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hil ad se pertinentes latrones recipiunt [1]. Tous les jurisconsultes, en s'appuyant sur ce texte, ont admis l'exemption qu'il pose, en lui accordant plus ou moins de développements, plus ou moins d'effets [2], Jousse, en recueillant cette décision, la motive en ces termes : « Les proches parents qui retirent chez eux les voleurs sont excusables, si d'ailleurs ils ne sont

pas participants à leurs vols, parce qu'alors ils sont présumés leur donner retraite pour les garantir et mettre à couvert des poursuites de la justice: ainsi ils doivent être punis moins sévèrement que les autres recéleurs; car c'est une maxime constante que les lois relâchent de leur sévérité, quand elles sont offensées par un motif de charité inspiré par la nature [3]. »

CHAPITRE XXXIV.

DES BRIS DE Scellés et enlÈVEMENTS de pièces dans lES DÉPOTS PUBLICS.

Division du chapitre. Caractères, généraux de ces délits. Ier. Du bris de scellés. Législation antérieure. — Disposition du Code. — Du bris de scelles apposés en quelque matière que ce soit. Il faut que les scellés aient été apposés par ordre du gouvernement ou par suite d'une ordonnance de justice. - De la négligence du gardien en cas de bris. — Il est nécessaire que cette négligence soit établie.- De la connivence du gardien. De la participation de toute autre personne au délit. — Le préjudice causé par le bris est indifférent pour l'existence du delit. Du bris des scellés apposés sur les papiers et effets du prévenu d'un crime emportant une peine perpétuelle ou la peine de mort. — Negligence du gardien. — Caractères de cette négligence. Sa participation au délit. — Perpetration de ce délit par toutes autres personnes. -Caractère spécial de cette espèce de bris. - Du bris causé par violences. Du vol commis à l'aide d'un bris de scellés. —§ II. Des enlèvements de pièces dans les dépôts publics. — Ce qu'il faut entendre par depóts publics. — Punition des dépositaires négligents. Punition des soustractions commises-par le dépositaire, — par toutes autres personnes. - Du cas où ces soustractions ont lieu avec la circonstance aggravante de violences envers les personnes. (Commentaire des art. 249, 250, 251, 262, 253, 254, 255 et 256 du Code pénal.)

Les bris de scellés et les enlèvements de pièces ne sont considérés dans ce chapitre que dans leurs rapports avec l'autorité publique dont ils bles sent les prescriptions. C'est en les appréciant sous ce point de vue que le Code pénal a rangé ces infractions parmi les crimes et délits contre la paix publique, et dans la section des actes de résistance, désobéissance et autres manque ments envers l'autorité publique. Il ne s'agit donc que du bris des scellés apposés par ordre du gouvernement ou par ordonnance de justice, que des enlèvements de pièces commis dans les dépôts publics. La pensée de la loi a été d'ap

[1] L. 2, Dig. de receptatoribus.

porter une sanction aux actes des pouvoirs publics, de protéger les lieux de dépôt qu'ils ont choisis, de garantir enfin l'inviolabilité du sceau de l'autorité. Cette pensée, qui va se réfléchir sur les diverses dispositions que nous allons parcourir, fixera leur sens et leurs limites; elle est à la fois le principe et la règle d'interprétation de cette matière.

Ce chapitre se trouve divisé par la loi ellemême en deux parties, distinctes par leur objet, quoique émanant du même principe: nous suivrons cette division qui ne peut qu'aider à la clarté du travail et à la facilité des recherches.

cius, nos 99 et 100; Damhouderius, in Pract, crim.

[2] Menochius, casu 348, no 12 et 13; Farina- cap. 134, no 5.

[3] Jousse, t. 4, p. 251.

$ 1er.

Du bris de scellés.

