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la loi d'en renvoyer l'examen à notre cinquième erronée. Toutefois, le législateur, en portant volume.

Les faux en écritures feront l'objet de nos chapitres 22, 23, 24 et 25. Nous nous occuperons donc dans ce chapitre des faux qui sont commis par faits et qui composent la sect. 2 du ch. 3 du tit. 1er du Code pénal; et, comme le Code, nous ne séparerons point de cette matière les faux commis dans les effets publics, quoique cette espèce de faux puisse sembler plutôt appartenir à la classe des faux en écri

tures.

Le Code prévoit, dans cette section, la contrefaçon du sceau de l'État, des billets de banque et des effets publics, des timbres, marteaux et poinçons de l'État ; des sceaux et timbres des autorités et établissements de commerce; enfin des marques destinées à être apposées sur les denrées et marchandises. Ces diverses espèces de contrefaçon sont divisées en trois classes. Nous suivrons dans notre examen la même division, en la dégageant toutefois de quelques irrégularités.

§ 1er. De la contrefaçon des effets publics.

La fabrication des faux billets de banque et autres effets publics est une véritable fabrication de fausse monnaie, mais avec plus de facilités pour sa perpétration et plus de périls pour la société.

<< Il existe, disait l'exposé des motifs du Code, une autre sorte de monnaie qui n'appartient qu'à nos temps modernes, ce sont les billets de confiance et les papiers du gouvernement. Cette sorte de monnaie, qui supplée à l'autre et qui ajoute des richesses fictives aux richesses qui les garantissent, qui multiplie à l'infini les moyens d'industrie et de commerce, est un grand bienfait de nos nouvelles institutions; mais elle a besoin que rien ne porte atteinte à la foi qu'on à dans sa valeur : et la sécurité de ceux qui la possèdent peut être facilement détruite; les faussaires troublent cette sécurité; leurs criminelles entreprises tendent non-seu lement à enlever une partie des riches trésors qu'ils convoitent, mais à en tarir irrévocablement la source; des peines sévères doivent les réprimer, et la loi les condamne à mort avec confiscation des biens. >>

Ces paroles, sans exagérer peut-être l'importance du crime, en tiraient une conséquence

[1] Avis du Conseil d'état du 30 frim. an XIV. [2] Bill of any bank and bill of credit (Penal

la peine de mort, ne faisait que confirmer une législation depuis longtemps existante: l'article 8 des lettres-patentes du 2 mai 1716 et l'article 1er de l'ordonnance du 4 mai 1720 punissaient de cette peine toute contrefaçon des ordonnances tirées sur le trésor royal, des états ou extraits de distributions émanant du trésor, et des billets de banque; le Code pénal du 25 septembre-6 octobre 1791 portait la même peine contre les contrefacteurs de papiers nationaux ayant cours de monnaies; et enfin l'article 36 de la loi du 24 germinal an xi assimilait aux faux monnayeurs les fabricateurs de faux billets de banque.

Mais ce crime, de même que la fausse monnaie, n'est après tout qu'un vol avec une circonstance très-aggravante : c'est un crime contre la propriété et non contre les personnes. Quelque graves que soient ses effets, la peine de mort n'était donc point en harmonie avec sa nature, puisqu'il ne met point la vie de l'homme en péril, et la loi du 28 avril 1832 a sagement fait disparaître cette cruelle anomalie entre le châtiment et le crime, en substituant à la peine de mort celle des travaux forcés à perpétuité.

