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qu'autant qu'elle rentre dans un des cas prévus de constater les dires des parties et nullement par la loi; la deuxième, que même, lors- la vérité de leurs assertions; ces sortes d'alqu'elle rentre dans ces cas, il est nécessaire térations resteraient donc aujourd'hui dans encore que le fait par lequel le faux s'opère ait la classe des énonciations mensongères [4]. été commis à l'insu de la partie à laquelle il porte préjudice. Il faut développer ces deux règles.

La première ne pouvait être contestée. L'indication que font les articles 145 et 147 des différents modes de perpétration du faux est essentiellemeut limitative; cela résulte du contexte même de ces articles. Il est donc évident que toute altération qui se manifesterait par d'autres modes que ceux qu'ils ont énumérés ne pourrait devenir la base d'aucune incrimination. Quelques exemples vont servir à la fois d'appuis et de corollaires à cette règle.

Le prévenu qui̟ allègue dans son interrogatoire des faits faux pour se disculper, et qui prend même par écrit un faux nom, ne commet point une altération de la vérité dans le sens de la loi. La raison de cette décision est, suivant la Cour de cassation, qu'il n'est point astreint par la loi à declarer ce qui pourrait être à sa charge, et que les mensonges qu'il emploie pour se disculper rentrent dans le cercle de sa défense [1]. Un motif non moins solide est que la loi n'incrimine les fausses déclarations de faits qu'autant qu'elles interviennent dans les actes qui avaient pour objet de les constater. Or, le procèsverbal de l'interrogatoire d'un prévenu a pour objet de constater ses réponses et ses moyens de défense, mais non la vérité de ces moyens et de ses réponses. Du reste, cette décision était la même sous l'ancienne législation, où, lors de son interrogatoire, l'accusé prêtait serment de dire la vérité: on tenait pour constant que la fausseté de ses réponses ne lui faisait point encourir la peine du parjure [2].

La même solution doit s'appliquer aux fausses allégations qui seraient consignées soit dans une requêle, soit dans un acte de procédure, et qui seraient de nature à surprendre la religion des magistrats. En droit romain, ces altérations étaient considérées non comme un faux proprement dit, mais comme un quasi-faux, et on les punissait d'une peine inférieure [3]. Mais ces actes de procédure n'ont pour objet que

[1] Arr. câss. 29 avr. et 1er sept 1826; S. 1827, 1, 216.

[2] Farinacius, quæst. 150, no 294; Julius Clarus, § perjurium, no 12; Jousse, t. 3, p. 841. [3] L. 29 et 33, Dig. ad leg. corn. de falsis. [4] Même sens; Dalloz, vo Faux.

Il faut encore, par suite du même principe, reconnaître, avec la Cour de cassation, que l'altération commise dans la copie d'un acte, écrite en tête d'un exploit d'huissier, portant signification, ne peut constituer une altération dans le sens légal [5]; car le fait prévu par l'article 147 du Code pénal suppose l'altération d'uu acte qui pouvait être la base d'une action ou d'un droit; or, lorsque l'altération a eu lieu, non dans une minute, ni dans une expédition d'acte publie, mais dans une copie signifiée de cet acte, elle ne peut être le principe de l'exercice d'aucun droit, puisque l'action qui résulte de l'acte frauduleusement copié ne peut être exercée que d'après la minute ou l'expédition de cet acte.

Enfin, la même règle s'étend au militaire qui, pour cumuler une pension de retraite avec un traitement d'activité de service, signe une déclaration portant qu'il ne jouit d'aucun traitement [6]; à l'individu qui ferait usage d'une prétendue dispense de bans pour mariage, faussement attribuée à une autorité incompétente [7]. Dans ces deux hypothèses, il y a déclaration ou énonciation mensongère, mais non altération punissable, attendu que l'acte émané du mili-taire ou le certificat émané d'une autorité incompétente n'avaient ni l'un ni l'autre pour objet de constater les faits qui étaient faussement consignés.

