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public ou privé que punit l'art. 439 du Cod. pén.? La Cour de cassation l'a ainsi décidé: «Attendu que les empreintes du marteau de l'Etat apposées sur des arbres réservés sont des actes originaux de l'autorité publique; qu'elles opèrent même un titre de propriété envers le domaine public, et une obligation à l'adjudicataire de conserver les arbres sur lesquels elles sont apposées [1]. » Nous verrons plus loin, dans l'examen de l'article 439, si cette assimilation n'excède point les termes de cet article.

Il en est autrement lorsqu'il y a faux: la contrefaçon d'un marteau national est un crime principal qui suppose une immoralité profonde, et devant lequel disparaît le délit forestier. Il importe peu que l'agent n'ait voulu s'en servir que pour commettre le vol de quelques baliveaux réservés; la criminalité n'est pas dans la quotité du préjudice causé, mais dans le moyen employé pour le produire. Mais il est du moins nécessaire, pour motiver l'application de l'article 140 dans ce cas, qu'il y ait contrefaçon des marteaux ou usage de ces marteaux contrefaits le texte de la loi est formel; c'est dans ces termes mêmes que le crime est défini.

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Ceci posé, il faut examiner si la contrefaçon des marques forestières est punissable, lors qu'elles ont été imitées sans emploi d'un marLeau contrefait. Dans une espèce qui présentait cette question, la Cour de Nanci avait jugé que l'art. 140 n'est applicable qu'à la contre façon au moins présumée du marteau même, et que le fait n'offrait qu'une simple fraude pratiquée pour couvrir un délit forestier. Mais la Cour de cassation a pensé « qu'une pareille décision tend à anéantir le but et le vœu de la loi, puisqu'il suffirait, pour se mettre à l'abri des peines qu'elle prononce, de contrefaire la marque forestière autrement que par l'empreinte d'un marteau contrefait ; que dans tous les cas où une fausse marque forestière a été apposée à l'aide de quelque instrument que ce soit, avec l'intention de la faire passer pour la marque de l'Etat, ce seul fait, quel que soit d'ailleurs le plus ou moins d'exactitude dans l'imitation de la véritable marque, constitue le crime de falsification, et dès lors rentre nécessairement dans l'application de la disposition de l'art. 140; qu'autrement il faudrait supposer que la législation qui, dans l'art. 141 du Code pénal, a établi des peines afflictives et infamantes contre

[1] Arr.cass. 14 août 1812 (D. t. 27, p. 3. Sir. 1813. 1. 77), 4 mai 1822 (Sir. 1822. 1. 244).

ceux qui contreferaient les diverses espèces de marques qui y sont mentionnées, a voulu laisser impunie la contrefaçon des marques forestières, lorsqu'il n'y avait pas eu contrefaçon du marteau même destiné à les apposer; que ce sont les faits préjudiciables aux droits ou intérêts de l'Etat que la loi veut atteindre et punir [2]. » Peut-être cette interprétation est-elle dans l'esprit de la loi, mais assurément elle est contraire à son texte. La loi, soit par l'effet d'une omission ou d'une erreur de sa rédaction, n'a point prévu l'apposition de fausses marques forestières, mais seulement la contrefaçon et l'usage du marteau national. Or, en matière pénale, toute analogie est interdite; les termes de la loi doivent être rigoureusement maintenus dans leurs limites, et le désir de combler une lacune ne justifie point une interprétation extensive. Nous ne pourrions done dire avec M. Merlin, dans le réquisitoire qui précéda cet arrêt, que par falsification du marteau de l'Etat, il faut entendre la falsification de l'empreinte qui se fait à l'aide du marteau. Le texte est trop clair pour qu'on puisse lui prêter un sens étranger. Ensuite, la contrefaçon d'un timbre ou d'un marteau, et l'apposition d'une fausse marque, ne sont point des faits d'une même valeur; le premier exige un appareil, des préparatifs qui supposent une criminalité plus grave. Enfin les effets eux-mêmes ne sont pas identiques: la marque fausse apposée, sans l'emploi d'un marteau, est nécessairement inexacte et grossière, et se reconnaît aussitôt ; elle ne porte donc pas le même préjudice.

