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d'un conseil de révision ou du préfet qui aurait reçu des dons de la part des jeunes gens appelés par le tirage, pour les exempter du service militaire [1]. On doit ranger dans la même catégorie l'acte du secrétaire d'une mairie spécialement chargé de la délivrance des passe-ports, qui accepte une rétribution pour accomplir cet acte d'administration [2]. Dans ces différentes hypothèses, en effet, l'acte qui a été l'objet de la proposition corruptrice, de la convention illicite, est un acte de la compétence du fonctionnaire, un acte qu'il avait le droit de faire, un acte de sa fonction ; à la volonté criminelle se réunit donc le fait qui forme la base légale du crime, et l'application de l'article 177 n'est plus l'objet d'aucun doute.

L'officier de police judiciaire qui, moyennant argent, se serait abstenu de dresser procès-verbal d'un délit ou d'une contravention, ne pour rait alléguer comme excuse que la personne lésée, indemnisée par le délinquant, a consenti à ce que la poursuite n'eût pas lieu [3]. Car l'action publique est indépendante de l'action civile; l'officier de police judiciaire n'a point d'impulsion à recevoir de la partie, et son devoir est de constater les faits punissables qu'il découvre, et de transmettre ses rapports au ministère public, sans qu'il ait à juger des réparations civiles faites par les prévenus.

La loi pénale étend son incrimination au fonctionnaire qui tire un lucre illicite d'un acte même juste de ses fonctions. Ainsi se trouvent confondus dans la même disposition l'agent qui reçoit le prix d'un acte juste et légitime, et celui qui commet, à prix d'argent, un acte illégitime et injuste. Dans le droit romain et dans notre ancien droit, c'était surtout à punir l'auteur d'un acte injuste commis par corruption que s'étaient attachées les lois : la corruption supposait la perpétration d'une injustice, corruptio quandò à sponte pecuniam dante judex injustitiam facit [4]. Jousse enseigne également que ce crime se commet toutes les fois qu'un officier, par un motif d'intérêt ou de passion, fait une chose injuste ou empêche une chose juste [5].

A notre avis la loi frappe avec raison le fonctionnaire, lors même qu'il n'a agréé des dons ou des promesses que pour faire des actes

[1] Arr. cass. 26 déc. 1829; S. 1830, 1, 53. [2] Arr. cass. 17 juill. 1828; S. 1828, 1, 369. [3] Arr. cass. 7 mai 1837 (Journ. gén, des tribunaux. 8 mai).

[4] Farinacius, quæst. 111, no 39.

justes; car, en procédant à ces actes, il cède plutôt à la corruption qu'à la voix de son devoir. Tel serait le cas où il agréerait dés présents ou des offres pour accélérer la marche d'une affaire ; car il est mû dans cet acte, non par le sentiment de ses obligations, mais par une coupable cupidité : l'expédition de l'affaire est une chose juste en elle-même; mais, dès qu'elle est le prix d'un don ou d'une promesse, cet acte s'empreint d'une criminalité qui peut être légitimement réprimée [6], Mais une distance sensible sépare de cet agent celui qui consent à commettre au même prix un acte injuste. Le premier n'est coupable que d'une criminelle cupidité, l'autre réunit à cette cupidité la violation de ses devoirs: si l'un tire un luere illicite de ses fonctions il n'en abuse pas, l'autre met à prix son autorité et l'emploie à des actes coupables; celui-ci commet donc un double délit, la peine qui le frappe devrait donc s'élever d'un degré. Telle est aussi la disposition de la loi pénale du Brésil: l'emprisonnement est de trois à neuf mois contre le juge qui a rendu, moyennant argent, une sentence même juste : elle est de six mois à deux ans, lorsque la sentence est injuste (art. 131).