Cette dernière peine pourrait sembler trop rigoureuse encore, d'abord parce que les effets du trésor et les billets de banque n'ont pas un cours forcé [1], et n'ont pas droit par conséquent à la même protection que la monnaie nationale; ensuite parce que, dans plusieurs législations étrangères, la pénalité attachée à ce crime n'est point aussi élevée. Ainsi les Codes de New-York et de Géorgie ne punissent la fabrication des billets des banques des Etats-Unis et des billets de crédit [2] que de dix ans de reclusion dans un pénitencier; le Code de la Louisiane mesure la peine dans les limites de 7 à 15 ans; celui de Prusse prononce dix années de détention dans un fort : et les lois pénales des Deux-Siciles, après avoir distingué la falsification des billets de banque et celle des effets publics, ne punissent la première que de la reclusion à vie, et ne prononcent contre la deuxième que 12 à 24 ans de fers. Toutefois, à ces législations on peut opposer les lois anglaises et le Code général de l'Autriche: l'Angleterre, qui si longtemps a maintenu comme un principe que la grâce même ne pouvait arracher à la peine de mort le fabricateur d'un faux billet de banque, et qui confirmait encore cette peine

Code of the state of Georgia; Revised statutes of the state of New-York.)

dans un bill du 23 juillet 1832, destiné à réformer ses lois pénales relatives aux faux [1], n'a pu se défendre de l'abolir enfin à l'exemple de la France; mais le bill récent qui prononce cette abrogation prononce en même temps pour ce crime la transportation à vie au-delà des mers [2]. L'Autriche a maintenu jusqu'ici la peine de mort contre les contrefacteurs de billets de crédit public.

Il nous paraît que ce crime menace la société d'un danger plus réel, et y jette plus d'alarmes. que le crime de fausse monnaie lui-même, tel qu'il se manifeste de nos jours. Cette sorte de monnaie qui, dans les transactions les plus importantes, remplace la monnaie métallique, se prépare dans l'ombre et exige moins d'appareil de fabrication. L'exécution du crime est plus facile, et ses coups ont plus de portée, puisque chaque billet falsifié produit une somme plus considérable. Si les effets publics n'ont pas un cours forcé, la confiance publique et les nécessités du commerce en ont consacré l'usage, et d'ailleurs cette distinction du cours volontaire ou forcé n'altère ni la criminalité intrinsèque de l'agent, ni même le préjudice qu'il cause. La fabrication des faux billets de banque ou des effets publics semble en quelque sorte avoir remplacé dans nos temps actuels, par la gravité de ses résultats et l'inquiétude qu'elle répand, ces ateliers de faux monnayage dont l'existence inspirait aux anciens législateurs une si vive anxiété. Nous n'hésitons donc nullement à assimiler cette fabrication aux cas les plus graves du crime de fausse monnaie, et dès lors nous ne contestons point la légitimité de l'application d'une peine perpétuelle.

Le deuxième paragraphe de l'article 139 a réuni dans sa disposition deux crimes qui n'ont ensemble aucun rapport. Ce paragraphe est ainsi conçu: « Ceux qui auront contrefait ou falsifié soit des effets émis par le trésor public avec son timbre, soit des billets de banques autorisées par la loi, ou qui auront fait usage de ces effets et billets contrefaits ou falsifiés, ou qui les auront introduis dans l'enceinte du territoire français, seront punis des travaux forcés à perpétuité. >>

Cet article ne s'applique qu'à la contrefaçon

des effets émis par le trésor public avec son timbre, ou par les banques autorisées par la loi.

Le projet du Code pénal punissait de la peine de mort la seule contrefaçon des billets de banque, et ajoutait : « Ceux qui auront contrefait ou falsifié des papiers ou des effets nationaux portant obligation ou décharge, seront punis de la déportation. »

M. Regnaud demanda, dans la discussion du Conseil d'état, que les obligations des receveurs généraux fussent assimilées aux billets de banque. M. Cambacérès appuya cette proposition: «Dans toute l'Europe, dit-il, beaucoup de papiers font office de monnaies. Il importe donc d'établir des peines très-graves contre ceux qui contrefont, falsifient ou mettent en circulation des papiers accrédités par le gouvernement. Cette précaution est d'autant plus nécessaire, que la plupart des transactions sont soldées par la voie commode du papier. En conséquence, la peine infligée aux faux monnayeurs convient aussi aux faussaires dont il s'agit.» Mais M. Treilhard pensa que ce principe ne pouvait être appliqué qu'aux effets qui sont versés au trésor en exécution d'une loi : « Autrement, dit-il, il y aurait trop d'incertitude; car parmi les papiers que la trésorerie peut refuser, elle reçoit tantôt les uns tantôt les autres, suivant les temps et les circonstances. >> Alors M. Defermon proposa d'étendre seulement la disposition de l'article 129 aux papiers revétus du timbre du trésor public, à l'effet de les monétiser. Cette proposition, qui fut adoptée, motiva la rédaction actuelle [3]. Ainsi, dans l'esprit de la loi, le timbre du billet est la condition essentielle du crime prévu par l'article 139; il est donc nécessaire que cette circonstance soit constatée par le jury, aussi bien que la qualité d'effet émis par le trésor.

