Quelques-uns ont donné une bataille aussi bien que lui. On en citerait plusieurs qui l'ont mieux reçue. Il les a surpassés tous dans la manière de diriger une campagne offensive. Les guerres d'Espagne et de Russie ne prouvent rien contre son génie. Ce n'est pas avec les règles de Montécuculli et de Turenne manoeuvrant sur la Renchen qu'il faut juger de telles entreprises. Les uns guerroyaient pour avoir tel ou tel quartier d'hiver; l'autre, pour conquérir le monde. Il lui fallait souvent non pas seulement gagner une bataille, mais la gagner de telle façon qu'elle épouvantât l'Europe et amenât des résultats gigantesques. Ainsi les vues politiques intervenaient sans cesse dans le génie stratégique, et pour l'apprécier tout entier, il ne faut pas se renfermer dans les limites de l'art de la guerre. Cet art ne se compose pas seulement de détails techniques, il a aussi sa philosophie. Pour trouver dans cette région élevée un rival à Napoléon, il faudrait remonter aux temps où les institutions féodales n'avaient pas encore rompu l'unité des nations antiques. Les seuls fondateurs de religion ont exercé sur leurs sectaires une autorité comparable à celle qui le rendit maître absolu de son armée. Cette puissance morale lui est devenue funeste pour avoir voulu s'en prévaloir, même contre l'ascendant de la force matérielle, et parce qu'elle l'a entraîné à mépriser des règles positives dont la longue violation ne reste pas impunie. Le général Foy.-Né en 1775. Mort en 1825. LE MEUNIER DE SANS-SOUCI. L'HOMME est bien variable, et ces malheureux rois, Qui, tout roi qu'il était, fut un penseur profond, Redouté de l'Autriche, envié de Versailles, Il Hélas! est-ce une loi sur notre pauvre terre On avait fait des plans, fort beaux sur le papier, Des bâtiments royaux l'ordinaire intendant Fit venir le meunier, et, d'un ton important: "Il nous faut ton moulin ; que veux-tu qu'on t'en donne ? -Allons, ton dernier mot, bon homme, et prends-y garde. Faut-il vous parler clair ?—Oui.-C'est que je le Voilà mon dernier mot." Ce refus effronté être : Ne l'êtes-vous jamais? Tenez, mille ducats, Le monarque, à ce mot, revient de son caprice. Y LETTRE DE VOLTAIRE À Mme DENIS, SA NIÈCE Potsdam, le 13 octobre 1750. Nous voilà dans la retraite de Potsdam : le tumulte des fêtes est passé, mon âme en est plus à son aise. Je ne suis pas fâché de me trouver auprès d'un roi qui n'a ni cour ni conseil. Il est vrai que Potsdam est habité par des moustaches et des bonnets de grenadier; mais, Dieu merci, je ne les vois point. Je travaille paisiblement dans mon appartement au son du tambour. Je me suis retranché les diners du roi; il y a trop de généraux et trop de princes. Je ne pouvais m'accoutumer à être toujours vis-à-vis d'un roi en cérémonie, et à parler en public. Je soupe avec lui en plus petite compagnie. Le souper est plus court, plus gai, et plus sain. Je mourrais au bout de trois mois, de chagrin et d'indigestion, s'il fallait dîner tous les jours avec un roi en public. On m'a cédé, ma chère enfant, en bonne forme, au roi de Prusse. Mon mariage est donc fait; sera-t-il heureux? je n'en sais rien. Je n'ai pas pu m'empêcher de dire oui. Il fallait bien finir par ce mariage, après des coquetteries de tant d'années. Le coeur m'a palpité à l'autel. Je compte venir, cet hiver prochain, vous rendre compte de tout, et peut-être vous enlever. Il n'est plus question de mon voyage d'Italie. Je vous ai sacrifié sans remords le saint-père et la ville souveraine; j'aurais dû peut-être vous sacrifier Potsdam. Qui m'aurait dit, il y a sept ou huit mois, quand j'arrangeais ma maison avec vous à Paris, que je m'établirais à trois cents lieues dans la maison d'un autre ? et cet autre est un maître. Il m'a bien juré que je ne m'en repentirais pas. Il vous a comprise, ma chère enfant, dans une espèce de contrat qu'il a signé avec moi, et que je vous enverrai; mais viendrez-vous gagner votre douaire de quatre mille livres? Il est plaisant que les mêmes gens de lettres de Paris qui auraient voulu m'exterminer il y a un an, crient actuellement contre mon éloignement, et l'appellent désertion. Il semble qu'on soit fâché d'avoir perdu sa ictime. J'ai très mal fait de vous quitter; mon cœur me le dit tous les jours plus que vous ne pensez, mais j'ai très bien fait de m'éloigner de ces messieurs-là. Je vous embrasse avec tendresse et avec douleur. LE ROI ALPHONSE. CERTAIN roi qui régnait sur les rives du Tage, Alphonse fut surtout un habile astronome; Mes amis, disait-il, enfin j'ai lieu de croire Je verrai cette nuit des hommes dans la lune. Répondait-on; la chose est même trop commune : Pendant tous ces discours, un pauvre, dans la rue, Mais les yeux vers le ciel, le roi, pour tout refrain, : Enfin le pauvre le saisit Par son manteau royal, et gravement lui dit : Ce n'est pas de là-haut, c'est des lieux où nous sommes Que Dieu vous a fait souverain. Regardez à vos pieds: là vous verrez des hommes, FLORIAN. * Mieux, pour quelque chose de mieux. + Inversion inusitée. |