Dans notre ancienne législation, le bris de scellés pouvait établir la présomption d'une spoliation de succession, mais ne donnait lieu qu'à une action en dommages-intérêts, sauf les cas où il était suivi de faux ou de vol [1]. Le Code pénal de 1791 avait également omis de classer ce fait dans la catégorie des délits : une loi du 20 nivôse an II combla cette lacune; mais cette loi, née dans des circonstances extraordinaires, avait poussé la sévérité si loin, que son application n'avait pu survivre à ces temps. Son art. 5 était ainsi conçu : « Tout gardien de scellés, et tout individu qui sera convaincu d'avoir mé chamment et à dessein brisé des scellés, sera, ainsi que les complices, puni de mort, en cas de bris de scellés apposés sur des papiers et effets de personnes prévenues de crimes contre-révolutionnaires; de 24 années de fers, en cas de bris de scellés apposés sur des effets ou papiers appartenant à la république; de 12 années de fers, en cas de bris de scellés apposés sur des effets ou papiers appartenant à des particuliers. >>

Le Code pénal, répudiant cette excessive rigueur, a gradué la peine du bris de scellés sur l'importance des objets mis sous les scellés, sur la qualité des personnes qui ont commis le bris, enfin sur les circonstances matérielles qui atténuent ou aggravent la criminalité de ce fait. C'est d'après ces distinctions que des degrés différents ont été établis dans la pénalité, suivant que les scellés brisés étaient apposés sur des effets quelconques, ou sur les effets d'un individu prévenu d'un crime emportant une peine perpétuelle ou la peine de mort; suivant que le bris a été commis par le gardien ou par toute autre personne; suivant enfin qu'il doit être imputé à la négligence, à la fraude, ou aux violences exercées par les agents.

ordre du gouvernement, soit par suite d'une ornonnance de justice rendue en quelque matière que ce soit, auront été brisés, les gardiens seront punis, pour simple négligence, de six jours à six mois d'emprisonnement. »>

Cet article atteste, par son texte, qu'il ne s'agit, ainsi que nous l'avons dit plus haut, dans les dispositions qui font l'objet de ce chapitre, que d'un attentat à la paix publique, d'un acte de rébellion envers l'autorité; en effet, il n'incrimine pas le bris de tous les scellés, mais seulement des scellés apposés par ordre du gouvernement ou par suite d'une ordonnance de justice; ce sont là les seuls scellés dont l'infraction constitue un délit, parce qu'ils portent le sceau de l'autorité publique, et que l'acte de les briser est un manquement envers cette autorité. C'est dans ces bornes qu'il faut restreindre l'application des articles suivants.

Le fait que punit l'art. 249 est la simple négli gence du gardien, abstraction faite de tout acte de participation au bris des scellés. On pourrait croire, à la simple lecture de cet article, que par cela seul que les scellés ont été brisés, le gardien doit être réputé coupable de négligence, sans qu'il soit nécessaire d'en rechercher les preuves dans sa conduite; mais, outre qu'il serait exorbitant de punir le gardien d'une faute que peut être il n'a pas commise, il résulte du rapprochement de cet article avec l'art. 250, que la loi n'a voulu atteindre que le gardien négligent. Ainsi la responsabilité ne naît qu'à la suite de la faute; il ne suffit pas que les scellés aient été brisés, il faut que le fait de la négligence soit établi, pour que la peine qui la réprime soit encourue.

Mais la négligence même établie suppose que le bris de scellés a été commis par des tiers; or il peut l'avoir été par le gardien lui-même. Ces deux cas sont prévus par l'art. 252 : « A l'égard de tous autres bris de scellés, les coupables seront punis de six mois à deux ans d'emprison nement; et si c'est le gardien lui-même, il sera puni de deux à cinq ans de la même peine. » Remarquons d'abord que ces mots tous autres bris de scellés se réfèrent à l'article qui précède et dans lequel est indiquée une espèce particulière de scellés : le sens de ces termes est donc uniquement de s'étendre aux autres espèces de scellés, mais aux autres espèces du même genre, c'est-à-dire de scellés apposés par ordre du gouvernement ou par ordonnance de justice. Rien n'autorise, en effet, à déroger ici à la règle posée par l'art. 249; c'est toujours la même ma[1] Serpillon, Code crim., p. 949; Jousse, t. 4, tière, la même classe de délits, la même nature d'infraction ces diverses dispositions, par cela

