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sent. » L'empereur dit : « Vous dites cela parce que vous mentez. Et si je ne puis rien vous faire, Dieu qui est puissant le fera. » Simon dit : « Je ne vous répondrai plus. » L'empereur dit : « Et moi, je ne vous compterai plus pour quelque chose, car, comme je le sens, vous êtes trompeur en tout. Mais à quoi bon plus de discours? Vous m'avez fait voir tous trois votre esprit indécis, et vous m'avez rendu si incertain en toutes choses que je ne trouve pas à qui je puisse croire. » A cela Pierre répondit : « Pour moi, je suis Juif de nation, et je prêche toutes ces choses que j'ai apprises de mon maître, afin que vous croyiez qu'il y a un Dieu, père invisible et incompréhensible et immense, et un notre Seigneur Jésus-Christ, sauveur et créateur de toutes choses. Nous annonçons au genre humain celui qui a fait le ciel et la terre, la mer et toutes les choses qui y sont, qui est le véritable roi, et son règne n'aura point de fin. » Et Paul dit : « Ce qu'il a dit, je le confesse semblablement, d'autant qu'il n'y a point de salut par un autre, sinon par JésusChrist. » L'empereur dit : « Qui est le roi Christ? » Paul répondit : « Le Sauveur de toutes les nations. » Simon dit : « Je suis celui que vous dites; et sachez, Pierre et Paul, qu'il ne vous arrivera pas ce que vous désirez, que je vous trouve digne du martyre. » Pierre et Paul dirent : << Que ce que nous désirons nous arrive, et puissiez-vous, Simon, magicien et plein d'amertume, n'être jamais bien, parce que dans tout ce que vous dites vous mentez! » Simon dit : « Ecoutez-moi, César Néron, afin que vous sachiez qu'eux sont des faussaires, et que moi j'ai été envoyé du ciel; le jour de demain j'irai aux cieux, et je rendrai heureux ceux qui croient en moi; et je montrerai ma colère contre ceux-là qui ont osé me nier. » Pierre et Paul dirent : « Dieu nous appela autrefois à sa gloire, mais vous êtes appelé maintenant par le diable, vous courez aux tourments. » Simon dit : « César Néron, écoutez-moi. Séparez ces insensés de vous, afin que lorsque je serai venu vers mon père dans les cieux, je puisse vous être favorable. » L'empereur dit : « Et d'où prouvons-nous cela, que vous allez au ciel? Simon dit : Ordonnez que l'on fasse une tour élevée de bois et de grandes poutres, et qu'on la place dans le champ de Mars, afin que j'y monte; et lorsque j'y serai monté, je commanderai à mes anges qu'ils descendent du ciel vers moi, et qu'ils me portent dans le ciel vers mon père, afin que vous sachiez que j'ai été envoyé du ciel. Car ils ne peuvent pas venir à moi sur la terre entre les pécheurs. » L'empereur Néron dit : « Je veux voir si vous accomplirez ce que vous dites. » Simon répondit : « Ordonnez donc que cela se fasse au plus vite, afin que vous voyiez. >>

Alors Néron fit faire une tour élevée dans le champ de Mars, et ordonna que tous les peuples et toutes les dignités s'assemblassent à ce spectacle. Or, le lendemain, l'empereur Néron, avec le sénat et les chevaliers romains, et tout le peuple, vinrent dans le champ de Mars au spectacle; et, lorsque tous furent venus, l'empereur ordonna que Pierre et Paul fussent présents dans toute cette assemblée; et comme ils eurent aussitôt été amenés devant lui, il leur dit: La vérité va maintenant paraître. Pierre et Paul dirent : « Ce n'est pas nous qui le démasquons, mais le Seigneur Jésus-Christ fils de Dieu, qu'il a dit