Le Code n'a point distingué si l'acte exécuté par l'effet de la corruption est définitif, ou s'il est sujet à quelque recours. Les lois pénales de Naples n'inculpent que l'officier public à qui la loi a donné la faculté de décider définitivement une affaire soit administrative, soit judiciaire, et seulement à raison des actes qui ont terminé cette affaire (art. 200). Il est probable que le législateur italien a été mù par cette pensée que le danger n'est pas le même dans les deux cas; mais, si la faculté du recours ôte à l'acte une partie de son péril, elle ne dépouille l'agent d'aucune portion de sa criminalité

Si l'acte est juste en lui-même, il est nécessaire qu'il ne soit pas sujet à salaire; car si la loi y avait attaché des émoluments, la perception de ces émoluments serait un acte légitime qui ne pourrait devenir l'élément d'un délit; mais si le fonctionnaire a agréé des dons ou des promesses pour faire un acte sujet à une rétribution fixe, le crime existera-t-il? L'affirmative nous semble certaine. Quel est le but et le

[5] Traité d'inst. cr. t. 3, p. 776.

[6] Boërius, dec. 153, no 2; Menochins, de arb. quæst. lib. 2, casu 242, no 26; Farinacius, quæst. 111, n° 159.

sens de ces mots non sujet à salaire, énoncés dans l'article 177? C'est uniquement de garantir le fonctionnaire qui n'a reçu qu'un salaire légitime et auquel ses fonctions lui donnaient droit, c'est de séparer la rétribution légale, qui est le prix du travail, des dons et des promesses, qui sont le prix de la corruption. Mais si l'acte, quoique salarié, n'a été consommé qu'à l'aide de la corruption, si à côté du salaire le corrupteur placé les sommes qui ont entraîné l'agent, comment la corruption pourrait-elle être effacée encore par ce salaire ? Une rétribution légale ne doit pas être confondue avec des dons corrupteurs, mais elle ne saurait faire obstacle à l'existence d'un crime de corruption. Lorsque le fonctionnaire, après avoir agréé les dons ou promesses, n'a pas exécuté l'acte qu'il s'était engagé d'accomplir, est-il passible d'une peine? Dans le droit romain cette question ne faisait naître aucun doute: « Si igitur accepit ut negotium faceret, sive fecit sive non fecit, tenetur qui accepit ut ne faceret, et si fecit tenetur[1]. » Mais, d'après les doc teurs, la peine n'était pas la même dans les deux cas: «Non sequuto effectu, dit Farinacius, non punitur paciscens eodem modo et eadem pœná ac si effectus sit sequutus [2] On distinguait deux délits : l'un résultant de la convention passée entre l'agent et le corrupteur et qui subsistait par le pacte même, abstraction faite de ses effets; l'autre qui prenait sa source dans l'exécution de ce pacte. Or, l'agent qui ne se rendait coupable que du premier de ces délits était puni avec moins de sévérité que celui qui les commettait tous les deux. Dans notre droit cette distinction n'est point admise; mais l'exécution de l'acte modifie nécessairement dans plusieurs cas la criminalité du fonction naire. S'il s'est abstenu de l'accomplir par un libre mouvement de sa volonté, s'il a restitué les dons reçus ou répudié les offres, il n'existe ni crime ni délit : la convention, presque aussitôt rompue que formée, et qu'aucun acte d'exécution n'a suivie, ne peut plus être considérée comme un simple projet qu'aucune peine ne saurait atteindre. Si le fonctionnaire, au contraire, a persisté dans le pacte, et n'a été empêché d'accomplir l'acte qui en était l'objet que par un événement indépendant de sa volonté, le fait présente tous les caractères d'une tentative légale que le Code assimile au crime consommé : la peine serait donc celle du crime

[1] L. 3, § 1, Dig. de calumniat. [2] Quæst. 111, no 179.

même. Enfin, si le fontionnaire a reçu des dons et agréé des promesses, mais sans avoir la volonté ou le pouvoir d'exécuter l'acte, ce n'est point un fait, une corruption qu'il commet, puisqu'il n'est point infidèle à sa fonction, mais il se rend coupable d'un délit d'escroquerie ou d'abus de confiance.

Nous avons expliqué les trois éléments du crime de corruption : il est nécessaire que ces trois circonstances soient formellement consacrées par la déclaration du jury; car la peine n'aurait aucune base s'il n'était pas établi que l'agent était fonctionnaire public ou préposé d'une administration publique, que cet agent a reçu des dons ou agréé des promesses, enfin que le but de ces dons et de ces promesses a été de faire ou de s'abstenir de faire un acte de ses fonctions [3].

