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On fait de nous trop peu de cas,

Et je suis las

De ce tracas.

Tout ce fracas,
Cet embarras,

Me pèse par trop sur les bras.
S'il me prend jamais envie

De retourner de ma vie
A ballet ni comédie,

Je veux bien qu'on m'estropie.

Allons, ma mie,
Suivez mes pas,
Je vous en prie,

Et ne me quittez pas;

On fait de nous trop peu de cas.

VIEILLE BOURGEOISE BABILLARDE.
Allons, mon mignon, mon fils,
Regagnons notre logis;
Et sortons de ce taudis,

Où l'on ne peut être assis.
Ils seront bien ébaubis,

Quand il nous verront partis.

Trop de confusion règne dans cette salle,
Et j'aimerois mieux être au milieu de la Ilalle.
Si jamais je reviens à semblable régale,

Je veux bien recevoir des soufflets plus de six.
Allons, mon mignon, mon fils,

Regagnons notre logis;

Et sortons de ce taudis,

Où l'on ne peut être assis.

TOUS.

A moi, monsieur, à moi, de grace, à moi, monsieur: Un livre, s'il vous plaît, à votre serviteur.

SECONDE ENTRÉE.

Les trois importuns dansent.
TROISIÈME ENTRÉE.

TROIS ESPAGNOLS, chantant.
Sé que me muero de amor
Y solicito el dolor.

Aun muriendo de querer,
De tan buen ayre adolezco

Que es mas de lo que padezco,

Lo que quiero padecer;

Y no pudiendo exceder

A mi deseo el rigor,

Sé que me muero de amor Y solicito el dolor.

Lisonjeame la suerte

Con piedad tan advertida,

Que me asegura la vida
En el riesgo de la muerte.
Vivir de su golpe fuerte
Es de mi salud primor.

Sé que me muero de amor

Y solicito el dolor.

Six Espaguols dansent.

TROIS MUSICIENS ESPAGNOLS.

Ay! que locura, con tanto rigor
Quexarse de amor,

Del nino bonito
Que todo es dulzura.
Ay! que locura!

Ay ! que locura!

ESPAGNOL, chantant.

El dolor solicita,

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El

que al dolor se da : Y nadie de amor muere, Sino quien no sabe amar.

DEUX ESPAGNOLS. Dulce muerte es el amor Con correspondencia igual; Y si esta gozamos hoy, Porque la quieres turbar?

UN ESPAGNOL.

Alegrese enamorado
Y tome mi parecer,
Que en esto de querer,
Todo es hallar el vado.

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Vaya, vaya de fiestas!
Vaya de bayle!

Alegria, alegria, alegria!

Que esto de dolor es fantasia'.

'Ces paroles espagnoles, et celles qui suivent, sentent ce qu'on appelle le gongorisme, c'est-à-dire le style précieux, obscur et guindé, que mit en crédit Gongora, poète dont les succès signalèrent ridiculement la fin du seizième siècle et le commencement du siècle suivant. L'original est à peine intelligible; je ne me flatte pas de le faire mieux comprendre dans une traduction. Celle qu'on va lire est presque littérale, et je ne la donne que pour ceux qui veulent tout connoître.

D

« Je sais que je me meurs d'amour, et je recherche la douleur. » Quoique mourant de desir, je dépéris de si hon air, que ce

que je desire souffrir est plus que ce que je souffre; et la rigueur

» de mon mal ne peut excéder mon desir.

» Je sais, etc.

» Le sort me flatte avec une pitié si attentive, qu'il m'assure la » vie dans le danger de la mort. Vivre d'un coup si fort est le prodige de mon salut.

» Je sais, etc. » (A.)

TRADUCTION. << Ah! quelle folie de se plaindre de l'Amour avec tant de rigueur! de l'enfant gentil qui est la douceur même! Ah! quelle folie! Ah! quelle folie!

» La douleur tourmente celui qui s'abandonne à la douleur :

QUATRIÈME ENTRÉE.

ITALIENS.

UNE MUSICIENNE ITALIENNE fait le premier récit, dont voici les paroles :

Di rigori armata il seno,
Contro amor mi ribellai;
Ma fui vinta in un baleno,
In mirar due vaghi rại.

Ahi! che resiste puoco
Cor di gelo a stral di fuoco!

Ma sì caro è 'l mio tormento,
Dolce è sì la piaga mia,
Ch' il penare è mio contento,
E 'l sanarmi è tirannia.
Ahi! che più giova e piace,
Quanto amor è più vivace !

