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et qu'il évite la condamnation, qui est celle qui seule luy pouvait changer sa condition, et le priver de tous les droits dont jouissent les hommes libres par le benefice des Loix du païs où ils ont pris naissance. Il faut toutefois excepter de cette regle ceux auxquels on fait le procés aprés la mort, pource que lors la Loy les repute encore vivans, et par une espece de charme puissant qui n'appartient qu'à elle, évoque les morts, les tirant de leur azile, et du repos de la sepulture, pour les soûtenir par maniere de dire quelque espace de temps en vie, tant qu'ils ayent satisfait au public par l'exemple et par la peine que peut meriter l'atrocité de tels crimes, de sorte qu'en cecy le temps de la mort ne peut estre consideré qu'au temps de la condamnation, qui est comme une seconde mort, qui tranche tous droits et effets civils, et lors de laquelle seulement l'on doit juger de l'état et condition des personnes. Tant y a qu'il est vray de dire qu'en tel cas la mort naturelle n'arreste point la poursuite commencée pour la vengeance d'un crime, et n'en empêche non plus la recherche, ny que l'on ne commence l'accusation bien souvent fort long-temps aprés; comme l'Eglise l'a pratiqué dans les Conciles, contre ceux qu'elle a voulu condamner, même aprés plusieurs siècles : Car ou bien on punit le corps, ou s'il n'est plus en estre, soit à cause du temps, ou soit parce qu'il n'a pû estre recouvré, on punit la memoire et le nom

qui conserve une espece de subsistance civile et de personnalité à l'effet de souffrir telles condamnations: Bref la Loy romaine expresse à ce propos ayant dit

que les testamens de ceux dont la memoire est condamnée aprés la mort, sont cassez et demeurent inutiles; d'ailleurs ayant ajoûté que c'est de même à l'égard de ceux qui sont condamnez au fer, c'est à dire à estre gladiateurs, qui estoit lors une espece de peine; à plus forte raison doit-on maintenant dire que cette disposition comprend aussi ceux que l'on voit se denoncer au glaive, et se condamner eux-mêmes à cette peine infame contre les payens, contre la prohibition expresse de tant d'Edits, d'autant plus saints et salutaires, qu'ils sont severes et rigoureux. Or comme il n'y a qu'à tenir, et que l'on le reconnoist en matiere de crime de leze-majesté au premier chef, la même disposition doit aussi avoir lieu aux autres chefs, et en tous crimes où il y aura Loy expresse qui ordonne de faire le procés aprés la mort; pource qu'en ce crime et aux autres où l'on le pratique, c'est l'Edit et l'Ordonnance qui établit cette fiction, mais qui se trouve aussi puissante en son cas feint és matieres qui luy sont sujettes, comme peut estre la verité même de ce qui dépend de la nature. Et plus, qu'expressement le Roy par ses Edits a voulu user de ce remede, pour faire naître dans l'esprit de ses sujets une plus grande horreur de ce malheureux crime qui irrite le Ciel contre nous,

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et qui moissonne tous les jours tant de gentils-hommes, tirant ainsi petit à petit et affoiblissant les forces de la France, et la vigueur de cet Etat, qui consiste en la noblesse, dont le sang se va consumant et répandant inutilement, mais avec sacrilege contre Dieu et la nature, et contre l'autorité du Roy. Peuton douter que ceux dont la mort est le crime, et qui meurent si coupables, qu'ils violent d'un coup toutes sortes de Loix divines et humaines, et qui pour ce sujet doivent estre punis en leurs corps et en leur memoire aprés la mort, qu'aprés tout cela ils puissent conserver leur volonté derniere, veu même que ce point est la plus haute faveur que les Loix ayent pû accorder à leurs sujets, qui veulent vivre et mourir dans le respect et l'obeissance qui leur est deuë; c'est à dire de faire valoir et d'executer la disposition de leurs biens, pour les faire passer et transporter à d'autres en un temps qu'ils n'en peuvent plus estre les maistres. Peut-on inutilement s'imaginer qu'il soit possible d'executer le testament de celuy dont le corps a deû estre traîné sur une claye, comme il l'eût esté si l'on l'eût pû trouver, et dont le nom et la memoire est condamnée comme coupable de crime contre Dieu et contre le Roy; Car de dire que la memoire n'est pas condamnée par les termes de l'Arrest, qui déclare seulement le défunt avoir encouru les peines des Edits, c'est une couleur trop foible pour estre mise en consideration;

puis que l'on peut voir par l'Arrest que la condamnation est intervenue sur le procés fait au curateur creé à la mémoire, et qu'elle est condamnée conformement à l'Edit du Roy, qui est celuy qui prononce la peine, lés sages ne faisant que declarer le fait, et particulièrement en cecy, où la peinè n'est pas laissée à la discretion des Juges, au lieu qu'aux autres crimes, l'on tient que les peines sont pour la pluspart arbitraires. Il est donc vray que le testament d'un homme, quoy que criminel, qui meurt auparavant que d'estre condamné, est valable; mais non pas celuy qui meurt dans un 'crime dont la recherche, la poursuite et la punition se fait aprés la mort: Et comme le Concile de Valence, aprés avoir qualifié ceux qui tuënt ou qui blessent quelqu'un en Duel, cruels assassins et meurtriers, il compare les autres qui meurent en cet état, à ceux qui previennent leur mort, et qui se défont eux-mêmes; pour reparation d'un tel crime a chassé les vivans hors l'Eglise, et puni les morts par la privation de la sepulture ecclesiastique, mesme supplie le Roy Charles le Chauve de faire de sa part, et par la rigueur de ses Loix, que cette maudite action fût exemplairement punie. Puis qu'il est enfin arrivé que la pitié et la justice du Roy s'est resoluë de punir ces homicides d'eux-mêmes aprés leur mort; aussi ne peut on desormais plus douter que le testament d'un homme traité comme homicide de soy

même, en son corps, en sa memoire, et en ses biens, ne peut valoir chose quelconque : Non pas que ce soit seulement pource que ses biens sont confisquez, mais parce que le crime est punissable aprés la mort en la memoire. Car tout ainsi que les biens sont entierement confisquez, il n'y a personne qui ait jamais dit que le testament, le testament, fait auparavant le crime, puisse avoir effet au préjudice de la confiscation; ou bien elle n'a lieu qu'en partie, comme icy pour de tiers: le testament ne peut valoir davantage à l'és gard des biens qui ne sont pas confisquez, d'autant que les biens ne sont qu'accessoires et évincez; sans doute la condition de la personne, joint que la con→ fiscation n'a lieu qu'en consequence de la condam→ nation, et non pas que la condamnation soit pour la confiscation. De plus, il est certain qu'en tout crime capital il y a deux peines qui se suivent d'ordinaire, la confiscation du corps et des biens, ainsi parlent les anciennes Ordonnances: celle du corps est en la vie et en la mort, celle des biens suit souvent la premiere, non pas toûjours, ny en tous lieux: mais jamais cette derniere n'est introduite aprés la mort, qu'il n'y ait punition tacite et expresse du corps, du nom et de la memoire. Et puis que c'est un honneur, disent les Loix romaines, d'avoir un heritier, pour raison dequoy elles ont étably diverses dispositions singulieres; ne seroit-ce pas vouloir honorer un homme qui est mort deshonoré par son crime et par

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