L'article 177 porte une double peine la dégradation civique et l'amende. Le Code de 1810, en vigueur en Belgique avait édicté une peine inflexible, égale pour tous, et dès lors pleine d'inégalités : le carcan qui flétrissait à jamais de la même infamie l'acte le plus léger et le plus odieux de la corruption. La dégradation civique n'a pas les mêmes inconvénients, ou du moins elle ne les a pas au même degré; le juge conserve d'ailleurs la faculté de prononcer accessoirement un emprisonnement qui peut s'élever jusqu'à cinq années. L'amende est une seconde peine accessoire: elle peut s'élever au double des sommes agréées ou reçues, elle ne peut être inférieure à 200 fr. Cette peine a pris évidemment sa source dans la loi romaine qui prononçait une amende tantôt triple tantôt quadruple des sommes reçues elle s'applique rationnellement à un crime qui a son principe dans la cupidité. Mais comment se calculera cette amende, lorsque la chose promise, telle qu'une place, une distinction honorifique, n'aura pas une valeur appréciable? Le juge devra dans ce cas s'abstenir d'une estimation arbitraire, et se borner à prononcer le minimum de la peine pécuniaire.

Le crime de corruption est commis avec des circonstances aggravantes, 1° quand il a pour objet un fait criminel emportant une peine plus forte que celle de la dégradation civique; 2° quand il a pour objet un jugement rendu en matière criminelle.

L'art. 178, qui prévoit la première de ces hypothèses, est ainsi conçu : « Dans le cas où la

[3] Arr. cass. 2 janv. 1818; Dalloz, t. 16, p. 328; S. 1818, 1, 161.

corruption aurait pour objet un fait criminel cmportant une peine plus forte que celle de la dégradation civique, cette peine plus forte sera appliquée aux coupables. >>

Cet article semble, au premier abord, faire un double emploi avec les art. 182 et 183. Mais ces derniers articles ne s'appliquent qu'à des cas particuliers; l'art. 178 comprend tous les actes criminels qui peuvent être l'objet de la corruption. Les art. 182 et 183 ne s'appliquent qu'aux juges et aux jurés ; l'art. 178 s'étend à tous les fonctionnaires. Néanmoins la commission du Corps législatif avait proposé de rectifier cette anomalie; mais il fut répondu par le Conseil d'état : : « que l'art. 178 pose la règle générale, celle qui doit être appliquée à tous les fonctionnaires; que, s'il se trouve dans les articles relatifs aux juges quelque disposition qui ait trait à cette règle, elle est utile pour lier les diverses parties du système, et ne peut nuire sous aucun autre rapport. »

ment indiquées ou l'agent s'est désisté avant toute entreprise, et il n'est passible d'aucune peine; ou il n'a été arrêté que par un obstacle indépendant de sa volonté, et il sera puni comme s'il eût accompli le crime objet de la corruption; ou enfin son adhésion n'a été qu'un leurre pour spolier le corrupteur; ce n'est plus d'un fait de corruption, c'est d'un autre délit qu'il doit être accusé.

La deuxième circonstance aggravante du crime de corruption est également puisée dans l'objet auquel la corruption s'applique; l'article 181 est ainsi conçu: « Si c'est un juge prononçant en matière criminelle, ou un juré qui s'est laissé corrompre, soit en faveur, soit au préjudice de l'accusé, il sera puni de la reclusion, outre l'amende prononcée par l'article 177

Il est à remarquer, en premier lieu, que cet article, en désignant les juges et les jurés, exclut nécessairement de ses dispositions les autres officiers de justice. Ainsi le membre du ministère public qui se serait laissé corrompre, pour faire un acte de ses fonctions en matière criminelle, ne serait passible que des dispositions de l'art. 177 : la raison en est que ce ma

qu'ainsi la corruption exercée à son égard n'a pas d'aussi funestes effets.

