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jamais fait, et on détourne les yeux de cette grâce accordée à tant de peuples, pour ne s'occuper que d'une querelle particulière.

C'est à l'occasion de cette querelle funeste qu'on veut priver Paris du même avantage que le roi accorde à ses provinces. On fait à ceux qui rempliraient à Paris les places de la première magistrature les mêmes reproches qu'à nous; on les charge des mêmes outrages.

Nous n'entrons pas ici dans le labyrinthe obscur où se perd l'origine du parlement de Paris; nous ne rappellerons point les anciens droits de la pairie; nous ne porterons point un œil trop curieux dans le différend qui a causé enfin la rupture entre le conseil suprême du roi et le tribunal séant dans sa capitale. L'auteur des Remontrances n'en parle pas. Nous suivrons son exemple. Nous nous bornons à respecter le malheur des magistrats exilés; nous rendons justice à la pureté de leurs intentions; nous honorons leurs personnes. Nous savons par l'expérience de tous les siècles que les orages se dissipent en peu de temps; et puisque les grandes tempêtes qui bouleversèrent la France sous Charles VI et du temps de la Ligue et de la Fronde, sont passées sans retour, les petits nuages qui obscurcissent aujourd'hui les plus beaux jours passeront de même. Nous sommes très-sûrs que bientôt les exilés reviendront dans le sein de leurs familles, et que tout sera oublié. Que n'oublie-t-on pas dans Paris!

Mais quels que soient les magistrats qui composeront le parlement de Paris, croit-on de bonne foi qu'ils ne soient pas citoyens? Ils le seront d'autant plus qu'on les accuse de ne pas l'être, avant même qu'ils soient tous nommés.

Quel est le soldat qui, en entrant dans un nouveau régiment, ne se piquera pas d'être brave? Quel est l'avocat, le gradué qui, étant choisi pour magistrat, ne se fera pas un devoir de soutenir les droits de la nation, les libertés de l'Église gallicane (qui sont les libertés de l'Église universelle), et les lois anciennes qu'on appelle fondamentales? Qui d'entre eux ne s'empressera pas de porter au trône les plaintes du peuple, quand le peuple sera opprimé par les exacteurs? Ces fonctions sont à la fois si essentielles et si nobles, elles sont si naturellement liées à la place qu'on occupe, elles deviennent tout d'un coup si indispensables, que si le Barigel de Rome était nommé conseiller au parlement, il penserait comme de Thou l'historien, et comme l'abbé Pucelle.

Que le parlement de Paris soit composé d'anciens membres ou de nouveaux, il sera toujours le même il sentira également ses devoirs. Pourquoi donc dire que ceux qui accepteront ces places, signeront leur déshonneur ?

Q'on m'en donne une, je signerai qu'il n'y a de déshonneur qu'à refuser de servir sa patrie. Je ne demanderai certainement pas l'emploi qu'un autre exercerait, et qu'il ne voudrait pas quitter; c'est là où

1. Dans l'édition du chancelier on supprima ces mots : « Nous rendons justice à la pureté de leurs intentions. »

serait la honte, et personne ne s'y exposera; mais je prendrai celui qui sera vacant, et je m'en rendrai digne.

Mais quelque parti que le roi embrasse, je maintiendrai qu'il ne pouvait rien faire de plus juste et de plus utile, que d'administrer la justice aux nombreux habitants des provinces, dans leurs provinces mêmes, sans la leur faire payer.

Nous nous joignons à la cour des aides, à tous les corps du royaume, pour demander le retour des exilés; mais nous nous joignons à six provinces entières, pour rendre au roi les actions de grâce les plus méritées.

AVIS IMPORTANT D'UN GENTILHOMME

A TOUTE LA NOBLESSE DU ROYAUME.

(1771.)

1° Il est évident que toute l'ancienne et vraie noblesse du royaume est intéressée à ne pas laisser succomber ses principaux membres sur des accusations frivoles, et à demander justice au chef de la noblesse et de la justice, dont la maison est sur le trône depuis plus de huit

cents ans.

2o Que, dans l'affaire d'un pair, le parlement de Paris n'a pu, sans l'intervention d'aucun pair, agir contre un pair du royaume, déclaré par le roi en son conseil, sur les pièces mêmes du procès, exempt de tout soupçon, et ayant fidèlement servi.

3° Qu'il est aussi absurde qu'injuste d'appeler lettres d'abolition, des lettres patentes du roi, qui attestent la justification, l'innocence et les services d'un pair du royaume.

4° Qu'il n'est pas moins injuste, pas moins absurde, pour ne rien dire de plus, de persister, malgré le roi, à soutenir qu'un officier du roi est inculpé, quand le roi a jugé solennellement le contraire, que c'est se déclarer juge et partie des formes extrajudiciaires.