La garantie du titre des ouvrages et matières d'or et d'argent est assurée par des poinçons qui sont appliqués sur chaque pièce, après que la matière a été soumise à l'essai. Il y a trois espèces principales de poinçons : celui du fabricant, celui du titre, et celui du bureau de garantie: c'est la contrefaçon de ce dernier poinçon qui constitue la troisième espèce de faux prévu par l'art. 170; ce poinçon est en quelque sorte, comme l'a dit Muyart de Vouglans [3], le garant envers les citoyens de la bonté intérieure et du titre des ouvrages d'or et d'argent qui se répandent dans le royaume.

L'ordonnance du 4 janvier 1724 prononçait la peine de mort « contre ceux qui calqueront, contretireront ou autrement contreferont les poinçons, ou qui s'en serviront pour une fausse

[2] Arr. cass. 21 oct. 1813 (Dall, t. 15, p. 385); Merlin, Rép. v° faux, sect. Ire, § 13 no 5. [3] Lois crim. p. 273.

Quelques doutes se sont manifestés sur l'application des art. 164 et 165 aux divers crimes mentionnés par l'art. 140, et notamment aux agents qui ont fait usage de poinçons contrefaits; mais ces doutes, qui se puisaient dans les diverses nuances qui séparent ces crimes, ont dû disparaître devant le texte formel de la loi ; et la Cour de cassation a jugé avec raison que l'art. 140 se trouve placé dans la première section du chapitre 3 (tit. 1er, liv. 3) du Code pénal, et que les art. 164 et 165 sont compris dans les dispositions communes à ladite première section; qu'il s'ensuit donc que ceux qui ont fait usage des poinçons falsifiés ou contrefaits servant à marquer les matières d'or ou d'argent, doivent, outre le maximum des travaux forcés à temps, être condamnés à l'amende et à la marque (aujourd'hui l'exposition) portées par les art. 164 et 165 [2].

marque. » Mais cette ordonnance fut éludée du 19 avril 1739, dont les dispositions prépar une fraude nouvelle et plus dangereuse. voyantes n'ont point été reproduites. « Différents particuliers, porte le préambule de l'ordonnance du 19 avril 1739, abusent des poinçons véritables qui ont été appliqués sur des ouvrages ou matières qui étaient au titre, en les coupant desdits ouvrages, et les entant, soudant et appliquant sur d'autres ou vrages à bas titre. » Cependant les parlements et les juges royaux ne pensèrent point pouvoir assimiler cette sorte de faux à la contrefaçon d'un poinçon ou à l'usage d'un poinçon faux. <«< Ceux qui commettent cette nouvelle espèce de faux, continue le même préambule, se voient à l'abri des peines qu'il méritent, parce que nos ordonnances et celles de nos prédécesseurs ne l'ont pas prévu, et n'ont pas prononcé nommément contre eux. » Ainsi, cette règle que nous aurons si souvent lieu d'invoquer, et qui veut que les lois pénales soient sévèrement resserrées dans leurs termes, cette règle était religieusement observée dans le siècle dernier; quelque frappante que fût l'analogie, il fallut une ordonnance nouvelle pour punir ce cas nouveau, et celle du 19 avril 1739 déclara que «ceux qui abusent des poinçons de contremarque, et qui les enteront, souderont, ajouteront et appliqueront sur des ouvrages d'or et d'argent, seront condamnés à faire amende honorable, et punis de mort. » La peine de mort portée par l'ordonnance du 4 janvier 1724 fut depuis réduite à dix ans de fers par l'art. 5 (sect. 6 du titre 1er ) du Code pénal du 25 septembre-6 octobre 1791, et par l'art. 19 de la loi du 19 brumaire an vi, relative à la garantie des matières d'or et d'argent.

L'article 140 du Code pénal a élevé cette peine au maximum des travaux forcés à temps; mais dans ce cas, de même que dans les deux autres espèces de faux prévues par cet article, ce n'est que la contrefaçon des instruments et l'usage des instruments contrefaits ou falsifiés qui sont compris dans son application. Le poinçon calqué sur celui qu'emploie le bureau de garantie est donc un faux poinçon, aussi bien que celui qui est marqué d'un faux titre [1]: mais le fait d'appliquer sur un ouvrage d'or à bas titre une marque apposée par le bureau de garantie sur une matière d'un titre plus élevé, ne pourrait être considéré ni comme la contrefaçon d'un poinçon ni comme l'abus d'un poinçon faux; il suffirait d'invoquer le préambule et l'ord.