Le bris des scellés apposés par l'autorité publique sur des effets quelconques doit faire le premier objet de notre examen : ce délit prend deux caractères distincts, suivant qu'il est commis par les gardiens ou par d'autres personnes; et les gardiens en sont responsables lors même qu'ils n'y ont pas participé. L'art. 249, qui prévoit cette dernière hypothèse, est ainsi conçu «Lorsque des scellés apposés soit par

P. 70.

:

même qu'elles impriment en se déroulant des nuances diverses, se coordonnent entre elles, s'expliquent les unes par les autres, et sont l'application d'un principe unique que l'art. 249 a clairement formulé.

C'est une conséquence de ce principe que la Cour de cassation a appliquée en décidant que le bris de scellés commis par des héritiers constitue un défit, encore bien qu'il n'en soit résulté aucun préjudice pour les autres cohéritiers [1]. En effet, ce n'est pas le préjudice qui constitue le délit, parce qu'il ne s'agit pas d'un délit contre la propriété, parce que ce n'est pas la fraude qui le constitue; c'est l'acte de désobéissance, c'est le manquement envers l'autorité publique. Du reste, la distance qui sépare le gardien qui lui-même les brise, et la personne étrangère à cette garde qui se rend coupable du même fait, est facile à apprécier : celle-ci, quel que soit le motif qui l'anime, méconnaît l'autorité de la loi; le gardien, à cette infraction commune, ajoute l'infraction d'un devoir spécial; il trahit la mission de surveillance qui lui a été confiée, et se sert de ses fonctions pour commettre le délit. La gradation de la peine est donc loin d'être exagérée. Mais il ne faut pas omettre de dire que si le gardien a cédé à la corruption, ou s'il s'est rendu coupable de vol à l'aide du bris de scellés, la spécialité de l'acte ne l'absout pas des peines attachées à ces délits.

Après le bris des scellés apposés par l'autorité publique, en quelque matière que ce soit, la loi prévoit le bris d'une espèce particulière de scellés; l'art. 250 porte : « Si le bris des scellés s'applique à des papiers et effets d'un individu prévenu ou accusé d'un crime emportant la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité ou de la déportation, ou qui soit condamné à l'une de ces peines, le gardien négligent sera puni de six mois à deux ans d'emprisonnement. » L'exposé des motifs du Code explique cette disposition en disant : « Un gardien des scellés est un dépositaire, et son dépôt devient plus précieux, si la cause qui a nécessité le scellé est un crime commis par celui sur les effets de qui les scellés ont été apposés. La peine sera donc plus forte. » Ainsi la peine de la négligence s'aggrave à raison de l'importance du dépôt, à raison de ce que cette importance appelle une surveillance plus active, des soins plus attentifs. Mais, dans cet article comme dans l'art. 250, c'est la négligence scule, c'est, pour employer

les termes de l'article lui-même, le gardien négligent qui fait seul l'objet de l'incrimination: il est donc nécessaire, outre le bris de scellés, de prouver encore que ce bris a été commis par suite de la négligence du gardien.

La deuxième condition de l'infraction est que les scellés aient été appliqués à des papiers et effets d'un individu prévenu ou accusé d'un crime emportant la peine de mort ou une peine perpétuelle. On trouve la source de cette disposition étrange dans la loi du 20 nivôse an 11, qui punissait de mort le bris de scellés apposés sur les papiers et effets de personnes prévenues de crimes contre-révolutionnaires. La même pensée politique qui avait dicté cette loi atroce s'est perpétuée, par une singulière préoccupation, dans le Code pénal; c'est évidemment les yeux fixés sur les crimes d'état, sur l'importance politique que les papiers des accusés de ces crimes peuvent avoir, sur l'intérêt que des complices auraient à les soustraire, que le législateur a cru devoir déployer dans ce cas une sévérité plus grande. Mais il y a lieu de croire que cette prévoyance aura peu de fruit, et que cette disposition restera sans application.

