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ment les peines encourues pour crimes ou délits commis par les fonctionnaires ou officiers publics [1], ceux d'entre eux qui auront participé à d'autres crimes ou délits qu'ils étaient chargés de surveiller ou de réprimer seront punis comme il suit s'il s'agit d'un délit de police correctionnelle, ils subiront toujours le maximum de la peine attachée à l'espèce de délit, et, s'il s'agit de crime, ils seront condamnés, savoir : à la reclusion, si le crime emporte contre tout autre coupable la peine du bannissement ou de la dégradation civique; aux travaux forcés à temps, si le crime emporte contre tout autre coupable la peine de la reclusion ou de la détention; et aux travaux forcés à perpétuité, lorsque le crime emportera contre tout autre coupable la peine de la déportation ou celle des travaux forcés à temps. Au-delà des cas qui viennent d'être exprimés, la peine commune sera appliquée sans aggravation. >>

Cette nouvelle échelle pénale s'appuie sur un juste motif. Il est certain que la criminalité du fonctionnaire qui s'associe aux crimes ou délits que ses fonctions lui font un devoir de prévenir ou de réprimer, n'est pas la même que celle de tout autre agent; non- seulement il assume la responsabilité d'un crime commun, mais il trahit la mission de surveillance qui lui était confiée; il se sert de son autorité pour favoriser des actes qu'il doit empêcher, pour protéger des malfaiteurs, pour s'associer à la perprétation de leurs crimes. Les fonctions que la société lui a conférées pour qu'il la proté geât, il les tourne contre elle et s'en fait un instrument pour la blesser. C'est donc avec raison que cette criminalité plus grave a été jugée passible d'une aggravation de peine.

Mais le système d'aggravation établi par l'art. 198 est-il à l'abri de tout reproche? La gradation échelonnée par cet article exprime-t-elle une juste distribution des peines? En principe, toute aggravation de peine, lorsqu'elle se puise dans une circonstance personnelle à l'agent, doit être resserrée dans d'étroites bornes [2]. Elle peut, en effet, entraîner un degré plus élevé de la même peine, mais non une peine différente et d'un degré supérieur, car le fait à punir ne change pas de nature. La criminalité de l'agent est plus grave, mais elle n'altère pas le caractère de l'action. La peine établie par le Code pour la répression de cette action doit donc rester la

[1] Les gardes-champêtres sont fonctionnaires ou officiers publics, dans le sens de cet article, Br. cass. 17 novembre 1818; J. de B. 1818, 1, 174.

même, seulement elle peut être élevée jusqu'au maximum. Cette règle n'a été suivie par l'art. 198 qu'à l'égard des matières correctionnelles; quand il s'est agi de crimes, la loi ne s'est plus contentée d'aggraver la peine commune, elle a infligé au fonctionnaire une peine d'un degré supérieur; de sorte que l'acte reçoit l'applica tion d'un châtiment qui, en règle générale, lui est inapplicable. Mais en outre, et par une singulière inadvertance, la loi n'a plus pris cette peine supérieure dans le même ordre de pénalités; ainsi, les peines de la reclusion, des travaux forcés à temps et à perpétuité, qui sont destinées à la répression des crimes communs, se trouvent substituées, à l'égard des fonctionnaires, aux peines du bannissement, de la détention dans une forteresse, et de la déportation, qui sont essentiellement réservées aux crimes politiques. D'où il suit que les crimes politiques auxquels un fonctionnaire chargé de leur surveillance aura participé, seront punis, par une exception à la règle générale, des peines qui ne sont applicables qu'aux crimes ordinaires. Cette anomalie est tellement flagrante, que le législateur belge en a proposé la correction dans le projet du Code pénal qu'il a soumis aux Chambres de ce pays [3],

Après ces premières observations sur le système de l'art. 198, il faut examiner les règles auxquelles son application est soumise. Ce n'est en premier lieu que hors les cas où la loi a réglé d'une manière spéciale la peine encourue par le fonctionnaire ou l'officier public, que cet article peut être appliqué. Il faut entendre par ces mots que, toutes les fois qu'en s'occupant d'un crime ou d'un délit la loi en a prévu la perpétration par les fonctionnaires ou officiers publics, cette disposition spéciale doit seule être appliquée; et ce n'est qu'au seul cas où la loi a posé une règle générale de répression, sans s'occuper de la qualité de l'agent, qu'à raison de cette qualité l'art. 198 peut être invoqué.

