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blée élue si peu de temps après le vote du 10 décembre; mais il faut bien le dire, les élections du 13 mai s'étant accomplies sous l'empire des faux bruits et des manoeuvres de toutes sortes des affiliés de la Solidarité républicaine, avaient eu pour résultat de grossir dans une proportion inquiétante les diverses sectes du parti révolutionnaire.

Un fait significatif, c'est l'élection de M. LedruRollin dans cinq départements. Enivré de ces succès inespérés, ce chef de la Montagne ne rêvà plus qu'insurrection et dictature.

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A la séance du 11 juin, renonçant au projet qu'il avait d'abord annoncé d'adresser des interpellations au ministère, au sujet des affaires de Rome il déclara, ex-abrupto, qu'en présence des faits accomplis, ces interpellations lui paraissaient inutiles; qu'à ses yeux, comme à ceux d'une partie de l'Assemblée, la Constitution était violée dans la disposition du § 5 de son préambule, portant que : « La >> République française respecte les nationalités » étrangères comme elle entend faire respecter la » sienne; qu'elle n'entreprend aucune guerre dans » des vues de conquête, et qu'elle n'emploie jamais »ses forces contre la liberté d'aucun peuple. » Et il déposa immédiatement entre les mains du président de l'Assemblée un acte d'accusation contre le président de la République et contre les ministres.

Après le dépôt de cet acte d'accusation, signé de 140 représentants, la discussion continua sur les affaires de Rome. M. Odilon Barrot prit la parole pour justifier la politique du gouvernement; M. Ledru-Rollin

remonta à la tribune, et après avoir réfuté les arguments du ministre, il s'écrie en terminant : « La Constitution a été violée, nous la défendrons par tous les moyens possibles, même par les armes! » Un certain nombre de membres de la gauche se lèvent, et répètent les dernières paroles de l'orateur : « Oui, même par les armes ! » Après cet orageux incident, un ordre du jour pur et simple est adopté par une majorité de 361 voix contre 203.

Quant à la proposition de mise en accusation du président de la République et des ministres, il fut décidé qu'elle suivrait son cours d'après le règlement.

A la séance du lendemain, un rapport est présenté par M. Daru au nom de la commission chargée de l'examen de la proposition de mise en accusation, et les conclusions de ce rapport, tendant au rejet de la proposition, sont adoptées à la majorité de 377 voix contre 8, la plupart des membres de la gauche n'ayant pas pris part au vote.

Mais pendant que ces violentes discussions étaient terminées par ce vote au sein de l'Assemblée législative, une vive agitation se manifestait dans Paris, sous l'influence des journaux de la Montagne et du socialisme. Dans l'une de ces feuilles on lisait :

« La majorité de l'Assemblée a rejeté l'acte d'ac» cusation; elle s'était déjà rendue complice du crime » par son vote du 11 sur les affaires d'Italie..

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>> Dans cette conjoncture, que doit faire la minorité? Après avoir protesté à la tribune, elle n'a plus qu'à >> rappeler au peuple, à la garde nationale, à l'armée, » que l'article 110 confie le dépôt de la Constitution

» et des droits qu'elle consacre à la garde et au » patriotisme de tous les Français.

» Peuple, le moment est suprême! Tous ces actes >> recèlent un grand système de conspiration monar» chique contre la République. Le haine de la démo>> cratie, mal dissimulée sur les bords de la Seine, >> éclate en toute liberté sur les bords du Tibre.

» Dans cette lutte engagée entre les peuples et les >> rois, le pouvoir s'est rangé du côté des rois contre >> les peuples.

>> Soldats! vous comptiez arracher l'Italie aux >> Autrichiens; on vous condamne à seconder les >> Autrichiens dans l'asservissement de l'Italie.

>> Au moment où la Prusse, la Russie et l'Autriche >> menacent nos frontières de l'est, on veut faire de » vous les auxiliaires des ennemis de la France.

>> Gardes nationaux, vous êtes les défenseurs de » l'ordre et de la liberté! La liberté et l'ordre, c'est >> la Constitution, c'est la République.

>> Rallions-nous donc tous aux cris de: Vive la >> Constitution! vive la République ! »

Un autre proclamation était ainsi conçue :

<< Au peuple!

» Le président de la République et les ministres sont » hors de la Constitution.

» La partie de l'Assemblée qui s'est rendue leur » complice par son vote est mise hors de la Consti>>tution.

» La garde nationale se lève; les ateliers se ferment. >> Que nos frères de l'armée se souviennent qu'ils sont citoyens, et que le premier de leurs devoirs est de

» défendre la Constitution! Que le peuple entier soit

» debout!

» Vive la République! vive la Constitution!

» Le comité de la presse,

>> Le comité démocratique socialiste,

» Le comité des écoles. »

Ceci se passait le 13 juin.

Une manifestation solennelle contre les votes de l'Assemblée avait été organisée pour le même jour. Composée d'une masse considérable de peuple et d'un certain nombre de gardes nationaux, la colonne occupait une partie des boulevards, jusqu'à la Madeleine, et s'avançait vers la place de la Concorde, lorsqu'elle fut coupée par la force armée commandée par le général Changarnier, et violemment dispersée.

D'un autre côté, M. Ledru-Rollin, accompagné de plusieurs autres représentants, parmi lesquels les sergents Boichot et Rattier, après avoir passé en revue dans la cour du Palais-National un détachement d'artilleurs de la garde nationale, se rendait avec cette escorte au Conservatoire des arts et métiers, situé rue Saint-Martin, où il devait être protégé par l'artillerie de la garde nationale, commandée par le colonel Guinard. La Montagne avait choisi ce lieu pour délibérer et diriger l'insurrection.

L'Assemblée législatives'était constituée en permanence, et avait, par une loi du même jour, déclaré la mise en état de siége de Paris et de toute la circonscription comprise dans la première division militaire.

Dès que Louis-Napoléon avait eu connaissance de cette nouvelle prise d'armes, il avait quitté l'Élysée

pour parcourir les boulevards et le faubourg Saint-Antoine, faisant ainsi face à l'ennemi et n'abandonnant le terrain du désordre qu'à six heures du soir, au moment où tout danger avait cessé.

Sa présence fut partout accueillie par les plus vives acclamations, tandis que M. Ledru-Rollin n'avait rencontré sur son passage que silence et dédain.

Ce dernier reconnut, mais trop tard, que sa folle entreprise était loin de répondre aux vœux de la population.

C'est dans cette journée du 13 juin que LouisNapoléon adressa au peuple français une proclamation dans laquelle on remarque ces belles paroles :

« Ce système d'agitation entretient dans le pays le » malaise et la défiance, qui engendrent la misère. >> Il faut qu'il cesse. Il est temps que les bons se » rassurent, et que les méchants tremblent. Élu par » la nation, la cause que je défends est la vôtre, >> est celle de vos familles comme celle de vos pro>> priétés, est celle du pauvre comme du riche, celle » de la civilisation tout entière. Je ne reculerai de>> vant rien pour la faire triompher. »>

Cette proclamation eut un immense retentissement en France. C'est surtout à partir de ce jour que le peuple reconnut que ses destinées étaient intimement liées à celles du prince.

On sut le lendemain que cette insurrection avait des ramifications dans toute la France.

A Lyon le sang coula, ailleurs les tentatives anarchiques se manifestèrent par des attroupements et des cris séditieux, promptement réprimés.

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