Cet ouvrage n'est pas tout d'une main. M. Quinault a fait les paroles qui s'y chantent en musique, à la réserve de la plainte italienne. M. de Molière a dressé le plan de la pièce, et réglé la disposition, où il s'est plus attaché aux beautés et à la pompe du spectacle qu'à l'exacte régularité. Quant à la versification, il n'a pas eu le loisir de la faire entière. Le carnaval approchoit, et les ordres du roi, qui se vouloit donner ce magnifique divertissement plusieurs fois avant le carême, l'ont mis dans la nécessité de souffrir un peu de secours. Ainsi il n'y a que le Prologue, le premier acte, la première scène du second, et la première du troisième, dont les vers soient de lui. M. Corneille a employé une quinzaine au reste; et, par ce moyen, sa majesté s'est trouvée servie dans le temps qu'elle l'avoit ordonné 1. dieu des arbres et des fruits, et de Palénion, dieu des eaux. Chacun de ces dieux conduit une troupe de divinités: l'un mène à sa suite des dryades et des sylvains; et l'autre, des dieux des fleuves et des naïades. Flore chante ce récit pour inviter Vénus à descendre en terre : Ce n'est pluse le temps de la guerre ; Venez nous donner de beaux jours. Vertumne et Palemon, avec les divinités qui les accompagnent, joignent leurs voix à celle de Flore, et chantent ces paroles : CHOEUR DES DIVINITÉS de la terre et des eaux, composé de Flore, nymphes, Palemon, Vertumne, sylvains, faunes, dryades et naiades. Nous goûtons' une paix profonde, Au plus grand roi du monde. Il se fait ensuite une entrée de ballet, composée de deux dryades, quatre sylvains, deux fleuves et deux naiades; après laquelle Vertumne et Palemon chantent ce dialogue: VERTUMNE. Rendez-vous, beautés cruelles, Soupirez à votre tour. PALÉMON. Voici la reine des belles, Qui vient inspirer l'amour. VERTUMNE. Un bel objet, toujours sévère, C'est la beauté qui commence de plaire, 'On jouissoit encore des douceurs de la paix signée à Aix-laChapelle le 2 mai 1668, et le roi venoit de détacher l'Angleterre de la ligue que cette puissance, la Hollande et l'Espagne, avoient formée contre lui. (A) TOUS DEUX ENSEMBLE. C'est la beauté qui commence de plaire, Souffrous tous qu'Amour nous blesse; Que sert un cœur sans tendresse? VERTUMNE. Un bel objet, toujours sévère, C'est la beauté qui commence de plaire, TOUS DEUX ENSEMBLE. C'est la beauté qui commence de plaire, Mais la douceur achève de charmer. FLORE répond au dialogue de Vertumne et de Palemon par ce menuet; et les autres divinités y mêlent leurs danses. Est-on sage, Est-on sage De goûter les plaisirs ici-bas. La sagesse De la jeunesse, C'est de savoir jouir de ses appas. Ceux qu'il désarme; Cédons-lui tous. Notre peine Seroit vaine De vouloir résister à ses coups; Qu'un amant prenne, La liberté n'a rien qui soit si doux. Vénus descend du ciel dans une grande machine, avec l'Amour son fils. et deux petites Graces nommées Egiale et Phaène; et les divinités de la terre et des eaux recommencent de joindre toutes leurs voix, et continuent par leurs danses de lui témoigner la joie qu'elles ressentent à son abord. CHOEUR de toutes les divinités de la terre et des eaux. Nous goûtons une paix profonde, Les plus doux jeux sont ici-bas; Au plus grand roi du monde. Descendez, mère des Amours, VÉNUS, dans sa machine. Cessez, cessez pour moi tous vos chants d'allégresse; De si rares honneurs ne m'appartiennent pas; Où l'on va porter ses encens. Psyché, Psyché la belle, aujourd'hui