Cet article est ensuite restreint au seul cas où le fonctionaire ou l'officier public a participé à des crimes ou délits qu'il était chargé de surveiller ou de réprimer. Cette dernière condition de l'aggravation est aussi claire qu'elle est logique c'est parce que l'agent est chargé par ses fonctions de surveiller ou de réprimer tel acte, tel délit, que sa partici

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pation à ces acte, à ce délit, devient plus criminelle. Il est donc nécessaire d'établir la mission légale du fonctionnaire et sa compétence pour réprimer ou surveiller le délit auquel il s'est associé. Cette règle se réduit à une double appréciation des devoirs spéciaux du fonctionnaire et du caractère particulier du fait qu'il a favorisé. Mais il est plus difficile de fixer le sens de cette participation au crime, que la loi exige comme une autre condition de l'aggravation. De cette expression que la loi n'a pas définie, faut-il induire la nécessité de la coopération d'un tiers? ou cette aggravation est-elle applicable encore, si le fonctionnaire, au lieu de participer au crime, l'a commis seul et sans coopération?

La Cour de cassation a décidé que cette expression enveloppait les deux cas [1]. Il s'agissait, dans l'espèce de son arrêt, d'un commissaire de police qui avait commis un vol d'argenterie dans un hôtel où il prenait ses repas. Elle déclara: « que ce vol ayant été commis par un individu chargé de surveiller et de réprimer les crimes et délits, cette circonstance lui donnait un caractère de criminalité que la loi punit plus sévèrement, sans exiger que, pour devenir applicable, l'accusé ait agi dans l'exercice de ses fonctions d'une manière plus directe que celle d'avoir été chargé de surveiller les crimes et délits qui peuvent se commettre [2]. » Cet arrêt ne juge toutefois la question qu'implicitement; la règle qu'il avait surtout pour objet de poser était qu'il n'est pas nécessaire, pour l'application de l'art. 198, que le fonctionnaire ait agi dans l'exercice de ses fonctions, et ce point n'était susceptible d'aucun doute.

Mais de graves motifs peuvent être invoqués dans le même sens; car il semble que celui qui commet directement un délit ne doit pas être puni moins sévèrement que celui qui concourt à la perpétration par une participation indirecte. L'extrait que nous avons cité de l'exposé des motifs paraît favoriser cette opinion, qui a été adoptée sans difficulté par les différents interprètes du Code pénal [3]. Cependant est-ce bien là le sens de l'article 198? est-ce là l'intention qui a présidé à la rédaction? En punissant la participation du fonctionnaire à des actes dont ses fonctions lui commandaient la surveillance, la pensée du législateur a été de punir la connivence des agents du pouvoir avec les délinquants, l'association criminelle

[1] La Cour de Bruxelles l'a également décidé par arrêt du 17 nov. 1818. J. de B. 1818, 1, 174.

qui les lierait entre eux; c'est là l'idée que les termes de la loi révèlent, c'est aussi dans cette association que la criminalité du fonctionnaire puise une plus haute gravité. Car, s'il n'agit pas alors dans l'exercice de ses fonctions, il se sert du moins de ses fonctions pour faciliter l'exécution du délit, puisqu'il en paralyse l'action, puisqu'à dessein il ne les exerce pas. Or la perpétration du même délit a-t-elle les mêmes caractères quand l'agent le commet sans le concours des tiers et isolément ? Dans le premier cas, il trahit son devoir, il se coalise avec les individus qu'il doit surveiller, il place son autorité au service des malfaiteurs; dans l'autre hypothèse, au contraire, il n'agit que comme un simple particulier; il est plus coupable sans doute parce qu'il doit mieux connaitre l'immoralité de l'action, mais du moins il ne rend pas son autorité complice du délit, il ne la livre pas à des tiers par suite d'une criminelle association; et assurément il y a moins de perversité et moins de péril social dans un acte isolé qui semble se voiler par son isolement même, que dans la coalition effrontée du fonc tionnaire chargé d'une surveillance avec les malfaiteurs qu'il surveille. Ces nuances sont délicates peut-être, mais elles tendent à expliquer une distinction qui résulte d'un texte formel; car la participation à un crime suppose nécessairement la coopération de plusieurs agents; cette coopération, ce lien de complicité, voilà donc la circonstance aggravante établie par la loi. C'est donc à l'existence de cette circonstance que doit être subordonnée l'aggravation de la peine. On a pu sans doute arriver par le raisonnement à prouver la nécessité de cette peine plus forte, dans le cas de la perpétration isolée comme au cas de la participation; mais admettons que cette application soit fondée en raison, elle ne le serait pas en droit, car on ne peut appliquer une peine par voie d'analogie, étendre une disposition répressive par voie d'interprétation. Ce n'est point assurément sans quelque hésitation que nous sommes résolus à contredire une opinion jusqu'à présent acceptée sans contradiction, mais nous avons dû énoncer nos raisons de douter, et nous croyons qu'elles méritent au moins d'être pesées.

