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dans un dessein de nuire: mais rien n'autorise à supprimer dans cette espèce cette condition essentielle de tous les crimes; il est évident que la destruction involontaire et accidentelle d'une pièce ne pourrait rentrer dans ses termes. Déjà cette observation a été faite au sujet de l'art. 173 qui punit le même crime dans les fonction naires qui ne sont pas dépositaires publics: ces deux articles sont l'un et l'autre éclairés à cet égard par l'art. 439 qui punit également la destruction des registres et actes de l'autorité publique, mais hors des dépôts publics, et qui exige formellement que cette destruction ait été commise volontairement.

Enfin, la loi prévoit une circonstance aggravante qui s'applique à la fois aux bris de scellés et aux soustractions de pièces; l'art. 256 est ainsi conçu : « Si le bris de scellés, les soustractions, enlèvements ou destructions de pièces, ont été commis avec violences envers les person

nes, la peine sera, contre toute personne, celle des travaux forcés à temps, sans préjudice de peines plus fortes, s'il y a lieu, d'après la nature des violences et des autres crimes qui y seraient joints. » Cette disposition, explicite dans son texte, ne doit soulever que peu de difficultés. On doit remarquer seulement qu'il ne s'agit pas de simples voies de fait, mais de violences envers les personnes, commises dans le but de soustraire ou de détruire les pièces ou l'une des pièces du dépôt. Les violences auraient été commises par les dépositaires eux-mêmes que l'article leur serait applicable; car la loi n'a point fait de distinction, et elle établit ses peines contre toute personne. Enfin, toutes les fois que ces violences constitueraient un crime passible d'une peine plus forte, c'est ce crime qui deviendrait seul punissable : l'article a fait à cet égard une réserve qu'il était peut être inutile d'exprimer.

CHAPITRE Xxxv.

de la DÉGRADATION DE MONUMENTS.

Caractères généraux de ce délit. — Quels sont les monuments auxquels il s'applique? — Législation antérieure.-Les monuments élevés par l'autorité locale et par les particuliers avec l'autorisation du gouvernement rentrent dans les termes de la loi. - Monuments et objets consacrés aux cultes. -Intention de nuire essentielle au délit.—Peines et dommages-intéréts. (Commentaire de l'art. 257 C. P.)

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Les caractères généraux de ce délit ont été tracés avec une grande clarté dans le rapport fait au Corps législatif : « Les monuments destinés à l'utilité et à la décoration publique, disait le rapporteur, sont sous la sauvegarde de tous les citoyens; ils sont l'embellissement de nos villes; ils rappellent la grandeur des peuples qui nous ont précédés, les grands talents de leurs artistes, la magnificence de leurs souverains; ils appartiennent aux siècles futurs comme au temps présent, et ils sont la propriété de tous les âges. Ceux qui sont créés de nos jours doivent nous être plus chers encore: ils attesteront à nos successeurs les faits glorieux

du plus grand des monarques, et serviront à en éterniser la mémoire. Mais quand les nombreuses cités qui composent ce vaste empire s'empressent à l'envi de transmettre à la postérité, par des monuments pompeux, leurs sentiments d'amour et d'admiration pour sa personne auguste et sacrée; quand nos artistes, animés par son génie, rivalisent avec les anciens pour éterniser son grand nom, la loi ne peut rester muette, elle doit déployer sa sévérité contre les sacriléges mains qui oseraient mutiler, dégrader ou détruire ces belles créations du génie ; défendre avec le même soin les restes précieux de l'antiquité et les produits des temps moder

nes, et empêcher que le vandalisme qui a si longtemps souillé nos contrées y rapporte encore ses ravages. »

Nous avons dû recueillir ces paroles, d'ailleurs quelque peu emphatiques, parce qu'elles expriment l'intention du législateur et le but qu'il se proposait. Une loi du 6 juin 1793 décrétait la peine de deux ans de fers contre quiconque dégraderait les monuments des arts dépendants des propriétés nationales. La même pensée, mais moins restreinte, a dicté l'art. 257 qui est ainsi conçu : « Quiconque aura détruit, abattu, mutilé ou dégradé des monuments, statues et autres objets destinés à l'utilité ou à la décoration publique et élevés par l'autorité publique ou avec son autorisation, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans, et d'une amende de 100 à 500 francs. >>

