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seul qu'elles exercent des violences ou expriment des menaces envers certains agents, et lors même que ces agents ne seraient point troublés par ces menaces et ces violences dans l'exécution d'un acte de leurs fonctions.

Le projet du Code pénal comprenait dans une quatrième classe les élèves ou étudiants admis dans les écoles publiques ou privées, s'ils ont plus de seize ans. Cette disposition, qui plaçait ainsi hors du droit commun ces jeunes gens, et les soumettait à une répression plus facile, fut combattue par la commission du Corps législatif: « Les réunions répréhensibles de ces jeunes gens, porte le rapport de cette commission, sont ordinairement l'effet de l'effervescence de leur âge, de l'étourderie, et elles ne peuvent être généralement assimilées à celles des autres individus compris dans cet article. En les y enveloppant, ces jeunes gens pourraient encourir, en certains cas, des peines afflictives ou infamantes; et pour l'erreur ou la fougue d'un instant, des sujets bons jusque-là, d'une heureuse espérance, se trouveraient à jamais perdus dans les bagnes, les maisons de correction ou les prisons. >> La commission demandait que la peine fût réduite en leur faveur à six jours d'emprisonnement au moins et six mois au plus. Le Conseil d'état, en admettant les motifs du Corps législatif, n'admit pas sa conclusion; il préféra effacer la disposition additionnelle, et laisser les élèves sous l'empire du droit commun. [1]

:

Le Code pénal a porté sa prévoyance sur le mode d'exécution des peines portées par l'art. 219 en cas de rébellion de la part des prisonniers. L'article 220 est ainsi conçu : « La peine appliquée pour rébellion à des prisonniers, prévenus, accusés ou condamnés relativement à d'autres crimes ou délits, sera par eux subie, savoir par ceux qui, à raison des crimes ou délits qui ont causé leur détention, sont ou seraient condamnés à une peine non capitale ni perpétuelle, immédiatement après l'expiration de cette peine; et par les autres, immédiatement après l'arrêt ou jugement en dernier ressort qui les aura acquittés ou renvoyés absous du fait pour lequel ils étaient détenus. « L'unique objet de cette disposition a été de formuler une exception à la règle générale qui veut que, par la peine la plus forte qui lui soit applicable, le coupable expie tous les délits qu'il a pu commettre avant une première condamnation la

:

[1] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 9 janv 1810.

peine qu'il a encourue à raison de sa rébellion dans la prison n'est point absorbée par l'exécution d'une peine plus grave; il doit l'exécuter après celle-ci. A l'égard des détenus qui sont acquittés ou absous de la prévention principale qui motive leur détention, la peine qu'ils ont encourue à raison de leur rébellion ne commence à courir que du jour où le jugement qui les a acquittés a été rendu en dernier ressort, par conséquent la durée de l'emprisonnement pendant la procédure qui a précédé le jugement ne peut être imputée sur la durée de cette peine. Dans l'un et l'autre cas, la pensée du législateur a été de rendre le sort du détenu plus dur et plus rigoureux que le droit commun ne l'avait fait.

et

Mais, sous un certain rapport, le texte de l'art. 219 n'a pas fidèlement rendu la pensée du législateur. En effet, il en résulte que si la peine encourue pour rébellion est une peine afflictive ou infamante, et que la peine que le premier délit a motivée ne soit qu'une peine correctionnelle, cette dernière peine devra être subie la première; or, ce mode d'exécution, contraire à l'intention qui a dicté l'article, serait également repoussé par le principe qui veut que la peine la plus grave soit toujours subie la première. Il serait étrange, en effet, que le condamné frappé de la dégradation civique, qui est nécessairement attachée aux peines afflictives, fút maintenu, pendant tout le temps de l'emprisonnement, dans la jouissance de ses droits civiques, et qu'il n'en fût privé qu'à l'expiration de cette première peine. Il nous semble donc, et telle est aussi l'opinion de M. Carnot, que l'article doit être restreint au seul cas où la première peine est d'une nature plus grave que celle qui aura été encourue pour le fait de la rébellion. C'est aussi le cas qui se présentera le plus fréquemment; il est donc permis de penser que c'est le seul qui se soit offert à l'esprit du législateur.