Cette opinion semble d'ailleurs puiser quelque force dans le rapprochement des art. 198 et 462. Ce dernier article punit d'un tiers en sus de la

[2] Arr. 2 mai 1816.

[3] Carnot et Bourguignon sur l'art. 198.

peine les délits correctionnels de dévastation ou de dommages, lorsqu'ils ont été commis par des gardes champêtres ou forestiers ou des officiers de police. La difficulté de concilier ces deux dispositions a épuisé la science des interprètes. M. Carnot a prétendu que l'art. 462 s'appliquait aux délits commis hors de l'exercice des fonctions, et que l'art. 198 devait être invoqué, au contraire, à l'égard des faits commis dans cet exercice [1]. M. Bourguignon a facilement démontré l'inexactitude de cette explication : l'art. 198 ne dit point, en effet, que des dispositions s'appliqueront aux fonctionnaires on officiers publics qui auront commis des crimes ou délits dans l'exercice de leurs fonc tions, mais qu'elles s'étendront à ceux qui auront participé aux crimes ou délits qu'ils étaient chargés de surveiller ou de réprimer. Mais ce jurisconsulte s'arrête après cette observation, et n'énonce aucun mode de conciliation [2]. Et en effet, en adoptant l'interprétation de la Cour de cassation, il devient impossible de combiner ces deux articles: car quels motifs de la dérogation de l'art. 462 au principe de l'art. 198? et pourquoi ces deux dispositions contradictoires appliquées aux mêmes agents dans deux espèces identiques? Dans le système que nous proposons, au contraire, ces deux articles se concilient sans nulle difficulté; car l'art. 198 ne prévoit, suivant nous, que les cas de complicité du fonctionnaire avec les malfaiteurs, tandis que l'art. 462 punit la perpétration directe et isolée de certains délits par l'officier lui-même : ce sont donc deux espèces distinctes, deux hypothèses différentes que le Code a énoncées dans des termes divers, et aux quelles il n'a point dû attacher les mêmes peines. L'art. 462 restreint nécessairement l'art. 198 dans le sens que nous lui avons donné; et re

[1] Comm. du Code d'inst, crim, sur l'art. 9, obs.

3 et 10.

marquons enfin que dans l'art. 462 l'action directe du fonctionnaire n'est point punie d'une peine supérieure à la peine commune ou du maximum de cette peine, mais seulement dù tiers en sus de cette même peine. Dans un Code où toutes les dispositions se tiennent et s'enchaînent comme l'expression d'une pensée générale, cette différence de pénalité confirme nos précédentes réflexions sur la distance morale qui sépare les deux actes.

L'énumération des peines tracées par l'art. 198 est claire et ne donne lieu qu'à peu d'observations: il importe seulement de rappeler que ces peines sont dominées par la disposition générale de l'art. 463 qui s'applique à toutes les peines prononcées par la loi, lorsque le jury a déclaré des circonstances atténuantes en faveur des accusés. Toutefois l'application de cet article a soulevé quelques incertitudes à l'égard du 2o paragraphe de l'art. 198, qui dispose que les coupables, s'il s'agit d'un délit de police correctionnelle, subiront toujours le maximum de la peine attachée à l'espèce du délit. On a pensé que cette expression devait exclure, dans ce cas spécial, la règle générale d'atténuation. Mais les termes du dernier paragraphe de l'art. 463 sont généraux et absolus; ils comprennent donc l'art. 198 comme les autres. Ce qui résulte du mot toujours, employé dans ce dernier article, c'est que les tribunaux doivent prononcer contre les fonctionnaires publics, pour les cas qui y sont spécifiés et en matière correctionnelle, le maximum,de la peine, à moins qu'il n'y ait des circonstances atténuantes; car on ne peut raisonnablement supposer que, dans les délits dont l'art. 198 prescrit une répression sévère, il ne puisse se présenter de circonstances atténuantes. Telle est aussi la doctrine adoptée sur ce point par la Cour de cassation [3].