Nous ne quitterons pas l'art. 140 sans exprimer le regret que cet article ait prescrit, d'une manière aussi absolue, que le maximum des travaux forcés à temps serait toujours appliqué dans les cas qu'il a prévus. Ces cas, en effet, sont divers, soit par l'immoralité qu'ils supposent, soit par le préjudice qu'ils peuvent occasionner. L'individu qui appose une fausse marque sur un jeu de cartes, et même l'adjudicataire qui, pour abattre un arbre réservé, appose une fausse empreinte sur un arbre voisin, ne commettent pas un crime aussi grave que l'orfèvre qui, à l'aide d'un faux poinçon, imprime une valeur trompeuse à des ouvrages d'or et d'argent à bas titre. Sans doute, dans ces trois hypothèses, le faux existe également mais il y a des conséquences diverses; là il ne lèse que les intérêts de l'Etat, ici il compromet les intérêts privés. Dans les deux premiers cas, les effets du vol sont tellement limités, que s'il se dépouille du faux, il n'est passible que d'une amende ; dans le second cas, au contraire, le crime porte sur les métaux les plus précieux; le préjudice est incalculable, et il n'existe aucun moyen de s'en garantir. Ce n'est donc, à notre sens, que dans cette dernière espèce que la restriction de l'art. 140 devrait être maintenue dans les deux premières hypothèses, la peine des travaux forcés à temps serait certainement suffisante.

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Après la contrefaçon des timbres et poinçons de l'Etat, le Code prévoit l'usage abusif des

[1] Arr, cass. 10 mai 1808 (Bull. no 97).

[2] Arr. cass. 14 déc. 1827 (Bull. no 301).

vrais timbres et poinçons. L'art. 141 porte: «Sera puni de la reclusion, quiconque s'étant indûment procuré les vrais timbres, marteaux ou poincons ayant l'une des destinations exprimées en l'art. 140, en aura fait une application ou usage préjudiciable aux droits ou intérêts de l'Etat. »> Trois conditions sont donc exigées pour que cet article puisse être appliqué : il est nécessaire que l'agent se soit procuré les vrais timbres, marteaux ou poinçons; qu'il en ait fait un usage illicite; enfin, que cet usage soit préjudiciable, non à de simples particuliers, mais aux droits ou intérêts de l'Etat.

Cet article a été invoqué dans deux espèces remarquables. Dans la première, il s'agissait de savoir si le fait d'enlever les écritures des vieux papiers timbrés, à l'aide de moyens chimiques, pouvait être considéré comme un usage abusif d'un timbre vrai. La Cour de cassation a résolu cette question négativement en déclarant <«< que l'art. 141 ne s'applique qu'à l'apposition de timbres détournés par des moyens illicites, sans qu'on puisse en étendre la disposition au double emploi du papier revêtu de cette empreinte [1]. » Cette solution semblait n'admettre aucun doute.

La deuxième espèce a soulevé une plus grave difficulté. Un adjudicataire était prévenu d'avoir frauduleusement enlevé l'empreinte du marteau de l'État, apposé sur un arbre, afin d'en constater la délivrance, et d'avoir incrusté ensuite cette même empreinte sur un arbre réservé, dans le but de s'approprier cet arbre au préjudice de l'Etat. La Cour de cassation a vu dans ce fait le crime prévu par l'art. 141 : « Attendu que ce crime n'est pas seulement une fraude ordinaire, ni même un vol simple prévu par l'art. 401, mais qu'il n'est rien autre chose qu'un vol qualifié des bois de l'Etat commis à l'aide d'une fausse empreinte des marteaux servant aux marques forestières, et que c'est pour cela que le législateur l'a mis dans la classe des crimes de faux; que ce n'est pas seulement l'indue détention de ces marteaux que punit l'art. 141, mais que c'est principalement leur application ou usage préjudiciable aux droits ou intérêts de l'Etat; que par cet usage frauduleux de l'empreinte du marteau royal, le préjudice est le même, soit que le délinquant ait employé le marteau pour en obtenir l'empreinte et en marquer les arbres qui ne devaient pas l'être, ou bien qu'il se soit procuré cette même empreinte par toute