Nous avons terminé l'examen des éléments caractéristiques de la rébellion et des pénalités qui lui sont appliquées suivant ses circonstances diverses et les degrés de sa gravité. Il nous reste à nous occuper d'un délit que le Code avait confondu dans ses dispositions et qu'une loi spéciale en a distrait, de la provocation publique à la rébellion. L'art. 217, abrogé par l'art. 26 de la loi du 17 mai 1819 [2], était ainsi conçu <«< Sera puni comme coupable de la rébellion quiconque y aura provoqué, soit par des dis

[2] Voy. l'art. 1er de la loi belge du 20 juill. 1831.

cours tenus dans des lieux ou réunions publics, soit par placards affichés, soit par écrits imprimés. Dans le cas où la rébellion n'aurait pas eu lieu, le provocateur sera puni d'un emprisonnement de six jours au moins et d'un an au plus. » Cette disposition a été remplacée par les art. 1, 2 et 3 de la loi du 17 mai 1819 l'art. 1er répute complice et punit comme tel quiconque, soit par des discours, des cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés, des dessins, des gravures, des peintures ou emblèmes vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards et affiches exposés aux regards du public, aura provoqué l'auteur ou les auteurs de toute action qualifiée crime ou délit à la commettre. Les art. 2 et 3 distinguent ensuite, comme l'avait fait le Code pénal, le cas où la provocation n'a été suivie d'aucun effet, et ils la punissent d'un emprisonnement et d'une amende qui se graduent depuis le minimum le plus faible (trois jours d'emprisonnement et 30 francs d'amende) jusqu'au maximum des peines correctionnelles (5 ans d'emprisonnement et 6,000 francs d'a

[1] La loi belge du 31 déc. 1836, sur la surveillance de la police, n'a pas compris la rébellion

mende), suivant que le fait objet de la provocation est qualifié délit ou crime par la loi, suivant le péril de cette provocation et les circonstances où elle est intervenue. Il suit de là que le principe et la distinction du Code pénal ont été maintenus et que les peines seules ont été aggravées.

L'article 221 déclare passibles de la surveillance ceux qui ont provoqué la rébellion [1]. Cette disposition pourrait-elle être encore appliquée ? On peut dire, pour l'affirmative, que l'art. 221 n'est point compris dans l'abrogation prononcée par la loi du 17 mai 1819. Mais il nous sembleévident que cette peine accessoir e ne saurait subsister quand la peine principale à laquelle elle se rattachait a été effacée du Code. La loi du 17 mai 1819 a complétement réglé la matière des provocations; c'est à cette loi qu'il faut se référer : et la disposition partielle du Code, qui a pu échapper à l'attention du législateur, ne saurait être combinée avec la loi nouvelle, pour aggraver le sort du prévenu; cette disposition doit être considérée comme comprise dans l'abrogation de l'art. 217.

parmi les simples délits passibles de la surveillance de la police.

CHAPITRE XXXI.

DES OUTRAGES ET VIOLENCES ENVERS LES DÉPOSITAIRES DE L'AUTOrité et de lA FORCE

PUBLIQUE.

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De

Caractères généraux des outrages et des violences qui font l'objet de ce chapitre. — Aperçu historique de la législation. — Règle générale : il faut que les outrages et les violences aient été commis dans l'exercice des fonctions, ou à l'occasion de cet exercice.— Division du chapitre, ler. Des outrages. — De l'outrage par paroles. —Caractères constitutifs. — Est-il nécessaire qu'il soit public? — L'outrage par lettres rentre-t-il dans cette catégorie? — Conciliation des art. 222 et suivants avec les lois des 17 mai 1819 et 25 mars 1822. · A quels fonctionnaires s'appliquent les mots magistrats de l'ordre judiciaire et administratif? Quels sont les caractères distincts de l'outrage et de la diffamation? — Y a-t-il outrage si le fonctionnaire n'est revétu d'aucun costume? si le fonctionnaire agit au moment de l'outrage incompétemment? l'outrage par gestes ou menaces. - De l'outrage fait aux officiers ministériels ou agents de la force publique. - De la réparation d'honneur. — Caractère de cette mesure.-Mode d'exécution. -§ II. Des violences. — Caractères généraux. — Quand elles sont dirigées envers un magistrat. Des pénalités. -Interdiction du lieu où siégent les magistrats. — Aggravation des peines lorsque les violences ont été la cause d'effusion de sang, de blessures, de maladie ou de la mort; — lorsqu'elles ont été portées avec préméditation ou guet-apens; - avec intention de donner la mort; — quand elles sont dirigées contre les officiers ministériels ou agents de la force publique, ou les citoyens chargés d'un ministère de service public. (Commentaire des articles 222 à 233 du Code pénal.)

