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ces épreuves, faisant, le sac sur le dos, dix ou douze lieues par jour, se contentant du pain de munition, et couchant sous la tente, aux pieds de montagnes couronnées de glaciers.

C'est ainsi que ce jeune prince s'efforçait d'acquérir la force et les talents nécessaires pour se montrer digne du nom qu'il portait, quel que fût le sort de son avenir. Cette vie, si rude pour un prince qui avait passé ses premières années à la cour de France, nous rappelle le fils de Jeanne d'Albret.

Le prince était au camp de Thünn lorsqu'il eut connaissance de la révolution de 1830. A cette grande nouvelle, qui ranimait dans son cœur tant de souvenirs et d'espérances, il éprouva des transports d'allégresse. Quelle que fût l'issue de cette révolution qui avait produit dans toute l'Europe une commotion électrique, il ne doutait pas qu'elle ne lui restituât au moins ses droits de citoyen français. Ces espérances, alors bien naturelles même pour tout autre qu'un jeune homme de vingt-deux ans, furent de courte durée. L'événement trompa complétement son attente ce fut pour cette âme ardente une cruelle épreuve de plus à subir.

Mais en présence des événements accomplis depuis cette époque jusqu'à ce jour, n'est-il pas permis de se demander s'il n'est pas plus heureux qu'à regretter que la révolution de juillet ait pris une direction quasi diamétralement opposée à toutes les prévisions et qui froissait les hommes véritablement dévoués à l'honneur national?

La France avait alors des injures récentes à venger;

les patriotes de l'Italie et nos frères d'armes de la Pologne avaient les mains tendues vers la France.

Rappeler le fils de l'Empereur, briser les traités de 4844 et de 1815 imposés par la coalition et la trahison, voler au secours des opprimés, c'eût été, certes, le programme le plus brillant et le plus logique de la révolution de juillet.

Mais que de difficultés, que d'obstacles à vaincre en ce temps-là : la division des partis, l'engouement des hommes les plus éclairés pour le régime parlementaire, notre grande conquête de l'Algérie non consolidée, les ressources du pays altérées, sinon épuisées, par deux invasions, le milliard de la coalition, le milliard de l'émigration !

Sans doute il n'était pas impossible de surmonter tous ces obstacles, surtout dès qu'il s'agissait d'une sainte cause qui aurait rallié bien des sympathies; mais, d'une autre part, il ne suffisait pas de proclamer l'héritier de Napoléon; comment l'arracher des mains de ses geôliers?

Puis, il faut bien le dire, que pouvait-on attendre d'un jeune prince maladif, élevé sous la surveillance de la Sainte-Alliance, sous la direction d'un astucieux diplomate, le prince Metternich, qui avait voué une haine éternelle au nom de Napoléon, sous les yeux d'un empereur autrichien qui avait trahi son gendre et sacrifié à son égoïsme sa fille et son petit-fils?

Quant à nous, nous inclinons à penser que le règne de Louis-Philippe, qui, à part son système de paix à tout prix, fondé sur un excès de préoccupation des intérêts matériels, se recommande par des services

Or personne n'était plus apte pour cette tâche difficile que cette femme, qui, sous les formes délicates d'une merveilleuse beauté, cachait une âme fortement trempée et un cœur pétri des sentiments les plus élevés.

Du reste, on peut juger de l'esprit qui dirigeait la reine dans ses rapports avec son fils par ces belles paroles qu'elle adressait dans des temps plus prospères à l'impératrice Joséphine, dont les bontés pour son petit-fils Louis - Napoléon allaient quelquefois jusqu'à la faiblesse : « Je veux faire de mes enfants >> des hommes distingués; je ne veux pas qu'on leur » donne les défauts de la grandeur; je veux au con» traire que l'idée de leur élévation les oblige à » devenir meilleurs, et le moyen de se rendre tou>> jours supérieur aux autres, c'est de s'oublier con» stamment pour eux. »

Aussi, secondée par des maîtres habiles, et notamment par M. Lebas, fils du conventionnel, et qui fut depuis professeur de grec à l'Athénée de Paris, elle eut le bonheur de voir son fils faire de rapides progrès; outre le grec et le latin, il apprit plusieurs langues vivantes, mais il se fit surtout remarquer par une aptitude extraordinaire pour les sciences exactes. Il ne tarda pas à montrer un goût très-vif pour la carrière militaire; il se livrait avec ardeur aux exercices de l'équitation et au maniement de toutes les armes.

