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corollaires, que toutes les fois que l'officier public agit dans l'exercice de ses fonctions, que toutes les fois qu'il est porteur d'un titre exécutoire, l'irrégularité qui vient à entacher soit ses opérations, soit le titre luimême, ne peut constituer une excuse pour une résistance active; car la provision est au titre, elle est à l'officier public agissant dans ses fonctions. Si l'irrégularité enlève au citoyen quelques-unes de ses garanties, il peut demander la réparation par les voies légales. L'officier agit irrégulièrement, mais il agit dans le cercle de sa compétence; s'il lèse un droit, il en demeure responsable; s'il ne l'attaque pas violemment, les voies de fait qui lui seraient opposées resteraient donc sans cause et sans excuse. Ainsi les arrêts des 14 avril 1820 et 5 janvier 1821, que nous avons cités plus haut, renfermés dans l'espèce à laquelle ils se sont appliqués, sont à l'abri de la critique; car, dans l'une et dans l'autre espèce, les agents chargés de l'exécution procédaient dans les limites de leur compétence; dans l'une et l'autre espèce, il y avait un titre exécutoire; l'irrégularité de l'exécution dans un cas, et du titre dans l'autre, motivait donc des réserves de la part de la partie, et non une résistance effective.

Mais la présomption de légalité doit cesser de couvrir les actes de l'officier public quand il se rend coupable d'un excès de pouvoir, de la violation flagrante d'un droit. Tels seraient les cas où l'agent de la force publique voudrait, hors le cas de flagrant délit et sans mandat, effectuer une arrestation; où un huissier prétendrait opérer une saisie sans justifier d'un jugement qui l'ait ordonnée; où un officier public tenterait de s'introduire, pendant la nuit, hors les cas prévus par la loi, dans le domicile d'un citoyen pour y procéder à une perquisition. Dans ces différents actes, l'agent ne saurait plus être protégé par sa fonction, car il agit en dehors de ses devoirs; il ne peut invoquer le titre en vertu duquel il procède, car il ne le représente pas, où ce titre rencontre dans son exécution instantanée un obstacle légal. La présomption ne le défend donc plus, car l'illégalité est flagrante, car cette illégalité prend les caractères d'un délit. Et ce délit ne constituet-il pas, par sa seule existence, une attaque violente contre des droits reconnus? Dès lors comment contester le droit de résister? Cette résistance n'est qu'une opposition de la force à la force, un acte de légitime défense, car l'acte que commet l'agent en dehors de ses fonctions, dès qu'il n'est plus l'exécution de la loi ou d'un ordre de l'autorité publique, n'est plus

qu'un acte de force matérielle. Or, la résistance, légitime dans tous les autres cas, à l'égard de toutes autres personnes, changera-t-elle de nature à raison de la qualité de l'agent? Mais comment cette circonstance pourrait-elle modifier la responsabilité de l'auteur des voies de fait? S'il n'a fait que résister à une provocation injuste, à un acte arbitraire, comment la résistance deviendra-t-elle coupable par cela seul que l'acte était commis par un officier public?

Toutefois,et nous nous hâtons de le dire, l'injustice de l'acte ne servirait pas toujours d'excuse aux violences et aux voies de fait qui auraient été commises pour le repousser ; un refus verbal, une résistance inerte et passive suffisent pour protéger le droit, tant que l'agent qui poursuit l'exécution d'un acte arbitraire se borne à en réclamer l'accomplissement. Ce n'est donc que lorsqu'il déploie la force, que la force peut lui être opposée; et, dans ce cas même, la résistance doit se proportionner à l'intensité de l'attaque et n'employer que les moyens nécessaires pour en triompher; car la défense cesserait d'être légitime et les violences d'être excusables, du moment où elles seraient inutiles pour la conservation du droit. Les auteurs de ces voies de fait pourraient être l'objet d'une poursuite, non plus pour une rébellion, car la rébellion suppose l'opposition à un acte de l'antorité publique, mais à raison des délits distincts qui résulteraient des excès et des violences commises sans nécessité.

