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Israélites à la lueur de l'incendie qui dévorait Naoussa, que le consul de Danemarck Emmanuel arriva au quartier général d'Aboulouboudpacha. Il lui permit d'embrasser ses pieds, il lui fit un accueil assez obligeant et le retint à son service. On concevait cette vengeance de la part d'un barbare, et on comprit aussi facilement qu'il ne s'entourait d'autant de cadavres humains que pour exagérer l'importance de ses services. Il était de son intérêt de montrer à la Sublime Porte qu'il avait eu un nombre considérable d'ennemis à vaincre, et, dominé par cette pensée atroce, il dépeupla la Paraxie de l'innocente population chrétienne qui l'habitait, afin d'envoyer des milliers de têtes et des guirlandes d'oreilles à Constantinople.

Avant d'enrichir le palais des glorieux sultans de ces trophées, Aboulouboud voulut s'en parer dans sa rentrée triomphale à Salonique, qui eut lieu le 7 mai au matin. Il traînait à sa suite, en costume de raïa, Emmanuel Cyriaque, dans l'intention d'insulter aux consuls des puissances chrétiennes dont ce Grec avait été le collègue; et, pour satisfaire une soldatesque accoutumée au meurtre, il employa presque aussi activement le zèle des juifs que pendant le cours de sa campagne. Le bey qui n'avait pas réussi à saisir Zaphyris fut d'abord solennellement décapité au milieu de la cour de son palais. Il livra ensuite aux tortures les primats de Verria, dont trente-quatre seulement résistèrent aux épreuves du feu, de l'huile bouillante et de l'eau dégoûtante. Ces derniers, ayant obtenu à prix d'argent le rachat de leur vie, furent transportés sur des brancards à Verria, où ils obtinrent la faculté d'aller mourir de misère au milieu de leurs compatriotes. Les otages que les religieux du mont Athos lui avaient livrés périrent, à leur tour, sous le bâton, dans une agonie que les juifs eurent soin de prolonger.

Salonique n'était plus qu'un théâtre de tortures et de supplices, mais il sembla, vers la fin des exécutions, qu'Aboulouboud et les Israélites avaient réservé les raffinements de leurs cruautés pour tourmenter d'une manière tout atroce les femmes prises dans son expédition.

J'ai longtemps hésité si je devais rapporter ces faits; mais la voix impérieuse de la vérité m'oblige de parler ; et j'en atteste la Divinité, mon siècle et l'avenir, devant lesquels je suis responsable de mes récits, qu'il n'y a malheureusement rien que de trop véritable, quand je dirai que les malheureuses, auxquelles on avait proposé de renier le

Dieu rédempteur, furent mises à des épreuves telles que je frissonne d'horreur en traçant ces lignes... Plusieurs d'entre elles furent renfermées nues jusqu'aux épaules dans des sacs qu'on remplissait les uns de chats et les autres de rats, qu'on excitait pour les mordre et qu'on laissait ensuite affamer, afin de les ronger lentement en se repaissant de leur chair palpitante.

Ces moyens n'ayant pas obtenu le succès souhaité, qui était de forcer les chrétiennes à l'apostasie, on plongea, dans un sac rempli de serpents, l'épouse du capitaine Tassos, que ce chef de braves n'avait pu soustraire à la violence des Turcs. Aboulouboud se flattait que les reptiles, s'insinuant dans les entrailles de cette infortunée, la feraient mourir dans d'horribles souffrances. Mais la morsure d'une multitude de vipères ayant répandu leur venin dans les veines de la martyre, une douce léthargie l'enleva à ses bourreaux pour qui elle ne cessa de prier avec ferveur, en invoquant le nom du Dieu des forts et celui de la Vierge couronnée jusqu'à son heure suprême.

Ainsi mouraient les femmes et les filles chrétiennes; lorsqu'un supplice pareil à celui d'Ugolin fut connu de la population entière de Salonique, qu'elle remplit d'épouvante. L'élève de Djézar-pacha, Aboulouboud, était destiné à surpasser en férocité celui qui fut sou maître. On venait d'exhumer d'un souterrain six femmes condamnées à mourir de faim, qu'il y avait fait enfermer depuis douze jours. Toutes étaient vivantes, et on apprit de leur bouche qu'elles s'étaient nourries de charbon qu'elles avaient découvert dans un coin de leur cachot. C'était un avis pour le pacha de respecter celles que la Providence semblait protéger..... Fronçant le sourcil, le tyran ordonne de faire déchirer les martyres à coups de fouet, d'enlever le charbon qui leur avait servi d'aliment, de sceller de nouveau l'entrée du cloaque, et ce ne fut que le sixième jour après cette sentence que la dernière de ces victimes, âgée de plus de soixante ans, rendit son âme au Seigneur.