faussement qu'il était lui-même. » Et Paul, s'étant tourné vers Pierre, dit : « C'est à moi à prier Dieu à genoux, c'est à vous à ordonner, si vous voyez Simon entreprendre quelque chose, parce que vous avez été élu le premier par le Seigneur. » Et s'étant mis à genoux, Paul priait devant tout le peuple; mais Pierre regarda Simon, disant : « Commencez ce que vous avez entrepris; car le moment approche que vous allez être découvert, et que nous allons être appelés de ce siècle; car je vois le Christ qui m'appelle et Paul aussi. » Néron dit : « Et où irezvous contre ma volonté ?» Pierre répondit : « Où le Seigneur nous appellera. » Néron dit : « Quel est votre Seigneur?» Pierre répondit : « Le Seigneur Jésus-Christ que je vois, qui nous appelle. » Néron dit : « Et irez-vous au ciel ?» Pierre répondit : « Nous irons où il plaira à celui qui nous appelle. » A cela Simon répondit : « Afin que vous sachiez, ô empereur! qu'ils sont des trompeurs, bientôt, quand je serai monté aux cieux, je vous enverrai mes anges et je vous ferai venir à moi. » L'empereur dit « Faites donc comme vous avez parlé1. » Alors Simon monta dans la tour devant tout le monde, les mains étendues, couronné de lauriers, et commença à voler. Néron l'ayant vu, dit ainsi à Pierre : « Ce Simon est véritable, mais vous et Paul êtes des séducteurs ; » et Pierre lui dit : « Sans tarder vous saurez que nous sommes de véritables disciples du Christ, et que lui n'est pas le Christ, mais un magicien et un enchanteur. » L'empereur dit : « Persévérez-vous encore dans votre mensonge? Voilà que vous le voyez pénétrer jusque dans le ciel. » Alors Pierre dit à Paul : « Paul, levez la tête et voyez; et lorsque Paul eut élevé la tête pleine de larmes et qu'il eut vu Simon voler, il dit ainsi : < Pierre, que tardez-vous? Achevez ce que vous avez commencé; car notre Seigneur Jésus-Christ nous appelle maintenant; » et Néron, les entendant, dit en souriant : « Ils voient déjà qu'ils sont vaincus; ils sont actuellement en délire.» Pierre répondit : « Vous allez éprouver que nous ne sommes pas en délire. » Paul dit à Pierre : « Faites au plus vite ce que vous devez faire; et regardant contre Simon, » Pierre dit : « Je vous conjure, anges de Satan, qui le portez dans les airs pour tromper les cœurs des hommes infidèles, par Dieu, créateur de toutes choses, et par Jésus-Christ, que dès cette heure vous ne le portiez plus, mais que vous l'abandonniez: » et ayant été lâché tout à coup2, il tomba dans l'endroit qui s'appelle la voie Sacrée ; et s'étant partagé en quatre parts, il assembla quatre cailloux en un, qui servent encore de témoignage à la victoire des apôtres, jusqu'aujourd'hui. Alors Paul leva la tête au bruit qu'il fit en se brisant, et dit : « Nous vous rendons grâces, Seigneur Jésus-Christ, qui nous avez exaucés et démasqué Simon le magicien, et avez prouvé que nous sommes vos disciples dans la vérité. »

1. Hégésippe et Abdias disent qu'il monta sur le mont Capitolin, et que s'élançant d'un rocher, il commença à voler.

2. Abdias dit que les ailes qu'il avait prises s'étant embarrassées, il tomba, se brisa tout le corps, s'estropia les cuisses, et expira dans ce lieu même quelques heures après; au contraire, Arnobe, 1. II Adversus gentes, rapporte que son char et ses quatre chevaux de feu s étant dissipés, il tomba par son propre poids, se brisa les cuisses, et qu'ayant été porte à Brindes, de douleur et de honte il se précipita une seconde fois du haut d'un bâtiment.