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Après le crime de rébellion, le Code s'occupe des outrages et violences envers les dépositaires de l'autorité et de la force publique. Il ne s'agit plus d'une lutte contre l'autorité publique, il s'agit de l'atteinte portée à la considération et à la dignité des magistrats et des officiers qui en sont les dépositaires; il s'agit des violences dont ils peuvent être l'objet comme magistrats, comme fonctionnaires. Mais c'est encore une attaque, quoique indirecte et détournée, contre l'autorité elle-même; car ce n'est pas seulement la personne du fonctionnaire, c'est la dignité, c'est la fonction publique dont il est revêtu qu'elle atteint et qu'elle outrage. C'est aussi cette fonction, ainsi que nous allons l'expliquer, que la loi a eu pour but de faire respecter dans la personne du fonctionnaire offensé, et qui fait l'objet principal de sa sollicitude.

L'injure et les voies de fait constituent par elles-mêmes des délits plus ou moins graves, quelles que soient les personnes contre lesquelses elles sont dirigées. La loi s'est donc bornée, dans la matière qui fait l'objet de ce chapitre, à dégager et à établir une circonstance de ces

deux délits : cette circonstance est la qualité de fonctionnaire de la personne injuriée. « Il ne sera question, porte l'exposé des motifs, que des seuls outrages qui compromettent la paix publique, c'est-à-dire de ceux dirigés contre les fonctionnaires ou agents publics, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonc. tions : dans ce cas, ce n'est pas seulement un particulier, c'est l'ordre public qui est blessé; et dans un grand intérêt les peines peuvent changer de classe et de nature, parce que le délit en a changé lui-même, et que l'outrage dirigé contre l'homme de la loi dans l'exercice de ses fonctions ou de son ministère, quoique conçu dans les mêmes paroles ou accompagné des mêmes gestes, est beaucoup plusgrave que s'il était dirigé contre un simple citoyen. »

Le principe de cette agravation a été emprunté à la loi romaine. L'injure, dans cette législation, soit qu'elle fût verbale ou réelle, c'est-à-dire, soit qu'elle se manifestât par des paroles ou des voies de fait [1], puisait une gravité plus intense

[1] Injuriam fieri Labeo ait aut re aut verbis :

drns la condition de la personne injuriée Atrocem injuriam aut personá, aut tempore, aut re ipsâ fieri Labeo ait [1]; et la loi applique immédiatement à l'injure faite aux magistrats cette aggravation du délit, persona atrocior injuria fit, cui cum magistratui fiat. De là cette règle que pose Farinacius: Injuria illata magistratui dicitur atrox [2]; et la raison de cette aggravation est, suivant Menochius, que l'injure remontait alors jusqu'au prince lui-même, quòd injuria illata magistratui censetur illata ipsi principi [3]. Néanmoins, la peine plus forte qui semblait motiver cette circonstance n'était point déterminée expressément par la loi : la peine de l'injure était extraordinaire, c'est-à-dire que le juge pouvait la graduer suivant les circonstances: De injuria nunc extrà ordinem ex causâ et persona statui solet [4]. Les peines ordinaires étaient les verges, l'interdiction de certains droits et l'exil: Servi quidem flagellis casi dominis restituuntur; liberi vero humilioris quidem loci furtibus subjiciuntur. Cæteri autem vel exilio temporali vel interdictione certæ rei coercentur [3]. Cependant la loi a pris soin d'aggraver elle-même la peine dans deux hypothèses différentes : c'est lorsque l'injure avait été commise dans un libelle [6], ou lorsque les violences avaient mis la vie du magistrat en péril [7]; la peine capitale était prononcée dans ces deux cas.

