Images de page
PDF
ePub

térêts fixaient l'attention des Grecs. Leurs vues étaient portées vers l'Etolie, où Mavrocordatos se trouvait aux prises avec les Turcs. La place de Missolonghi réclamait le secours du Péloponèse, et on dut encore une fois ajourner les mesures législatives jusqu'après le résultat d'un événement qui tenait les esprits suspendus entre la crainte et l'espérance.

Ainsi la prospérité, qu'un orateur chrétien nomme une persécution. continuelle contre la foi, à moins de lui opposer le courage des martyrs, ne s'était montrée aux Hellènes que pour les convier à de nouveaux combats. L'Éternel voulait encore éprouver « ceux qui n'avaient >> passé que des jours de deuil et des nuits laborieuses sur la terre, >> sans cesser de le bénir dans leur affliction et de l'invoquer dans leur » délaissement. Mais ils savaient que le Seigneur a toujours soufflé » le vent de sa colère sur des maîtres impies! que les vases d'argile, >> entre les mains de l'ouvrier souverain, deviennent bientôt des vases » de gloire et de magnificence; et que tout chrétien est né grand » parce qu'il est né libre et pour le ciel.»

CHAPITRE II.

Dévouement héroïque des Grecs.

longhi. État de cette place;

-

Mavrocordatos prend la défense de Missoattaquée par onze mille Turcs. - Négociations entamées par Omer Brionès. - Marc Botzaris contribue à l'abuser, comment.

- Moyens de défense améliorés. - Secours envoyés à Missolonghi. — Jousoufpacha croise les négociations d'Omer Brionès. Avantages que Mavrocordatos retire des rivalités des pachas. Bombardement. - Apparition d'une division navale grecque. secours du Péloponèse.

-

Elle fait lever le blocus des Turcs par mer.
Mort du général Normann.

[ocr errors]

Arrivée des Mesure des agents

--

Intempérie,

anglais favorable aux Grecs. Noms des chefs péloponésiens. mauvais état de l'armée ottomane. Ébranlement insurrectionnel des Étoliens. Diversion. Révélation des projets d'Omer Brionès. - Assaut donné par les Turcs. - Ils sont battus. Affliction d'Omer-pacha. Mavrocordatos. Levée du siége.

[ocr errors]

[ocr errors][merged small]

⚫tentes et des bagages des mahométans.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Ils sont battus. - Passent l'Achéloüs. Leur arrière-garde taillée en pièces. Omer se réfugie à Prévésa. — Routchid rentre à l'Arta. Troubles dans l'Albanie. Marc Botzaris nommé stratarque. Lettre du comte Métaxas. Mavrocordatos rentre dans le Péloponèse.

Dans l'état de notre civilisation moderne, les armées se composent en général, d'hommes qui versent leur sang pour des intérêts qu'ils ne connaissent pas. De là ces ambitions toutes personnelles qui ne montrent aux soldats, dans la mort de leurs semblables, qu'un mode d'avancement par lequel ils sont portés en avant, comme ces vagues soulevées par la tempête, qu'un grain de sable arrête à la plage : leur sphère se borne à la terre destinée à leur servir de tombeau. Il n'en était pas ainsi des Grecs. La cause pour laquelle ils s'étaient armés faisait qu'ils regrettaient la perte du moindre de leurs guerriers autant qu'ils se montraient prodigues de la vie pour soutenir la cause de la croix. Fiers de leur noble pauvreté, leurs couronnes étaient des bandelettes trempées du sang de leurs frères égorgés à Chios, des lambeaux arrachés des vêtements de leurs évêques morts en témoignant la vérité du Dieu vivant; les ordres militaires de leurs officiers, une parcelle du linceul qui servit à envelopper les restes vénérés du

patriarche Grégoire; leurs encouragements, la parole d'un ministre du Seigneur, et leur unique ambition la liberté ou le martyre.

Il fallait un aussi puissant mobile pour déterminer Mavrocordatos à se renfermer dans un cloaque tel que Missolonghi, et pour envisager de sang froid la déplorable position dans laquelle il s'était engagé, contre l'opinion des officiers étrangers, au nombre desquels nous citerons MM. Graillard et Daniel, car le général Normann ne traînait plus que les restes d'une vie languissante. La ville, si on peut donner ce nom à un assemblage de maisons bâties sur un terrain plus bas que la mer, contre laquelle les atterrissements continuels de l'Achélous lui servent de digue, renfermait, dans les temps ordinaires, une population de quatre à cinq mille àmes, qui venait de se réfugier en Morée, à l'exception de trois cents pêcheurs aussi pauvres que ceux de Théocrite dont leurs établissements rappelaient le souvenir 1.

On avait formé quelques compagnies de ces hommes et des marins, pour servir quatorze vieux canons en fer, destinés à la défense de la place du côté de terre. Comme on ne pouvait l'attaquer que sur cette ligne, située en face de l'ancienne Plevrone, on y avait élevé des fortifications exécutées contre toutes les règles de l'art, et si étendues que leur développement, qui était trois fois trop grand, aurait nécessité une garnison de plus de quatre mille hommes. Un fossé de sept pieds de largeur sur cinq de profondeur, qui n'était pas terminé dans plusieurs endroits, enveloppait un parapet en pierres sèches élevé de quatre pieds au-dessus de la contrescarpe, et son peu de solidité était tel qu'il présentait à peine une épaisseur de deux pieds et demi. Tels étaient les remparts derrière lesquels on attendait les Turcs! On avait de la poudre pour un mois et de la farine de maïs pour longtemps, car la cargaison, commandée par Mavrocordatos ne présentait qu'un effectif de trois cent quatre-vingts hommes.