Que si une jurisprudence aussi affreuse était introduite, il n'y aurait point d'officier, depuis le maréchal jusqu'au sous-lieutenant d'infanterie, qui fût à l'abri de la persécution.

5o Qu'il est encore plus absurde et plus monstrueux de prétendre que le roi ne peut évoquer une/cause à son conseil, tandis que le parlement peut évoquer à lui toutes les causes pendantes aux tribunaux inférieurs.

6o Enfin, c'est la cause de tous les officiers du roi qui reçoivent ses ordres, de toute la noblesse, de toute la France. Il faut donc oublier, s'il est possible, toutes les inimitiés particulières, et n'envisager que l'intérêt général.

7° Cet intérêt général est sans doute que justice soit rendue à tout citoyen.

Or il est impossible qu'une cour de judicature puisse juger en con

naissance de cause dans un ressort de cent cinquante lieues, composé de tant de jurisprudences différentes.

Il faut que le gentilhomme auvergnat, angoumois, picard, ou poitevin, estropié, ruiné au service de son maître, aille achever sa ruine à Paris, pour solliciter un procès, et demander une audience dans l'antichambre d'un jeune bourgeois qui vient d'acheter sa charge dix mille écus. La France entière crie à son roi contre cet abus qui la désole. 8o Le parlement de Paris a dit au roi, dans un de ses arrêtés, que le roi lui devait sa couronne. Nous avions pensé jusqu'ici que nous l'avions soutenue de nos mains, et arrosée de notre sang, sous les yeux du grand Henri IV, avec qui nous combattions, et à qui le parlement de Paris refusa de l'argent pour reprendre Amiens. « Je vais me faire donner un coup de pistolet dans la tête, leur dit en propres mots ce grand homme, et vous verrez ce que c'est que d'avoir perdu votre roi.

9o Nous ne croyons pas que le parlement de Paris ait affermi le trône dans la maison de Bourbon, quand il rendait des arrêts si sanglants et si exécrables contre ce héros et contre son parlement de Tours et de Châlons.

10° Soutenait-il la couronne des Bourbons par son arrêt du 5 mars 1590, qui défendait, sous peine de mort, d'avoir la moindre correspondance avec Henri IV?

11° Nous ne croyons pas que le parlement de Paris ait voulu affermir le trône, en mettant au prix de 50 mille écus la tête d'un cardinal premier ministre, et en volant pour 200 mille écus d'effets dans les maisons des serviteurs du roi, pour lever je ne sais quelle armée de laquais contre son légitime souverain. Nous ne croyons pas que Louis XIV eût beaucoup d'obligation de sa couronne aux conseillers Quatre-sols, Bitaut, Quatre-hommes, Pitaut, Gratant, Martineau, Crépin, Perrot et Cales, qui signèrent ces brigandages.

12° Ajoutons à toutes ces vérités connues dans l'Europe, que, hors les Lamoignon, les Maupeou, les Molé, et une vingtaine de maisons nobles, qui ont servi dans l'épée et dans la robe, tout le reste est composé de gens dont les grands-pères ont été nos fermiers, ou commis aux postes, ou qui ont porté la livrée. C'est de quoi nous fournirons des preuves à Sa Majesté, quand elle voudra.

13° Nous savons obéir au roi, c'est encore une différence qui est entre le ci-devant parlement de Paris et nous.

SENTIMENTS

DES SIX CONSEILS ÉTABLIS PAR LE ROI

ET DE TOUS LES BONS CITOYENS.

(1771.)

Oui, tous les bons citoyens doivent persister à regarder l'établissement des six nouveaux conseils comme le plus signalé bienfait dont le roi veut combler la nation. Il est si beau de rendre gratuitement lą justice; il est si humain de sauver de la ruine tant de familles; c'est une économie si sage d'épargner les frais de la translation des prisonniers du fond des provinces à Paris, qu'il faudrait avoir un esprit peu juste, et un cœur peu sensible, pour jouir d'une telle grâce sans reconnaissance.

C'est un beau jour qui se lève sur nous, et on ne veut regarder que de petits nuages dont ce beau jour est encore obscurci.