Le prince faisait de fréquentes promenades à cheval dans les montagnes qui avoisinent Arenenberg; c'est l'une de ces courses qui lui fournit l'occasion de donner une preuve de son courage et de son adresse.

Arrivé près d'un village, sur le plateau élevé qui domine le lac, il entend tout à coup les cris d'une foule effrayée; deux chevaux attelés à une légère calèche avaient pris le mors aux dents dans la direction d'un affreux précipice. Le cocher avait déjà été renversé, et une dame seule avec deux enfants dans la voiture poussait des cris déchirants. Mais le prince a vu le danger, et aussitôt, lançant son cheval avec la rapidité de l'éclair à travers les champs et les ravins pour devancer la voiture, il l'atteint sur le bord de l'abîme, saisit un des chevaux par la bride et le détourne d'une main si vigoureuse, que l'animal s'abat et que la voiture s'arrête aux applaudissements de la foule, qui fut heureuse de reconnaître le fils de la reine Hortense dans ce hardi et habile cavalier.

Louis-Napoléon utilisa avec le plus vif empressement le voisinage de Constance pour se former aux manœuvres militaires avec le régiment badois, qui tenait garnison dans cette ville.

Bientôt le jeune prince montra un goût prononcé pour l'artillerie; pendant plusieurs années il consacra tout son temps à l'étude des sciences qui s'y rattachent. Aussi s'estima-t-il très-heureux d'obtenir son admission au camp de Thünn, où les Suisses se réunissaient chaque année pour les manœuvres du génie et de l'artillerie, alors dirigées par un ancien colonel du génie de l'Empereur, M. Dufour, officier d'un grand mérite, et promu depuis au grade de général. Rompu d'avance aux exercices gymnastiques, quoique né avec une constitution assez faible, il supportait avec la plus grande facilité les fatigues de

ces épreuves, faisant, le sac sur le dos, dix ou douze lieues par jour, se contentant du pain de munition, et couchant sous la tente, aux pieds de montagnes couronnées de glaciers.

C'est ainsi que ce jeune prince s'efforçait d'acquérir la force et les talents nécessaires pour se montrer digne du nom qu'il portait, quel que fût le sort de son avenir. Cette vie, si rude pour un prince qui avait passé ses premières années à la cour de France, nous rappelle le fils de Jeanne d'Albret.

Le prince était au camp de Thünn lorsqu'il eut connaissance de la révolution de 1830. A cette grande nouvelle, qui ranimait dans son cœur tant de souvenirs et d'espérances, il éprouva des transports d'allégresse. Quelle que fût l'issue de cette révolution qui avait produit dans toute l'Europe une commotion électrique, il ne doutait pas qu'elle ne lui restituât au moins ses droits de citoyen français. Ces espérances, alors bien naturelles même pour tout autre qu'un jeune homme de vingt-deux ans, furent de courte durée. L'événement trompa complétement son attente ce fut pour cette âme ardente une cruelle épreuve de plus à subir.

Mais en présence des événements accomplis depuis cette époque jusqu'à ce jour, n'est-il pas permis de se demander s'il n'est pas plus heureux qu'à regretter que la révolution de juillet ait pris une direction quasi diamétralement opposée à toutes les prévisions et qui froissait les hommes véritablement dévoués à l'honneur national?

La France avait alors des injures récentes à venger;

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