Nous pourrions multiplier les espèces nous en citerons encore deux qui ont décidé avec raison que la fabrication d'un acte constatant qu'un prêtre a donné la bénédiction nuptiale n'est plus un faux, depuis que les registres de l'état civil ont cessé d'être confiés aux ecclésiastiques [8]. La raison de décider est qu'un tel acte ne rentre dans aucun des cas d'altération prévus par la loi; qu'il ne peut opérer aucune obligation, aucun lien civil; qu'il ne porte point la signature d'un fonctionnaire ayant caractère pour attester un mariage légal; enfin, qu'il ne peut avoir pour effet de soustraire son auteur à l'exécution d'une loi. Cette simulation n'est

[5] Arr. cass. 2 sept. 1813; S. 1813, 1, 427. [6] Arr. cass. 21 avr. 1809; S. 1810, 1, 21. [7] Arr. cass. 29 avr. 1809.

[8] Arr. cass. 28 avr. et 13 oct. 1809; Dalloz,t. 15, p. 414; Sir. 1809, 1, 428, et 1810, 1, 306.

qu'un acte mensonger que son inefficacité absout aux yeux de la loi.

Une nuance, quelquefois assez délicate à saisir sépare l'altération constitutive du faux, des fausses allégations qui servent de moyens à l'escroquerie. La règle que nous avons posée peut seule éclaircir les doutes. Il y a faux si les actes frauduleux employés par l'agent rentrent dans quelques-uns des cas exprimés par les articles 146 et 147, s'ils renferment par exemple obligation ou décharge, ou s'ils émanent d'un fonctionnaire compétent pour constater les faits qui s'y trouvent faussement consignés. Ces actes ne sont plus, au contraire, considérés que comme des déclarations mensongères et frauduleuses, qui sont prévues par les termes de l'article 405, lorsque leur fausseté n'est pas de nature à porter lésion à des tiers, ou lorsqu'ils n'ont pas pour objet de constater les faits faux qui y sont énoncés.

Ainsi, l'homme qui, pour tromper sur sa fortune et usurper un crédit illusoire, produirait des actes simulés, des actes de prêts par lui consentis, ne pourrait être poursuivi que pour escroquerie [1]; car ces actes en eux-mêmes ne produisent nulle obligation; ils échappent aux dispositions de l'art. 147.

La fabrication d'un écrit qui aurait pour but d'obtenir des secours, même au nom d'une autorité publique, se confondrait également dans la classe des escroqueries, dans le cas même où l'agent en aurait appliqué le profit à son usage; car un tel écrit ne donnerait naissance à aucune obligation; on doit l'assimiler aux faux certificats qui ont pour but d'obtenir des secours, et que l'article 161 ne punit que d'une peine correctionnelle. Telle est aussi la décision de la Cour de cassation fondée, avant le Code pénal, sur ce << qu'il est des actes qui par leur nature-et par leur objet ne présentent pas les mêmes conséquences pour l'ordre social, et n'ont pas dû paraître au législateur susceptibles d'être punis aussi sévèrement ; que la loi a particulièrement prévu le cas de faux commis dans le seul dessein de se procurer des charités, et qu'elle n'a rangé ce fait que dans la classe des simples délits [2]. » Mais le véritable motif se trouve dans deux arrêts postérieurs qui déclarent que ces actes, en

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les supposant faux, ne constituent point le faux que les art. 147, 150 et 162 qualifient crime et punissent de peines afflictives ou infamantes, puisqu'ils ne renferment ni obligation, ni charge, ni convention, ni disposition qui soient de nature à causer lésion envers des tiers [3].

