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Mais si les témoins doivent juger de la nécessité ou de l'inutilité de l'affaire, cependant, dans la conférence toute confidentielle et préparatoire qu'ils ont avec l'ami dont ils prennent charge, il est loisible à ce dernier, s'ils n'ont aucune déférence à son opinion, de les remercier. Le droit de cette séparation est acquis au combattant comme aux témoins; car, supposé que ces derniers lui proposent une chose qu'il regarde comme contraire à son honneur, s'il croit ne pouvoir y souscrire, comme il serait trop tard pour revenir sur l'avis des témoins au moment du combat, il les récuse à l'instant et en choisit d'autres. Ainsi, s'il est du devoir des témoins d'apporter dans ces conférences le calme et la conciliation, ils doivent cependant considérer le point d'honneur, et ne faire que ce que leur cœur leur dicte et ce qu'ils feraient pour eux-mêmes.

Il est d'usage de recevoir les regrets ou les excuses qui sont valablement présentées par les témoins. Il y aurait plus que mauvaise volonté à ne pas s'en contenter si elles sont acceptables; cependant on ne peut l'établir comme règle, car ce serait donner à certaines gens une trop grande facilité à chercher

querelle, quitte, diraient-ils, si celui qu'ils attaquent se fâche, à lui faire des excuses. Nous avons assez puni le récalcitrant qui ne voudrait pas s'en contenter, en disant : « Celui qui fait la réparation, si elle » n'est pas acceptée, ne prend plus rang d'agresseur,

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et l'honneur des témoins ne peut en rien souffrir » de présenter les excuses si leur homme a fait injure à son antagoniste. »

Il y a pour les témoins un principe bien reconnu, c'est qu'on ne doit jamais tirer sur son débiteur. Ainsi, dans une querelle qui prend sa source dans une affaire d'argent et qui serait suscitée par le débiteur, les témoins ne doivent pas laisser battre leur homme que le débiteur n'ait payé. C'est plutôt une affaire civile qu'une affaire de champ clos. Ce serait vraiment une manière trop facile de s'acquitter de ses dettes que de tuer son créancier, et les témoins qui mettent leur veto sur ce cartel, peuvent et doivent en faire, par écrit, la déclaration à celui qu'ils empêchent, en se rendant garans de son honneur. Le cas est bien différent dans une querelle suscitée pour des intérêts pécuniaires, si c'est le créancier qui attaque le débiteur.

Les témoins ne doivent jamais laisser battre un homme avec un maître d'armes, en prenant l'arme dont il fait profession, à moins que le maître d'armes n'ait été frappé. Dans tout autre cas, l'adversaire du maître aurait le choix des armes. C'est un sacrifice que ces professeurs d'escrime doivent à leur état.

Il arrive quelquefois, mais rarement, que les combattans demandent à charger leurs armes. Les témoins, dans le cas où la règle de chaque duel au pistolet permettrait aux champions de se servir de leurs propres armes, peuvent leur accorder la faculté de les charger eux-mêmes, en convenant entre eux de la mesure de la charge. Alors chacun des combattans doit charger devant les témoins de son adversaire; ils ne peuvent le faire si ce sont des armes qui leur sont étrangères.

Un témoin de chaque côté suffit pour le duel à l'épée, parce qu'il arrive que dans une affaire peu grave, quatre témoins s'entendent moins facilement que deux, et que souvent on desire cacher un duel; et ainsi le secret est plus facilement gardé; ensuite

parce que chacun connaît les usages de ce combat, que cette arme est la moins dangereuse, et enfin parce qu'il est difficile quelquefois d'avoir quatre témoins. Mais, comme nous l'avons dit, il vaut mieux, si l'affaire a quelque gravité, en prendre quatre quand on le peut. Le combat au sabre, plus difficile à régler, et celui au pistolet, non moins difficile et plus dangereux, exigent nécessairement quatre témoins pour veiller à leur franche et loyale exécution.

Les témoins peuvent refuser que le fer puisse être détourné avec la main, et si la convention n'en a pas été faite, ils doivent l'empêcher, parce que cette manière de parer donnerait à celui qui en ferait usage un trop grand avantage sur son adversaire; qu'en second lieu, il est difficile d'apercevoir, lorsqu'on détourne le fer avec la main, si cette main, même par un mouvement tout machinal, n'a pas saisi ce fer. S'il en était ainsi, le mal serait sans remède, et pour celui qui en serait la victime, et pour celui qui, même sans mauvaise intention, aurait agi contrairement aux règles du duel. Il vaut donc mieux que ce soit une convention réciproque de pouvoir détour

ner le fer avec la main, ou que cela ne soit permis ni à l'un ni à l'autre des combattans. Ce n'est pas paralyser la défense de l'un au détriment de l'autre, c'est égaliser les chances, puisqu'il y a parité de

moyens.

Il nous a paru sage d'établir qu'un homme estropié fût forcé de prendre l'arme de la personne qu'il insulte par coups ou blessures; car, après tout, il ne tient qu'à lui de ne pas avoir recours à ces extrémités pour se battre ; et si l'on prenait toujours en considération son empêchement physique, il deviendrait, lui impotent, le plus avantagé, car son étude s'est entièrement portée sur le pistolet. Rien de plus juste pourtant que d'accepter son arme dans tout autre cas. Mais les témoins ne doivent pas se tromper et prendre de chétifs empêchemens pour une cause nécessaire d'accepter les armes d'un agresseur qui viendrait se prétendre impotent. Quand on peut frapper, il doit suffire de tenir son épée pour en faire réparation.

Si un homme ayant perdu une jambe fait insulte, il est juste que l'insulté qui choisit ses armes, et qui

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