Ce que la loi a voulu protéger, ce sont les monuments des arts; ce qu'elle a voulu réprimer, ce sont les actes de vandalisme. Cette pensée, exprimée par le législateur, ressort d'ailleurs du texte même de l'article: ce sont les monuments, les statues, les objets destinés à la décoration publique et élevés par l'autorité publique, que sa sollicitude a eu en vue. Ainsi, s'il faut envelopper dans cette protection salutaire tous les œuvres des arts, quelles qu'elles soient, qui servent à la décoration de nos cités et qui deviennent dès lors une propriété publique, il faut en écarter en même temps tous les monuments, toutes les constructions qui n'ont pas ce caractère. C'est d'après ce principe que la Cour de cassation a jugé que la dégradation d'une guérite [1], que la destruction de jalons placés par un ingénieur des ponts et chaussées [2], ne pouvaient rentrer dans les termes de l'art. 257, parce que ce ne sont pas là des monuments dans le sens de cet article.

comprendre généralement tous ceux qui le sont par des corporations autorisées, telles par exemple que les bourses de commerce. Cambacérès ajouta que la disposition devait s'appliquer non seulement aux monuments élevés par l'autorité publique, mais encore à ceux qui le sont avec son autorisation, fût-ce par des particuliers [3]. C'est pour exprimer cette pensée extensive que la rédaction de l'article fut modifiée.

Une deuxième modification fut encore introduite pour étendre les termes de l'art. 257 : les mots et autres objets, qui suivent les mots monuments et statues, n'existaient pas dans le texte primitif; la commission du Corps législatif fit observer : « qu'il est une espèce de monuments qui ne sont point indiqués dans cet article; des raisons faciles à saisir semblent devoir permettre de l'y rappeler, parce que leur destruction ou mutilation peut nuire à la tranquillité publique, lorsque le gouvernement ou ses agents en ont autorisé l'exécution. Tels sont les croix, les oratoires et autres objets de vénération religieuse, construits à l'extérieur des temples, sur les places et routes, par les communes. La protection qui leur serait accordée ne nuirait en rien à la liberté des cultes : confiés à la foi publique, érigés avec autorisation, leur mutilation ou destruction peut entrer, sans inconvénient, dans un article qui a pour objet une protection spéciale pour tout ce qui porte le caractère de monument. » La commission proposait en conséquence une disposition ainsi conçue : « Ceux qui auront mutilé ou détruit les signes et objets de culte érigés à l'extérieur des temples avec autorisation, seront punis de la même peine. Le Conseil d'état ne crut pas devoir adopter la rédaction proposée par la commission; il pensa qu'il suffisait d'amender celle du projet, de manière que les objets que la commission mentionnait ne fussent pas exclus: de là l'introduction dans l'article des mots et autres objets.

L'article primitif du Code comprenait dans ses termes les monuments élevés par l'autorité du gouvernement ou des administrations départementales ou municipales. A ces expressions on a substitué celles-ci: élevés L'art. 14 de la loi française du 20 avril 1823 par l'autorité publique ou avec son auto- avait ajouté aux dispositions de l'art. 257 la risation. L'intention qui dicta cette substitu- disposition suivante : « Dans les cas prévus par tion fut d'étendre la disposition qui parut trop l'art. 257 du Code pénal, si les monuments, limitée. Un membre du Conseil d'état fit obser- statuts ou autres objets détruits, abattus, muver que cette disposition ne devait pas être tilés ou dégradés, étaient consacrés à la relibornée aux monuments élevés par le gouver gion de l'État, le coupable sera puni d'un emnement ou par les administrations, soit dépar-prisonnement de six mois à deux ans et d'une tementales, soit municipales; qu'il fallait y amende de 200 à 2,000 francs. La peine sera

[1] Arr. cass. 22 mai 1818; Dalloz, t. 28, p. 448. [2] Arr. cass. 4 mars 1825; S. 1826, 1, 36.

[3] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 19 août 1809.

d'un an à cinq ans d'emprisonnement et de 1,000 à 5,000 francs d'amende, si le délit a été commis dans l'intérieur d'un édifice consacré à la religion de l'État. » L'art. 16 de la même loi étendait l'application de cet article aux édifices consacrés aux cultes légalement établis en France. Mais la loi du 20 avril 1825 a été abrogée par la loi du 11 octobre 1830, et dès lors cette disposition additionnelle a disparu de la législation l'art. 257 forme le droit commun pour toutes les mutilations de monuments, soit qu'elles aient été commises dans un édifice consacré aux cultes, soit qu'elles concernent tout autre monument.