Alors Néron, plein d'une grande colère, fit mettre Pierre et Paul dans les chaînes; et, pour le corps de Simon, il le fit soigneusement garder trois jours et trois nuits, pensant qu'il ressusciterait le troisième jour; et Pierre lui dit : « Vous vous trompez, ô empereur! il ne ressuscitera pas, parce qu'il est véritablement mort et condamné à la peine éternelle.» Néron lui répondit : « Qui vous a permis de commettre un tel rime? Pierre répondit : « Son obstination; et, si vous le comprenez, c'est un grand avantage pour lui qu'il soit péri, pour ne plus multiplier de si grands blasphèmes contre Dieu, qui aggraveraient son supplice. » Néron dit : « Vous m'avez rendu l'esprit suspect; c'est pourquoi, par un mauvais exemple, je vous perdrai. » Pierre répondit : « Ce n'est pas ce que vous voulez, mais ce qui nous a été promis, qui doit nécessairement s'accomplir. » Alors Néron, rempli de colère, dit à son préfet Agrippa: « Il faut perdre misérablement ces hommes irréligieux; c'est pourquoi, les ayant liés de chaînes de fer, faites-les périr dans le bassin où se donne le combat naval; car il faut que tous les hommes de cette sorte périssent misérablement. » Le préfet Agrippa dit1: « Très sacré empereur, vous ne les faites pas punir par un exemple convenable. » Néron dit : « Pourquoi n'est-il pas convenable?» Agrippa dit : « Parce que Paul paraît innocent. Pierre, qui est coupable d'un homicide, doit souffrir une peine amère. » Néron dit : « De quel exemple périront-ils donc ? Agrippa dit : « A ce qu'il me semble, il est juste que Paul, irréligieux, ait la tête tranchée, et Pierre, qui de plus a commis un homicide, faites-le élever en croix. » Néron dit : « Vous avez très-bien jugé; » et, sur-le-champ, Pierre et Paul furent amenés en la présence de Néron. Paul fut décollé dans la voie d'Ostie; mais Pierre étant venu vers sa croix, dit: «Parce que mon Seigneur Jésus-Christ est descendu du ciel en terre, il a été élevé sur une croix droite; mais moi que ma croix daigne appeler de la terre au ciel, ma tête doit être près de la terre et mes pieds dirigés vers le ciel; donc, parce que je ne suis pas digne d'être en croix comme mon Seigneur, tournez ma croix et crucifiezmoi la tête en bas; » mais eux tournèrent la croix, et attachèrent ses pieds en haut et ses mains en bas. Or, il s'assembla en ce lieu une multitude innombrable de peuple qui maudissait César Néron, qui étaient si pleins de fureur, qu'ils voulaient brûler Néron lui-même; mais Pierre les empêchait, disant : «Gardez-vous bien, mes petits enfants, gardez-vous bien de faire cela; mais écoutez plutôt ce que je m'en vais vous dire; car il y a peu de jours qu'à la sollicitation des frères, je m'éloignai d'ici, et mon Seigneur Jésus-Christ me rencontra en chemin à la porte de cette ville, et je l'adorai, et lui dis : «Seigneur, « où allez-vous?» Et il me dit : « Suivez-moi, parce que je vais à Rome << être crucifié une seconde fois ; » et pendant que je le suivais, je revins à Rome et il me dit : « Ne craignez point, parce que je suis avec vous, jusqu'à ce que je vous introduise dans la maison de mon père. » C'est

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1. Lin, de Passione Petri, ajoute une autre cause du supplice de l'apôtre : c'est qu'il avait détourné les épouses d'Agrippa, d'Albin, et de quelques autres grands, de l'amour conjugal envers leurs maris.

pourquoi, mes petits enfants, gardez-vous bien d'empêcher mon voyage; mes pieds marchent déjà dans la voie du ciel. Ne vous chagrinez point; mais réjouissez-vous avec moi, parce que j'obtiens aujourd'hui le fruit de mes travaux. » Et après qu'il eut dit ces paroles, il dit : « Je vous rends grâces, bon pasteur, parce que les brebis que vous m'avez données ont compassion de moi. Je vous demande qu'elles participent avec moi à votre grâce. Je vous recommande les brebis que vous m'avez confiées, afin qu'elles ne sentent pas qu'elles sont sans moi, en vous ayant, et je vous prie qu'elles soient toujours protégées par votre secours, Seigneur Jésus-Christ, par qui j'ai pu gouverner ce troupeau; » et disant cela, il rendit l'esprit. Aussitôt y apparurent de saints hommes que jamais personne n'avait vus auparavant, et qu'ils ne purent voir depuis; car ils disaient que c'était à cause d'eux qu'ils étaient arrivés de Jérusalem; et de compagnie avec Marcel, homme illustre, qui avait cru, et qui, laissant Simon, avait suivi Pierre, ils enlevèrent son corps en cachette, et le mirent vers le Térébinthe auprès du canal où se donne le combat naval, dans le lieu qui s'appelle le Vatican. Or, ces hommes qui dirent qu'ils étaient arrivés de Jérusalem, dirent au peuple : « Réjouissez-vous et tressaillez de joie, parce que vous avez mérité d'avoir de grands patrons, et des amis de notre Seigneur Jésus-Christ. Or, sachez que ce Néron très-méchant, après la mort des apôtres, ne pourra garder le royaume. »