Notre ancienne législation était à peu près muette sur les délits d'injures; mais la jurisprudence avait fidèlement adopté les règles et les distinctions de la loi romaine, et les appliquait non ratione imperii, sed rationis imperio. La qualité de fonctionnaire dans la personne injuriée était donc une raison d'aggravation du délit. « Les injures faites aux juges, magistrats et autres officiers de la justice dans leurs fonctions, dit un ancien criminaliste, sont des injures très-graves le magistrat doit être sacré et inviolable dans ses fonctions, parce

re, quoties manus inferuntur; verbis autem, quoties non manus inferuntur, convicium fit. L. 1, 1, Dig. de injuriis.

[1] L. 7, § 3, ibid.

[2] De variis et div. quæst.; quæst. 105, no 197 et 198.

[3] De arbitr. quæst. lib. 2, cass. 263. [4] L. 45, Dig. de injuriis.

[5] Quelle était cette dernière peine? quelles choses faisaient l'objet et la matière de cette interdiction? Accurse l'explique par un exemple;

qu'il représente la personne du prince, et par conséquent c'est une espèce de crime de lèsemajesté d'attenter à sa personne [8]. » La peine était arbitraire et variait suivant la gravité de l'injure: les juges prononçaient dans les cas ordinaires le blâme, l'interdiction à perpétuité de certains lieux, l'amende honorable, le bannissement et les galères [9]; mais la peine pouvait même s'élever jusqu'à la mort, ainsi que le témoignent, dans cette espèce même, les anciennes ordonnances: « Défendons, sous peine de la vie, à nos sujets de quelque qualité qu'ils soient, d'excéder ou d'outrager aucuns de nos magis-trats, officiers, huissiers, ou sergents, faisant, exerçant ou exécutant acte de justice; voulons que les coupables de tels crimes soient rigoureusement châtiés, sans espoir de miséricorde, comme ayant directement attenté à notre autorité et puissance [10]. »

L'Assemblée constituante modifia les pénalités, mais en conservant le principe. La loi du 28 février-17 avril 1791, qui fut transportée depuis dans le Code des délits et des peines, dont elle forma les art. 557 et 558, prononçait, comme peine plus forte, « huit jours d'emprisounement contre les mauvais citoyens qui oseraient outrager ou menacer les juges et les officiers de justice dans l'exercice de leurs fonctions. » La loi du 19-22 juillet 1791, en étendant cette disposition tutélaire à tous les fonctionnaires publics, déploya plus de sévérité : « Les outrages ou menaces par paroles ou par gestes, faits aux fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions, seront punis d'une amende qui ne pourra excéder dix fois la contribution mobilière, et d'un emprisonnement qui ne pourra excéder deux années. » Enfin l'art. 7 (2o part., tit. 1er, sect. 4) du code de 1791 portait que « quiconque aurait outragé un fonetionnaire public, en le frappant au moment où il exerçait ses fonctions, serait puni de la peine de deux années de détention. » Telles sont les dispositions, incomplètes sans doute, qui for

elle donnait, dit-il, le droit d'interdire au coupable l'exercice de sa profession, quá interdicatur fortè ei ars sua. (Glos. in leg. 45, Dig. de injuriis.) [6] L. 1, C. de famosis libellis.

[7] L. 1. Dig. ad leg. Jul. majest.

[8] Jousse, Traité des matières crim. t. 3, p. 601

et 602.

[9] Muyart de Vouglans, Lois crim. p. 351. [10] Ord.de Moulins, art. 34; édit de janv. 1572, art. 1; ord. de Blois, art. 190; édit. de janv. 1629, art. 119; ord. de 1670, tit. 16, art. 4.

maient toute la législation sur cette matière.