La solution serait différente si l'escroquerie avait été commise à l'aide d'une écriture ou d'une signature contrefaite, susceptible de former la preuve d'une obligation. On trouve une trace de cette distinction dans un arrêt de la Cour de cassation, qui a décidé que l'escroquerie commise à l'aide de lettres missives que l'agent supposait émaner d'un tiers dont l'écriture et la signature avaient été contrefaites, constituait le crime de faux. La raison en est: « que ces lettres ayant été présentées comme émanées du prétendu emprunteur de la somme escroquée, pouvaient, au cas où elles n'auraient pas été fausses, former contre celui-ci un commencement de preuve d'une obligation [4]. »

La conséquence est que, dans les cas où les lettres missives ne peuvent lier aucune obligation, par exemple, si le nom de celui dont elles sont supposées émaner est un nom idéal, leur fabrication cesse d'être constitutive de faux. Cependant la Cour de cassation a dérogé à cette règle, dans une autre espèce : «Attendu qu'aux termes des articles 147 et 150, le crime de faux en écritures ne consiste pas seulement dans la fabrication de conventions, dispositions ou décharges, mais qu'il consiste encore dans la contrefaçon ou altération d'écritures ou de signatures [5]. » Cette décision, qui résulte d'un arrêt de rejet et qui semble d'ailleurs en contradiction avec la jurisprudence, est conçue dans des termes trop généraux. Il ne suffit pas pour l'existence du crime de faux qu'il y ait contrefaçon d'écritures, il faut encore que cette contrefaçon puisse réfléchir un préjudice sur celui dont l'écriture a été contrefaite. Si la pièce fausse ne peut créer aucune obligation à l'égard de cette personne, elle ne doit plus être considérée, dans l'emploi qui en est fait vis-à-vis des tiers que comme un moyen d'escroquerie, et sa fabrication rentre dès lors dans les manoeuvres frauduleuses mentionnées dans l'article 405 [6].

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[3] Arr. cass. 14 germ, an xu et 23 nov. 1815; Dalloz, t. 15, p. 464; S. 1816, 1, 94. [4] Arr. cass. 27 sept. 1816; Dalloz, t. 15, p. 454. [3] Arr. cass. 9 sept 1830; S. 1831, 1, 188. [6] Voy. dans le troisième paragraphe de ce chapitre ce qui est relatif la nature du préjudice causé.

Après avoir distingué l'altération de la vérité constitutive du faux, de celle qui ne constitue qu'une escroquerie, il faut apprécier les différences qui séparent la simulation du faux. La simulation a lieu lorsqu'un acte, tout en présentant ce que les parties ont voulu y écrire, déguise cependant leur véritable intention, mais la déguise parce qu'elles ont voulu la dissimuler en effet. Un premier point constant est qu'il n'y a point altération caractéristique du faux dans ce déguisement, lorsque tout à la fois il s'opère du consentement des deux parties, et qu'il n'en peut pas résulter de préjudice pour des tiers. Telle était aussi la décision de la loi romaine. Ainsi la loi 28 Dig. de lege corneliâ de falsis range parmi les faux l'antidate donnée à un billet : Si à debitore prælato die, pignoris obligatio mentiatur, falsi crimini locus est. Mais la loi 3 Dig. de fide instrumentorum décide néanmoins que l'accusation de faux cesse, lorsque les deux parties entre lesquelles le billet a été passé ont consenti à lui donner une fausse date: Repetita quidam die cautionem interponi non debuisse; sed falsi crimen quantùm ad eos qui in hoc consensuerunt, contractum non videri,cùm inter præsentes et convenientes res actita sit, magisque debitorquàm creditor deliquerit.

Mais la solution doit-elle être la même, lorsque le déguisement de la véritable intention des parties a pour objet de nuire à un tiers? D'après le droit romain, cette circonstance ne doit pas modifier la décision. En effet, la loi 23 Dig. de lege corneliâ de falsis déclarait formellement qu'il ne suffit pas d'altérer la vérité dans un acte pour commettre un faux, et que le seul mensonge ne pouvait avoir ce caractère: non qui alias in computatione vel in ratione mentiuntur. Le faux ne consistait que dans la contrefaçon des écritures, ou dans l'altération des actes écrits: si quid alienum chirographum imitetur aut libellum vel rationes intendat vel describat. A la vérité, quelques lois sem

blent en contradiction avec ce principe (1); mais nous avons remarqué déjà que les empereurs avaient assimilé au faux plusieurs faits qui n'avaient pas les caractères de ce crime: Ics jurisconsultes appelaient ces faits des espèces de faux ou des quasi-faux [2]. Ces incriminations étaient des dérogations aux règles générales, mais elles n'en alteraient point la pureté.