Tels sont les termes où, suivant nous, cette grave question doit être ramenée et trouver une solution. La distinction que nous proposons nous semble concilier les intérêts divers qui se croisent dans cette matière; elle est une conséquence directe de la raison même de la loi répressive de la rébellion, puisque la rébellion ne peut se concevoir que lorsqu'elle est dirigée contre l'autorité publique; enfin elle rentre dans les termes de la loi pénale. En effet l'art. 209, en exigeant que la rébellion, pour être punie, saisisse l'officier public au moment où il agit pour l'exécution des lois, des ordres ou ordonnances de l'autorité publique, des mandats de justice ou des jugements, suppose évidemment deux conditions distinctes: la première, qu`il agisse dans l'exercice de ses fonctions, dans le cercle de sa compétence; la deuxième, qu'il agisse pour l'exécution des lois ou des ordres qu'il a reçus, et par conséquent dans les limites de la mission qui lui a été donnée. Ce n'est donc que lorsqu'il exécute cette double condition, que la loi le suit et le protège

dans l'exercice de son ministère; ce n'est que dans ce cas que les voies de fait dont il est l'objet, sont considérées comme une résistance opposée à la loi, à l'autorité publique elle-même. Cette interprétation, qui prend les termes de l'art. 209 dans leur sens littéral et précis, les concilie en même temps avec les principes de la matière. Elle limite l'application de la peine au seul cas où l'autorité publique est méconnue dans la personne de l'agent; elle l'écarte, au contraire, quand cet agent substitue une autorité usurpée et arbitraire à l'autorité légale qu'il devrait exercer, et quand la loi n'a plus en conséquence aucun intérêt à le faire respecter.

Est-il besoin d'ajouter que la seule absence des insignes distinctifs de la fonction ne pour rait, en général, justifier la résistance? Car le prévenu ne saurait puiser une cause de justification dans un simple défaut de forme d'où nulle lésion ne dérive réellement pour lui. Le principal effet que peut produire l'absence des insignes est de faire naître en faveur du prévenu la présomption qu'il n'a pas connu la qualité de l'agent, et que les violences qu'il a pu commettre ne s'adressaient pas au représentant de l'autorité publique; mais cette présomption peut être combattue par la preuve contraire, et, s'il est établi que cette qualité était connue de lui, la présomption de criminalité remplace la présomption favorable. Il ne reste plus alors qu'une sorte d'excuse ou de circonstance atté nuante qui se fonde sur ce que les signes extérieurs de l'autorité commandent toujours plus de retenue et de respect, et que dès lors l'absence de ces insignes, en privant l'autorité d'une partie de sa force morale, semble enlever au délinquant une partie de sa culpabilité.

Nous avons développé jusqu'ici les circonstances caractéristiques de la rébellion, les éléments du délit; nous allons examiner maintenant le système de pénalité que le Code pénal à adopté.

Ce système se fonde sur deux bases différentes, les circonstances extérieures de la rébellion, et ses résultats matériels; mais ces deux bases ne sont point combinées l'une avec l'autre, et forment deux systèmes distincts. Considérée d'abord dans ses seules circonstances, et abstraction faite de ses résultats, la rébellion puise sa qualification et l'aggravation de ses peines dans deux faits : le nombre des coupables, et les armes dont ils étaient porteurs. Si la rébellion a été commise par une ou deux personnes seulement et sans armes, elle ne constitue qu'un simple délit, et la peine est un emprison

CHAUVEAU. T. 11.

nement de six jours à six mois; si elle a été commise par ces deux personnes avec armes, ou par une réunion de trois jusqu'à vingt personnes sans armes, la rébellion est encore un simple délit, et la peine est un emprisonnement de six mois à deux ans ; elle prend le caractère du crime et la peine est la reclusion, lorsqu'elle a été commise par une réunion armée de trois personnes ou plus jusqu'à vingt inclusivement, ou par une réunion même de plus de vingt personnes, mais sans armes; enfin, la peine s'élève aux travaux forcés à temps, lorsque la réunion s'est composée de plus de vingt personnes armées. Reprenons chaque terme de cette gradation.