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Quant aux billets de banque, il est également essentiel que les banques qui les ont émis soient autorisées par la loi; car, autrement, ces banques ne seraient que des établissements particuliers de commerce, et leurs effets seraient dès lors compris dans les termes de l'article 147 du Code. L'autorisation légale imprime à la banque un caractère public qui contribue à donner à ses effets un cours plus rapide et plus

[1] An act for amending the laws relative to for. c. 123: Summary of the criminal law, p. 215. gery, 2 Geo. IV, et Will. IV, c. 66. [3] Procès-verbaux du Cons. d'état, séance du 22 oct. 1808.

[2] He shall be transported beyond the seas for the term of such offender's life, 2 et 3; Will. IV,

usuel; et c'est cette circulation établie par la loi elle-même, qu'elle a voulu protéger par une pénalité plus forte.

La question s'est élevée de savoir si celui qui, pour faire revivre des billets de banque retirés de la circulation et frappés d'un timbre indiquant qu'ils sont annulés, fait disparaître ce timbre par des procédés chimiques, commet le crime prévu l'art. 139. Les motifs de douter sont qu'il n'y a pas dans ce fait fabrication de faux billets de banque, puisque ceux dont il a été fait usage étaient des billets vrais ; et que la falsification peut également être contestée, puisque l'agent n'a falsifié aucun des signes, aucun des caractères qui constituent le billet de banque, et qu'il s'est borné à faire disparaître un mot, le mot annulé, qui n'appartenait pas à l'essence de ce billet. Mais la Cour de cassation a jugé, « que ce délit est une altération de billets de banque annulés, en grattant et dé truisant le mot annulé, dans le dessein de les remettre en circulation et de s'en approprier le montant; que cette altération constitue un crime de faux à dessein de nuire à autrui [1]. » Cette décision nous paraît fort rigoureuse. La disposition de l'article 139 ne s'applique qu'aux billets de banqne ayant cours; quant aux billets hors de cours ou annulés, la loi n'a plus les mêmes motifs de les protéger, et on peut étendre par analogie à ces billets les termes de l'article 132, relatif à la monnaie métallique. Ensuite, l'art. 139 ne punit pas l'altération des billets de banque, mais bien seulement leur contrefaçon et leur falsification: or, dans l'espèce, on ne peut voir réellement ni l'un ni l'autre de ces deux actes; l'intention de nuire peut être la même, mais le fait matériel manque pour l'existence du crime. On peut voir dans le fait, soit un vol, soit un faux en écritures de commerce ou de banque, mais non le crime de fabrication ou de falsification d'un billet de banque. Nous pouvons étayer notre opinion d'un arrêt de la Cour de cassation rendu le 25 février 1836 [2].

L'usage des faux effets du trésor ou billets de banque est puni comme le crime principal de leur fabrication. Toutefois il est nécesaire que cet usage ait eu lieu sciemment, c'est la disposition formelle de l'article 163. Mais celui qui a fait usage de ces effets peut-il invoquer le bénéfice de l'article 135 lorsquil les a reçus pour bons? La loi n'a point reproduit ici la distinction établie par l'article 135 pour le crime de

[1] Arr. 19 déc. 1807. ( Sir. 180 8. 1. 167.)

fausse monnaie; il faut nécessairement conclure de ce silence que cette exception n'est point applicable à celui qui a fait sciemment usage des effets contrefaits ou falsifiés, il suffit qu'il ait connu le faux au moment de l'usage; la loi ne cherche point s'il avait reçu les effets comme bons, ou avec connaissance de leur falsification. Dans ces deux cas, il est assimilé au faussaire.