[1] Arr. cass. 11 juill, 1834 (Sirey, 1834, 1. 738).

autre voie et l'ait appliquée sur des arbres réservés [2]. »

Cette solution ne nous semble pas à l'abri de toute critique. Quel est le crime prévu par l'article 141? C'est un vol commis par l'usage illicite des vrais marteaux de l'Etat : la clarté de l'article ne laisse aucun nuage sur cette définition. Or, quel est le crime puni par l'arrêt ? C'est encore un vol; mais ce vol a été commis, non plus par le moyen indiqué par la loi, par l'usage d'un marteau vrai, mais bien par la transposition frauduleuse de son empreinte. A la vérité, ces deux crimes sont les mêmes quant à leur but et à leur résultat; l'analogie est parfaite: mais c'est une analogie, car ils diffèrent évidemment dans leurs moyens d'exécution. La question est donc de savoir si la peine peut être étendue d'un cas analogue; si, aux conditions de son application, l'interprétation peut substituer d'autres conditions, si, parce que la loi a puni l'usage abusif du marteau de l'Etat, on doit punir, par voie de conséquence, l'usage abusif de la fausse empreintede ce marteau.Quant ànous, nous pensons qu'il faut maintenir la règle d'une interprétation non restrictive, comme le veut l'école, mais littérale; et plus l'analogie de l'espèce proposée paraît complète avec l'espèce prévue, plus on doit se défendre de céder à des considérations morales qui ne remplaceraient pas le texte de la loi.

M. Carnot [3] a exprimé l'avis que les individus déclarés coupables du crime prévu par l'art. 141 ne doivent pas être soumis à l'exposition publique. Nous sommes disposés à partager cette opinion: l'article 165, quoique commun à toute la section où l'article 141 se trouve placé, n'assujétit à l'exposition que tout faussaire con damné soit aux travaux forcés, soit à la reclusion. Or l'individu coupable d'abus d'un timbre ou d'un marteau vrai n'est point un faussaire; il a détourné le timbre et en a fait un usage illicite, mais il n'a point commis de faux. Il semble donc que l'application de l'article 165 doit être écartée..

III. Contrefaçon des marques du gouvernement, des autorités et du commerce.

L'article 142 prévoit deux sortes de faux : la contrefaçon des marques apposées au nom du gouvernement sur diverses espèces de denrées et de marchandises, et la contrefaçon des mar

[2] Arr. cass. 4 janv. 1834 (Sir. 1834. 1. 687) [3] Comm. du Code pén. sur l'art. 141, no 4.

ques particulières des autorités et du commerce. Cet article est ainsi conçu: « Ceux qui auront contrefait les marques destinées à être apposées au nom du gouvernement sur les diverses espèces de denrées ou de marchandises, ou qui auront fait usage de ces fausses marques; ceux qui auront contrefait le sceau, timbre ou marque d'une autorité quelconque ou d'un établissement particulier de banque ou de commerce, ou qui auront fait usage des sceaux, timbres ou marques contrefaits, seront punis de la reclusion.» Remarquons d'abord que cet article, qui diffère en cela de l'article 140, ne s'applique pas seulement à la contrefaçon des instruments à l'aide desquels les marques sont apposées, mais bien à celles des marques elles-mêmes; la restriction que les termes de l'article 140 autorisent peut donc être invoquée dans cette nouvelle espèce. Cette différence tient sans doute à ce que, dans le cas du premier de ces articles, la marque ne peut être que grossièrement imitée sans le secours des timbres, marteaux ou poinçons, tandis que, dans les cas prévus par l'article 142, cette marque est souvent apposée sans le secours d'aucun instrument particulier.