Le Code pénal, poursuivant la même hypothèse, prévoit le cas où le bris de scellés aurait été commis à dessein : « Quiconque, porte l'art. 251, aura à dessein brisé des scellés apposés sur des papiers ou effets de la qualité énoncée en l'article précédent, ou participé au bris des scellés, sera puni de la reclusion; et si c'est le gardien lui-même, il sera puni des travaux forcés à temps. » Cet article, expliqué par ce qui précède, ne peut donner lieu à aucune observation spéciale. Il suffit de remarquer qu'il se réfère à l'article 250, en ce qui concerne la nature des scellés brisés, et qu'ainsi son application se trouve limitée au bris commis volontairement de scellés apposés sur les papiers et effets des prévenus ou condamnés à raison de crimes emportant la peine perpétuelle ou la peine de mort.

Enfin, le bris des scellés, quels qu'ils soient, s'aggrave lorsqu'il est commis avec des violences exercées contre les personnes : la peine est alors, aux termes de l'art. 256, celle des travaux forcés à temps. Nous reviendrons, dans le 2o § de ce chapitre, sur cette circonstance aggravante qui est commune aux destructions de pièces et au bris de scellés.

Jusqu'ici nous ne nous sommes occupés du bris de scellés que dans ses rapports avec l'an

[1] Arr. 22 juill. 1813; Dalloz, t. 24, p. 473, torité publique que cette infraction offense; S. t. 11, p. 96.

mais si elle constitue un manquement envers

l'autorité qui les a apposés, elle peut en même temps avoir pour but la soustraction des objets qui ont été placés sous ces scellés. Le législateur s'est contenté, pour la répression de ce crime, de poser la règle suivante: «Tout vol commis à l'aide d'un bris de scellés, porte l'art. 253, sera puni comme vol commis à l'aide d'effraction. » Ainsi le bris de scellés, que la définition de l'effraction semblait exclure, se trouve assimilé à cette circonstance aggravante: la loi lui imprime le même caractère moral, les mêmes effets. Mais quels sont les scellés dont parle cet article? Faut-il comprendre dans la généralité de ce terme les scellés qui seraient apposés par des particuliers? Nous ne le pensons pas. La place que cet article occupe assigne à cette expression le même sens que dans les articles qui le précèdent et le suivent la loi, en fixant dans l'art. 249 la nature des scellés dont elle a puni le bris, a posé une règle qui s'étend à toutes les dispositions de cette section. Et puis, en assimilant le bris des scellés à l'effraction, le Code pénal n'a pu entendre qu'un obstacle assez sérieux pour que l'agent révèle, en le franchissant, une criminalité plus grande : or les scellés privés n'auraient point un tel caractère; ils ne portent en eux-mêmes aucune autorité qui en commande le respect; et leur bris, qui n'est puni d'aucune peine lorsqu'il n'a pas pour but d'arriver au vol, ne pourrait devenir tout-à-coup une circonstance aggravante de ce vol.

$2.

public, dit l'exposé des motifs, est un asile sacré ; et tout enlèvement qui y est commis est une violation de la garantie sociale, un attentat contre la foi publique. » C'est en lui assignant ce caractère spécial que la loi a rangé cette infraction parmi les attentats à la paix publique, parmi les manquements envers l'autorité. Nous n'avons donc à nous occuper, suivant les termes mêmes de l'art. 254, que des soustractions faites dans des archives, greffes ou dépôts publics : c'est le lieu où la soustraction est commise qui lui imprime le caractère spécial que la loi a prévu dans ces dispositions.

