constater du moins la volonté du crime avant de le punir.

Dans la discussion du Conseil d'état, M. Defermon avait émis l'opinion qu'on allait trop loin en appliquant les art. 97 et 98 à ceux qui, bien que saisis sur le lieu de la réunion, n'avaient pas d'armes, et ne s'étaient rendus coupables d'aucun crime particulier. M. Treilhard répondit que ce sont précisément ces hommeslà qui, pour l'ordinaire, forment les attroupements; qu'il n'y en aurait pas s'ils se retiraient ; que dès que la force publique se déploie, tout rassemblement doit se dissoudre, et que cela arrive toutes les fois qu'il n'y a pas complot [2]. Cette observation, qui a été le germe de la loi du 10 avril 1831 sur les attroupements, confirme l'opinion que nous avons émise, que l'application de l'art, 98 doit être précédée des sommations de se retirer prescrites par l'art. 100.

La pénalité de l'art. 98 a donné lieu à une discussion assez vive, lors de la révision du Code pénal. La commission de la Chambre des Députés, jugeant la déportation trop sévère relati

[2] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 12 oct. 1808. Locré, t. 15, p. 155.

vement aux faits prévus par cet article, avait proposé de la remplacer par les travaux forcés à temps. A son avis, le crime commun dominait l'élément politique dans cette espèce; et l'art. 99 prononçant déjà la peine des travaux forcés à l'égard de ceux qui, connaissant le but et le caractère des bandes, leur fournissent des lieux de retraite, il convenait d'étendre cette peine aux auteurs principaux eux-mêmes. Cette proposition fut rejetée par le motif que le crime prévu par l'art. 98 était essentiellement politique, et que la peine des travaux forcés, réservée pour les crimes communs, ne pouvait s'y appliquer. Un amendement proposa alors de remplacer la déportation par la détention à temps; mais cette peine fut jugée trop légère, et, à la majorité de quelques voix, la déportation fut maintenue [1]. I nous paraît, comme à la commission, que la détention perpétuelle est une peine trop grave pour la plupart des crimes prévus par l'art. 98; mais il nous paraît aussi que l'élément politique qui se manifeste dans les crimes avec plus ou moins d'intensité, repoussait invinciblement la peine des travaux forcés. Il eût été possible de tracer une règle de séparation entre les crimes divers qui se trouvent confusément entassés dans cette disposition. La détention à temps était une peine suffisante lorsque la bande, bien qu'armée et organisée, n'a encore exécuté aucun des crimes énumérés dans l'art. 96, ou lorsqu'elle n'a pour but que le pillage ou le partage des propriétés; la peine de la déportation eût été réservée à l'envahissement, dans un but politique, des places, villes, forteresses et arse

naux.

Au reste, les pénalités portées par les art. 97 et 98 sont dominées par la disposition de l'art. 100; disposition politique, qui allie la justice à la prudence, et qui a été dictée par une saine appréciation des intérêts de la société.

«Lorsque quelques-uns de ces crimes, disait M. Berlier dans l'exposé des motifs, seront commis ou tentés par des bandes séditieuses, il faudra infliger les peines avec la juste circonspection que commandent des affaires aussi complexes. Dans cette multitude de coupables, tous ne le sont pas au même degré ; et l'humanité gémirait si la peine capitale était indistinctement appliquée à tous, hors les cas où la sédition serait dirigée contre la personne ou l'autorité du prince, ou aurait pour objet quelques cri

[1] Code pénal progressif, p. 223.

[2] Cet article est reproduit à peu près dans les

mes approchant de cette gravité. Les chefs et directeurs de ces bandes, toujours plus influents et plus coupables, ne sauraient être trop punis; en déportant les autres individus saisis sur les lieux, on satisfera aux besoins de la société sans alarmer l'humanité. L'on pourra même user d'une plus grande indulgence envers ceux qui n'auront été arrêtés que depuis, hors des lieux de la réunion séditieuse, sans résistance et sans armes; la peine de la sédition sera sans inconvénient remise à ceux qui se seront retirés au premier avertissement de l'autorité publique. Ici la politique s'allie à la justice; car s'il convient de punir les séditieux, il n'importe pas moins de dissoudre les séditions. >>

C'est d'après ces idées que fut rédigé l'art. 100, qui est ainsi concu: « Il ne sera prononcé aucune peine pour le fait de la sédition, contre ceux qui, ayant fait partie de ces bandes sans y exercer aucun commandement et sans y remplir aucun emploi ni fonction, se seront retirés au premier avertissement des autorités civiles ou militaires, ou même depuis, lorsqu'ils n'auront été saisis que hors des lieux de la réunion séditieuse, sans opposer de résistance et sans armes. Ils ne seront punis, dans ces cas, que des crimes particuliers qu'ils auront personnellement commis, et néanmoins ils pourront être renvoyés pour cinq ans, ou au plus jusqu'à dix, sous la surveillance spéciale de la haute police [2]. »>

Il faut reprendre successivement les différentes dispositions qui composent cet article, pour en examiner le sens et la portée.

Et d'abord, l'exemption de peine qu'il prononce ne doit pas être considérée comme une amnistie; le fait qui la produit n'a que la puissance et les effets d'une excuse. Le fait n'exclut donc pas l'imputabilité pénale, il l'atténue seulement, et l'efface en partie, il réduit la peine à de moindres termes, à la surveillance de la police. De là deux conséquences importantes : la première, c'est que l'existence du fait qui motive l'exemption, ne s'oppose nullement à la mise en accusation; car ce fait ne peut être, comme toute excuse, constaté que dans les débats judiciaires, et d'ailleurs la mise en surveillance ne peut résulter que d'un jugement. La deuxième conséquence est que ce fait peut être proposé comme excuse, à la Cour d'assises, par l'accusé des crimes prévus par les art. 97 et 98. Toutefois une difficulté pourrait s'élever à cet

mêmes termes par l'art. 213, relatif aux rébellions avec bandes.