Mais dans la loi romaine, dans l'ancien droit et dans la législation intermédiaire, ce principe de l'aggravation de la peine était limité par une autre règle qui en restreignait l'application au seul cas où le fonctionnaire avait reçu l'outrage dans ses fonctions. Farinacius pense que la peine doit être la même, soit que l'offense ait été commise envers le fonctionnaire durante officio, soit qu'elle ait été commise post officium, mais contemplatione officii [1]; mais Menochius enseigne, au contraire, que la seule offense commise pendant la durée de l'exercice de la fonction doit entraîner une peine plus grave: Intelligitur de eo qui est in officio, non de eo cujus officium est finitum, licèt in civitate [2]. Il cite à l'appui de cette règle restrictive la loi 22 Dig. de testamento militis, et la loi 42 Dig. de injuriis, dont on peut induire, en effet, qu'en dehors de ces fonctions le fonctionnaire n'est plus, aux yeux du législateur, qu'un simple citoyen qui ne doit plus invoquer, pour le protéger, que la loi commune à tous les citoyens. Il est remarquable, au reste, que la loi 4 Cod. de injuriis, qui prévoit les outrages dont les magistrats peuvent être l'objet, suppose, dans l'espèce qu'elle présente, que ces magistrats se trouvent dans l'exercice de leurs fonctions et revêtus des insignes de leurs dignités. Atrocem sine dubio injuriam esse factam manifestum si tibi illata est cùm esses in sacerdotio et dignitatis habitum, et ornamenta præferres ut ideo vindictam potes eo nomine persequi.

Les anciennes ordonnances, dont nous avons cité quelques fragments, ne punissaient également l'outrage d'une peine capitale que lorsqu'il avait été commis envers les officiers de justice, faisant, menaçant ou exécutant acte de justice; et les criminalistes, qui écrivaient sous l'empire de ces ordonnances, généralisant cette règle, exigeaient, comme une condition néces saire de l'aggravation de la peine dans tous les cas, que l'officier public eût été injurié dans ses fonctions [3]. Enfin, on a vu que les lois de l'Assemblée constituante formulaient expressément la condition que le fonctionnaire eût été offensé dans l'exercice de ses fonctions. Notre Code a recueilli la plupart de ces distine tions; mais il en a modifié quelques-unes. L'injure prend dans ses dispositions la dénomination d'outrage, quand elle est dirigée contre

[1] De delictis et pænis, quæst. 17, no 38. [2] De arbit. quæst. lib. 2, cass. 263, num. 10.

un fonctionnaire public. L'outrage se manifeste aut verbis aut re, par des paroles, des gestes ou menaces, et des violences. La peine, toujours plus grave que lorsque le délit ne blesse qu'une personne privée, se gradue d'après la qualité du fonctionnaire outragé, d'après le lieu où l'outrage est commis, d'après surtout les circonstances qui en aggravent la nature; aut personá, aut tempore, aut re ipsâ atrocem injuriam fieri. Enfin, de même que la loi romaine, l'aggravation cesse dès que le délit ne se rapporte plus à l'exercice des fonctions, dès qu'il n'est plus commis pendant leur durée, durante officio, ou, suivant l'interprétation de Farinacius, lorsqu'il n'a pas du moins pour objet cet exercice, contemplatione officii.

Cette dernière règle, qu'il convient d'établir d'abord parce qu'elle domine toute cette matière, avait été contestée au sein du Conseil d'état, lors de la confection du Code. Un des membres (M. de Ségur) demanda que les outrages faits aux fonctionnaires publics, même hors de leurs fonctions, fussent punis plus sévèrement que ceux qui sont faits aux simples particuliers: « Ce n'est pas là, disait-on, un privilége, mais une disposition que nos institutions appellent ; car, puisqu'elles créent des autorités, elles veulent nécessairement que ces autorités soient respectées; or, comment le respect des peuples s'attachera-t-il au magistrat, si l'on ne doit plus voir en lui qu'un homme privé hors des instants où il exerce ses fonctions? « Cette étrange argumentation fut énergiquement repoussée par M. Berlier. Il n'est dû au fonctionnaire un secours spécial que lorsqu'il est attaqué comme fonctionnaire : c'est l'exercice de l'autorité qui émane de la loi que la loi plus efficacement protége. Lorsque l'outrage ne concerne point la vie publique du magistrat, lorsqu'il ne s'adresse qu'à sa vie privée, et qu'il le saisit en dehors de son ministère, ce magistrat ne peut prétendre qu'aux garanties communes à tous les citoyens, car il ne peut plus être considéré que comme un simple particulier. Au delà de ces termes, la garantie ne serait qu'un privilége odieux; car supposez qu'à raison d'un intérêt privé, d'une dette, par exemple, dont il réclame le paiement, un créancier invective ou frappe son débiteur qui se trouve être administrateur ou juge: comment la qualité de celui-ci, lorsqu'il a été insulté en dehors

[3] Jousse, t. 3, p. 601; Muyart de Vonglans, p. 351.

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