Aboulouboud ne songea plus qu'à se procurer de l'argent afin de se soutenir dans un poste auquel il était résolu de se maintenir, regardant Salonique comme devant être le trône de sa puissance ou son tombeau. On venait d'apprendre que Tassos, dont l'épouse avait mérité la couronne du martyre, était parvenu à soulever la population du mont Olympe, en même temps que les Hydriotes appelaient aux armes les habitants belliqueux du mont Pélion! C'est ainsi, disait à

cette occasion le Spectateur oriental, oracle des échoppes de Smyrne, que les choses iront tant que la marine grecque ne sera pas détruite 1.

La barbarie d'un pareil vœu n'exige pas de commentaire; mais pour détruire la marine grecque, il fallait d'autres hommes que les Turcs. Les insurgés qui combattaient sous les drapeaux de la croix étaient des créatures vulnérables, mais désormais invincibles. Les revers n'étaient pour eux que des épreuves d'où ils sortaient plus énergiques et plus brûlants d'enthousiasme qu'avant de les avoir éprouvés. A des populations égorgées succédaient des myriades de guerriers jaloux de venger leurs frères, et les traits mêmes de la peste semblaient impuissants contre leur confiance dans le Dieu qui était leur moteur et leur unique recours.

Depuis que l'épidémie s'était manifestée dans l'île de Ténos, l'évêque de Carystos redoublant de zèle, car les ministres du Seigneur sont intrépides, même devant une mort obscure, avait assisté tous les affligés, sans cesser de veiller, comme général, à la sûreté publique. Chacun, à son exemple, rivalisant de charité, s'était regardé comme enchaîné à son poste par la Providence, et il n'y eut pas plus de déserteurs auprès du grabat des pestiférés que devant l'ennemi.

La voix de la religion était la seule entendue des Grecs, et les habitants du mont Olympe, quoique dégarnis de dix-huit cents hommes qu'ils avaient envoyés à Psara vers la fin de mars, ne furent pas plutôt informés des malheurs de Naoussa, qu'ils descendirent dans la vallée de l'Haliacmon. Rassemblant les fuyards, qui parurent se ranimer en touchant le sol natal de la liberté, Diamantis et Tassos, qu'on comparait aux lions qui habitaient jadis cette contrée, toujours fertile en braves, firent main basse sur quelques-unes des bandes d'Aboulouboud, et parvinrent à enlever une caisse remplie de deux millions de piastres qu'on envoyait au vizir de Larisse, contre lequel ils ne tardèrent pas à tourner leurs efforts.

Pendant que ces choses se passaient en Macédoine, des combats meurtriers s'étaient livrés dans les régions du mont OEta. Les éphores de Cravari mandaient à la date du 21 avril (v. s.) au sénat de la Grèce occidentale séant à Missolonghi, que les Grecs, après avoir incendié Patradgik, tenaient les Turcs bloqués dans quelques maisons fortifiées.

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La campagne avait commencé le 15 avril sous le commandement en chef de D. Hypsilantis. Ses lieutenants Nicétas le turcophage et Metché Condoïanis avaient renversé les bandes de Méhémet Dramali, pris ses bagages, tandis que D. Hypsilantis se dirigeait vers Zéitoun, et qu'Odyssée, embarqué à Molos dans le golfe Maliaque, chassait les infidèles de Sainte-Marine ainsi que de Stellida.

Le bruit de ces avantages ayant retenti dans les montagnes, les Agréens, conduits par le stratarque Gavosterios, attaquèrent aussitôt Ali-bey, neveu de Méhémet, seigneur de Gastouni, ville du Péloponèse, qu'ils firent prisonnier, et le canton d'Agrapha se trouva ainsi affranchi. On laissa, après cette affaire, cinq cents hommes à Kérachia, sous les ordres des colonels Rhengos, Phocas et Cara Hyscos, afin d'observer les mouvements de l'ennemi, tandis qu'on se portait dans la Thessalie. On s'avança ainsi jusqu'à Phanaraki de Tricala, où l'on se battit avec des chances diverses contre les Turcs, qui perdirent Alaï, pacha du Moulalik, et plusieurs officiers de distinction.