Toutefois quelques criminalistes ont regardé comme un crime de faux toute simulation employée dans un acte au préjudice d'un tiers: « De simulatione, dit Farinacius [3], agi et excipi potest, non solùm civiliter, sed etiam criminaliter. Nam pœna simulationis videtur esse pœna falsi... Doctores po· nunt exemplum in simulatione et collusione creditoris cum debitore in damnum tertii. » Cette opinion, suivie par Jousse [4], était fondée sur la loi 15 du Code ad legem corneliam de falsis. Au premier examen, en effet, il semble résulter de cette loi qu'il y a faux dans un acte, par cela seul que deux parties s'accordent pour commettre un mensonge au préjudice d'un tiers: Si creditor, colludens cum debitore suo, tibi prædium venundedit, falsum commisit, et tibi offecit; sed se magis criminis accusationi fecit obnoxium. Mais Godefroy remarque avec justesse que cette loi ne décide qu'un cas partiticulier, celui où, au moment de la vente d'un fonds hypothéqué, il est fait un changement frauduleux à la date de l'hypothèque [5]. Tout ce qu'on peut donc inférer de cette loi, c'est qu'il y a faux, lorsque les parties, en commettant une simulation, suppriment dans un acte une date réelle pour y substituer une date fausse, ce qui prétente le caractère, non d'une simple simulation fraduleuse, mais d'une suppression et d'une altération d'écritures, qui peuvent devenir l'élément d'un faux criminel.

Muyart de Vouglans distingue au contraire la simulation et le faux. « Ce crime, dit-il ( le déguisement des contrats), qui se commet le

[1] L. 9. 23 Dig. de officio pro consulis; l. 15, 21 et 29 Dig. de fulsis; 1. 15 Cod, ad leg, corn. de falsis.

[2] L. 1, § 13, Dig. de fa'sis.
[3] Quæst. 162, no 12.

[4] Traité de la justice crim. t. 3, p. 353.

[5] « Falsum committi intelligitur, si creditor diem obligationis protulit. >> Pothier en ses Pandectes, t. 3, p. 375, fait la même restriction :

« Quasi ipse tempore prior in pignore esset prolato, per mendacium die cautionis pignoratitiæ. » Godefroy dit sur la loi 3 Dig. de fide instrumentorum : «Non ut id aliis noceat, sed ut ne alius alium possit accusare.Quotiès enim duo pluresve id eodem instrumento falsum admittunt, alius alium accusare falsi non potest. Indè notant socios crimini ejusdem se invicem non accusare. v

plus souvent pour favoriser les banqueroutes frauduleuses, est connu proprement sous le nom de simulation: il peut être plus ou moins grave suivant les circonstances qui y donnent lieu, et suivant la quotité des sommes ou le degré de préjudice qui peut en résulter, quoiqu'il ne soit jamais puni aussi sévèrement que celui du faux, qui se commet par l'altération et le changement d'un acte même. La peine la plus ordinaire, en ce cas, est celle de l'admonition, du blâme ou du bannissement contrele notaire, et celle des dommages-intérêts contre les parties qui ont eu part à cetté simulation [1]. » Dumoulin a établi cette distinction en termes plus tranchés, en parlant d'une vente dont un retrayant soupçonne le prix moindre que celui qui est exprimé dans le contrat : « Nec tenebitur instrumentum arguere de falso quia aliud merum falsum, aliud simulatio [2]. »