Or, il arriva après cela que Néron encourut la haine de son armée, et la haine du peuple romain, de sorte qu'ils résolurent de lui couper enfin le cou publiquement, jusqu'à ce qu'il fût mort et expirât. Ayant eu vent de ce complct, il fut saisi d'un tremblement et d'une crainte insupportable, de sorte qu'il s'enfuit et ne parut plus depuis. Il y en eut aussi qui disaient que comme il errait dans les forêts en fuyant, il était mort de froid et de faim et avait été dévoré par les loups. Or, comme les Grecs enlevaient les corps des saints apôtres Pierre et Paul, pour les porter en Orient, il survint un grand tremblement de terre, et le peuple romain courut, et ils les arrêtèrent vers le lieu que l'on nomme Catacombe, dans la voie Appienne au troisième mille, et les corps y furent gardés un an et sept mois, jusqu'à ce qu'on eût préparé les lieux où leurs corps furent mis; et c'est là qu'ils sont considérés avec l'honneur et la révérence convenables, et par les louanges des hymnes; et le corps du très-heureux Pierre fut mis dans le Vatican du combat naval, et celui de saint Paul dans la voie d'Ostie au second mille, où reçoivent les bienfaits de leurs prières ceux qui les demandent assidûment et fidèlement, pour la louange et la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. Moi, Marcel, disciple de mon maître l'apôtre Pierre, j'ai écrit ce que j'ai vu.

Les curieux trouveront encore beaucoup d'autres pièces dans Fabricius, Grabius, Cotelerius, etc. On a cru que celles-ci suffisaient au grand nombre des lecteurs, que les savants ont toujours trop négligés.

LETTRE A L'ÉVÊQUE D'ANNECY.

(1768.)

mais que

MONSEIGNEUR, J'espère que non-seulement vous excuserez, vous approuverez une importunité qui me pèse beaucoup plus qu'à vous. Je ne comprends rien aux articles de vos lettres qui regardent mon oncle. Il fait plus de bien à la province qu'aucun homme en place n'y en a fait depuis plusieurs siècles. Il fait dessécher tous les marais qui infectent le pays; il prête de l'argent sans intérêt aux gentilshommes; il en donne aux pauvres; il établit des écoles où il n'y en a jamais eu; il défriche les terres incultes; il nourrit plus de cent personnes; il rebâtit une église. J'ose dire que la province le respecte et le chérit, et qu'il a droit d'attendre de vous autant de bonté et de considération qu'il a pour vous de déférence et de respect.

Je vous parle au nom de la province, monseigneur, pour les affaires qui vous intéressent. Nous sommes tous indignés de voir des curés qui ne savent que plaider et battre les paysans. Voilà un curé de Meyrin qui vient de perdre le septième procès à Dijon, et qui est condamné à l'amende voilà le curé de Moens qui a eu huit procès civils, et qui est actuellement à un deuxième procès criminel. Au nom de Dieu! mettez ordre à ces scandales et à ces violences: on vous trompe bien cruellement; croyez qu'il peut résulter des choses très-funestes de la conduite violente du curé de Moens. Si vous versez des larmes de sang, vous empêcherez qu'un prêtre ne fasse verser le sang des chrétiens et des sujets du roi mon maître; vous n'êtes point étranger à la France, puisqu'une grande partie de votre diocèse est en France.

Ne vous laissez point prévenir par les artifices de ceux qui croient l'honneur de leur corps intéressé à sauver un coupable, et qui ne savent pas que leur véritable honneur est de l'abandonner.

Je me flatte toujours que vous agirez en père commun, que vous n'écouterez ni la faction ni la calomnie, que vous honorerez la vertu bienfaisante, et que nous nous louerons de votre justice autant que j'ai · l'honneur d'être avec respect, Monseigneur, votre très-humble et trèsobéissante servante,

Ve DENIS.

LETTRE A L'ÉVÊQUE D'ANNECY ̊.

(1769.)

MONSIEUR, En revenant d'un assez long voyage, j'ai revu le vieillard qui m'est très-cher par mille raisons, à qui je dois la plus tendre reconnaissance, et dont je vous avais parlé dans ma lettre. J'avais quel

1. De Voltaire. (ÉD.) 2. Biord. (ED.)

3. De Voltaire, qui lá fit signer et envoyer par M. de Mauléon, son cousin. (ÉD.)

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