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» me faire sortir de mon calme. Quels que soient >> les devoirs que le pays m'impose, il me trou» vera décidé à suivre sa volonté; et croyez-le » bien, Messieurs, la France ne périra pas dans mes » mains. >>

Peu de temps après il allait présider une solennité d'inauguration à Poitiers, où il adressa au maire ces paroles remarquables :

<< Soyez mon interprète auprès de vos concitoyens, » pour les remercier de leur accueil si cordial.

>> Comme vous, j'envisage l'avenir du pays sans » crainte, car son salut viendra toujours de la volonté » du peuple librement exprimée, religieusement ac» ceptée. (Explosion de bravos.) Aussi j'appelle de >> tous mes vœux le moment solennel où la voix puis» sante de la nation dominera toutes les oppositions » et mettra d'accord toutes les rivalités. Car il est » bien triste de voir les révolutions ébranler la so»ciété, renouveler les ruines, et cependant laisser » toujours debout les mêmes passions, les mêmes » exigences, les mêmes éléments de troubles.

» Quand on parcourt la France et que l'on voit la >> richesse variée de son sol, les produits merveilleux » de son industrie, lorsqu'on admire ses fleuves, ses » routes, ses canaux, ses chemins de fer, ses ports » que baignent deux mers, on se demande à quel » degré de prospérité elle n'atteindrait pas si une » tranquillité durable permettait à ses habitants de >> concourir de tous leurs moyens à ce bien général, >> au lieu de se livrer à des dissensions intestines.

» Lorsque, sous un autre point de vue, on réflé

>> chit à cette unité territoriale que nous ont léguée >> les efforts persévérants de la royauté, à cette unité

politique, judiciaire, administrative et commerciale » que nous a léguée la révolution; quand on con» temple cette population intelligente et laborieuse >> animée presque tout entière de la même croyance » et parlant le même langage; ce clergé vénérable » qui enseigne la morale et la vertu ; cette magistra>>ture intègre qui fait respecter la justice; cette >>> armée vaillante et disciplinée qui ne connaît que >> l'honneur et le devoir; enfin, quand on vient à >> apprécier cette foule d'hommes éminents, capables » de guider le gouvernement, d'illustrer les assem>> blées aussi bien que les sciences et les arts, on >> recherche avec anxiété quelles sont les causes qui » empêchent cette nation, déjà si grande, d'être >> plus grande encore, et l'on s'étonne qu'une société » qui renferme tant d'éléments de puissance et de » prospérité s'expose si souvent à s'abîmer sur elle» même.

» Serait-il donc vrai, comme l'Empereur l'a dit, » que le vieux monde soit à bout, et que le nouveau >> ne soit point encore assis? Sans savoir quel il sera, » faisons notre devoir aujourd'hui en lui préparant » des fondations solides.

» J'aime à vous adresser ces paroles dans une pro» vince renommée à toutes les époques par son pa>>triotisme. N'oublions pas que votre ville a été, sous » Charles VII, le foyer d'une résistance héroïque, » qu'elle a été pendant quatorze ans le refuge de la » nationalité dans la France envahie. Espérons qu'elle

» sera encore une des premières à donner l'exemple » du dévouement à la civilisation et à la patrie. >>

Comme on le voit, Louis-Napoléon saisissait toutes les occasions de manifester son respect pour la volonté nationale, et sa ferme résolution de se sacrifier aux besoins et aux intérêts de sa patrie. Ce qui n'empêchait pas les partis d'incriminer ses paroles et même de les dénaturer.

Mais Louis-Napoléon était bien dédommagé de ces attaques systématiques par l'enthousiasme qui accueillait partout sa présence, soit à Paris, soit dans les départements, et surtout par ces millions de voix qui réclamaient en sa faveur la révision de la Constitution.

En présence de manifestations aussi persistantes, la ligne de conduite de l'Assemblée était clairement tracée, il ne lui restait plus qu'à s'incliner devant la volonté nationale, en votant la révision de la Constitution. C'était évidemment le seul moyen de prévenir de nouvelles secousses.

Cependant, après de longues discussions, dans les séances des 14, 15, 16, 17, 18 et 19 juillet, discussions dans lesquelles les orateurs de toutes les nuances se montrèrent beaucoup moins préoccupés des intérêts de la France que du triomphe de leur parti, les propositions et pétitions tendant à la révision de la Constitution n'obtinrent pas la majorité spéciale fixée par l'article 441. En conséquence la France eut la douleur de voir paralysés, par le mauvais vouloir de ses commettants, tous les efforts qu'elle avait tentés pour échapper à une situation qui devait fatalement la conduire à sa ruine..

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Aussi bientôt après, quatre-vingts conseils généraux sur quatre-vingt-six, et l'immense majorité des conseils d'arrondissement, n'hésitèrent pas à protester implicitement contre le rejet de la révision de la Constitution, en se rendant l'écho des vœux una nimes de la France.

Un fait inouï, c'est que cette même Assemblée qui, le 19 juillet, avait donné 446 voix pour la révision, répondit à ces nouvelles manifestations par un vote de blâme contre le ministère, à l'occasion des pétitions tendant au même but.

Ce nouveau vote ne permettait plus la moindre illusion sur les dispositions de l'Assemblée; il était plus évident que jamais qu'elle était résolue, dans des buts divers, à lutter par tous les moyens contre la volonté nationale.

Contre un esprit de résistance poussé jusqu'à la folie, il n'y avait qu'une digue à opposer: le rétablissement du suffrage universel dans son intégrité. C'est ce que reconnut Louis-Napoléon. En conséquence, il prit la résolution de provoquer l'abrogation de la loi du 31 mai, en ce qu'elle privait une foule de citoyens, d'une moralité irréprochable, du droit d'électeur.

Les ministres n'ayant pas cru devoir s'associer à cette pensée, Louis - Napoléon accepta leur démission à la date du 15 octobre, et le 25 du même mois un nouveau ministère était ainsi composé:

M. Corbin, ministre de la justice;

M. Turgot, ministre des affaires étrangères;

M. Giraud, ministre de l'instruction publique et des cultes;

M. de Thorigny, ministre de l'intérieur;

M. Xavier de Casabianca, ministre de l'agriculture et du commerce;

M. Lacrosse, ministre des travaux publies ;

M. le général Leroy de Saint-Arnaud, ministre de la guerre ;

M. Hippolyte Fortoul, ministre de la marine et des colonies;

M. Blondel, ministre des finances.

Par suite de non-acceptations, M. Corbin fut remplacé par M. Daviel le 1er novembre, et M. Blondel, le 23, par M. Casabianca, qui lui-même fut remplacé au ministère de l'agriculture et du commerce par M. Lefèvre-Duruflé.

La formation de ce nouveau ministère s'était accomplie pendant les vacances de l'Assemblée législative, qui s'était prorogée au mois d'août, en nommant une commission de permanence comme en 1850.

Dès le jour de sa rentrée, qui eut lieu le 4 novembre, l'Assemblée recevait du président un message qui appelait toute son attention sur la nécessité de rétablir le suffrage universel dans toute sa plénitude et sur les inconvénients de la loi du 34 mai, qui, de l'aveu de tous les hommes de bonne foi, avait dépassé son but légitime, et qui était devenue un brandon de discorde et un obstacle sérieux à la révision de la Constitution.

Le même jour, le ministre de l'intérieur déposait un projet de loi qui, conformément à la loi du 15 mai 1849, n'exigeait que six mois de domicile pour l'exercice du droit électoral.

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