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rai, voyez-la, on l'appelle pronom. Mais d'ailleurs, n'eft-ce pas une chofe qui convient à la plufpart des pronoms adjectifs, d'être mis avant le Nom, à l'exclufion de l'Article, & avec la même propriété, comme quand je dis, ce papier, cette plume, &c. mon frere, votre fœur, &c. Ainfi P'Article eft un pronom tel que bien d'autres, mais auquel on a donné par excellence le nom d'Article, parce qu'il eft d'un plus fréquent ufage qu'aucun des autres..

Fai dit, en fecond lieu, qu'il doit précéder le Nom : & il le précède immédiatement, à moins que ce nom, étant fubftantif, ne foit lui-même précédé par un adjectif qu'il régiffe, la belle faifon, les beaux vers. Alors l'Article cède à l'adjectif le voifinage du fubftantif, & il marche avant tous les deux. Hors de là, il n'y a que l'ad jectif Tout, qui, comme nous l'avons déjà remarqué, précède toujours l'Article fimple, & divife le particulé.

J'ai dit, en dernier lieu, que la propriété de l'Article, c'eft d'annoncer qu'à des noms communs, ou employez comme tels, on a voulu attacher un

fens précis.. Car un nom, à le prendre tout feul, ne renferme que la fimple idée de la chofe, à la fignification de laquelle il eft deftiné. Mais cette idée pouvant être vague ou déterminée, gér nérale ou reftreinte, c'est à moi à défigner quelle étendue je donne à cette idée. Or c'eft ce que je ne puis faire que par un Article, ou par quelque chofe d'équivalent. Pain, ne préfente que l'idée de ce qu'on appelle pain. Mais en difant, j'aime le pain, ou donnez-moi du pain, ou donnez-moi un pain, je fais concevoir pour quelle idée précife je veux qu'on reçoive ce mot, pain..

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Quand faut-il employer l'Article? Toutes les fois qu'il faut annoncer que des noms communs doivent être pris dans un fens déterminé. Or la quantité de ces noms-là n'est limitée, ni ne peut l'être, puifque l'Article fubftantifie & modifie des mots de toute espèce, con、 formément à des règles, ou à des ufa, ges qui, comme nous l'allons voir, ne varient pas..

1. Noms propres. Quoiqu'ils n'appartiennent qu'à des individus, & que par conféquent leur acception n'ait pas befoin d'être autrement déterminée; cependant ils demandent l'article quand on les accompagne d'un adjectif. Mais il ya cette différence à remarquer : Que fi l'adjectif précède le nom propre, il énonce une qualité, qui pourroit être commune à plufieurs; au lieu que s'il ne vient qu'après, il exprime une qualité diftinctive. Quand je dirai, Cicéron foupa chez le riche Luculle, je donne feulement à Luculle la qualité de riche. Mais fi je difois, chez Luculle le riche, ce feroit pour le diftinguer des autres Luculles. Voilà de ces petites différences, qui ne peuvent être imaginées, ni réduites en principe, que par un peuple ami de la précifion & de la clarté dans fon langage.

Quelquefois auffi l'Article fait que le nom propre change de nature, comme quand nous difons que Molière eft le Térence moderne ; que l'Alexandre de Racine eft trop doucereux, &c. On donne même des pluriels à ces fortes de noms, les Térences, les Ale

xandres, &c. Telle eft ici la force de l'Article, qu'il met ces noms au rang de ceux qu'on appelle communs, c'est-à-dire, dont l'idée eft communicable à plufieurs individus.

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Au contraire, l'Article fait (2) que: le nom commun, & même l'épithète, deviennent noms propres. Quand nos Prédicateurs difent l'Apôtre, c'est Saint Paul; le Sage, c'eft Salomon. Perfonne n'ignore que les Grecs, pour défigner Homère, difoient le Poëte; & nous apprenons d'Henri Eftienne (3) qu'anciennement on a dit, le Poëte François, pour défigner Marot: lequel titre, ajoute-til, eut depuis tant de compétiteurs, qu'on n'a fçu à qui le donner fans faire tort aux autres.

Que fi l'Article fe trouve dans une infinité de noms propres, foit noms de villes ou de villages, le Catelet, la Flèche, La Rochelle; foit noms de famille,

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(2) Apollonius, pag. 44. Facit ut epithetum habeat eandem proprietatem, quam habet nomen proprium.

(3) Traité de la conformité du langage François avec le Grec, pag. 78.

mille, le Tellier, le Noir, la Fonta ne; il eft aifé de voir qu'originaire ment ce furent des noms appellatifs, où dans la fuite l'Article ne s'eft confervé que comme une fyllabe inhéren te, qui n'a plus de propriété, & qui demeure indéclinable, fans égard an fexe des perfonnes ainfi nommées.

au

la

On fe permet quelquefois de mettre l'Article à des noms propres, & fur-tout en parlant de certaines femmes extrêmement connues foit en bien, foit en mal. Ainfi l'on dira, Chammellé, fameufe actrice; la Brin villiers, célèbre empoisonneufe. Mais n'oublions pas que ces manières de parler ne fortent point de la conver fation, ou du moins n'entrent que dans un ftyle qui, comme l'a fagement obfervé M. l'Abbé Regnier, marque dé la familiarité, ou du mépris...

Quoique les quatre parties du monde, quelques aftres, les royaumes, les provinces, les rivières, les montagnes, aient leur nom particulier, dont l'acception femble déterminée par elle-même; nous ne laiffons pas d'y ajouter fouvent l'Article, mais fans règle, fans uniformité..

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