Cette règle, ainsi reconnue et par la loi romaine et par les auteurs, n'est point contredite par notre législation. On en trouve d'abord une remarquable application dans la loi du 22 frimaire an vii qui déclare que la dissimulation du véritable prix dans un contrat de vente, en fraude des droits du fisc, ne donne lieu qu'à une action civile. Mais les articles 145, 146 et147 supposent implicitement, car ces articles posent deux hypothèses principales du crime de faux dans lesquelles les autres viennent se confondre: le faux matériel qui consiste dans l'altération des écritures ou signatures, et le faux intel lectuel qui consiste dans l'altération des conventions que les parties ont voulu souscrire. Or la simulation ne peut rentrer ni dans l'une ni l'autre de ces hypothèses: dans la première, puisque les écritures et signatures émanent véritablement des parties qui ont contracté; dans la deuxième, puisque les conventions simulées sont celles que les parties elles-mêmes ont tracées ou dictées. Il y a dans cet acte une évidente altération de la vérité; il renferme des énonciations mensongères ; il est empreint de fraude. Mais cette altération ne peut servir d'élément au faux criminel, puisqu'elle n'a pas le carac ́tère moral qui constitue ce crime, parce qu'elle n'est comprise dans aucun des cas énumérés par la loi. La jurisprudence de la Cour de cassation est conforme à cette doctrine [3].

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tre posées permettent de tracer avec plus de précision la limite où l'altération de la vérité cesse d'être une simple fraude pour revêtir les caractères d'un faux criminel; c'est lorsqu'elle n'est point accompagnée de contrefaçon ou de falsification d'écritures, ou lorsque l'acte faux ne fait naître aucune obligation, ou lorsque le fait mensonger est énoncé dans un acte qui n'est pas destiné à le constater. Alors l'altération, quelle que soit la perversité qui l'a produite, reste dans la classe des dols et des fraudes, qui, dans certains cas, sont punis d'une peine correctionnelle, dans d'autres cas échappent à l'action répressive.

Cette limite va devenir plus sensible à l'aide de la deuxième règle que nous avons indiquée, et qui n'est toutefois qu'un corollaire de la première. Il ne suffit pas que l'altération de la vérité rentre dans les cas prévus par la loi, pour devenir l'élément d'un faux punissable; il faut encore que le fait qui a donné lieu à la perpétration du crime ait été commis à l'insu de la partie lésée. Ce principe, qui n'est qu'une conséquence indirecte des termes de la loi, doit être posé avec quelque développement, parce qu'il sert à résoudre plusieurs points fort délicats de cette matière. Il faut rendre compte de ses motifs et de son application.

Dans le système du Code pénal, la classification des faits qui portent atteinte à la propriété a pour base, non-seulement l'intention qui les produit et le préjudice qu'ils causent, mais encore la difficulté que la partie lésée éprouve à s'en garantir. La qualification s'élève en raison de la gravité de cette difficulté. Ainsi les vols sont classés parmi les crimes ou parmi les délits, suivant qu'il a été plus ou moins difficile de les prévenir ou de se mettre à l'abri de leurs atteintes. Ainsi l'application des peines du faux n'a point été étendue aux faits faux qui doivent leur existence à l'imprévoyance de la partie lésée autant qu'à la criminalité des agents.

La loi, en effet, a dû punir avec plus de sévérité les atteintes à la propriété portées avec violences, ou qui sont la suite d'une confiance nécessaire; tels sont les vols avec circonstances aggravantes et les faux caractérisés : la partie lésée n'avait nulmoyen d'en empêcher les effets. Mais sa protection se restreint lorsque ces atteintes ont pu être inspirées ou déterminées par

Les différentes distinctions qui viennent d'è une imprudence grave ou par une aveugle con

[1] Lois crim. tit. 6 et 2.

[3] Arr. cass. 12 flor. an x111, et réquis. de M. Mer

[2] Note sur l'art 3 du chap. 31 de la coutume du lin, Rép. 1er faux, sect 1, § 4; arr. cass. 25 nov. Nivernais. 1825; S. 1826. 1. 376.

flance. La faute de la partie lésée atténue le crime de l'agent : l'imprudent quia en quelque sorte provoqué une supposition d'acte que la prévoyance la plus ordinaire aurait prévenue, ôte par là même à cette supposition le caractère moral qui constitue le faux.

