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Je vous dois des conseils dignes d'un cœur sublime.
Le supplice a toujours l'apparence du crime;
Sauvez de cet affront votre nom respecté,
Et marquez-le du sceau de l'immortalité.
Périr sous les regards du traître qui vous brave,
Périr dans les tourments, c'est périr en esclave:
Non, il faut mourir libre, et décider sa fin.
Un cœur indépendant doit faire son destin.
Des sens épouvantés étouffant le murmure,
Un cœur vraiment anglois s'asservit la nature;
Il chérit moins le jour qu'il n'abhorre les fers;
Il sait vaincre la mort, l'effroi de l'univers.
Pour vous affranchir donc au sein de l'esclavage,
Pour tromper vos tyrans, et confondre leur rage,
Je vais... glacé d'horreur et saisi de pitié,
Vous fournir un secours dont frémit l'amitié.

Je frissonne en l'offrant... Mais un devoir austere
M'impose malgré moi ce cruel ministere.
Vous êtes désarmé... ce poignard est à vous;
Que votre sein ne soit percé que de vos coups.
Prenez ce fer, frappez; je m'en réserve un autre;
Trop heureux que mon ame accompagne la vôtre,
Et qu'admirant un jour ce généreux courroux
Londres nomme l'ami qui tomba près de vous!

VORCESTRE.

Quelque honneur qu'à ce sort la multitude attache,
Se donner le trépas est le destin d'un lâche;

Savoir souffrir la vie, et voir venir la mort,

2.

5

TAYLOR

OXFO

C'est le devoir du sage, et ce sera mon sort.
Le désespoir n'est point d'une ame magnanime;
Souvent il est foiblesse, et toujours il est crime:
La vie est un dépôt confié par le ciel;

Oser en disposer, c'est être criminel.

Du monde où m'a placé la sagesse immortelle
J'attends que dans son sein son ordre me rappelle.
N'outrons point les vertus par la férocité;
Restons dans la nature et dans l'humanité.
Garde ce triste don : ton ami ne demande
Qu'un service important, que l'état te commande.
Cet écrit, que Volfax adresse aux ennemis,
Par les soins d'un des miens venoit d'être surpris,
Quand, l'apportant au roi, j'ai trouvé l'esclavage.
Porte-le; d'un perfide il y verra l'ouvrage...

SCENE VIII.

VOLFAX, VORCESTRE, ARONDEL, GARDES.

VOLFAX.

Holà, gardes, à moi! saisissez-les tous deux. ARONDEL, frappant Volfax du poignard qu'il tenoit encore.

Voilà ton dernier crime; expire, malheureux!

(aux gardes.)

(il jette le poignard.)

Faites votre devoir; je suis prêt à vous suivre.

Vous vivrez, cher Vorcestre, ou je cesse de vivre. (on l'emmene.)

VORCESTRE.

Séparés si long-temps, deux vertueux amis
N'avoient-ils que les fers pour se voir réunis?

FIN DU QUATRIEME ACTE.

ACTE CINQUIEME.

SCENE PREMIERE.

ÉDOUARD, GLASTON, GARDES.

ÉDOUARD.

Oui, je vais confirmer l'arrêt de son supplice:
Qu'avant tout cependant cet ami, ce complice,
Qui s'obstine au silence, et brave le danger,
Soit conduit devant moi : je veux l'interroger.

GLASTON.

Aux portes du palais Eugénie éplorée

Depuis long-temps, seigneur, en demande l'entrée.

ÉDOUARD.

Qu'elle paroisse; allez.

SCENE II.

ÉDOUARD.

Je vais la voir enfin :

Je tremble... je frémis... Quel sera mon destin?
Qu'Eugénie à mon cœur laisse au moins l'espérance,
Et je lui rends son pere... O ciel! elle s'avance;
Sa grace est dans ses yeux.

SCENE III.

ÉDOUARD, EUGÉNIE.

EUGÉNIE.

Pour la derniere fois

Je puis enfin, seigneur, vous adresser ma voix.
Mon pere est condamné. Souverain de sa vie,
L'abandonnerez-vous aux fureurs de l'envie?

ÉDOUARD.

Je pouvois le sauver, quoiqu'il fût convaincu:
Il va mourir, madame, et vous l'avez voulu.
EUGÉNIE.

Le plus juste des rois permettra-t-il le crime?
D'infàmes délateurs, qu'un vil espoir anime,
Ont osé le charger du plus faux attentat;
Des traîtres ont jugé le soutien de l'état :
Que son maître le juge; ou, s'il faut qu'il périsse,
Si détournant les yeux vous souffrez l'injustice,
S'il n'obtient plus de vous un reste d'amitié,
A ma douleur du moins accordez la pitié:
Ma vie est attachée à celle de mon pere:
Ainsi donc par vos coups je perdrois la lumiere!...

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