égard. L'art. 100 ne pose pas d'excuse légale proprement dite; il établit même des cas différents de ceux qui sont prévus par les art.97 et 98. Mais comme le fait spécial qui fait l'objet de cet article modifie essentiellement les crimes punis par ceux qui le précèdent, et qu'il produit une dispense de la peine, il est évident que l'accusé a un intérêt légitime à demander la position d'une question sur ce fait. Au fond, cette question a les caractères d'une excuse; elle doit donc en produire les effets. La Cour de cassation a consacré cette opinion par deux arrêts successifs [1]. Toutefois le fait prévu par l'art. 100 n'excuse l'accusé que pour le fait de sédition: il reste passible des peines qu'il a pu mériter à raison des crimes particuliers qu'il a personnellement commis. Mais quels sont ces crimes? Doit-on y comprendre ceux de la bande dont il faisait partie? Oui, s'il est constaté qu'il a personnellement trempé dans ces crimes; car ils lui deviennent alors personnels. Mais toute solidarité avec les autres membres de la bande cesse d'exister; ainsi il ne pourrait plus être poursuivi comme complice des crimes commis par la bande, si sa coopération personnelle à ces crimes n'était pas positivement établie.

L'exemption est limitée à ceux qui, ayant fait partie de ces bandes, n'y ont exercé aucun commandement et rempli aucun emploi ni fonction. Ainsi, point d'excuse pour tout individu qui non-seulement aurait commandé les bandes, mais qui y aurait rempli un emploi quelconque; la loi déploie à son égard toute sa sévérité, elle dédaigne son repentir: l'article 96 ne distingue pas même parmi les chefs, et leur applique à tous uniformément la peine de mort. On doit regretter cette confusion, dans la même peine, de moralités si diverses; car en fait de pénalités, plus on subdivise les classes, plus on approche de la justice. On doit regretter surtout que le législateur n'ait pas cru devoir étendre l'atténuation des peines aux chefs mêmes des bandes qui, en se retirant avant tout commencement d'exécution, manifesteraient leur repentir : « Pourquoi, a dit un criminaliste, les forcer à persister dans le crime par la nécessité de défendre leur vie? Pourquoi les forcer à continuer l'emploi de tous leurs moyens de séduction et d'influence, et à en traîner sur leurs pas des complices et des victimes [2]? » Toutefois notre pensée n'est pas

qu'on dût ranger sur la même ligne, faire jouir de la même exemption, et les chefs et les simples membres des bandes. Mais le même principe peut les protéger également, sauf à donner à l'atténuation de la peine des conditions et des degrés différents.

Les conditions de l'exemption que prononce l'article 100 sont au nombre de deux : la première est que les individus qui ont fait partie de la bande se soient retirés au premier avertissement des autorités civiles ou militaires, ou même depuis. Quelle doit être la forme de cet avertissement? Le Code pénal ne l'ayant pas expliqué, on doit penser qu'il s'est référé à cet égard aux art. 26 et 27 de la loi du 3 août 1791, qui exigeaient trois sommations réitérées avant qu'on pût déployer la force des armes contre les attroupements séditieux. Ces articles ont été remplacés par l'art. 1er de la loi du 10 avril 1831, qui prescrit à toutes personnes formant des attroupements sur la voie publique, de se disperser à la première sommation des autorités civiles. Mais ce serait une erreur d'assimiler complétement les individus qui composent les bandes et les attroupements: là il s'agit d'hommes armés et organisés ; ici d'hommes fortuitement réunis et indisciplinés : le péril et la criminalité ne sont pas les mêmes; les conditions de la répression ne peuvent être identiques. Le Code pénal ne doit donc, en ce qui concerne les bandes, emprunter à la loi du 10 avril 1831 que la forme de l'avertissement qu'elle décrit; quant à ces mots même depuis qui font jouir les rebelles du même privilége, lors même que leur retraite est postérieure à l'avertissement, il est clair qu'ils ne doivent s'appliquer qu'à une retraite volontaire. Ainsi, si la bande avait été dispersée par l'emploi de la force, les rebelles saisis dans leur fuite, même hors du lieu de la réunion, ne pourraient invoquer cette

excuse.

La deuxième condition imposée par l'art. 100, est que les rebelles aient été saisis hors des lieux de la réunion séditieuse, sans opposer de résistance et sans armes. On peut se demander quelle est la signification de ces derniers termes : veulent-ils dire que l'individu qui a été saisi hors du lieu de la réunion, mais sans avoir opposé de la résistance et les armes à la main, ne doit pas jouir du bénéfice de cet article? mais alors quelle peine l'atteindra? Les art. 97 et 98 ne s'appliquent qu'aux individus saisis sur les lieux. Ils ne peuvent donc s'étendre

[1] Arr. cass. 2 mai et 5 oct. 1833 (Journ. du à ceux même qui ont opposé de la résistance, droit crim. 1833, p. 308 et 358).

[2] Destriveaux, Essais, p. 23.

dès qu'ils n'ont été saisis que hors de ces lieux. Il suit de là que la seule peine applica

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