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S VI.

incessants l'état civil des citoyens. L'art 5 du titre 2 de la loi du 20-25 septembre 1792 portait :

De quelques délits relatifs à la tenue des «Il est expressément défendu d'écrire et de si

actes de l'état civil.

Nous avançons dans l'examen des crimes et délits des fonctionnaires publics les principaux ont été retracés, mais il en reste encore deux espèces; l'une fait l'objet de ce paragraphe, et comprend quelques-unes des infractions des officiers de l'état civil dans leurs fonctions. Il importe, pour la garantie de l'état civil des citoyens, que les actes ne soient pas inscrits sur des feuilles volantes, que nul mariage ne soit célébré sans être précédé des consentements nécessaires à sa validité, qu'une femme veuve ne convole pas à de nouvelles noces avant l'expiration des délais marqués par la loi : ces trois points avaient déjà fait l'objet des prohibitions de la loi civile; mais il était nécessaire que la loi pénale lui prêtât l'appui de sa sanction tel est l'objet des art. 192, 193 et 194.

Une règle commune à ces trois articles est qu'il ne s'agit point, dans leur triple disposition, d'incriminer et de punir un délit moral: ce que le législateur a prévu, ce qu'il a voulu punir, c'est la négligence, c'est l'omission, parce que cette omission et cette négligence peuvent avoir en cette matière de graves conséquences. Cette règle, qui résulte clairement du texte même des articles et des conditions de l'incrimination, se trouve d'ailleurs établie par la relation de ces articles avec les articles 199 et 200 qui qualifient simples contraventions des faits de la même nature, par la minimité des peines, enfin par la réserve formulée par l'article 195 pour les cas de fraude. Enfin l'exposé des motifs la traçait avec précision « Les peines seront plus fortes, disait l'orateur du gouvernement, si le fonctionnaire a colludé avec les parties jusqu'ici il ne s'agissait que de négligence, d'un défaut de précaution; mais, dès qu'il y a connivence, il y a crime. » Ainsi, en précisant les éléments des trois incriminations, la loi n'a point voulu prévoir la fraude, elle ne l'a point exigée comme condition du délit; elle ne s'est point attachée à la volonté de l'agent, mais à son infraction matérielle : ce n'est en un mot qu'une simple contravention qu'elle a prévue.

:

Cette règle posée, les textes des articles s'expliquent facilement. L'art. 192 a pour but de prévenir l'inscription des actes sur des feuilles volantes. On conçoit, en effet, que ce mode d'inscription, en multipliant les chances de perle ou d'altération des actes, exposerait à des périls

:

gner, en aucun cas, les actes sur feuilles volantes, à peine de cent livres d'amende, de destitution et de privation pendant dix ans de la qualité et des droits de citoyen actif. » L'art. 52 du Code civil n'a fait que reprendre cette prohibition: « Toutes inscriptions de ces actes faites sur une feuille volante et autrement que sur les registres à ce destinés, donneront lieu aux dommages-intérêts des parties, sans préjudice des peines portées au Code pénal. » L'art. 192 de notre Code apporte à cette disposition sa sanction pénale: « Les officiers de l'état civil qui auront inscrit leurs actes sur de sim-ples feuilles volantes seront punis d'un emprisonnement d'un mois au moins et de trois mois au plus, et d'une amende de 16 francs à 200 francs.»

C'est donc l'inscription des actes sur des feuilles volantes, l'infraction à la prohibition, abstraction faite de toute intention fraudulense, que la loi incrimine et punit. Mais il est un deuxième élément de la contravention; cet élément consiste dans la qualité du contrevenant : la loi n'inculpe que les seuls officiers de l'état civil. Il faut entendre par cette expression les officiers constitués par la loi pour constater l'état civil des citoyens. Aux termes de l'article 12 de la loi du 19 vendémiaire an IV ce sont les officiers municipaux, c'est-à-dire le maire et ses adjoints, qui sont chargés de remplir ces fonctions: la loi veut que l'un de ces officiers soit spécialement délégué à cet effet, et celui-là doit être seul réputé officier de l'état civil. De là il suit que les employés de la mairie qui auraient commis la négligence ou l'infraction ne seraient point atteints par la responsabilité légale : ces employés ne sont que des instruments que l'officier municipal doit surveiller et dont il répond; les peines des art. 192, 193 et 194 ne peuvent atteindre que celui-ci.