L'art. 212 est ainsi conçu : « Si la rébellion n'a été commise que par une ou deux personnes avec armes, elle sera punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans, et, si elle a eu lieu sans armes, d'un emprisonnement de six jours à six mois. » Nous avons expliqué précédemment ce qu'il faut entendre par l'expression d'armes, et dans quels cas les bâtons et les pierres, notamment', doivent être considérés comme des armes. Il nous reste à examiner dans quelles circonstances une réunion de personnes doit être réputée armée.

L'art. 211 porte: « Ei la rébellion a été commise par une réunion armée de trois personnes ou plus jusqu'à vingt inclusivement, la peine sera la reclusion; s'il n'y a pas eu port d'armes, la peine sera un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus. » L'art. 214 définit la réunion armée : « Toute réunion d'individus pour un crime ou un délit est réputée réunion armée, lorsque plus de deux personnes portent des armes ostensibles. » Cet article porte une disposition générale qui s'applique aux divers cas prévus par les articles précédents; il se combine donc nécessairement avec les art. 210 et 211 [1], et dès lors la réunion prévue par ces articles a le caractère de réunion armée, toutes les fois que trois personnes au moins portent des armes ostensibles. Toutefois, dans ce cas, les pierres ne seraient pas réputées des armes; car, d'après la théorie que nous avons exposée précédemment, les pierres ne prennent la qualification d'armes que dans l'usage qui en est fait des personnes simplement munies de pierres ne sont donc pas considérées comme armées; mais la réunion serait réputée armée si plus de deux personnes avaient fait usage de ces pierres contre les agents de l'autorité. Au

[1] Arr. cass. 8 nov. 1832.

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reste, il ne faut pas perdre de vue que deux conditions sont exigées pour qu'il y ait réunion armée dans le sens légal de ce mot: il faut que trois personnes au moins portent des armes, et que ces armes soient ostensibles. La loi a pensé que les individus non armés, en se plaçant sous la protection ou la bannière de ceux qui portaient ouvertement des armes, se sont associés à l'intention criminelle qui animait ceux-ci, et se sont dès lors rendus complices de leurs violences. Il est donc nécessaire que les armes aient pu être aperçues de tous les membres de la réunion, la présence des membres non armés, après qu'ils ont connu cette circonstance, est un acquiescement présumé à ce qu'il en soit fait usage.

Si les armes sont restées cachées, si elles n'ont pas été aperçues des personnes qui faisaient partie de la réunion, ces personnes ne peuvent plus être responsables de cette circonstance, et les porteurs des armes sont seuls passibles d'une aggravation de peine. Telle est la décision de l'article 215, portant : « Les personnes qui se trouveraient munies d'armes cachées, et qui auraient fait partie d'une troupe ou réunion non réputée armée, seront individuellement punies comme si elles avaient fait partie d'une troupe ou réunion armée. » Les armes sont réputées cachées toutes les fois qu'elles ne sont pas portées ostensiblement; mais il ne suffit pas que les prévenus se soient munis momentanément de ces armes, il faut qu'ils en aient été trouvés porteurs tel est le sens littéral de l'article, et il n'est pas permis d'en étendre le texte.

Lart. 214 ne répute la réunion armée que lorsque trois personnes au moins portent des armes ostensibles, et l'art. 215 ne punit individuellement ceux qui étant armés font partie d'une réunion non réputée armée, que dans le cas où ces individus se trouvent munis d'armes cachées; il suit de là que si un seul ou deux individus, dans une réunion non armée, ont porté des armes ostensibles, ils échapperont à toute aggravation de la peine, puisque, d'une part, ils n'ont point communiqué à la réunion dont ils ont fait partie le caractère de réunion armée, et que, d'un autre côté, ils ont porté des armes ostensibles et non des armes cachées. Objectera-t-on qu'ils doivent, à plus forte raison, être rangés dans la catégorie des personnes trouvées munies d'armes cachées? Mais en matière pénale, et ce n'est pas la première fois que nous répétons cette règle fondamentale, toute analogie d'un cas à un autre est formellement interdite nous signalons une lacune jusqu'à présent inaperçue; ce n'est point à l'interpré

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tation doctrinale qu'il appartient de la remplir.