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PREMIER MENUET.

Ah! qu'il fait beau dans ces bocages!
Ah! que le ciel donne un beau jour !

Après l'air que la musicienne a chanté, deux Sca-
ramouches, deux Trivelins et un Arlequin,
présentent une nuit à la manière des comédiens
italiens, en cadence. Un musicien italien se joint Le rossignol, sous ces tendres feuillages,

à la musicienne italienne, et chante avec elle les

paroles qui suivent:

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>> ct personne ne meurt d'amour, si ce n'est celui qui ne sait pas » aimer.

» L'amour est une douce mort, quand on est payé de retour: » et si nous en jouissons aujourd'hui, pourquoi la veux-tu trou» bler?

» Que l'aniant se réjouisse et adopte mon avis; car, lorsqu'on

» desire, tout est de trouver le moyen.

» Allons, allons, des fêtes; allons, de la danse. Gai, gai, gai; » la douleur n'est qu'une fantaisic. » (A.)

AUTRE MUSICIEN.

Chante aux échos son doux retour!

Ce beau séjour,

Ces doux ramages,

Ce bean séjour

Nous invite à l'amour.

DEUXIÈME MENUET. -TOUS DEUX ENSEMBLE.

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Vois, ma Climène,

Vois, sous ce chêne

S'entre-baiser ces oiseaux amoureux :

Ils n'ont rien dans leurs vœux

Qui les gêne;

De leurs doux feux

Leur ame est pleine.
Qu'ils sont heureux!

» Ayant armé mon sein de rigueurs, je me révoltai contre

>> l'Amour, mais je fus vaincue, avec la promptitude de l'éclair,

» en regardant deux beaux yeux. Ah! qu'un cœur de glace ré» siste peu à une flèche de feu!

» Cependant mon tourment m'est si cher, et ma plaie m'est si >> douce que ma peine fait mon bonheur, et que me guérir seroit » une tyrannie. Ah! plus l'amour est vif, plus il a de charmes et » cause de plaisir.

» Le beau temps, qui s'envole, emporte le plaisir à l'école d'amour on apprend à profiter du moment.

> Tant que rit l'âge fleuri, qui trop promptement, hélas! s'é>> loigne de nous.

» Chantons, jouissons dans les beaux jours de la jeunesse ; un

» bien perdu ne se recouvre plus.

» Un bel œil enchaîne mille cœurs; ses blessures sont douces;

», le mal qu'il cause est un bonheur.

» Mais quand languit l'âge glacé, l'ame engourdie n'a plus de » feux.

» Chantons, jouissons dans les beaux jours de la jeunesse; un » bien perdu ne se recouvre plus, » (A.)

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PSYCHÉ,

TRAGÉDIE-BALLET. - 1671.

LE LIBRAIRE AU LECTEUR.

Cet ouvrage n'est pas tout d'une main. M. Quinault a fait les paroles qui s'y chantent en musique, à la réserve de la plainte italienne. M. de Molière a dressé le plan de la pièce, et réglé la disposition, où il s'est plus attaché aux beautés et à la pompe du spectacle qu'à l'exacte régularité. Quant à la versification, il n'a pas eu le loisir de la faire entière. Le carnaval approchoit, et les ordres du roi, qui se vouloit donner ce magnifique divertissement plusieurs fois avant le carême, l'ont mis dans la nécessité de souffrir un peu de secours. Ainsi il n'y a que le Prologue, le premier acte, la première scène du second, et la première du troisième, dont les vers soient de lui. M. Corneille a employé une quinzaine au reste; et, par ce moyen, sa majesté s'est trouvée servie dans le temps qu'elle l'avoit ordonné '.

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dieu des arbres et des fruits, et de Palénion, dieu des eaux. Chacun de ces dieux conduit une troupe de divinités : l'un mène à sa suite des dryades et des sylvains; et l'autre, des dieux des fleuves et des naïades. Flore chante ce récit pour inviter Vénus à descendre en terre :

Ce n'est pluse le temps de la guerre ;
Le plus puissant des rois
Interrompt ses exploits,
Pour donner la paix à la terre'.
Descendez, mère des Amours,

Venez nous donner de beaux jours.

Vertumne et Palemon, avec les divinités qui les accompagnent, joignent leurs voix à celle de Flore, et chantent ces paroles :

CHOEUR DES DIVINITÉS de la terre et des eaux, composé de Flore, nymphes, Palemon, Vertumne, sylvains, faunes, dryades et naiades.