Cette décision est d'ailleurs confirmée par un avis du Conseil d'état du 2 juillet 1807, qui décide que les employés des mairies ne peuvent rendré authentique aucun acte, aucune expédition ni aucun extrait des actes des autorités; que les extraits des actes de l'état civil ne peuvent être délivrés que par le fonctionnaire public dépositaire des registres, et que dans ces actes où le maire est seul responsable, sa signature scule est nécessaire [1].

[1] Rapp. dans la Pasinomie, 1re série.

Les officiers de l'état civil ne sont point agents du gouvernement, et dès lors ils ne peuvent réclamer le bénéfice de l'art 75 de la loi du 22 frimaire an. VIII[1]. Telle est la décision d'un autre avis du Conseil d'état du 4 pluviôse an IV [2]. Cet avis est ainsi conçu : « La marche à suivre dans les poursuites à exercer contre les officiers de l'état civil est tracée dans les motifs du Code civil développés au Corps législatif : le commissaire, est-il dit, dresse procès-verbal sommaire; il dénonce les délits et requiert la condamnation aux amendes. Ainsi l'autorisation de l'autorité supérieure n'est point exigée, et ce principe est d'autant plus nécessaire à maintenir, que c'est accroître le droit de surveillance que les commissaires du gouvernement ont sur la conduite des officiers de l'état civil: ceux-ci doivent donc, en cas de contravention, être traduits directement devant les tribunaux et sur la simple réquisition du commissaire. » Des réclamations s'élevèrent contre cette décision: on objectait le silence du Code civil sur la formalité préalable et l'autorisation; mais un deuxième avis, à la date du 28 juin 1806, vint confirmer le premier: « Le silence de la loi, porte cet avis, indique assez qu'elle n'a point vu des agents du gouvernement dans les officiers de l'état civil. Vainement objecte-t-on que les officiers de l'état civil sont en même temps officiers municipaux : cette délégation ne prouve rien, puisqu'elle eût pu être faite à d'autres personnes, et n'efface pas la différence palpable qui existe entre les fonctions d'un administrateur appelé souvent à délibérer, et celles d'un officier de l'état civil, simple rédacteur de formules [3]. »

La deuxième incrimination a pour but de garantir l'une des formes essentielles du mariage. L'art. 193 est ainsi conçu : « Lorsque, pour la validité d'un mariage, la loi prescrit le consentement des père, mère, ou autres personnes, et que l'officier de l'état civil ne se sera point assuré de l'existence de ce consentement, il sera

puni d'une amende de seize francs à trois cents francs et d'un emprisonnement de six mois au moins et d'un an au plus. » Il est nécessaire, pour en fixer le sens, de rapprocher cet article des articles 156 et 157 du Code civil [4]. La première de ces dispositions prévoit une infraction analogue, mais différente: le défaut d'énonciation, dans l'acte de mariage, des consentements nécessaires à sa validité. Ainsi, dans l'espèce de cette disposition, les consentements peuvent exister; c'est la seule omission de leur mention qui est punie. L'article 193 exige de plus que l'officier de l'état civil se soit assuré de l'existence des consentements: c'est une vérification que la loia mise à sa charge, et dont elle punit l'omission. Ces deux dispositions peuvent être appliquées simultanément, puisqu'elles prévoient des faits distincts.

Il est assez difficile de définir l'obligation de l'officier de l'état civil, de s'assurer de l'exis · tence du consentement. S'agit-il du fait du consentement seulement, ou des actes qui doivent l'attester ? Cette responsabilité s'étend-elle jusqu'à la régularité même de ces actes? Nous pensons qu'en chargeant l'officier de l'état civil de s'assurer de l'existence du consentement, la loi a entendu parler non-seulement du fait du consentement des parties présentes, mais encore des actes destinés à le constater quand ils sont absents; car, dans ce dernier cas, ces actes sont le seul mode de faire connaître ce consentement. Mais nous ne croyons pas que la seule irrégularité des actes puisse engager la responsabilité de l'officier. Sans doute, ce fonctionnaire a le devoir de vérifier si les actes produits sont réguliers; mais cette régularité fait naître souvent des questions douteuses, et une opinion même erronée ne saurait constituer une infraction.