Cependant cette disposition, sous un autre point de vue, pouvait paraître utile; on ne voit pas, en effet, comment la peine encourue par le fonctionnaire pour s'être laissé corrompre aurait pu le préserver d'une peine plus grave, si le fait qu'il a commis par l'effet de la corrup-gistrat requiert, mais ne prononce pas, et tion mérite cette peine; un crime ne peut servir de voile à un autre crime: loin de puiser une atténuation dans le premier fait, c'est une aggravation que le deuxième devrait y trouver. Ainsi, supposons que la corruption ait eu pour but la perpétration d'un faux, et que le fonc tionnaire s'en soit rendu coupable; dans le système de la loi, système indépendant de l'article 178, il ne sera point puni pour crime de corruption, mais seulement pour crime de faux: le premier crime s'absorbera dans le deuxième. Or, il nous paraît que si la loi s'occupait de cette thèse, ce devrait être pour y puiser l'élément d'une aggravation de peine, puisque l'agent qui, cédant à la corruption, commet un faux dans ses fonctions, se rend coupable d'un double crime qui justifierait un châtiment plus grave.

Mais la loi a supposé que le crime que la corruption aurait eu pour objet aurait été exécuté. «Si le fonctionnaire public qui retire de ses fonctions un lucre illicite, a dit M. Berlier dans l'exposé des motifs, devient criminel par ce seul fait, ce crime peut s'aggraver beaucoup quand il est commis pour arriver à un autre et que celui-ci a été suivi d'exécution. » Cependant, si le second crime n'a pas été exécuté, quelle sera la peine de la corruption? Il faut suivre les distinctions qui ont été précédem

Ensuite la disposition de l'art. 181 ne s'étend point aux matières correctionnelles et de police; il ne punit, en effet, que la corruption du juge qui prononce en matière criminelle; et si cette expression, employée quelquefois dans un sens générique, laissait quelques doutes, ils seraient levés par le mot accusé dont l'article se sert plus loin, et qui, dans la langue légale, ne s'applique qu'aux individus sur lesquels plane une accusation de faits qualifiés crimes par la loi.

Un commentateur a même tiré de cette expression la conséquence que l'article était inapplicable à toutes les décisions du juge antérieures à la mise en accusation [1]. Mais l'article parle, en général, du juge prononçant en matière criminelle, et ces termes semblent repousser cette interprétation restrictive. Ainsi le juge d'instruction qui, mù par la corruption, aurait décerné un mandat de dépôt, ou refusé de décerner un pareil mandat contre un individu inculpé d'un crime, serait, suivant nous, passible des peines de l'art. 181. Ces actes étaient assimilés au jugement par la loi romaine :

[1] Carnot, sur l'art. 181, not. vi.

«Lex Julia de repetundis præcepit ne ob hominem in vincula publica conjiciendum exve vinculis dimittendum, neve quis ob hominem condemnandum,absolvendumve, aliquid acceperit [1]. » Les autres actes judiciaires accomplis sous l'empire de la corruption rentrent dans les termes de l'art. 177.

L'art. 181 protège à la fois la société et l'accusé contre les effets de la corruption: le crime est le même, soit que le juge ou le juré se soit laissé corrompre en faveur ou au préjudice de l'accusé. Mais la peine s'aggrave, aux termes de l'art. 182, si, par l'effet de la corruption, il y a eu condamnation à une peine supérieure à celle de la reclusion: « Jamais, porte l'exposé des motifs, il ne sera, pour corruption pratiquée et commise dans les jugements criminels, appliqué une peine moindre que la reclusion; mais si la corruption a eu pour résultat de faire condamner un innocent à une peine plus forte, cette peine, quelle qu'elle puisse être, deviendra le juste châtiment du fonctionnaire corrompu. La loi du talion ne fut jamais plus équitable ni plus exempte d'inconvénients. >>

L'art. 182 porte en effet : « Si; par l'effet de la corruption, il y a eu condamnation à une peine supérieure à celle de la reclusion, cette peine, quelle qu'elle soit, sera appliquée au juge ou juré coupable de corruption. »