Nous goûtons' une paix profonde,
Les plus doux jeux sont ici-bas.
On doit ce repos plein d'appas

Au plus grand roi du monde.
Descendez, mère des Amours,
Venez nous donner de beaux jours.

Il se fait ensuite une entrée de ballet, composée de deux dryades, quatre sylvains, deux fleuves et deux naiades; après laquelle Vertumne et Palemon chantent ce dialogue:

VERTUMNE.

Rendez-vous, beautés cruelles, Soupirez à votre tour.

PALÉMON.

Voici la reine des belles,

Qui vient inspirer l'amour.

VERTUMNE.

Un bel objet, toujours sévère,
Ne se fait jamais bien aimer.
PALÉMON.

C'est la beauté qui commence de plaire,
Mais la douceur achève de charmer.

'On jouissoit encore des douceurs de la paix signée à Aix-laChapelle le 2 mai 1668, et le roi venoit de détacher l'Angleterre de la ligue que cette puissance, la Hollande et l'Espagne, avoient formée contre lui. (A)

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De vouloir résister à ses coups;
Quelque chaîne

Qu'un amant prenne,

La liberté n'a rien qui soit si doux.

Vénus descend du ciel dans une grande machine, avec l'Amour son fils. et deux petites Graces nommées Ægiale et Phaène; et les divinités de la terre et des eaux recommencent de joindre toutes leurs voix, et continuent par leurs danses de lui témoigner la joie qu'elles ressentent à son abord.

CHOEUR de toutes les divinités de la terre et des eaux.

Nous goûtons une paix profonde,
Les plus doux jeux sont ici-bas;
On doit ce repos plein d'appas

Au plus grand roi du monde.
Descendez, mère des Amours,
Venez nous donner de beaux jours.

VÉNUS, dans sa machine.

Cessez, cessez pour moi tous vos chants d'allégresse;

De si rares honneurs ne m'appartiennent pas;
Et l'hommage qu'ici votre bonté m'adresse,
Doit être réservé pour de plus doux appas.
C'est une trop vieille méthode
De me venir faire sa cour;
Toutes les choses ont leur tour,
Et Vénus n'est plus à la mode.
11 est d'autres attraits naissants

Où l'on va porter ses encens.

Psyché, Psyché la belle, aujourd'hui tient ma place; Déja tout l'univers s'empresse à l'adorer;

Et c'est trop que, dans ma disgrace,

Je trouve encor quelqu'un qui me daigue honorer.
On ne balance point entre nos deux mérites;
A quitter mou parti tout s'est licencié,
El du nombreux amas de Graces favorites,
Dont je traînois partout les soins et l'amitié,
Il ne m'en est resté que deux des plus petites,
Qui m'accompagnent par pitié.
Souffrez que ces demeures sombres

Prêtent leur solitude aux troubles de mon cœur,
Et me laissez, parmi leurs ombres,
Cacher ma honte et ma douleur.

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Flore et les autres déités se retirent, et Vénus, avec sa suite, sort de sa machine.

ÆGIALE.

Nous ne savons, déesse, comment faire, Dans ce chagrin qu'on voit vous accabler. Notre respect veut se taire,

Notre zèle veut parler.

VÉNUS.

Parlez; mais si vos soins aspirent à me plaire, Laissez tous vos conseils pour une autre saison,

Et ne parlez de ma colère

Que pour dire que j'ai raison.

C'étoit là, c'étoit là la plus sensible offense

Que ma divinité pût jamais recevoir :

Mais j'en aurai la vengeance,
Si les dieux ont du pouvoir.
PHAÈNE.

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Vous avez plus que nous de clarté,
Pour juger ce qui peut être digne de vous;
Mais, pour moi, j'aurois cru qu'une grande déesse
Devroit moins se mettre en courroux.
VÉNUS.

Et c'est là la raison de ce courroux extrème.
Plus mon rang a d'éclat, plus l'affront est sanglant,
Et, si je n'étois pas dans ce degré suprême,
Le dépit de mon cœur seroit moins violent.
Moi, la fille du dieu qui lance le tonnerre;
Mère du dieu qui fait aimer;

Moi, les plus doux souhaits du ciel et de la terre,
Et qui ne suis venue au jour que pour charmer;
Moi qui, par tout ce qui respire,

Ai vu de tant de vœux encenser mes autels,
Et qui de la beauté, par des droits immortels,
Ai tenu de tout temps le souverain empire;
Moi, dont les yeux ont mis deux grandes déités

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