Du rapprochement de l'art 193 avec les dispositions du Code civil il résulte que cet article n'est applicable que lorsqu'il s'agit des maria

[1] Nous avons déjà fait la remarque que ce béné- mariage, seront, à la diligence des parties inté

fice exorbitant n'existe plus en Belgique.

[2] Rapp. dans la Pasinomie, 1re série. [3] Rapp. dans la Pasinomie, 1re série.

[4] Art. 156. « Les officiers de l'état civil qui auraient procédé à la célébration des mariages contractés par des fils n'ayant pas atteint l'âge de vingt-cinq ans accomplis, ou par des filles n'ayant pas atteint l'âge de vingt un ans accomplis, sans que le consentement des pères et mères, celui des aïeuls et aïeules, et celui de la famille, dans le cas où ils sont requis, soient énoncés dans l'acte de

ressées et du procureur du roi près le tribunal de première instance du lieu où le mariage aura été célébré, condamnés à l'amende portée par l'article 192. et, en outre, à un emprisonnement dont la durée ne pourra pas être moindre de six mois. »

Art. 157. « Lorsqu'il n'y aura pas eu d'actes respectueux, dans les cas où ils sont prescrits, l'officier de l'état civil qui aurait célébré le mariage sera condamné à la même amende, et à un emprisonnement qui ne pourra être moindre d'un mois. >>

ges contractés par des filles ou des fils mineurs de 21 ou de 25 ans accomplis. En effet, la loi pénale n'inculpe l'officier de l'état civil que lorsque le consentement est nécessaire pour la validité d'un mariage; et c'est aussi le seul cas où son omission peut avoir des suites dangereuses. Or aux termes de la loi civile, ce consentement n'est essentiel que lorsque les enfants sont mineurs de 21 ou de 25 ans : c'est aussi dans cette limite qu'est restreinte la disposition de l'art. 156 du Code civil. Cet âge passé, le consentement peut être remplacé par les actes respectueux; et la célébration du mariage, sans que ces actes aient été produits dans les cas où ils sont prescrits, est prévue et punie par l'art. 157 du même Code.

L'art. 194 a pour objet la troisième infraction; cet article porte: «L'officier de l'état ci

donc aux peines qui punissent ces crimes qu'il faut se reporter. Enfin, la loi maintient les dispositions pénales portées par le Code civil contre les officiers de l'état civil; mais nous avons déjà vu que ces différentes dispositions se conciliaient parfaitement entre elles. Nous ajouterons que cette réserve ne s'applique pas seulement au titre 5 du Code civil, mais qu'il faut l'étendre également au titre 2 et notamment aux art. 52 et suiv., qui énoncent quelques cas de contravention des officiers de l'état civil et établissent des peines; car ces dispositions n'ont point été abrogées, et il est même nécessaire de les lier aux articles 192, 193 et 194 du Code pénal, pour former le système complet de la législation sur cette matière.

S VII.

lement anticipé ou prolongé.

Le Code pénal a disséminé sous des titres différents des dispositions qu'il eût été sans doute plus rationnel de réunir, puisque leur objet était identique. Déjà nous avons eu lieu d'examiner des cas d'usurpation de fonctions [1]; le Code nous en offre dans ce paragraphe deux nouveaux exemples, et nous retrouverons ce même délit plus loin encore. Les art. 196 et 197 prévoient la double infraction des fonctionnaires qui ont commencé d'exercer leurs fonctions avant d'avoir prêté serment, ou qui s'y sont maintenus après avoir été révoqués ou remplacés.