tient ma place; Déja tout l'univers s'empresse à l'adorer; Et c'est trop que, dans ma disgrace, Je trouve encor quelqu'un qui me daigue honorer. Prêtent leur solitude aux troubles de mon cœur, Cacher ma honte et ma douleur. Flore et les autres déités se retirent, et Vénus, avec sa suite, sort de sa machine. EGIALE. Nous ne savons, déesse, comment faire, Dans ce chagrin qu'on voit vous accabler. Notre respect veut se taire, Notre zèle veut parler. VÉNUS. Parlez; mais si vos soins aspirent à me plaire, Et ne parlez de ma colère Que pour dire que j'ai raison. C'étoit là, c'étoit là la plus sensible offense Que ma divinité pût jamais recevoir : Mais j'en aurai la vengeance, Si les dieux ont du pouvoir. Vous avez plus que nous de clarté, de sagesse, Et c'est là la raison de ce courroux extrême. Moi, les plus doux souhaits du ciel et de la terre, Ai vu de tant de vœux encenser mes autels, Ils ne sauroient louer, dans le siècle où nous sommes, Ah! que de ces trois mots la rigueur insolente Venge bien Junon et Pallas, Et console leurs cœurs de la gloire éclatante Ma confusion dans mes yeux. Leur triomphante joie, au fort d'un tel outrage, Une simple mortelle a sur toi l'avantage. Que le plaisir de mes rivales. Mon fils, si j'eus jamais sur toi quelque crédit, Et si jamais je te fus chère, Si tu portes un cœur à sentir le dépit Emploie, emploie ici l'effort de ta puissance Et fais à Psyché, par tes traits, Pour rendre son cœur malheureux, Prends celui de tes traits le plus propre à me plaire, Le plus empoisonné de ceux Que tu lances dans ta colère. Du plus bas, du plus vil, du plus affreux mortel, L'AMOUR. Dans le monde on n'entend que plaintes de l'Amour; On m'impute partout mille fautes commises, Et vous ne croiriez point le mal et les sottises Que l'on dit de moi chaque jour. Si pour servir votre colêre... Il est des maux, ma sœur, que le silence aigrit : Exhalons le cuisant dépit. Nous nous voyons sœurs d'infortune; Et la vôtre et la mienne ont un si grand rapport, Ma sœur, soumet tout l'univers Aux attraits de notre cadette, Et, de tant de princes divers Quoi! voir de toutes parts, pour lui rendre les armes, Et passer devant nos charmes, Et qu'est-ce qu'ils ont fait aux dieux, Parmi tous ces tributs de soupirs glorieux, Fait triompher d'autres yeux? Et l'heureuse Psyché jouir avec audace D'une foule d'amants attachés à ses pas ? CIDIPPE. Ah! ma sœur, c'est une aventure A faire perdre la raison; Et tous les maux de la nature Ne sont rien en comparaison. AGLAURE. Pour moi, j'en suis souvent jusqu'à verser des larmes. Me tieut devant les yeux la honte de nos charmes, La nuit, il m'en repasse une idée éternelle, Qui sur toute chose prévaut. Rien ne me peut chasser cette image cruelle; Et, dès qu'un doux sommeil me vient délivrer d'elle, Dans mon esprit aussitôt Quelque songe la rappelle, Qui me réveille en sursaut. CIDIPPE. Ma sœur, AGLAURE. Mais encor, Que voit-on dans sa personne, L'empire de tous les cœurs? Elle a quelques attraits, quelque éclat de jeunesse ; Est-on d'une figure à faire qu'on se raille? De me parler franchement : CIDIPPE. Qui? vous, ma sœur? nullement. Mais, moi, dites, ma sœur, sans me vouloir flatter, Sur un plus fort appui ma croyance se fonde; Et ne vous promet que faveurs. CIDIPPE. Oui, voilà le secret de l'affaire; et je voi Que vous le prenez mieux que moi. Tous les amants qu'on voit sous son empire. Suivons, suivons l'exemple, ajustons-nous au temps; |