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XLVII.

(3)

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Ces mêmes dignitez

Önt rendu Bérénice ingrate à vos bontez.

Vaugelas, dans une (4) de fes Remarques, a écrit: Ingrat à la fortune ; & Patru fait là-deffus une Note, où il témoigne qu'Ingrat à, pour Ingrat envers, lui paroît hardi.

On lit dans Britannicus, Impuissant à trahir; & dans Iphigénie, Complaifant à vos défirs. Peut-être qu'à l'égard de ces deux expreffions, le fcrupule de Patru n'auroit pas été moins fondé.

Il y a des adjectifs, qui ne peuvent guère aller feuls. Digne, incapable, il faut dire, de quoi. Propre, comparable, il faut dire à quoi.

Il y en a qui ne gouvernent jamais rien, & c'eft le plus grand nombre.

Il y en a enfin qui fe mettent indifféremment, ou avec un régime, Je vis content de ma fortune; ou fans régime, Je vis content.

On n'a de confeil à prendre que de

(3) Bérénice, I. 3. 39.
(4) Remarque CLXVII.

l'ufage, dans une matière où le raisonnement n'entre pour rien.

XLVII I.

(5) Mais c'eft pouffer trop loin fes droits injurieux,

Qu'y joindre le tourment que je fouffre en ces lieux.

On diroit en profe, Que d'y joindre : & c'eft affez l'ordinaire des infinitifs qui fuivent la conjonction que, d'être précédez de la particule de. Mais ne concluons pås de là qu'il foit indifférent, ou de fupprimer, ou d'employer cette particule avant les infinitifs. Perfonne n'ignore que ces deux phrases, Il ne fait que fortir, & Il ne fait que de fortir, préfentent des fens qui ne font pas les mêmes. J'en apporterai un autre exemple, qui me paroît digne d'attention. Aimer mieux, fignifie tantôt Préférer la chofe qui flatte le plus notre goût, & tantôt, Préférer celle qui eft la plus conforme à notre volonté. Or le premier de ces deux fens exige la fuppreffion de la particule

(5) Iphigénie, III. 4. 29.

de, & l'autre exige qu'on l'emploie. Préférence de goût, J'aime mieux diner, que fouper. J'aime mieux lire, que jouer. Préférence de volonté, J'aime mieux ne rien avoir, que d'avoir le bien d'autrui. J'aime mieux mourir, que de me deshonorer.

Plus on étudiera notre langue, plus on admirera l'ufage qu'elle fait faire de fes prépofitions, ou particules : entre lefquelles diftinguons-en deux, à, & de, qui foutiennent prefque tout l'édifice du langage François.

XLIX.

(6) On ne veut pas rien faire ici qui vous déplaife.

Voilà précisément le cas pour lequel

ces deux Savantes de Molière vouloient que leur fervante fût chaffée.

De pas,

dive,

mis avec rien, tu fais la réci

Et c'eft, comme on t'a dit, trop d'une négative.

Racine n'a ufé de ce barbarifine que pour faire rire & peut-être auroit(6) Plaideurs, II. 6. 1-3.

encore mieux fait de s'en paffer. Un barbarisme que Molière, l'incomparable Molière, n'emploie ici qu'à propos, & pour mieux peindre ces ridicules Savantes, Racine l'emploie gratuitement. Pourquoi chercher dans un langage corrompu le germe de la bonne plaifanterie? Peut-être l'introduction du patois fur la Scène Françoife n'eft-elle qu'un refte de ce miférable goût que nos pères ont eu pendant un temps pour le burlesque.

L.

(7) Je puis l'inftruire au moins, combien fa confidence, &c.

On ne peut donner ici à Inftruire, que l'un de ces deux fens, ou Enfei gner, ou Informer. Or la phrase de Ra cine n'eft Françoife, à ce qu'il me femble, ni dans l'un, ni dans l'autre cas: puifqu'il faudroit, comme la Remarque fuivante le montrera, qu'on pût dire, Je puis l'inftruire telle chofe, Je puis l'inftruire que, pour pouvoir dire, Je puis l'inftruire combien, &c.

(7) Britannicus, I. 2.40.

Mais il ne faut pas toujours conclure de l'actif au paffif. Je fais cette remarque une fois pour toutes. Quoiqu'on ne dife pas, Inftruire que, je crois que cette même conftruction, après le participe, ne bleffera perfonne dans les deux exemples fuivans. Bérénice, acte I, fcène 3, vers 13.

Bérénice eft inftruite

Que vous voulez ici la voir seule & fans

fuite.

Athalie, IV. 3. 24.

Bientôt de Jézabel la fille meurtrière, Inftruite que Joas voit encor la lumière.

L I.

(8) Ne vous informez point ce que je deviendrai.

Il faudroit, Ne vous informez point de ce que je deviendrai. Et pourquoi le faudroit-il? Parce qu'aucun verbe ne peut avoir deux régimes fimples, quoique plufieurs verbes puiffent avoir deux régimes, l'un fimple, l'autre particulé. J'explique ailleurs ces termes, dont je vais faire l'application.

(8) Bajazet, II. 5. 39.

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