vil sera aussi puni de 16 à 300 francs d'amende, De l'exercice de l'autorité publique illégalorsqu'il aura reçu, avant le temps prescrit par l'art. 228 du Code civil, l'acte de mariage d'une femme ayant déjà été mariée. » L'art. 228 du Code civil est ainsi conçu : « La femme ne peut contracter un nouveau mariage qu'après dix mois révolus depuis la dissolution du mariage précédent. » On voit que cette contravention, de même que les deux autres, est purement matérielle: il ne s'agit que d'une négligence, d'un défaut de vérification dont les éléments sont clairement expliqués par l'article même. Il reste à rappeler trois dispositions générales qui résultent déjà de nos observations et qui sont établies par l'art. 195. Cet article est ainsi conçu: « Les peines portées aux articles précédents contre les officiers de l'état civil leur seront appliquées, lors même que la nullité de leurs actes n'aurait pas été demandée ou aurait été couverte le tout sans préjudice des peines plus fortes prononcées en cas de collusion, et sans préjudice aussi des autres dispositions pénales du titre 5 du livre 1er du Code civil. »

Il résulte de la première de ces dispositions que la nullité des actes que l'officier de l'état civil a reçus sans avoir observé les formalités prescrites ne couvre pas la contravention qu'il a commise, et cela est évident, car le délit est indépendant de la validité de l'acte en lui-même. La deuxième disposition a pour objet de réserver des peines aux cas de collusion: il y a colJusion lorsqu'il y a fraude, lorsque l'officier commet sciemment l'infraction pour favoriser un tiers. L'infraction dépouille alors son carac tère de contravention matérielle; elle se change en délit moral, elle devient soit un crime de faux, soit un crime de corruption, suivant les circonstances dont elle s'est environnée : c'est

L'art. 196 prévoit la première de ces infractions: «Tout fonctionnaire public qui sera entré en exercice de ses fonctions sans avoir prêté le serment pourra être poursuivi, et sera puni d'une amende de 16 à 150 francs. » L'exposé des motifs explique cet article en ces termes : « Le fonctionnaire, en acceptant une fonction qui lui est confiée par l'autorité souveraine, doit lui donner une garantie de sa fidélité; il devient suspect lorsqu'il la diffère, et s'il exerce ses fonctions sans avoir prêté serment, il commet une action punissable. »

Quoique cette infraction n'ait en elle-même que les caractères d'une simple contravention, le législateur a soumis sa répression aux règles relatives aux délits. En effet, le fait matériel d'entrer en fonctions sans prestation de serment ne suffit pas pour motiver l'application de l'article, il faut qu'il y ait négligence, faute

[1] Voyez suprà p. 5.

imputable à l'agent. Ce point fut formellement reconnu dans les discussions du Conseil d'état. Un membre fit remarquer que le fonctionnaire nouvellement nommé pourrait se trouver dans des circonstances où il serait obligé de différer son serment, et que la peine ne devait être appliquée qu'à celui qui aurait négligé de faire les diligences nécessaires pour prêter serment. Cette opinion fut adoptée, et il fut établi en conséquence que les poursuites seraient seule ment facultatives, et ne seraient exercées qu'autant que l'omission ne trouverait aucune excuse dans les circonstances [1]. Cette règle se trouve formulée dans ces mots de l'article pourra être poursuivi Ce n'est donc point là une fa culté dont l'exercice puisse être abandonné au hasard et à l'arbitraire; c'est l'admission d'une excuse que l'agent peut tirer de la nécessité qui lui a été imposée par les circonstances de pourvoir au service avant de prêter serment, et de l'absence de toute intention criminelle, c'est-àdire de toute négligence, de toute faute de sa part. L'existence du délit se trouve donc subordonnée à cette double condition l'entrée en exercice sans serment; l'omission volontaire de cette formalité; le ministère public ne peut poursuivre que lorsque ces deux éléments se réunissent dans le même fait,