Ainsi supposons que deux personnes ajoutent d'un commun accord à un contrat passé entre elles une clause nouvelle, mais que l'une d'elles, en écrivant cette clause, modifie la volonté qu'elles avaient exprimée et en altère le sens; cette altération, que l'autre partie n'aura pas aperçue sur-le-champ constituera assurément une fraude, un dol très-grave; mais elle n'aura pas les caractères d'un faux, parce que la partie lésée en a connu l'existence, parce que sa légèreté ou sa confiance ya seule donné lieu. Que si, au contraire, la même clause a été frauduleusement ajoutée à l'acte, et à l'insu de cette partie, l'altération prend aussitôt le caractère d'un faux punissable.

C'est que toutes les fois que la partie lésée a connu l'existence du fait par lequel le faux a été opéré, sa prévoyance a pu prévenir le crime; sa faute seule l'a fait naître et l'a en quelque façon provoqué. La facilité que cette imprudence a donnée à sa perpétration doit nécessairement modifier la criminalité de l'agent; il a profité de l'occasion qu'on lui présentait, mais il n'avait pas prémédité le crime, son action change de

nature.

Cette distinction, qui puise ainsi sa source dans une nuance de la criminalité, s'appuie d'ailleurs sur les dispositions de la loi. Les articles 145 et suivants supposent que la partie lésée n'a eu nulle connaissance du fait par lequel le faux a été commis; car comment admettre cette partie à se plaindre de la fabrication d'une convention qu'elle aurait connue, ou de l'altération d'une clause qu'elle aurait vue et signée?

Mais la loi a plus explicitement marqué cette séparation en élaguant de ses dispositions pénales les faux commis à l'aide d'un acte émané de la partie lésée. Ainsi tout abus de blanc seing, considéré en lui même, constitue un véritable faux, car il consiste dans une supposition d'acte, une altération de clauses, ou enfin dans une frauduleuse addition aux faits que l'acte avait pour objet de constater. Cependant la loi n'a considéré ce délit que comme une espèce d'escroquerie, et l'article 407 ne l'a puni que d'une

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Il est donc certain que le Code a admis comme une excuse qui modifie la nature du faux et le dépouille d'une partie de sa criminalité, la circonstance que la partie à laquelle il a pu porter préjudice a connu le fait dans lequel il s'est produit. D'une part, cette partie doit s'imputer son imprévoyance et la faute qu'elle a commise; de l'autre, l'action criminelle suppose une immoralité moins intense. Appliquons maintenant ce principe.

Le blanc seing ne descend au rang des simples délits qu'autant quil a été confié à celui qui en a abusé, car ce n'est que dans ce seul cas que l'agent peut invoquer la facilité qui lui a été donnée de commettre l'abus. Si donc le délit avait été commis par un tiers, cette excuse n'atténuerait plus son action, qui prendrait alors le caractère d'un faux. Cette distinction a souvent été sanctionnée par la jurisprudence: nous rapporterons quelques espèces. Une pétition avait été confiée par le signataire à un tiers: celui-ci ayant trouvé quelque intervalle entre la signature et le corps de l'écrit, remplit cet intervalle d'un billet à ordre. Etait-ce là l'abus d'un blanc seing? La négative est évidente; car l'écrit n'avait point été confié comme blanc seing à celui quien avait abusé. C'était un véritable faux ; la fabrication d'une fausse convention, car la partie n'avait pu prévoir l'usage qui serait fait de sa signature. C'est aussi dans ce sens que la Cour de cassation a résolu cette question [1].

Dans une deuxième espèce, un individu avait remis à un tiers son adresse consistant dans ses noms et prénoms, et celui-ci avait fabriqué audessus de cette adresse une obligation dont il avait fait usage. Il faut également décider que cet acte constitue un faux, puisque les noms et prénoms écrits ne constituent point un blancseing, et que loin de présenter une signature en blanc donnée de confiance, ils ne formaient pas même la signature ordinaire de celui qui les avait écrits [2].

Il y aurait, à plus forte raison, altération constitutive du faux dans le fait d'un tiers qui remplirait, contre l'intention du signataire, une procuration en blanc qui ne lui aurait pas

[1] Arr. cass. 22 oct. 1812; Dalloz, t. 15, p. 421.

[2] Arr. cass. 2 juill. 1829; S. 1829. 1. 259.

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