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nêtes-gens eft pleine (9) d'hiatus volontaires, qui font tellement autorifez par l'Ufage, que fi l'on parloit autrement, cela feroit d'un pédant, ou d'un provincial.

Mais il s'agit ici de ce qui doit être permis dans le vers. C'est aux Poëtes à examiner, fi dans le choc des fyllabes dont nous parlons, il n'y a pas cette forte de cacophonie, que l'on doit appeler hiatus, puisqu'elle ne peut être fauvée, ni par l'élifion, ni par l'afpiration. Je vais donc leur remettre devant les yeux ce que feu M. l'Abbé de Dangeau, excellent Académicien, a parfaitement bien remarqué dans fon Difcours des Voyelles, où il prétend que nos cinq terminaifons, an, en, in, on, un, font des fons fimples, &

de

(9) Par exemple, lorfqu'un A&teur récite ces vers de la première Scène d'Athalie, Je viens ... célébrer avec vous la fameuse jour née, &, Penfez-vous être faint, il prononce & comme s'il y avoit, Célébré-r-avec vous, Penfez-vou-s-être. Mais dans la fimple converfation, l'Ufage veut qu'on prononce comme s'il y avoit, Célébré avec vous.... Pen Jez-vou être, &

de

de véritables voyelles, dont, par conféquent, la rencontre avec d'autres voyelles fait des bâillemens, qui ne font pas fupportables dans le vers. Remarquez, dit-il à Meffieurs de P'Académie, ce qui arrive à ceux qui » récitent fur le Théâtre, ou à ceux » qui veulent chanter. Quand un Mu» ficien voudra chanter ce vers:

Ah! j'attendrai long-temps: la nuit eft loin encore.

»il fera tout ce qu'il pourra pour évi» viter le bâillement. Ou il prendra une » prononciation Normande, & dira: » La nuit eft loin-n-encore: ou il met» tra un petit g après loin, & dira, la »nuit eft loing encore: ou il fera une » petite pause entre loin & encore. La >> même chofe arrive aux Comédiens » dans des rencontres femblables. Mais, » quelque expédient que prennent le » Muficien ou le Comédien, ils tombe»ront dans de nouveaux inconvéniens, » en voulant éviter celui du bâille»ment. Et les tempéramens qu'ils cher» chent, montrent feulement que mon » fyftême eft vrai. La nature toute feu

F

»le leur en fait fentir la vérité, fans » qu'ils aient étudié, comme nous, la » nature des fons.

Voilà, ajoute M. l'Abbé de Dangeau, comme j'avois raisonné l'autre » jour devant vous. En fortant de l'A» cadémie, je pensai en moi-même, » que fi ce que je vous avois dit, étoit >> vrai, un Poëte Normand s'aperce» vroit moins qu'un autre de ces for»tes de bâillemens : & pour voir fi » j'avois bien rencontré, je lus le Cin»na de Corneille, & le Mithridate de » Racine; je marquai foigneufement » tous les endroits où le choc de mes » voyelles fourdes avec d'autres voyel» les faifoit des bâillemens; j'en trou» vai vingt-fix dans Cinna, & je n'en >> trouvai qu'onze dans Mithridate; & » même la plufpart de ceux de Mithri > date font dans des occafions, où la » prononciation fépare de néceffité le » mot qui finit par une voyelle fourde, » d'avec celui qui commence par une >> autre voyelle. Je fus affez content de » voir mon raifonnement confirmé par » cette expérience, & je voulus pouffer plus loin. Je jugeai qu'en prenant

» une pièce d'un homme qui fût en » même temps acteur & auteur, j'y >> trouverois encore moins de ces bâil»lemens je lus le Mifantrope de Mo»lière, & je n'y en trouvai que huit. » Continuant toujours à raisonner de » la même manière, je crus que je >> trouverois encore moins de ces ren>>contres de voyelles, fi je lifois des » pièces faites pour être chantées, & » faites par un homme qui connût ce qui eft propre à être chanté. Dans » cette vûe, je lus un volume des Opé»ra de Quinault, qui contenoit qua»tre pièces : & de ces quatre pièces, » il y en avoit une toute entière, où » je ne trouvai pas un feul de ces bâil>>lemens : il y en avoit fort peu dans » les trois autres pièces : encore étoient>> ils prefque tous dans des endroits où » le chant fufpend de néceffité la pro»nonciation, & fépare fi fort les » voyelles fourdes d'avec les autres » que leur concours ne peut faire au» cune peine à l'oreille.

Joignons à l'autorité de M. l'Abbé de Dangeau, celle de M. l'Abbé Regnier. La preuve indubitable, dit ce

dernier dans fa Grammaire, que ces » fons, an, en, in, on, un, font des » fons fimples, équivalans à de pures »voyelles, eft que dans la Mufique » on ne peut faire aucune modulation, » aucun tremblement, aucune tenue, » aucun port de voix que fur une pure » voyelle. Or on peut faire des mo» dulations & des tenues fur tous les >> fons qu'on vient de marquer, de » même que fur quelque voyelle que » ce foit. Il eft vrai que ces modula» tions ne font pas fi agréables que les

>> autres

par la raifon que le fon en

&

» eft plus étouffé, & plus fourd, » qu'il vient un peu du nez. Mais com»me le plus ou moins d'agrément ne » change pas la nature des chofes, cet»te différence n'empêche pas que ces » fons ne doivent être confidérez comme de pures voyelles.

Après de telles autoritez il eft à croire que cette observation tiendra deformais lieu de précepte. C'eft peu à peu, & de loin à loin, que l'oreille du François a reconnu les fineffes, qui rendent notre vers harmonieux. Depuis le fiècle de Marot on en a trouvé

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