Le serment que les fonctionnaires doivent prêter est celui que les lois prescrivent. Ce serment est de deux espèces : le serment politique, auquel sont soumis tous les fonctionnaires indistinctement, et le serment spécial ou sup plétif, qui est inhérent à certaines fonctions. Le serment politique a subi différentes phases et différentes formules [2] : la loi du 31 août 1830, qui a eu pour objet d'abolir les actes antérieurs et de tracer pour un régime nouveau un nouvel acte de foi politique, a fixé la formule de ce serment [3]. Cette loi a ajouté qu'il ne pourrait être exigé des fonctionnaires aucun autre serment, si ce n'est en vertu d'une loi. De là l'on a conclu que les serments spéciaux qui sont exigés de certaines classes de fonctionnaires, et qui ont pour but d'assurer le loyal accomplissement de leurs fonctions devaient être fondés sur le texte de la loi [4]. La jurisprudence

[1] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 8 août 1809.

[2] On trouve ces formules si diverses dans les lois des 22 déc. 1789-8 janv. 1790, sect. 1, art. 8; des 15-23 août 1792; du 21 nov. an vin; du 28 flor. an xn, art. 56; daus les ordonn. des 27 févr. 1815, 20 août 1817, et dans la loi du 21 août 1830.

a contesté cette conséquence, mais elle a été admise par le législateur [5]. La loi du 21 juin 1836, relative au serment spécial de la gendarmerie, en fait foi. Du reste, la seule difficulté dont nous devions nous occuper ici est de savoir si l'art. 196 s'applique au serment supplétif comme au serment politique. Nous ne faisons aucun doute à cet égard: la loi ne distingue point, elle parle du serment en général, et par conséquent tel que l'exige la législation; or, ce serment se compose, pour chaque fonctionnaire, de la formule politique et de la formule supplétive: c'est là l'acte qui doit précéder l'entrée en fonction, qui est la garantie de la société, et qu'il serait impossible de scinder, puisqu'on ne peut séparer, dans l'exercice de la fonction, l'obéissance au souverain et aux lois du royaume, et l'obéissance aux règlements spéciaux qui sont la conséquence et l'exécution de ces lois.

L'irrégularité du serment équivaut-elle au défaut de cette formalité? Nous ne le pensons pas. La prestation d'un serment, même irrégu– lier, atteste l'intention du fonctionnaire de se conformer à la loi; l'irrégularité ne pourrait donc lui être imputée qu'autant qu'elle serait volontaire de sa part. Quant à la responsabilité du fonctionnaire, à raison des délits commis dans ses fonctions avant la prestation régulière du serment, nous ne pouvons que renvoyer aux observations que nous avons faites à ce sujet dans notre chapitre 28.

Le délit prévu par l'article 197 est beaucoup plus grave que le premier: «Le fonctionnaire, dit l'exposé des motifs, sera bien plus criminel et puni d'une manière plus aggravante, si, étant révoqué ou destitué, suspendu ou interdit légalement, il continue l'exercice de ses fonctions, ou si, étant électif et temporaire, il les exerce après avoir été remplacé; il commet alors un véritable attentat contre l'autorité souveraine, et il sera interdit de toutes fonctions pendant le terme fixé par la loi. »

L'art. 197 est ainsi conçu : « Tout fonctionnaire public révoqué, destitué, suspendu ou interdit légalement, qui, après en avoir eu la connaissance officielle, aura continué l'exer

[3] Voyez pour la Belgique le décret du 20 juill. 1831, et la constitution, art. 127.

[4] Voyez des exemples de serments supplétifs dans l'art. 2 de la loi du 29 août 1790, dans les lois du 1er juin 1791, du 29 sept. 1791, dans l'ord, du 29 juill. 1814, dans la loi du 21 juin 1836.