Cette entreprise avait été conduite avec une rare bravoure par Metché Condoïanis et Scaltzodimos, qui sortirent ensuite des montagnes d'Agrapha afin de se mettre en communication avec Panorias, chef des Phocidiens, et le stratarque Odyssée. C'était à regret qu'on s'était vu forcé de sacrifier une ville telle que Patradgik; mais la campagne qui allait s'ouvrir du côté des Thermopyles ne permettait pas de demi-mesures.

Les Hellènes avaient senti la nécessité de régulariser leurs opérations. Ce n'était plus au gré de chefs qui n'avaient jusqu'alors pris conseil que des circonstances, qu'on se proposait d'agir contre les Turcs. Le 12 avril (v. s. ) on avait consacré l'antique métropole de Corinthe, dédiée à saint Paul, depuís changée en mosquée, et installé un archevêque. On avait un gouvernement, les bases d'un système de finance quelques lois fondamentales et une mesure plus efficace

Moulalik, nom moderne de la haute Thessalie, qui comprend le sangiac de

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Les impôts établis sur les fonds de terre et sur leurs productions, pendant le régime de la tyrannie, étaient non-seulement trop onéreux et très-inégalement répartis; mais aussi une infinité d'abus introduits dans leur perception aggravait encore le sort du peuple. Dès les premiers jours de son établissement, le gouvernement, portant son attention sur cette branche importante de l'administration

que toutes celles qui l'avaient précédée, fut l'arrivée des commissaires du gouvernement dans les îles de l'Archipel.

Cette résolution, annoncée par une circulaire du ministre de l'intérieur, en date de Corinthe le 27 avril-9 mai, si elle avait été plus tôt adoptée, aurait sans doute prévenu les malheurs de Chios, en empêchant Lycurgue Logothète d'entreprendre une expédition contraire aux vues du gouvernement hellénique.

On décréta ensuite les couleurs du pavillon grec et de la cocarde nationale 1; on aurait étendu la sphère des institutions, mais on dut encore une fois ajourner les projets d'administration pour ne s'occuper que de la défense de la patrie.

publique, qui fait une des principales ressources de l'État; considérant que les besoins urgents de la guerre réclament un prompt secours, et qu'un mode parfait d'impositions dépend d'une réorganisation entière et d'une infinité de détails qu'il n'est pas encore possible d'exécuter, le sénat législatif a décrété et le conseil exécutif a sanctionné ce qui suit :

1. Les impôts sur les grains, fruits et autres productions de la terre seront d'un dixième de leur valeur.

2. Les jardins et autres propriétés des particuliers qui servent aux besoins domestiques de leurs propriétaires sont exceptés de cette disposition, et restent libres de tout impôt.

3. Ceux qui cultivent les biens de l'État payeront les trois dixièmes des productions de ces propriétés, les riz et les olives exceptés.

Ceux qui auront lesdits biens de l'État à ferme ne payeront que l'impôt ordinaire. 4. L'impôt sur les riz des biens de l'État est d'un cinquième.

5. Celui sur les olives de ces mêmes biens sera réglé par une loi spéciale.

6. Les chefs-lieux où les recettes de ces impôts seront transportées restent les mêmes qu'auparavant. Le ministre des finances est chargé de l'exécution de la présente loi.

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Vu l'art. 104 de la constitution qui déclare pour couleurs nationales le bleu et le blanc; vu l'art. 103 sur l'arrangement de ces couleurs, dans la formation des drapeaux et des pavillons, le conseil exécutif a décrété et décrète ce qui suit :

1. Les drapeaux de troupes de terre seront de forme carrée, et auront le champ bleu partagé en quatre quartiers égaux par une croix blanche, qui les traversera d'un bout à l'autre dans toute l'étendue du champ.

2. Les pavillons seront au nombre de deux; un pour les vaisseaux de guerre et l'autre pour les bâtiments de commerce. Le pavillon de guerre sera divisé en neuf parallelogrammes (bandes) horizontaux, formés des deux couleurs, le blanc et le

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