LI LIVRES DOU TRESOR PAR BRUNETTO LATINI PUBLIÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS D'APRÈS LES MANUSCRITS DE LA BIBLIOTHÈQUE IMPÉRIALE DE LA BIBLIOTHÈQUE DE L'ARSENAL ET PLUSIEURS MANUSCRITS DES DÉPARTEMENTS ET DE L'ÉTRANGER PAR P. CHABAILLE DE LA SOCIÉTÉ IMPÉRIALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE, DES ANTIQUAIRES DE PICARDIE INTRODUCTION. Brunetto Latini, l'auteur du Livre du Trésor que nous publions aujourd'hui, était fils de Bonacorso Latini; issu d'une famille honorable, il naquit à Florence en 1230, se maria en 1260, avant de se rendre en Espagne pour y remplir une mission auprès d'Alphonse X', roi de Castille, et mourut dans sa ville natale en 12942. «Il vint au monde, non-seulement pour enseigner à ses concitoyens l'art de bien parler, dit un historien florentin, << mais aussi pour leur apprendre à diriger habilement les affaires de la république3. » C'était un homme de conversation agréable, spirituelle et enjouée; il était serviable, modeste, de mœurs douces. La pratique des vertus l'aurait rendu très-heureux, s'il eût pu supporter avec l'Histoire littéraire de la France (p. 276-304), et dont nous avons profité, fait naître Brunetto dix ou même quinze ans plus tôt ; mais nous croyons devoir nous en tenir, sur ce point, au document d'Oxford. (V. ci-après, p. xxvi, la liste des manuscrits qui ont servi pour cette édition.) 'Jean Villani, Cronica fiorentina, lib. VIII, c. 10. Egli fu cominciatore e maestro in digrossare i Fiorentini, e farli scorti in bene parlare, et in sapere guidare e reggere la nostra repubblica secondo la "politica. >> plus de fermeté les injustices de sa turbulente patrie'. Très-versé dans les langues latine, toscane, française, Brunetto s'acquit une grande célébrité comme orateur, poëte, historien, philosophe, théologien. Il eut l'honneur d'avoir pour élèves Guido Cavalcanti et Dante. Ce dernier, parlant de l'auteur du Trésor, dit : M' insegnavate come l' uom s'eterna 2. Ce savant Florentin enseigna aussi l'économie politique aux sénateurs les plus influents de la république florentine. On ignore l'époque exacte à laquelle il commença à prendre part au gouvernement de Florence; mais il y figure en 1253, postérieurement à la mort de l'empereur Frédéric II. Brunetto Latini fut chargé d'importantes négociations, et notamment de celle où il s'agissait d'engager le roi de Castille à prêter son appui aux Guelfes florentins dans la guerre que leur faisait Mainfroi, chef du parti gibelin 3. Cette mission ne produisit aucun résultat, et Brunetto Latini fut contraint de se rendre en exil, avec les principaux chefs du parti guelfe, à la suite de la défaite des Florentins à la bataille de Monte Aperti, livrée le 4 septembre 1260. A la nouvelle de ce désastre, son patriotisme, dominant l'intérêt personnel, lui arrache un cri de désespoir". Sa famille, sur laquelle il garde le silence, ne 1 Sachiez, dit-il, que la place de terre où Florence siet, fu jadis apelée Chiès de Mars, ce est à dire maisons de bataille; quar Mars, qui est une des .vij. planetes, est apelé Diex de bataille, et ainsi fu il aoré anciennement. Por ce n'est il mie merveille se li Florentin sont touz jors en guerre et en descort, car cele planete regne sor els. De ce doit maistres Brunez Latins savoir la verité; car il en est nez, et si estoit en essil lorsqu'il compila ce livre, por l'achoison de la guerre as Florentins." (Li Tre sors, livre I, partie I, chap. XXXVII, page 46.) Inferno, cant. xv, v. 85. 3 Esso Comune saggio Mi fece suo messaggio All' alto re di Spagna. (Tesoretto, p. 13, col. 1 et 2.) 4 Certo lo cor mi parte Che suole aver Fiorenza (Tesoretto, p. 14, col. 1.) |