Les marques dont il s'agit dans la première partie de cet article, sont celles que les diverses administrations, telles que les douanes, les contributions indirectes, les vérifications de poids ou mesures, apposent sur les diverses denrées et marchandises. La Cour de cassation a jugé, en conséquence, que le fait d'avoir marqué des bouteilles d'un litre avec un poinçon différent de celui établi par l'autorité administrative, constituait le crime de faux prévu par cet article [1]. La raison de douter dans cette espèce était que ce faux n'avait eu d'autre effet que de commettre une contravention aux lois et réglements relatifs aux poids et mesures, et que le fait semblait dès lors rentrer dans les termes de l'article 479, no 3, du Code pénal. «Mais si la marque administrative dont il est question, porte le réquisitoire adopté par l'arrêt, n'est qu'un moyen d'assurer la stricte exécution des lois et réglements sur les poids et mesures, s'ensuit-il que le faux poinçon ne soit pas un faux? La disposition de l'article 142 est absolue: toute contrefaçon de poinçon ou marque d'une autorité quelconque est un faux. Les diverses nuances dans le but et les conséquences ne pouvaient être saisies par le législateur. Il suffisait d'avoir fait les grandes distinctions qui sont marquées dans les articles 139, 140, 141, 142 et

[1] Arr. cass. 20 janv 1825 (S. 1825, 1. 279 )

143. Il suffisait surtout d'avoir gradué les peines. Mais quand le faux existe, il doit être puni sans se permettre aucun raisonnement qui tendrait à distinguer là où la loi ne distingue pas. Le fait est-il prévu par le législateur et qualifié de faux ? Voilà le seul point qu'il faut examiner. Vouloir, à raison de la manière à laquelle la fausse marque a été appliquée, lui faire perdre son caractère, c'est faire périr la loi sous le poids des systèmes. Un fait où il y a audace dans les faussaire, droit usurpé, tromperie par supposition, signe imposteur et préjudice, est un véritable faux. La fausse marque porte en elle-même, indépendamment du plus ou moins de dommage qu'elle produit, un caractère qui ne permettait pas au législateur de la confondre avec le poids qui pèche seulement dans sa pesanteur, ou avec la mesure qui n'a pas une exacte fidélité. » Cette décision rigoureuse, mais exacte, nous semble développer le véritable esprit de la loi.

On doit entendre par sceaux, timbres ou marques d'une autorité quelconque, les différents cachets que les fonctionnaires placent dans les actes qu'ils délivrent, comme un symbole de leur autorité; on y doit comprendre aussi les marques diverses qu'ils sont tenus d'apposer dans l'exercice de leurs fonctions. On peut citer pour exemple les timbres de la poste, les cachets dont sont empreints les scellés.

Les marques des établissements de commerce ont toujours été protégées par la législation. L'édit du 14 octobre 1564 punissait comme faux monnayeurs ceux qui étaient convaincus d'avoir falsifié ou contrefait les marques qui étaient mises sur les pièces de drap d'or et d'argent et de soie. La rigueur de cet édit fut tempérée par les articles 10 de l'ordonnance de juillet 1681 et 43 de la déclaration du 18 octobre 1720, portant que « ceux qui auront contrefait ou faussement apposé les marques et cachets seront condamnés pour la première fois à l'amende de mille livres, à faire amende honorable, et aux galères pour cinq ans, et, en cas de récidive, aux galères à perpétuité. »>

La loi du 23 germinal an x1 portait, articles 16 et 17 : « La contrefaçon des marques particulières que tout manufacturier ou artisan a le droit d'appliquer sur des objets de sa fabrication, donnera lieu, 1o à des dommages-intérêts envers celui dont la marque aura été contrefait; 2o à l'application des peines prononcées contre le faux en écriture privée. La marque sera considérée comme contrefaite, quand on y aura inséré ces mots façon de... et à la suite le nom d'un autre fabricant et d'une autre ville. »

Ces dispositions ont été, en quelque sorte,

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transportées dans l'article 142; mais cet article a été depuis modifié par la loi du 28 juillet 1824, qui a eu pour objet de créer une distinction nouvelle et de distraire de l'application de l'article 142 la simple imitation du nom d'un fabriquant, la supposition du lieu de la fabrique ou enfin l'altération de ce nom ou de ce lien.