Si la rébellion est commise par plus de vingt personnes, les peines dont elle devient passible sont prévues par l'art. 210 qui est ainsi conçu : « Si elle a été commise par plus de vingt personnes armées, les coupables seront punis des travaux forcés à temps; et s'il n'y a pas eu port d'armes, ils seront punis de la reclusion.>> Il n'est pas inutile de rappeler que, lors de la discussion du Code, la peine portée dans cette deuxième hypothèse fut considérée comme trop élevée par le Corps législatif : « L'exposé d'un eas fréquent, disait la commission de ce corps, justifiera une modification dans la peine. Un huissier va exécuter une contrainte par corps contre un père de famille dans un village, ou déplacer des meubles saisis; la femme et les enfants s'exaspèrent, se livrent à des injures : l'huissier veut exécuter son mandat par la force; on cherche à lui arracher l'individu qu'il entraîne; les parents, les voisins s'assemblent au bruit, ils empêchent l'exécution. Voilà un attroupement de plus de vingt personnes; mais il n'est point médité, les attroupés sont sans armes: leur infligera-t-on une peine afflictive et infamante? ne seront-ils pas assez punis par un emprisonnement? On sent que des attroupements de ce genre seront plus fréquents que les autres; qu'ils sont punissables, mais non d'une nature à entraîner la reclusion d'un grand nombre de personnes. La commission pense qu'un emprisonnement qui peut s'élever jusqu'à cinq ans serait une punition suffisante dans le second cas de l'article. » Le Conseil d'état repoussa l'amendement, en se fondant sur ce que la loi doit une protection signalée aux agents qui exécutent les ordres de la justice; que la série des peines que l'article établit est sagement combinée; enfin que la rébellion commise directement par plus de personnes ne peut pas être un délit léger. L'admission du système des circonstances atténuantes permet aujourd'hui de mettre plus de proportion entre la peine et le délit, en effaçant ce qu'elle peut avoir de trop rigoureux dans certains cas.

La loi ne se sert plus, dans l'art. 210, des mots de réunion armée, parce que dans l'esprit du Code le rassemblement de plus de vingt personnes n'est plus une réunion, mais un attroupement. Cette distinction se trouve établie dans les observations adressées par le Corps législatif au Conseil d'état sur la rédaction du Code: « L'attroupement suppose un nombre d'individus rassemblés en troupe ou masse dont le nombre de trois semble exclure l'idée. La

commission croit qu'il conviendrait d'adopter le mot réunion armée lorsque le nombre des personnes réunies n'excéderait pas dix-neuf, en laissant subsister la même peine il s'ensuivrait que, dès que la réunion serait de vingt, elle constituerait un attroupement. Le Conseil d'état consacra cette distinction, et la rédaction des articles du Code en offre la preuve. Il en résulte une dérogation à l'art. 1er de la loi du 3 août 1791, qui réputait attroupement tout rassemblement de plus de quinze per

sonnes.

Il ne faut pas confondre, au surplus, l'attroupement prévu par les art. 210 et 213 avec les altroupements qui ont fait l'objet des lois des 2 octobre 1789, 3 août 1791 et 10 avril 1831 [1]. Ces lois, essentiellement politiques, ont eu pour but un autre ordre de faits et de circonstances. Ainsi l'attroupement, dans le système du Code, n'est purissable qu'autant qu'il se rend coupable d'attaque ou de résistance avec violence ou voies de fait envers des agents de l'autorité publique. La loi du 2 octobre 1789 exigeait seulement, au contraire, pour l'application de ses dispositions, que la tranquillité fút mise en péril; la loi du 3 août 1791 ne s'occupait que des attroupements séditieux; enfin la loi française du 10 avril 1831 a créé un délit nouveau, la simple désobéissance, le refus de se séparer d'un attroupement, quelque inoffensif qu'il ait été, et alors même qu'on n'y aurait proféré ni cris ni menaces contre les personnes ou les propriétés le délit, dans l'esprit de cette nouvelle loi, c'est l'altroupement sur la voie publique, persistant malgré la voix des magistrats, délit qui s'aggrave suivant le degré de la persistance; elle fait abstraction complète du but plus ou moins coupable de l'attroupement; elle ne voit qu'un fait matériel menaçant pour la tranquillité publique, et elle le punit dès qu'il persiste à se manifester.