:

Une condition essentielle du délit est que la dégradation ait été faite à dessein; c'est cette circonstance qui constitue la criminalité du fait et que la loi a voulu punir. Si la dégradation est le résultat d'un accident, il existe en-core un dommage, il n'existe plus de délit ; une action civile peut être intentée, mais l'action publique n'aurait plus de base. Si cette distinction n'est pas écrite dans le texte de la loi, elle résulte de cette règle fondamentale du droit pénal, règle qui domine toutes ses dispositions,

qu'il n'y a point de délit là où il n'y a pas cu intention d'en commettre.

Ainsi, les deux éléments du délit sont qu'il y ait destruction, mutilation ou dégradation de monuments élevés avec l'autorisation de l'autorité publique, et que cette dégradation ou cette destruction soit commise volontairement : l'application de l'article est subordonnée au concours de ces deux éléments. De là il suit que la dégradation, même volontaire, de monuments élevés par des particuliers sans autorisation, ne rentrerait point dans les termes de cet article. Lors de la discussion du Conseil d'état, Cambacérès voulait réserver l'action de dommages-intérêts au cas de destruction ou de mutilation de ces monuments privés : « Ce sont là des propriétés, ajoutait-il, il faut les protéger. » M. Berlier fit remarquer que les réparations civiles ont lieu de plein droit pour tous dommages causés, même hors la sphère des délits, et qu'ainsi la réserve serait oiseuse. Il suit de là que la dégradation des monuments privés n'est passible que d'une action civile en dommages-intérêts, sauf le cas où elle constituerait une contravention de police.

CHAPITRE XXXVI.

DE L'USURPATION DE TITRES OU FONCTIONS.

Caractère général de cette infraction. De l'immixtion illicite dans des fonctions publiques.· Rapports de ce délit avec d'autres délits de la même nature.—Circonstances qui le constituent. A quelles usurpations s'applique la loi ? — Immixtion dans l'exercice des droits électoraux; dans les fonctions de la garde nationale. · Dans quels cas l'immixtion constitue un faux. — Du port illégal d'un costume, d'un uniforme ou d'une décoration. - · Caractères spéciaux de chacun de ces delits. Décorations illicites. · Décorations étrangères. — Abrogation de la disposition relative aux titres de noblesse. (Commentaire des art. 258 et 259 du C. P.)

L'observation que nous avons faite dans les chapitres qui précèdent se reproduit nécessairement dans celui-ci le Code ne considère point l'usurpation des titres ou fonctions dans leurs rapports avec les intérêts privés qu'elle peut léser, mais dans ses relations avec l'autorité publique qu'elle offense; c'est en l'appré

ciant sous ce point de vue qu'il l'a rangée dans la classe des attentats contre la paix publique. La pensée qui a dicté cette incrimination a donc été de réprimer un manquement envers l'autorité; c'est là l'esprit du Code, et c'est à l'aide de cette règle d'interprétation que le sens et la portée de ses dispositions doivent être fixés.

L'usurpation s'applique soit aux fonctions, soit aux titres. L'art. 238, qui prévoit la première, porte : « Quiconque, sans titre, se sera immiscé dans des fonctions publiques, civiles ou militaires, ou aura fait les actes d'une de ces fonctions, sera puni d'un emprisonnement de 2 à 5 ans, sans préjudice de la peine de faux, si l'acte porte le caractère de ce crime. »>

Cet article prévoit la simple immixtion dans des fonctions publiques. D'autres articles ont prévu le même fait, mais accompagné de circonstances qui en aggravent le caractère. Ainsi l'art. 93 punit, l'usurpation du commandement d'une armée, d'une place de guerre; les art. 127 et 130 répriment l'immixtion de certains fonctionnaires dans l'exercice du pouvoir législatif; les art. 196 et 197 prévoient les actes d'une autorité illégalement anticipée ou prolongée; enfin l'art. 334 s'applique à l'usurpation du costume ou du nom d'un officier public pour opérer une arrestation arbitraire. L'art. 258 a donc dégagé le fait de l'usurpation de fonctions de ces circonstances aggravantes ou concomittantes ce qu'il punit, c'est la seule immixtion, sans titre, dans les fonctions, la perpétration d'un seul acte sous le nom du fonctionnaire.