Comme il n'y avait pas à délibérer, on mit aussitôt la main à l'œuvre pour réparer le parapet auquel des éboulements, occasionnés par les pluies, avaient fait de larges brèches. On plaça trois canons en fer en batterie vis-à-vis la chaussée qui aboutit à la terre ferme. On fit de la mitraille avec des bombes qu'on brisa sans peine, tant elles étaient oxydées. De vieilles baïonnettes qu'on trouva dans un ma

1 Voyez le tome III, ch. 85, de mon Voyage dans la Grèce.

gasin, mises au bout de pieux, servirent à garnir la muraille et à armer quelques paysans; et on travaillait à s'éclairer en faisant des abatis d'oliviers sur l'esplanade qui s'appuie au mont Aracynthe, quand les Turcs parurent au bord des lagunes, le 7 novembre au matin. Comme on n'était pas en force pour leur discuter le col de la chaussée, ni le passage des salines, Omer Brionès et Routchid-pacha commencèrent presque au même instant les opérations du siége avec onze mille hommes. Ce fut ainsi que trois cent quatre-vingts insurgés se trouvèrent tout à coup réduits à tirer des moyens de défense de leur seule industrie; car ils étaient bloqués du côté de la mer par deux bricks et par une goëlette de guerre que Jousouf-pacha avait fait sortir de Lépante.

A la vérité on n'avait rien à craindre d'un débarquement, car les hauts fonds interdisent l'approche de Missolonghi aux barques; mais on pouvait être accablé par terre, si un ennemi plus entreprenant eût su profiter de ses avantages. Omer Brionès se chargea lui-même de compromettre le succès de son entreprise. Au lieu d'assaillir l'enceinte sur plusieurs points à la fois, il dirigea ses attaques vers la porte, où les trois cent quatre-vingts hommes d'élite, réunis en masse, lui opposèrent un feu si opiniâtre, qu'il s'imagina que leur nombre était beaucoup plus considérable. La vue des pieux armés de baïonnettes dont la muraille était garnie dans cet endroit, le bruit du tambour que les Hellènes ne cessaient de faire entendre, le rebutèrent au point qu'il se décida à faire des propositions d'accommodement, s'imaginant sans doute réussir comme il l'avait fait à Souli, plutôt que par la voie des armes; car, s'il avait beaucoup d'hommes, il comptait peu de soldats.

Varnakiotis l'avait flatté de cette espérance, en lui faisant entendre qu'en engageant les Anglais à intervenir comme garantie, on viendrait facilement à bout de s'emparer de Missolonghi, et qu'on pourrait aussitôt entrer dans le Péloponèse. Cette idée ayant été proposée dans le conseil y fut adoptée, malgré l'opposition de Routchid-pacha et peut-être parce qu'il s'y montra contraire; car la division régnait dès l'ouverture de la campagne entre les Schypetars et les mahometans, qui avaient toujours eu des vues différentes. Un parlementaire fut envoyé aux assiégés; ceux-ci ayant feint de se prêter aux propositions dont il était porteur, on convint d'un armistice de six jours pour tenir des conférences, et chacun voulut aussitôt négocier.

Un des aides de camp d'Omer Brionès, qui avait autrefois connu Marc Botzaris, fut mis en avant par son chef, afin de tâcher de le séduire; et le guerrier de la Selléide, qui était aussi perspicace que brave, sut se servir du corrupteur qu'on lui adressait, pour tromper l'ennemi sur l'état des assiégés. « J'ai sous mes ordres, lui disait Marc, » huit cents hommes; le capitaine Macrys en compte autant; les >> Francs qui sont ici forment un corps d'élite de six cents soldats, tu >> sais combien ils sont fiers! Il faut de la patience et de l'adresse >> pour les amener à capituler. Ne brusquons rien, car, en désespoir » de cause, nous pourrions, avec la population de Missolonghi, op>>poser quatre mille fusils à ton maître. » Et chaque jour l'officier d'Omer Brionès, en rentrant au camp, engageait son général à traîner les affaires en longueur.

Mavrocordatos, non moins habile à flatter Omer-pacha, lui persuada sans peine qu'avec des ménagements il pourrait déterminer sa garnison, fatiguée de la perfidie des Étoliens, à composer pour évacuer la place, d'après la garantie connue de la loyauté avec laquelle il s'était comporté vis-à-vis des Souliotes. On se vit fréquemment sur ce pied, tandis qu'à la faveur des pourparlers les assiégés poursuivaient leurs travaux de défense, auxquels les ennemis ne semblaient faire aucune attention. On arma ainsi, avec l'artillerie d'un brick turc qu'on avait capturé quelque temps auparavant, deux barques destinées à flanquer la muraille située en face de la chaussée, qu'on pouvait tourner par ses extrémités, où la mer et la vase n'avaient que peu de profondeur. Deux chapelles situées en arrière de la porte d'entrée furent crénelées et jointes par un fossé de manière à offrir un point de défense concentré, dans le cas où la première enceinte serait forcée. Enfin on parvint à tirer cinq cents hommes de renfort d'Anatolico, seule ville de l'Etolie que les barbares n'avaient pas envahie, à cause de sa position dans une île située au milieu des pêcheries.

Les conférences étaient au moment de se rompre malgré toute l'adresse de Mavrocordatos et de Marc Botzaris, lorsque, le 10 novembre, Jousouf-pacha, non moins jaloux des succès d'Omer Brionès que celui-ci l'était de Routchid-pacha, qui lui portait également envie, entra en pourparlers avec Mavrocordatos. La tête du président était un objet ambitionné, que les contendants auraient voulu pouvoir envoyer à Constantinople. Le barbare, après de grandes protestations de clémence, exigeait pour conditions la mise à sa discrétion

« PrécédentContinuer »