[2] Jurisp. des Cod. crim. t. 3, p. 200. [3] Arr. cass. 27 juin 1834.

DES TROUBLES APPORTÉS A L'ORDRE PUBLIC PAR LES MINISTRES DES CULTES. 223

CHAPITRE XXIX.

DES TROUBLES APPORTÉS A L'ORDRE PUBLIC PAR LES MINISTRES DES CULTES DANS L'EXERCICE DE LEUR MINISTÈRE.

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Quel est le caractère des ministres des cultes? Ils ne sont pas fonctionnaires publics. – Conséquences de cette règle. — Différence entre les cas d'abus et les délits qu'ils commettent. – Le délit, quoique qualifié abus, doit étre poursuivi comme delit. Les dispositions du Code s'appliquent aux ministres de tous les cultes. — § Ier. Des contraventions propres à compromettre l'état civil des personnes.— Célébration du mariage religieux avant le mariage civil.― Triple caractère de ce fait, successivement contravention, délit et crime.— Limites de l'application des art. 199 et 200. — § II. Des critiques, censures ou provocations dirigées contre l'autorité publique dans un discours pastoral prononcé publiquement. · Conciliation des articles 201 et 202 avec la loi du 17 mai 1819. Caractères des délits et crimes prévus par ces articles. -§ III. Des critiques, censures ou provocations dirigées contre l'autorité publique dans un écrit pastoral. Caractères de ce crime. · - Antinomie entre les art. 205 et 208.—§ IV. De la correspondance des ministres des cultes avec les cours ou puissances étrangères sur des matières de religion. — Cette incrimination n'est pas contraire au principe de la liberté des cultes.— Caractères qu'elle doit renfermer.-Inapplication des dispositions de ce chapitre. (Commentaire des articles 199, 200, 201, 202, 203, 204, 205, 206, 207 et 208 du Code pénal.)

Le Code pénal s'est occupé à différentes fois des délits qui peuvent naître de l'exercice des cultes, soit pour réprimer les écarts de leurs ministres, soit pour les protéger contre les outrages auxquels ils sont exposés, soit pour soumettre leurs actes à des règles de surveillance. « Ces diverses dispositions, porte l'exposé des motifs, se lient ensemble et forme un Code complet, relatif au libre exercice des cultes; elles consacrent ce grand bienfait de la puissance et de la raison, précieux et admirable résultat des lumières et de la politique; elles empêchent qu'il ne soit troublé par la violence ou ne puisse devenir nuisible. » Nous n'avons à nous occuper dans ce chapitre que des délits que les ministres des cultes peuvent commettre dans l'exercice de leurs fonctions.

Le Code a séparé les délits de ces ministres de ceux des fonctionnaires publics, parce que, suivant le même exposé des motifs, « les ministres des cultes, à qui nulle autorité temporelle n'est départie, mais dont l'influence et la con

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duite ne sauraient être étrangères à la paix publique, n'entrent point dans la classe de ces fonctionnaires. » Le prêtre, en effet n'est point un fonctionnaire public, car il ne tient aucune mission de l'État, il n'est revêtu d'aucun caractère civil, il n'exerce aucune portion de l'autorité publique. Ses fonctions sont toutes religieuses; elles s'arrêtent aux portes du temple. Ce principe, que nous aurons lieu d'appliquer plus loin, a été à plusieurs reprises consacré par la jurisprudence [1].

On en a déduit la conséquence que les ministres des cultes ne doivent point jouir du privilége que l'art. 75 de la loi du 22 frimaire an VIII n'accorde qu'aux agents du gouvernement, et que dès lors ils peuvent être poursuivis, à raison des délits qu'ils commettent, sans autorisation préalable du Conseil d'état [2]. A la vérité, les art. 6 et 8 de la loi du 18 germinal an x ont établi la nécessité d'un recours au Conseil d'état, et de l'autorisation de ce Conseil dans tous les cas d'abus de la part des ecclésiastiques. Mais

19 s., 1827, 3, 190.