On s'épuise de tous côtés en déclamations pour nous empêcher d'être heureux. Il semble que tout soit perdu, parce que le ressort d'un tribunal de justice ne s'étend plus jusqu'au fond de l'Auvergne et du Poitou. Ne voilà-t-il pas eneffet un grand mal qu'un Périgourdin soit jugé dans Angoulême au lieu de l'être à Paris, et que la justice soit rendue à chaque citoyen dans sa province, selon l'usage de toutes les nations! La postérité s'étonnera sans doute que nous ayons pu murmurer contre notre félicité. Nous n'avons vu en effet jusqu'ici que des déclamations sans preuves; elles contestent au roi le pouvoir de faire du bien. Dans une de ces remontrances, voici comme on s'exprime :

« L'édit portant établissement de six conseils supérieurs renferme un vice et un danger intrinsèque que la cour doit faire connaître au seigneur roi 2. »

Nous ne savons pas ce que c'est qu'un danger intrinsèque. Nous présumons que lorsqu'on parle ainsi, on n'a guère de vérités intrinsèques à dire.

<< L'édit du roi est une violation manifeste des règles et des formes. >> Apprenez-nous donc quelles règles et quelles formes sont violées. Fallait-il, par exemple, demander permission au tribunal de Rouen d'établir un tribunal à Blois ? Et quand cette forme aurait été violée, devez-vous en bonne foi faire des reproches votre médecin de ce qu'il vous a guéri contre les règles de la Faculté ?

1. L'édit de février 1771 créait, pour connaître au souverain et en dernier ressort, tant au civil qu'au criminel, six conseils supérieurs, qui étaient etablis à Arras, Blois, Châlons, Clermont-Ferrand, Lyon, Poitiers; tous ces pays étaient jusque-là du ressort du parlement de Paris. (Note de M. Beuchot.)

2. Arrêt du parlement de Besançon. (ÉD.)

<< La commission établie pour rendre justice tant au civil qu'au criminel ne peut en aucun temps acquérir le caractère de corps légal. » Voilà qui est bien étrange! L'édit de Philippe le Bel qui établit le parlement de Paris et celui de Toulouse, était-il autre chose qu'une commission établie? leur pouvoir n'était-il pas très-légal? les rois ne changeaient-ils pas les officiers de leurs parlements deux fois par an? Ne peuvent-ils pas faire aujourd'hui ce qu'ils ont fait si longtemps? La création des parlements de Grenoble, de Dijon, de Bordeaux, de Rouen, n'eut aucun besoin d'enregistrement au parlement de Paris; et le roi Charles IX vint avec les grands officiers et plusieurs pairs déclarer sa majorité au parlement de Rouen, parce qu'il n'y a aucune loi qui attribue cet honneur à un parlement plutôt qu'à un autre; et que même cette cérémonie est très-inutile, attendu qu'on sait assez quel âge a le roi. Charles IX fut le premier qui signifia sa majorité à un parlement, et cette nouveauté fut très-légale.

« Les six conseils sont d'une nature inconnue dans la monarchie. » Mais les quatre grands bailliages, établis par saint Louis, n'étaientils pas d'une nature encore plus inconnue?

Il est souvent d'une nature très-inconnue de faire le bien; mais quand il est fait, il faut être d'une nature bien étrange pour ne le pas approuver, et pour ne pas remercier son bienfaiteur.

« François Ier ne voulut jamais consentir à la proposition d'établir une cour de parlement à Bourges et à Poitiers. »

Il n'est point du tout prouvé qu'on ait proposé à François Ier d'établir un parlement à Poitiers; mais de ce que le roi aurait refusé de faire la sixième partie du bien qu'on nous fait aujourd'hui, s'ensuit-il que ce bien soit un mal? François Ier fit une faute, et Louis XV la répare.

Quand un parlement fait des reproches au souverain, il faut qu'il ait évidemment raison dans tous les points. Il semble que le parlement, auteur de ces remontrances, ait négligé ce principe.

De quoi s'agit-il ici pour les peuples, qui doivent être l'objet de la législation? De pouvoir obtenir justice le moins chèrement, le plus promptement, et le plus commodément qu'il soit possible.

Or, nous demandons s'il n'est pas beaucoup plus commode d'être jugé dans sa province que dans une province étrangère? si on n'est pas plus promptement jugé? s'il n'en coûte pas dix fois moins?

Il est donc prouvé que toutes ces déclamations qu'on prétend faites en faveur du peuple, sont réellement faites contre lui; et que l'on confond perpétuellement l'intérêt particulier et chimérique d'un corps, avec l'intérêt général qui est très-réel.

Parlons de bonne foi, jeunes gens des enquêtes de Paris, à qui le grand Henri IV disait : « Ecoutez ces bons vieillards, et soyez modérés comme eux. » Vous ne pouvez avoir, dans cette affaire, d'autre intérêt que celui de la vanité. Quand vous rencontrerez un citoyen de Lyon, ou d'Arras, ou de Blois, ou de Clermont, vous pourrez lui dire : « Monsieur, il est bien triste que vous ne soyez plus mon justiciable; je ne connais point votre coutume, mais j'étais essentiellement votre juge. La loi

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