On peut apercevoir, en effet, une nuance assez légère, du reste, entre l'émission d'une monnaie fausse et celle d'un faux billet de banque. La circulation plus rapide de la première peut faire espérer à l'agent qu'il n'en résultera aucun préjudice pour celui qui la reçoit; ensuite, c'est une idée générale dans la classe la moins éclairée de la société, qu'il est licite de remettre en circulation une pièce fausse reçue pour bonne, et de rejeter ainsi sur autrui la perte que le hasard nous jette. Ces deux considérations ont dicté l'article 135: or elles deviennent, il faut l'avouer, moins fortes relativement à l'usage d'un faux billet de banque, lors même que l'agent l'aurait accepté comme bon; car il est impossible que cet agent n'ait pas prévu que la perte qu'il veut éviter va retomber tout entière sur celui auquel il a remis le billet; et cette perte plus considérable, les lumières plus répandues dans la classe où cette monnaie circule, ne permettent pas d'appliquer, sans quelques restrictions, la disposition bienveillante de l'article 135. Cependant la même excuse couvre évidemment ces deux espèces : l'agent a moins eu l'intention de voler que celle d'éviter un dommage; la loi doit également compatir à sa position, et, suivant M. Berlier, ne voir en lui qu'un malheureux cherchant à rejeter sur la masse la perte dont il était personnellement menacé. Il commet un vol, sans doute; mais il ne commet pas le crime prévu par l'article 139. L'émission n'est assimilée à la contrefaçon dans l'esprit de cet article, que parce que la loi voit dans celui qui émet un complice du contrefacteur. Mais cette complicité ne peut plus être invoquée dès qu'il est constant que les effets ont été reçus comme bons. L'application d'une peine uniforme dans l'un et l'autre cas est donc une déviation des règles de la justice; c'est une lacune dans la loi ; la peine peut être plus grave que la simple amende portée par l'article 135, mais elle ne doit pas s'élever jusqu'aux travaux forcés à perpétuité.

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La simple exposition faite par un changeur

[2] Journ, du droit cr. t. 8, p. 45.

d'un billet contrefait ou falsifié ne constitue point un crime, puisque l'article 139 ne parle que du seul usage, ce qui ne peut s'entendre que de l'émission des billets. Il est également hors de doute que l'introduction sur le territoire de billets contrefaits ne serait punissable qu'autant que cette introduction a eu lieu avec intention de nuire; cette circonstance seule est constitutive du crime. Il ne suffirait pas que l'agent eût connu le faux, s'il n'avait pas l'intention de se servir des billets.

Aux termes de l'article 5 du Code d'instruction criminelle, tout Français qui s'est rendu coupable, hors du territoire de France, de contrefaçon de papiers nationaux et de billets de banques autorisées par la loi, peut être poursuivi et puni en France d'après les dispositions des lois françaises; l'article 6 étend cette disposition aux étrangers auteurs ou complices des mêmes crimes. Ces mots papiers nationaux doivent être appliqués dans le sens défini par l'article 139, c'est-à-dire seulement aux effets émis par le trésor public avec son timbre. Les dispositions de l'article 164 qui portent une amende contre les coupables de faux, et de l'article 165 qui les assujétit à l'exposition publique quand ils ont encouru les travaux forcés et la reclusion, sont nécessairement applicables aux coupables des crimes prévus par l'article 139. Les termes généraux de ces articles ne laissent aucun doute.

Enfin, l'article 144 rend également communes aux mêmes crimes les dispositions de l'article 138, qui prononce en faveur des révélateurs l'exemption des peines légales. Nous avons exposé dans le chapitre précédent les limites et les règles de l'application de cet article; il suffira de s'y reporter.

§ II. Contrefaçon des sceaux, timbres, marteaux et poinçons de l'Etat.