[2] Arr. cass. 23 juin 1831 et 9 sept. 1831; S. 1831, 1, 264 et 353.

cette formalité, restreinte aux cas d'abus, ne peut être étendue aux délits [1]. Toutefois la Cour de cassation a fait une distinction entre l'action publique et l'action privée : le ministère public peut poursuivre d'office sans autorisation, car la loi n'impose point expressément cette condition à l'exercice de son action, et il est de règle qu'elle ne peut éprouver d'autres entraves que celles qu'élèverait une loi expresse. Mais il n'en serait plus de même à l'égard de l'action dirigée par une partie lésée, parce que l'art. 8 de la loi du 18 germinal an X mentionne spécialement le cas où il y a plainte d'une partie, et exige dans ce cas l'autorisation [2]. On peut répondre que, dans ces deux hypothèses, la raison de décider est la même; lorsque le fait prend le caractère d'un délit, il cesse d'être soumis aux règles qui ne concernent que les abus, il est saisi par le droit commun; toute la difficulté est d'apprécier le véritable caractère du fait.

Ou l'acte commis par le prêtre, dans l'exercice de ses fonctions, constitue un délit prévu par la loi, ou seulement une infraction aux règles de la discipline ecclésiastique. Dans le premier cas, il importe peu que le délit se trouve compris dans l'énumération générique des cas d'abus faite par l'art. 6 de la loi du 18 germinal an X; le prêtre est soumis aux mêmes lois et aux mêmes peines que les autres citoyens; la loi ne lui a point conféré de priviléges; il suffit que le cas d'abus ait été qualifié délit pour que son premier caractère soit absorbé par cette qualification [3]. Mais si l'acte, compris parmi les cas d'abus, ne constitue ni délit ni contravention, les règles de la discipline ecclésiastique continuent leur cours, et les formes prescrites pour l'action des parties lésées sont maintenues. Cette distinction suffit pour séparer les abus et les délits, et pour empêcher qu'aucune entrave n'arrête l'application de la loi pénale.

Il est nécessaire d'éclaircir encore un point douteux de la loi avant d'entrer dans l'examen des dispositions qui font l'objet de ce chapitre. La jurisprudence, en appliquant les lois relatives aux cultes, a crée une distinction, dont l'art. 1er de la loi du 25 mars 1822 lui a fourni la formule, entre les cultes légalement reconnus par l'Etat et ceux qui ne le sont pas : cette distinction doit elle s'appliquer à la section qui fait l'objet de notre examen? Par ces mots : les ministres d'un culte, ne faut-il entendre que les ministres d'un culte autorisé ? Nous ne le pensons pas. La loi, en proclamant la liberté des cultes [4], n'a point soumis leur existence à de certaines conditions; l'existence d'un culte est un fait moral qui doit s'apprécier d'après les circonstances, le nombre des personnes qui le professent, les doctrines qui en font la base : il y a culte, dans le sens le plus large de ce mot, toutes les fois qu'une agrégation d'individus se réunit pour adorer en commun et avec des rites convenus la Divinité. Or, faut-il restreindre le sens de ce terme pour n'incriminer que les délits des ministres des cultes reconnus? Mais quel motif de cette restriction? Les cultes non reconnus méritent-ils donc plus de faveur? offrent-ils moins de danger? Les mêmes paroles qui seront poursuivies lorsqu'elles s'élancent d'une chaire autorisée par le gouvernement, seront-elles à l'abri des mêmes poursuites parce que la chaire qui les laisse tomber appartient à un culte nouveau? Il est visible que cette distinction n'est pas dans l'esprit de la loi pénale, et, puisque aucun de ses termes ne l'autorise, il est impossible de l'admettre.

Après ces règles générales posées, nous allons entrer dans l'examen des dispositions du Code. Les crimes et délits des ministres des cultes, dans l'exercice de leur ministère, sont divisés en plusieurs classes.

[1] Les ministres des cultes peuvent, comme tous autres citoyens, être poursuivis directement devant les tribunaux, pour tous délits prévus par les lois pénales ordinaires, lors même qu'ils les ont commis dans l'exercice de leurs fonctions, et le recours préalable au Conseil d'état est seulement requis à l'égard des délits particuliers qu'ils ne peuvent commettre qu'en leur qualité d'ecclésias tiques. Br. cass. 10 mars 1827; J. de B. 1827, 1,

[3] Le ministre du culte qui, dans un sermon prononcé publiquement dans une église, désigne la maison d'un particulier comme un lieu de libertinage et de débauche, se rend coupable du délit de calomnie. Br. cass. 3 janv. 1827; J. de B. 1827, 1, 34 et 363; J. du 19e s., 1827, 3, 105.

[4] La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage [2] Arr. cass. 9 sept. 1831; 18 fév. 1836; S. 1831, de ces libertés. Const. belge, art. 14. 1, 353.

363.

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