Cette soustraction donne lieu à deux incriminations, à deux peines différentes : la négligence du dépositaire est considérée comme un délit et punie d'une peine correctionnelle; la soustraction frauduleuse est considérée comme un crime et punie de la reclusion ou des travaux forcés à temps, suivant qu'elle a été commise par une personne étrangère au dépôt ou par le dépositaire lui-même.

L'art. 254, qui prévoit la première de ces infractions, est ainsi conçu : « Quant aux soustractions, destructions et enlèvements de pièces ou de procédures criminelles, ou d'autres papiers, registres, actes et effets, contenus dans des archives, greffes ou dépôts publics, ou remis à un dépositaire public en cette qualité, les peines seront, contre les greffiers, archivistes, notaires ou autres dépositaires négligents, de trois mois à un an d'emprisonnement et d'une amende de 100 francs à 300 francs. »>

Nous devons nous arrêter d'abord à la définition que cet article donne des dépôts publics, et

Des enlèvements de pièces dans les dépôts à l'énumération qu'il fait des dépositaires. Ce

publics.

La violation des dépôts particuliers est punie par l'art. 408 du Code pénal, et cet article, après avoir défini et puni cette sorte d'abus de confiance, ajoute: « Le tout sans préjudice de ce qui est dit aux articles 254, 255 et 256, relativement aux soustractions et enlèvements de deniers, effets ou pièces, commis dans les dépôts publics. >>

Cette circonstance de la publicité du dépôt imprime done au délit un caractère nouveau et plus grave la loi ne punit plus seulement une atteinte portée à la propriété particulière; elle place le délit plus haut, dans l'atteinte portée à l'autorité qui a institué le dépôt. « Un dépôt

[1] Arr, cass. 25 juill. 1812; S. 1817, 1, 321. [2] Arr. cass. 9 avr. 1813; S. 1817, 1, 96; 25 mars

sont là des règles que la loi a dû poser sur le premier plan pour les appliquer à toute cette matière. Elle entend par dépôts publics les archives et les greffes; elle entend les lieux publiquement institués pour y déposer des pièces, des procédures criminelles, des papiers, registres, actes et effets. Tels sont les bureaux des diverses administrations publiques [1], les études des notaires. La Cour de cassation a compris dans la même dénomination les bibliothèques publiques à l'égard des livres qui s'y trouvent déposés [2], et même un navire soumis au séquestre à l'égard de objets et des pièces qui sont à bord [3]. La première des ces décisions peut sou lever des difficultés.

On pourrait objecter que si une bibliothèque

1819, 5 août 1819; Dalloz, t. 28, p. 447. [3] Arr. cass. 22 déc. 1832, S. 1833, 1, 320.

est un dépôt public, dans le sens le plus large de ce mot, elle ne peut que difficilement recevoir cette qualification dans l'acception de l'article 254; en effet, les exemples que donne cet article, les objets qu'il énumère, sembleraient indiquer que la pensée du législateurs'est arrêtée aux dépôts d'actes, de titres, de registres publics. Ces actes, ces papiers, dont la soustraction peut entraîner la ruine des familles, n'ont été déposés dans ces lieux que sur la foi de la garantie sociale, et c'est cette garantie que la loi aurait voulu sanctionner par des peines sévères. Peut-on assimiler à ces dépôts spéciaux une bibliothèque publique ? à ces titres déposés par des tiers et desquels dépendent les intérêts les plus graves, est-il possible d'assimiler des livres? ces livres doivent-ils rentrer dans le mot effets? A la vérité, on comprend dans cette expression générale tous les objets quelconques renfermés dans un dépôt public, autres que ceux dont l'article fait une désignation particulière. Mais cette désignation des papiers, des actes et des pièces, semble indiquer le sens que la loi a attaché au mot effets; et l'on peut en induire qu'il s'agit du même genre d'objets, des papiers qui sont tantôt des actes, tantôt des procédures, tantôt effets. Enfin une nuance semble séparer le vol d'un livre commis dans une bibliothèque et le vol d'un titre commis dans un dépôt de titres. Dans ce dernier cas, la confiance du déposant est forcée : il a dù croire à la sûreté d'un dépôt protégé par l'autorité publique; le préjudice peut être immense le vol s'aggrave donc nécessairement à raison du lieu où il est commis, à raison du dommage qu'il peut produire. Si la bibliothèque publique, au contraire, est un dépôt, ce dépôt ne renferme que des objets qui appartiennent à l'Etat; les tiers ne sont point conviés à lui confier leurs propriétés; enfin le préjudice est nécessairement limité et presque toujours minime. Cependant nous ne produisons ces objections fort graves qu'avec une extrême hésitation. Les bibliothèques contiennent des manuscrits précieux, des documents d'un immense intérêt ; et la loi a pu les considérer comme de véritables dépôts.