Le premier paragraphe de l'article 139 punit des travaux forcés à perpétuité: «ceux qui auront contrefait le sceau de l'État ou fait usage du sceau contrefait [1]. »

Le législateur de 1810 avait porté la peine de mort. « Ce crime, disait l'orateur du gou

[1] Une ordonnance du 13 août 1830 a supprimé les anciens sceaux de l'Etat. Une deuxième ordonnauce du 16 février 1831 en détermine la forme actuelle.

[2] Muyart de Vouglans, Lois criminel, p. 253. [3] On lit dans Airault, en ses Pandectes, liv. 9,

vernement, est un véritable crime de lèse-majesté, une usurpation de la souveraineté, et il mérite la plus rigoureuse de toutes les peines. >> Ces idées sont visiblement puisées dans notre ancienne législation. Les faux commis par la contrefaçon et la supposition du sceau royal y formaient un crime de lèse-majesté au second chef [2]; et les ordonnances de mars 1531 et de mars 1680, «afin de donner plus grande crainte et terreur à ceux qui s'en voudront mesler, »> appliquaient également la peine de mort à ceux qui auraient imité, contrefait, appliqué ou supposé les grands et petits sceaux [3]. L'Assemblée constituante n'avait porté contre le même crime que la peine de 15 ans de fers [4].

Nous ne croyons pas que cette disposition ait jamais été appliquée. Il s'agit ici d'un crime, pour ainsi dire, imaginaire. Le grand sceau de l'État n'est apposé qu'à quelques-uns des actes émanés de l'autorité royale, et cette apposition, qui n'est qu'une simple formalité, n'ajoute aucune force à l'acte lui-même ; nul intérêt réel ne commande donc de le contrefaire. On peut supposer cependant qu'une telle imitation pourrait avoir pour but de faciliter l'exécution d'un crime politique; mais alors le faux deviendrait l'accessoire de ce crime lui-même dont il n'aurait été que l'instrument. Il existe aussi quelques cas où la contrefaçon du sceau de l'Etat peut servir des intérêts privés : les lettres de dispenses de parenté ou d'âge pour mariage en sont revêtues. Mais il est presque impossible, d'après les diverses formalités auxquelles ces lettres sont soumises, qu'elles puissent être contrefaites, et, dans le cas même où ce crime aurait lieu, il nous semble que l'imitation du sceau ajouterait peu de chose à la criminalité intrinsèque du faux.

C'est avec raison, du reste, que la loi a mis sur la même ligne celui qui a contrefait le sceau de l'Etat et celui qui a fait usage du sceau contrefait. Dans cette espèce de faux et dans tous les faux commis par actions, celui qui prépare le crime n'est le plus souvent qu'un instrument employé pour la perpétration : le véritable faussaire est celui qui se sert des sceaux, des timbres ou des poinçons qu'il a fait imiter pour consommer le crime. En cela,

tit. 1, ch. 1: « Si falsitati adjectum fuit ampliùs sigillum regium. senatus decrevit sub Philippo Valerio comburi authores. >>

[4] Cod. pén. 25 sept. - 6 oct. 1791, 2o p. tit. 1, sect. 6, art. 3.

les faux commis par des faits diffèrent des faux en écritures et même de la fausse monnaie les faux monnayeurs et les faussaires travaillent, en général, pour leur propre compte. La contrefaçon du sceau de l'Etat a tellement préoccupé le législateur, que ce crime est mis par l'article 5 du Code d'instruction criminelle au nombre de ceux qui peuvent être poursuivis en France, lors même qu'il ont été commis hors du territoire; et qu'aux termes de l'article 144 du Code pénal, la seule révélation de ce crime suffit pour exempter de toutes peines les complices révélateurs. Toutes ces dispositions sont jusqu'à présent restées oisives dans le Code. La contrefaçon des timbres, marteaux, marques et poinçons de l'Etat, appartient évidemment à la même classe de faux. L'article 140 réunit ces divers crimes dans une même disposition et les frappe d'une peine commune.