Déjà ce délit avait été l'objet de la sollicitude du législateur : la loi du 15 septembre 1792 l'avait prévu, mais en le frappant de peines hors de proportion avec sa gravité; son article 3 punissait de la peine de mort tout citoyen trouvé revêtu d'un costume qu'il n'avait pas le droit de porter, et convaincu d'avoir fait des actes d'autorité que l'officier public a scul le droit de faire. Le Code, tout en recueillant la pensée qui avait dicté cette loi, s'est éloigné de son texte: il n'a point exigé la double condition du port du costume et de la perpétration de l'acte, l'immixtion suffit pour constituer le délit.

Mais il est nécessaire que cette immixtion soit faite dans des fonctions publiques: c'est là une condition essentielle du délit; ces fonctions seu les présentent assez d'importance pour que le législateur ait cru devoir les défendre d'une dangereuse usurpation. Les fonctions publiques sont celles qui s'exercent par suite d'une délé gation de l'autorité publique: ce sont celles-là seulement que la loi a dû protéger. Deux questions se sont élevées à ce sujet, et leur solution ne peut que servir à fixer le sens du terme légal. Il s'agissait de savoir, dans une première espèce, si l'individu étranger à la garde nationale, qui y fait le service sous le nom d'un membre de cette garde, se rend coupable de l'usurpation d'une fonction publique. La Cour de cassation a résolu cette question négativement: « Les

fonctions dont il s'agit, porte le réquisitoire qu'elle n'a fait qu'adopter, ne sont point assurément des fonctions publiques civiles; sontelles militaires? La garde nationale n'est réputée corps militaire que lorsqu'elle est mise en activité, à l'instar de la troupe de ligne : il faut qu'elle soit appelée à faire un service extraordinaire hors de ses foyers. Tant qu'elle est sédentaire, elle n'est point militaire, et conséquemment elle n'exerce point de fonctions militaires : c'est ce que déclare expressément la loi du 12 décembre 1790: « Les citoyens armés ou prêts à s'armer pour la chose publique ou pour la défense de la liberté et de la patrie, ne formeront point un corps militaire [1]. »

La question ne présentait plus de difficultés dans la deuxième espèce : elle consistait à savoir si l'exercice, sans titre, des droits électoraux, constitue le délit d'usurpation de fonctions publiques. La Cour royale d'Amiens a jugé cette question négativement par arrêt du 26 juin 1822 [2]. Il est impossible, en effet, sans faire violence au sens littéral de l'article 258, de ranger le droit d'élire au nombre des fonctions publiques, puisque l'électeur ne l'exerce pas par suite d'une délégation de l'autorité publique, mais en vertu de ses droits de citoyen et suivant les conditions exigées par la loi politique. Nous ajouterons que bien évidemment la pensée du législateur n'a pas été d'étendre la protection de l'article 258 aux droits électoraux ; la seule idée qui l'ait préoccupé a été celle de défendre l'autorité publique contre toutes les attaques dont elle peut être l'objet, et la preuve de cette préoccupation exclusive se trouve, non-seulement dans ses termes, mais dans la place qu'il occupe dans la section des désobéissances, résistances et manquements envers l'autorité publique, L'exercice illégal des droits électoraux ne trouve donc point de sanction dans l'article 258; mais nous avons reconnu ( t. 3, p.80) que ce délit rentrait dans les termes de l'art. 111.

L'art. 258 se termine par ces mots sans préjudice de la peine de faux, si l'acte porte le caractère de ce crime. Il n'y a crime de faux qu'autant qu'à l'altération matérielle de l'écriture se réunissent l'intention de nuire et la possibilité d'un préjudice. Lors donc que ces caractères ne se trouvent pas constatés, l'acte d'usurpation, quel qu'il soit, demeure compris dans les termes de cet article. Ainsi,

[1] Arr. cass. 7 mai 1824.

[2] Sirey. 1824, 209 - Voy. aussi Gazette des Tribunaux des 31 mars el 1er avr. 1828.

les actes passés sous la fausse qualité du fonctionnaire demeurent soumis à cette disposition, tant que l'agent, en se revêtant de cette qualité, n'a pas usurpé un faux nom; et dans le cas même où il aurait pris le nom d'un fonctionnaire dans les actes qu'il aurait souscrits en cette qualité, ces actes resteraient encore dans la même caté gorie, s'ils ne produisaient pas une lésion quelconque, soit à l'État, soit à des tiers.