La loi a assimilé à un dépôt public les mains du dépositaire qui détient une pièce en sa qualité. Cette disposition n'existait point dans le texte primitif de l'article. Un membre du Conseil d'état demanda que cet article fût étendu aux pièces qui sont entre les mains des rapporteurs : « Il semble, dit-il, d'après la rédaction, que la soustraction ne soit un crime que lorsqu'elle est exécutée dans un dépôt public, tandis qu'elle doit être punie du moment où il y a infidélité

de la part du dépositaire, dans quelque lieu que le dépôt ait été fait, » Cet amendement fut adopté. Le rapporteur à qui on remet les pièces devient donc un dépositaire public, et la loi les protége entre ses mains aussi bien que dans le dépôt même. Cette exception, quoiqu'elle n'ait été créée que pour les rapporteurs, s'étend à tous les dépositaires publics, car la disposition de la loi ne distingue point. Mais il faut que la pièce ait été remise au dépositaire en sa qualitë et dans l'exercice de son ministère.

Les dépositaires publics sont les archivistes, greffiers, notaires et autres. Ici encore, les fonctionnaires désignés doivent servir d'indication pour connaître ceux qui ne le sont pas. Tout fonctionnaire, tout officier public chargé de la garde et de la conservation d'un dépôt de la nature déterminée par l'art. 254, rentre né cessairement dans les termes de cct article. Les notaires n'étaient point compris dans la rédaction primitive: la commission du Corps législatif pensa que ces fonctionnaires, souvent dépositaires, étaient implicitement compris dans l'article, mais qu'il serait utile de les désigner nominativement. Cette addition fut adoptée par le Conseil d'état. Il est nécessaire, toutefois, que les dépositaires aient un caractère public et soient établis dans un intérêt d'ordre public; ainsi la Cour de cassation a décidé avec raison que les gardiens établis par le ministère d'un huissier et dans un intérêt privé ne peuvent pas être assimilés aux dépositaires publics, qui sont institués par l'autorité publique [1].

Cela posé, il reste à établir les caractères de la négligence des dépositaires et ceux de la soustraction frauduleuse des papiers déposés. La seule soustraction faite dans un dépôt ne suffit pas pour constituer le dépositaire en faute et le rendre passible des peines portées par l'art. 254 il faut qu'un fait de négligence lui soit imputable, il faut que ce fait soit prouvé; car la loi ne punit que les dépositaires négligents. Quant aux agents qui ont soustrait, enlevé ou détruit les pièces, la nature de la peine dépend de leur qualité; l'art. 255 porte en effet : « Quiconque se sera rendu coupable des soustractions, enlèvements ou destructions mentionnés en l'article précédent, sera puni de la reclusion. Si le crime est l'ouvrage du dépositaire lui-même, il sera puni des travaux forcés à temps. » Cet article n'a pas dit que les soustractions, enlèvements ou destructions qu'il prévoit, doivent être commis volontairement et

[1] Arr. cass. 29 oct. 1812; S. 1813, 1, 190; Dalloz, t. 9, p. 94.

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