Le projet du Code pénal portait simplement « Si, par l'effet de la corruption, il y a eu condamnation à mort, le juge ou le juré coupable sera puni de mort. » M. Defermon fit remarquer au sein du Conseil d'état que les art. 181 et 182 ne graduaient pas suffisamment la peine, qu'ils n'admettaient, en effet, que la reclusion ou la mort, de manière qu'un juré qui, par corruption, aurait envoyé un innocent aux fers, ne subirait que la reclusion. M. Berlier reconnut qu'il y avait une lacune et pensa que la peine du talion devenait dans l'espèce d'une évidente justice: «Si cette base est admise, ajouta-t-il, la rédaction sera simple et facile, et tous les degrés de culpabilité seront atteints en frappant d'abord de la reclusion, comme de la moindre peine, tout juge ou juré qui se sera laissé corrompre, et en établissant ensuite que si la corruption a fait condamner à une peine supérieure les personnes contre lesquelles elle était dirigée, la même peine, quelle qu'elle soit, sera infligée

[1] L. 7, Dig. ad leg. Juliam repetund.

au juge ou juré corrompu. » Les articles furent admis avec ces amendements [2].

Cette disposition a été puisée dans l'ancien droit; la loi romaine portait en termes formels: Quid enim si ob hominem necandum pecuniam acceperint? vet licèt non acceperint, calore tamen inducti interfecerint vel innocentem, vel quem punire non debuerant? Capite plecti debent vel certè in insulam deportari, ut plerique puniti sunt [3]. Le juge était, dans ce cas, considéré comme coupable de meurtre; mais, par une exemption que la gravité de la peine de mort justifie, il fallait, pour que cette peine pût être appliquée au juge, que la condamnation eût été exécutée. Quandò ex judicis corruptione et condemnatione sequatur mors condemnati... morte sequutâ judex morte punitur [4]. Jousse adopte la même règle en l'appliquant au droit français [5], et depuis elle s'est reproduite dans les législations modernes. L'art. 389 du Code de Prusse porte : « Si la peine infligée à un innocent a occasionné la mort, le juge est un homicide ou un assassin. » Le Code du Brésil, après avoir posé en principe quele juge subira la même peine que celle qui aura été infligée au condamné, ajoute: «Si la peine de mort n'a pas été exécutée, le coupable subira la prison perpétuelle (article 131). »

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Notre Code n'a point suivi cette distinction: la peine est appliquée au fait même de cette condamnation prononcée par l'effet de la corruption, abstraction faite de son exécution et de ses suites. En thèse générale, cette règle absolue est conforme à la raison en prononçant la condamnation, le juge a consommé le crime autant qu'il était en lui; l'inexécution est un événement qui lui est étranger, qui ne modifie nullement sa criminalité, qui n'apporte aucune excuse à son action. Toutefois, lorsque la peine prononcée est celle de mort, et que, soit par annulation de l'arrêt ou tout autre motif, elle n'a point été exécutée, nous serions enclins à adopter la restriction de la loi brésilienne et à penser qu'une peine perpétuelle serait un châtiment suffisant : dans ce cas, en effet, la conscience publique ne semble pas réclamer une aussi terrible expiation, et si la peine de mort est une nécessité sociale, ce ne

[4] Farinacius, quæst. 111, no 16, 25, et 379,[3] Traité des matières crim. t. 3, p. 779.

[2] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du Julius Clarus, § homicidium, no 15. 8 août 1809.

[3] L. 7, 3, Dig. ad leg. Jul. repetundarum.

CHAUVEAU. T. 11.

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peut être que dans le cas où le sang de l'homme a été répandu.