Cet article est ainsi conçu: «Ceux qui auront contrefait ou falsifié, soit un ou plusieurs timbres nationaux, soit les marteaux de l'Etat seryant aux marques forestières, soit le poinçon ou les poinçons servant à marquer les matières d'or ou d'argent, ou qui auront fait usage de papiers, effets, timbres, marteaux ou poinçons falsifiés ou contrefaits, seront punis des travaux forcés à temps, dont le maximum sera toujours appliqué dans ce cas. »

Les timbres nationaux sont ceux qui portent les armoiries de l'État [1] et qui sont apposés en son nom tels sont les cachets imprimés par le gouvernement sur les pièces qu'il délivre. Il faut distinguer entre les timbres naționaux et le timbre d'une autorité quelconque dont la contrefaçon rentre dans les termes de l'article 142: la différence qui les sépare consiste en ce que les premiers sont apposés au nom même de l'État; les autres ne sont que le signe ou la marque de l'autorité du fonctionnaire qui en fait usage.

La Cour de cassation a jugé que le type ou poinçon que la régie des contributions indirectes imprime sur les cartes à jouer est un vé ritable timbre national affecté à ce genre de fabrication [2]; d'où il suit que la contrefaçon de ce type constituerait le crime prévu par l'article 140. Pour que cette décision, antérieure au Code pénal, pût être suivie aujourd'hui, il

[1] Ces armoiries sont un livre ouvert portant à l'intérieur ces mots: Charte de 1830, surmontée d'une couronne fermée, avec le sceptre et la main de justice en santoir, et des drapeaux tricolores der rière l'écusson. Ord, du 16 févr. 1831.

serait nécessaire de constater que le timbre contrefait porte les armoiries de l'Etat; car, s'il ne portait que les armes de la régie, les dispositions de l'art. 142 seraient seules applicables. Dans une deuxième espèce, la même Cour a reconnu que la contrefaçon du timbre de la poste aux lettres ne constituait point une contrefaçon d'un timbre national; l'arrêt est motivé sur ce qu'on ne doit pas « confondre avec les timbres qui portent les armoiries de l'État, des timbres qui, ne portant que les noms des communes où les bureaux de poste sont établis, ne peuvent pas être ce que l'art. 140 du Cod. pén. a entendu par timbres nationaux [3].» Cette décision confirme la définition que nous avons établie et la distinction qui en est la conséquence.

Les marteaux de l'Etat servant aux marques forestières sont ceux dont les agents des forêts et de la marine font usage pour les opérations de balivage et martelage.

Nulle disposition de la législation n'avait, avant le Code pénal, explicitement prévu la contrefaçon du marteau de l'Etat ; mais le Code du 25 sept.-6 oct. 1791 portait en termes généraux que : « quiconque serait convaincu d'avoir contrefait les marques apposées au nom du gouvernement sur toute espèce de marchandises serait puni de dix ans de fers ( tit. 1, sect. 6, art. 5). » Et la Cour de cassation avait décidé que dans ces termes se trouvait implicitement comprise la contrefaçon des empreintes du marteau national: « Attendu, porte l'arrêt, que ces empreintes sont des marques apposées au nom du gouvernement sur la propriété, lorsqu'elle devient marchandise [4]. » C'est cette interprétation, quelque peu douteuse, que le Code a formulée en loi.

L'adjudicataire d'une coupe de bois qui a abattu les arbres marqués n'est passible que d'une amende et de la restitution de ces arbres (Code forest. art. 34 ). Mais si, dans le dessein de s'approprier des arbres réservés, il s'est borné à détruire l'empreinte du marteau, son action change-t-elle de nature, commet-il un faux ? La négative est évidente; car il ne contrefait l'empreinte ni ne l'altère, il ne fait que la supprimer. Mais cette suppression ne peut-elle pas du moins être assimilée à la destruction d'un acte

[2] Arr. 26 déc. 1807 (Bull. no 268).

[3] Arr. cass. 28 nov. 1812. Dalloz t. 5, p. 303. [4] Arr, cass. 2 oct. 1808 (D. t. 15, p. 481. S. 1806. 2.900).

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