[5] Arr. cass. 23 août 1831; S. 1831, 1, 328.

cice de ses fonctions, ou qui, étant électif ou temporaire, les aura exercées après avoir été remplacé, sera puni d'un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus, et d'une amende de 100 à 500 francs. Il sera interdit de l'exercice de toute fonction publique pour cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où il aura subi sa peine le tout sans préjudice des plus fortes peines portées contre les officiers ou les commandants militaires par l'art. 93 du présent Code. »>

Nous n'avons point à nous occuper ici des formes diverses auxquelles sont soumises la révocation, la suspension ou l'interdiction des différents fonctionnaires, ni de la légalité de chacune de ces mesures; ces questions nous entraîneraient dans l'examen de dispositions du droit administratif étrangères à cet ouvrage. La principale condition de l'existence du délit est que l'acte de révocation ou de suspension

ait été officiellement notifié au fonctionnaire qu'il concerne : cette condition, qui n'existait point dans le projet de l'article, fut ajoutée sur l'avis de la commission du Corps législatif, qui fit remarquer que « si le fonctionnaire révoqué n'a pas eu connaissance officielle de sa révocation, on ne saurait lui faire un crime d'avoir continué son exercice postérieurement.» Elle proposa en conséquence de fixer l'instant où le fonctionnaire deviendrait coupable, en prescrivant de lui donner connaissance officielle, c'est-à-dire notification à personne ou à domicile de l'acte de révocation.

Le délit consiste donc dans la continuation des fonctions après cette notification, ou après le remplacement, si les fonctions sont électives on temporaires. Toutefois, dans ce délit comme dans le précédent, il ne suffirait pas du fait matériel d'un acte accompli pour constituer le délit l'absence du titulaire, le besoin de pourvoir à un service urgent, peuvent justifier de tels actes. Ce que la loi punit, ce n'est pas la simple infraction à une règle administrative, c'est l'usurpation de pouvoir, c'est, suivant l'expression du législateur, l'attentat contre l'autorité souveraine. Cet attentat, cette usurpation, ne sauraient résulter d'un acte inoffensif et auquel son auteur n'aurait attaché aucune pensée d'envahissement. Il faut donc qu'au fait matériel se réunissent la désobéissance, la pensée de l'usurpation commise, la moralité du délit.

Ce délit diffère essentiellement, soit par son caractère propre, soit par la gravité de ses conséquences du délit prévu par l'article précédent. L'entrée en fonctions sans prestation

préalable du serment n'est que l'omission d'une garantie; la continuation de ces fonctions après l'expiration ou la révocation du titre est un acte d'envahissement. La première de ces infractions présente peu de périls, puisque l'agent qui s'est irrégulièrement immiscé dans ces fonctions a un droit réel à les exercer; la deuxième peut avoir, au contraire, de graves résultats, s'il s'agit d'un agent dangereux ou infidèle et dont le pouvoir social ait de justes raisons de se métier. De cette différence est née l'inégalité des peines. Toutefois ces deux délits ont pris leur source dans la même pensée, dans le désir de régulariser l'exercice de l'autorité publique, et de renfermer les actes des fonctionnaires dans les limites de leur pouvoir.

§ VIII.

Des peines applicables aux fonctionnaires qui ont participé aux délits dont la surveillance leur est confiée.

Nous avons terminé la longue série des crimes, délits ou contraventions que les fonctionnaires publics peuvent commettre dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. La loi a porté sa sollicitude plus loin encore: elle ne s'est point arrêtée à ces délits spéciaux; elle a prévu que ces agents pourraient participer aux crimes et délits commis, qu'ils sont chargés de surveiller. Or, dans cette hypothèse, les peines ordinaires serontelles seules infligées au coupable? et si, par exemple, un officier de police judiciaire a commis un vol, ne sera-t-il puni que comme un autre voleur? Telle est la question que le législateur s'est posée et que l'art. 198 a en pour objet de résoudre.

«Il est difficile, porte l'exposé des motifs, de ne pas considérer comme plus coupable celui qui, chargé par la loi de réprimer les crimes et délits, ose les commettre lui-même, et il a paru convenable d'élever la peine à son égard. Si donc il s'agit d'un délit de police correction-nelle, le fonctionnaire qui l'aura commis subira toujours le maximum de la peine attachée à l'espèce de ce délit, et, s'il s'agit de crimes, il subira la peine immédiatement supérieure à celle qu'eût méritée tout autre coupable; gradation qui ne cessera qu'au point où elle atteindrait le peine de mort. Cette disposition toute morale ne saurait qu'honorer notre législation. »>

L'art. 198 a formulé ce système en ces termes «Hors les cas où la loi règle spéciale

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