Lorsque, dans les art. 210, 211 et 212, il est question de port d'armes, il doit être bien entendu qu'il s'agit d'armes ostensibles; car, aux termes de l'art. 214, les armes portées ostensiblement peuvent seules communiquer à la réunion le caractère d'une réunion armée, et l'art. 215 suppose formellement que la réunion où se trouvent des personnes munies d'armes cachées n'est pas une réunion armée.

Aux peines corporelles qui punissent la rébellion, l'art. 218 a ajouté dans certains cas une peine pécuniaire; cet article porte : « Dans tous les cas où il sera prononcé pour fait de rébellion une simple peine d'emprisonnement, les coupables pourront être condamnés en outre à une amende de 16 à 200 francs. » Pour que cette peine accessoire soit prononcée, il faut donc qu'il y ait d'abord application de la peine principale d'emprisonnement; mais alors même l'amende n'est que facultative; il appartient aux juges d'apprécier les cas où elle peut être en rapport avec la nature du délit et la position du délinquant.

Une autre peine accessoire est également prononcée, mais dans des cas plus restreints encore, par l'art. 221 qui est ainsi conçu : « Les chefs d'une rébellion et ceux qui l'auront provoquée pourront être condamnés à rester, après l'expiration de leur peine, sous la surveillance spéciale de la haute police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. » Cette peine est encore facultative; elle ne s'applique qu'aux chefs de la rébellion et seulement quand ils ont encouru une peine correctionnelle, car autrement la surveillance est de droit [2]. Il faut que la qualité de chef de la rébellion soit formellement déclarée par le jugement, et il est évident que cette qualité ne peut exister qu'autant que les rebelles étaient liés entre eux par une certaine organisation; car on ne doit pas confondre le chef et le provocateur, la loi les a formellement séparés; nous reviendrons tout à l'heure sur ce dernier.

Enfin, les pénalités des art. 210, 211 et 212 se trouvent modifiées implicitement par la disposition de l'art. 213, qui couvre d'un voile d'indulgence les rebelles les plus obscurs et les moins coupables. Cet article est ainsi conçu : « En cas de rébellion avec bande et attroupement, l'art. 100 du présent Code sera applicable aux rebelles sans fonctions ni emplois dans la bande, qui se seront retirés au premier avertissement de l'autorité publique, ou même depuis, s'ils n'ont été saisis que hors du lieu de la rébellion, et sans nouvelle résistance et sans armes. » Nous avons précédemment expliqué d'une manière complète le système de l'art. 100; il suffira done de rappeler ici que l'exemption de peine formulée par l'art. 213 ne doit avoir que les effets d'une excuse; que cette

[1] Voy. loi communale belge, art. 94, 105; loi lance des condamnés libérés, n'a pas compris ce provinciale, art. 129.

délit parmi ceux qui comportent cette surveil

[2] La loi belge du 31 déc. 1836, sur la surveillance..

excuse ne peut être prouvée que par les débats, et ne s'oppose point par conséquent à la poursuite; enfin, que les conditions de son admission sont au nombre de deux, qui sont que les individus qui ont fait partie de la bande se soient retirés après l'avertissement de i'autorité publique, et qu'ils aient été saisis hors du lieu de la rébellion et sans nouvelle résistance. Mais il importe de remarquer, cependant que cette disposition n'est applicable qu'aux cas de rébellion avec bande ou attroupement, et qu'aux seuls rebelles qui n'ont exercé ni fonctions ni emplois dans la bande; de là il suit que le législateur n'a eu en vue que les réunions de plus de vingt personnes, qui peuvent être soumises à une sorte d'organisation, puisqu'il les qualifie, non plus de simples réunions, mais de bande ou d'attroupement, et qu'il y suppose des fonctions et des emplois. Enfin, l'art. 213, de même que l'art. 100 auquel il se réfère, n'excuse le prévenu que pour le fait de rébellion avec violences ou voies de fait; il reste passible des crimes particuliers qu'il a personnellement commis à l'occasion de la rébellion.