Le deuxième délit d'usurpation, dont nous avons maintenant à nous occuper, est le port illicite d'un costume ou d'une décoration. L'art. 259 est ainsi conçu : « Toute personne qui aura publiquement porté un costume, un uniforme ou une décoration qui ne lui appartiendra pas, sera punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans. » Ce n'est donc plus l'immixtion dans les fonctions que cet article prévoit, mais le port illicite du costume de ces fonctions; ce n'est plus l'usurpation de pouvoir, mais celle d'un signe extérieur que l'agent n'avait pas le droit de porter. Ce délit était prévu par l'art. 2 de la loi du 15 septembre 1792 qui punissait de deux années de fers tout citoyen qui serait trouvé revêtu d'un costume qu'il ne serait point autorisé par la loi à porter. La loi ne suppose pas encore qu'il ait été fait un funeste usage du costume usurpé, mais elle voit dans ce fait un acte préparatoire d'un délit, et elle le punit dès qu'il est constaté, pour n'avoir pas à punir un délit plus grave: «Il est du plus grand intérêt pour la société, dit la loi de 1792, que des particuliers ne puissent, pour faciliter l'exécution de projets criminels, se revêtir à volonté des décorations décrétées pour les juges, les administrateurs, les magistrats du peuple, et pour tous autres officiers publics. » Ce délit a donc une gravité moindre que celui prévu par l'art. 258: il prépare l'usurpation de pouvoir, il ne la consomme pas; l'agent revêt un costume qui lui est interdit, mais il n'en fait aucun usage. S'il s'en servait pour la perpétration de quelque acte, le fait changerait de nature, il constituerait alors l'usurpation des fonctions, et dans certains cas le délit d'escroquerie ou de crime de faux.

Une circonstance substantielle du délit est que le costume ou la décoration ait été porté publiquement; c'est cette publicité seule qui constitue le délit, parce que seule elle constitue le danger. Chaque citoyen est libre de revêtir dans sa maison tous les costumes qu'il lui plaît: le caprice qui fait naître ces usurpations les

[1] Arr. cass. 25 août 1832.

absout en même temps, et le législateur n'a point à se préoccuper de ces actes qui ne peuvent produire aucun danger.

La publicité même du port illicite du costume ne serait pas suffisante pour constituer le délit : ce n'est point ici une contravention matérielle que la seule perpétration du fait puisse former, Il est nécessaire que l'agent qui a revêtu le costume ou la décoration, ait eu l'intention, sinon de porter préjudice, car alors son action prendrait un autre caractère, du moins de faire croire qu'il était possesseur des fonctions ou du titre que ces signes extérieurs représentent, C'est cette pensée de fraude qui distingue et sépare l'usurpation inoffensive, que cette innocuité absout, et l'usurpation que la loi doit inculper, parce qu'elle constitue une sorte d'outrage pour l'autorité publique, et qu'elle tend à en compromettre les insignes et à en usurper le pouvoir.

Le costume, l'uniforme et la décoration n'appartiennent à l'agent qui les porte qu'autant que le titre qui donne le droit de les porter lui a été conféré par un pouvoir légal. Ce principe, évident par lui-même, a été consacré dans une espèce récente. Le 1er août 1830, Charles X, étant à Rambouillet, avait conféré la décoration de la Légion-d'Honneur à l'un des officiers de sa garde: des poursuites ayant été dirigées contre cet individu pour port illicite de cette décoration, la Cour royale de Bordeaux crut devoir surseoir à statuer jusqu'à ce que le ministère public eût produit l'ordonnance qui annulait la nomination. Cet arrêt a été déféré à la Cour de cassation, parce qu'il supposait la validité d'une nomination, nulle de plein droit, puisqu'au 1er août 1830 Charles X avait cessé d'être roi. La Cour a, en effet, annulé l'arrêt en se fondant : « sur ce que le jour où Charles X aurait fait la nomination, il existait un gouvernement reconnu qui avait la plénitude de la puissance exécutive; que dès lors le pouvoir royal avait cessé d'exister dans la personne de Charles X; que la Cour royale de Bordeaux, en refusant de statuer au fond, avait violé les règles de la compétence et méconnu les principes fondamentaux du droit public du royaume [1]. »

Le port des insignes des divers ordres étrangers, sans autorisation du roi, serait compris dans les termes de l'art. 259 [2]. En effet, cet article ne distingue point entre les diverses décorations dont il prévoit le port illicite, et il dé

a jugé que les termes de l'art. 258 sont généraux [2] La Cour de Paris, par arrêt du 10 déc. 1837, et absolus et ne font aucune distinction entre les

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