car

la qualité exprimée en l'article 177, pour obtenir, soit une opinion favorable, soit des procèsAu surplus, l'art. 182 ne peut avoir, au moins verbaux, états, certificats ou estimations conen ce qui concerne les juges, que de rares ap- traires à la vérité, soit des places, emplois. adplications. En effet, les Cours spéciales sont judications, entreprises ou autres bénéfices abolies, et les peines supérieures à la reclu- quelconques, soit enfin tout autre acte du mision ne peuvent être prononcées que par les nistère du fonctionnaire, agent ou préposé, Cours d'assises, dans lesquelles les juges se sera puni des mêmes peines que le fonctionnaire, trouvent liés par la déclaration du jury. On ne agent ou préposé corrompu; toutefois, si les peut supposer que le juge viole ouvertement les tentatives de contrainte ou corruption n'ont eu dispositions de la loi, qu'il prononce une peine aucun effet, les auteurs de ces tentatives sequi ne soit pas justifiée par les textes, qu'il re- ront simplement punis d'un emprisonnement de jette une excuse légitime, qu'il n'accorde au- trois mois au moins et six mois au plus, et d'une cun effet aux circonstances atténuantes décla- amende de 100 à 300 francs. » rées; car l'effet de cette flagrante violation serait d'entraîner immédiatement la nullité de l'arrêt. Le juge ne peut donc prononcer de peines que dans le cercle de son pouvoir, c'est à-dire dans les limites du minimum au maximum; son crime consistera donc uniquement à avoir aggravé ou atténué d'un degré la peine applicable au-delà de ce qu'il devait prononcer. Or, réduite à ces termes, on conçoit combien, dans la plupart des cas, une telle accusation serait difficile à prouver; car, lorsque le juge n'a fait qu'user d'une faculté légale, comment établir qu'il a obéi à l'influence de l'or corrupteur, que l'aggravation ou l'atténuation de peine a été l'effet non de la conviction, mais de la corruption? Toutefois, ces observations n'ont rien d'absolu; elles tendent à démontrer que ces dispositions pénales resteront presque toujours inappliquées. Mais leur présence dans la loi n'est point inutile: les circonstances et les faits sont variables, et il suffirait qu'une espèce vint à surgir pour justifier la sollicitude du législateur. Ces observations ne s'appliquent point, du reste, aux jurés : ils sont les juges véritables et les arbitres souverains du sort de l'accusé; ils peuvent, suivant leur volonté, le déclarer innocent ou coupable, écarter ou faire peser sur sa tête des circonstances aggravantes, modifier ou scinder l'accusation. C'est donc à eux surtout que s'appliqueront les articles 181 et 182.

Nous n'avons jusqu'ici parlé que de l'agent principal du crime, du fonctionnaire qui se laisse corrompre et livre un acte de ses fonctions: nous examinerons maintenant l'acte du corrupteur, les diverses nuances de criminalité qu'il reçoit, les divers châtiments qu'il peut encourir.

L'article 179 est ainsi conçu: « Quiconque aura contraint ou tenté de contraindre par voies de fait ou menaces, corrompu ou tenté de corrompre par promesses, offres ou dons ou présents, un fonctionnaire, agent ou préposé de

L'acte du corrupteur constitue soit un crime, soit un simple délit, suivant qu'il a été ou non suivi d'effet. Dans le premier cas, le corrupteur et le fonctionnaire que la corruption a trouvé accessible doivent-ils être considérés comme complices l'un de l'autre? Cette complicité existe en fait; car les deux actes ont le même but, les deux agents ont formé un pacte et se sont en quelque sorte associés pour l'exécution du même fait, l'un a provoqué le crime, l'autre l'a exécuté; l'un a été la cause, l'autre l'instrument de cette exécution. De là les mêmes peines qui les frappent l'un et l'autre. Cependant la loi n'a point admis en principe cette complicité : elle a vu dans le concours des deux agents deux actes distincts, qu'elle a soumis à des conditions différentes; les mêmes règles ne régissent pas l'acte du corrupteur et l'acte du fonctionnaire corrompu; il ne suffit pas que ce dernier ait commis le crime avec les circonstances prévues par l'article 177, pour que l'autre soit réputé complice et déclaré punissable. Chaque incrimination a ses éléments propres d'existence, ses conditions séparées, et de l'une et de l'autre il n'est permis de tirer aucune induction. Nous allons établir cette règle par quelques exemples.

L'article 177 déclare coupable du crime de corruption, non-seulement le fonctionnaire qui se laisse corrompre pour faire un acte de ses fonctions, mais encore celui qui cède à la même influence pour s'abstenir d'un acte qui entrait dans ses devoirs. Or, si le corrupteur était aux yeux de la loi, complice du fonctionnaire, il devrait être poursuivi, soit que ses dons ou promesses aient pour objet la perpétration d'un acte, soit son omission. Mais il n'en est pas ainsi, parce que l'article 179 ne punit le corrupteur que lorsqu'il a eu pour but d'obtenir un acte du ministère du fonctionnaire, parce que cet article fixe les caractères spéciaux du délit qui lui est imputé, et que dès lors les règles

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