Tel est l'ensemble de pénalités qui frappent la rébellion en prenant leur base dans les circonstances intrinsèques du délit, abstraction faite de ses résultats. La loi fait ensuite succéder à ces peines un deuxième système de répression, qui, négligeant les circonstances plus ou moins graves de la rébellion, s'en prend aux résultats eux-mêmes et gradue la peine à raison de leur gravité. L'art. 216 est ainsi conçu : « Les auteurs des crimes et délits commis pendant le cours et à l'occasion d'une rébellion seront punis des peines prononcées contre chacun de ces crimes, si elles sont plus fortes que celles de la rébellion. » Le but de cette disposition est de ne point confondre dans la classe des faits de rébellion les crimes qui auraient pu être commis à l'occasion de la rébellion: ces crimes ne perdent point leur gravité intrinsèque, par la raison qu'ils ont été commis dans le cours de cette rébellion l'attaque ou la résistance envers l'autorité publique n'est pas une excuse, elle ne modifie nullement, dans le système du Code, le caractère des actes qu'elle fait commettre. Ces actes demeurent donc avec leur caractère commun et les peines qui leur sont propres, et, lorsque ces peines sont plus fortes que celles dont la rébellion est passible, elles sont substituées à celles-ci. Une deuxième conséquence de l'article a donc été de réserver l'application de la règle qui veut que, dans le concours de plusieurs délits, la peine la plus forte soit seule

prononcée; mais cette règle domine toutes les dispositions du Code, et dès lors cette sorte de réserve peut paraître superflue.

Ce qu'il importe de remarquer, c'est que l'art. 216 ne punit que les auteurs des crimes et délits commis pendant le cours et à l'occasion de la rébellion. De là il suit que la responsabilité de ces excès n'atteint point les autres individus qui faisaient partie des réunions, bandes et attroupements: le fait de la rébellion est seul imputable à ceux-ci; et ce n'est que lorsqu'ils ont pris une part matérielle à l'exécution des crimes distincts et plus graves commis par quelques personnes de la réunion, qu'ils peuvent être poursuivis comme complices: le crime cesse d'être collectif, c'est-à-dire l'œuvre d'une réunion; la loi cherche dans cette réunion les auteurs immédiats, et elle les punit individuellement.

Il nous reste, pour compléter cette matière à parler des réunions qui sont assimilées aux réunions de rebelles, et des provocations à la rébellion.

L'art. 219 porte: « Seront punies comme rénnions de rebelles celles qui auront été formées avec ou sans armes, et accompagnées de violences ou de menaces contre l'autorité administrative, les officiers et les agents de police ou contre la force publique : 1o par les ouvriers ou journaliers dans les ateliers publics ou manufactures; 2o par les individus admis dans les hospices; 3° par les prisonniers, prévenus, accusés ou condamnés.»

Il ne faut pas confondre la rébellion que cet article punit avec les actes d'insubordination des ouvriers envers les maîtres, avec le délit de coalition des ouvriers, enfin avec les menaces et injures des prisonniers : ces faits divers ont été l'objet d'autres dispositions pénales [1]. Les réunions dont il s'agit dans cet article participent des caractères généraux de la rébellion, bien que ces caractères soient modifiés sous quelques rapports. Ainsi, dans les cas spéciaux dont il s'agit, il n'est pas nécessaire que l'attaque ou la résistance soit toujours accompagnée de violences; il suffit qu'elle soit commise avec de simples menaces; il suffit encore que les menaces soient dirigées contre l'autorité administrative, les officiers et les agents de police, ou contre la force publique; enfin, il ne s'agit plus seule ment des entraves apportées à la mise à exécution des ordres de l'autorité publique; les réunions prennent le caractère de la rébellion par cela

[1] Voyez art. 415 C. P., 614 C. inst. crim.; loi 25 juill. 1791, tit. 2, art. 25.

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