Il est indispensable de reproduire les deux articles de cette loi, qui forment uue addition importante au Code pénal. Ils sont ainsi conçus : « Art. 1er. Quiconque aura, soit apposé, soit fait apparaître par addition, retranchement ou par une altération quelconque, sur des objets fabriqués, le nom d'un fabricant autre que celui qui en est l'auteur, ou la raison commerciale d'une fabrique autre que celle de la fabrication, sera puni des peines portées en l'article 423 du Code pénal, sans préjudice des dommages-intérêts, s'il y a lieu. Tout marchand, commissionnaire ou débitant quelconque sera passible des effets de la poursuite, lorsqu'il aura sciemment exposé en vente ou mis en circulation les objets marqués de noms supposés ou altérés. »> Art. 2. « L'infraction ci-dessus mentionnée cessera, en conséquence, et nonobstant l'article 17 de la loi du 22 germinal an XI, d'être assimilée à la contrefaçon des marques particulières prévue par les articles 142 et 143 du Code pénal. »

Ainsi, la loi du 28 juillet 1824 maintient l'article 142 en ce qui touche la contrefaçon propre ment dite; mais elle en détache le fait prévu par l'article 17 de la loi du 22 germinal an xi, et que l'on avait essayé de soumettre à son application. Le crime prévu par l'article 142 en acquiert plus de netteté; c'est la contrefaçon de la marque elle-même et l'usage de cette marque qu'il punit: l'imitation ou l'altération du nom ou de la raison sociale d'un autre établissement forme seule un fait distinct, qui n'est puni que d'une peine correctionnelle.

La Cour de cassation a déclaré, sous l'empire de la loi du 22 germinal an xi, qu'il ne peut y avoir lieu à une poursuite en faux qu'autant que les marques choisies par des manufacturiers ou artisans ont été falsifiées, et que les marques ont été ensuite appliquées à des objets sortis d'une manufacture étrangère [1]. Cette règle devrait encore être appliquée. Les marques choisies par des manufacturiers sont, en effet, destinées à constater l'identité des marchandises sorties de leurs fabriques, auxquelles elles

[1] Arr. cass. 22 janv. 1807 (Bull. no 19.)

sont appliquées et inhérentes. Ainsi, si la marque employée, bien qu'étrangère au prévenu, n'appartient légalement à aucun autre fabricant si elle n'a pas été apposée sur un produit étranger au fabricant dont elle usurpe le nom, le faux cesse d'exister, car l'usurpation ne produit plus aucun préjudice.

Il semble cependant résulter de l'article 44 de la loi du 21 avril 1818 sur les douanes, que l'apposition d'une marque de fabrication française sur des tissus de fabrication étrangère constituerait le crime de faux. Cet article, après avoir prononcé une amende contre les détenteurs, ajoute: « sans préjudice des peines encourues en cas de faux caractérisé par le Code pénal.» Mais il est sensible qu'il ne pourrait y avoir faux d'après les termes de l'art. 142, qu'autant que la marque imitée serait celle d'un fabricant français; c'est cette marque que la loi pénale a eu mission de garantir, et non les droits et prohibitions établis par les douanes : c'est donc avec cette restriction que cette disposition doit être comprise,

L'article 143 n'est que le corrollaire de l'art. 141, ou plutôt c'est la même disposition appliquée à l'emploi illicite et frauduleux des marques vraies. Cet article porte: «Sera puni de la dégradation civique, quiconque s'étant indûment procuré les vrais sceaux, timbres ou marques ayant l'une des destinations exprimées en l'article 142, en aura fait une application ou usage préjudiciable aux droits on intérêts de l'Etat, d'une autorité quelconque ou même d'un établissement particulier. »

Cet article a été modifié, comme l'article 142, par la loi du 28 juillet 1824 en ce qui concerne l'usage abusif des marques contenant les vrais noms des fabricants, des raisons commerciales d'une fabrique ou d'un lieu de fabrication.

Cet article établit, du reste, la même distinction que l'article 141. Ainsi, la condition essentielle de son application est que l'agent se soit procuré par un moyen illicite les sceaux, timbres ou marques; qu'il en ait fait usage, et que cet usage soit préjdiciable aux intérêts de l'Etat, d'une autorité ou d'un particulier.

Un arrêt de la Cour de cassation du 26 janvier 1810 avait décidé que l'usage préjudiciable aux intérêts du trésor, fait par un ancien employé des droits réunis, d'une pince destinée à la marque des marchandises, et qu'il avait conservée, constituait un faux en écritures publiques. Cette jurisprudence, contestée par deux cours criminelles, fut adoptée par un décret du 15 octobre 1810, 'qui déclara « que l'application d'une pince servant à marquer les tabacs a pour

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