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les patriotes de l'Italie et nos frères d'armes de la Pologne avaient les mains tendues vers la France.

Rappeler le fils de l'Empereur, briser les traités de 4844 et de 1815 imposés par la coalition et la trahison, voler au secours des opprimés, c'eût été, certes, le programme le plus brillant et le plus logique de la révolution de juillet.

Mais que de difficultés, que d'obstacles à vaincre en ce temps-là: la division des partis, l'engouement des hommes les plus éclairés pour le régime parlementaire, notre grande conquête de l'Algérie non consolidée, les ressources du pays altérées, sinon épuisées, par deux invasions, le milliard de la coalition, le milliard de l'émigration!

Sans doute il n'était pas impossible de surmonter tous ces obstacles, surtout dès qu'il s'agissait d'une sainte cause qui aurait rallié bien des sympathies; mais, d'une autre part, il ne suffisait pas de proclamer l'héritier de Napoléon; comment l'arracher des mains de ses geôliers?

Puis, il faut bien le dire, que pouvait-on attendre d'un jeune prince maladif, élevé sous la surveillance de la Sainte-Alliance, sous la direction d'un astucieux diplomate, le prince Metternich, qui avait voué une haine éternelle au nom de Napoléon, sous les yeux d'un empereur autrichien qui avait trahi son gendre et sacrifié à son égoïsme sa fille et son petit-fils?

Quant à nous, nous inclinons à penser que le règne de Louis-Philippe, qui, à part son système de paix à tout prix, fondé sur un excès de préoccupation des intérêts matériels, se recommande par des services

Le 5 mai, des couronnes de fleurs furent déposées avec un certain éclat au pied de la colonne Vendôme.

Le gouvernement se préoccupa avec raison de ces démonstrations, et se crut obligé de révoquer l'autorisation secrètement accordée aux exilés de prolonger leur séjour jusqu'au rétablissement du prince.

Comprenant sans doute les exigences de la position d'un gouvernement nouveau, la reine s'empressa de déférer à la nouvelle détermination du gouvernement en quittant Paris avec son fils le lendemain même, 6 mai, pour se diriger à petites journées sur Londres.

Mais, et ceci est à remarquer, le jeune prince partit le cœur ulcéré, ayant appris avec la plus vive indignation que dès avant les manifestations du 5 mai, M. Casimir Périer n'avait pas dissimulé à la reine Hortense que si plus tard les circonstances permettaient d'accueillir la demande de son fils, ce ne pourrait être qu'à la condition qu'il quitterait son nom.

« Nous sommes obligés, aurait ajouté le président » du conseil, de ménager les étrangers; nous avons » tant de partis en France que la guerre nous per» drait. >>>

Quel désenchantement pour cette âme généreuse, qui jusque-là avait conservé l'espoir que le nouveau gouvernement tiendrait à honneur de rappeler la famille Bonaparte et de ne pas abandonner complétement la cause des peuples qui n'avaient fait que suivre l'impulsion et l'exemple de la révolution de juillet!

Aussitôt que le prince fut rétabli, il se livra tout entier à l'étude de la constitution anglaise, et chercha à se rendre compte des causes diverses de l'immense prospérité commerciale de cette nation.

Après quelques mois consacrés à ces investigations, le prince retourna avec sa mère en Suisse; mais il tourna Paris sans y entrer, ne voulant plus avoir la moindre relation avec le gouvernement français.

Les déceptions réitérées qu'il venait d'essuyer lui firent éprouver quelque joie en revoyant les lieux où il avait passé quinze ans de sa vie.

C'est là que, dans le calme de la retraite, il produisit ses premiers écrits, intitulés : Rêveries politiques, suivies d'un projet de Constitution, brochure publiée en mai 1832; Considérations politiques et militaires sur la Suisse, brochure publiée en 1833.

Malgré ces sérieux travaux, le prince, irrité par la politique du gouvernement de Louis-Philippe, dont il connaissait le secret mobile, aigri par la loi du 10 avril 1832, qui confirmait expressément l'acte de proscription du 12 janvier 1816 contre la famille Bonaparte, en abrogeant toutefois la peine de mort prononcée comme sanction par l'article 4 de cette dernière loi, était déjà poursuivi par une idée fixe, servir sa patrie ou mourir pour elle. Néanmoins, convaincu que le temps des résolutions n'est pas encore venu, et qu'il ne peut espérer quelque adoucissement aux sentiments pénibles et au mal du pays qui le consument qu'en de sérieuses et utiles distractions, il se livre avec une nouvelle ardeur à

l'étude, et publie, en 1835, un Manuel d'artillerie, ouvrage important auquel il avait consacré trois années d'un travail opiniâtre, et qui lui valut les suffrages des hommes les plus compétents.

En 1836, persuadé, par ses relations avec des Français, que la dynastie d'Orléans n'avait été imposée à la France que par surprise, et que ce gouvernement, qui avait pris son point d'appui exclusivement sur la bourgeoisie, devenait de plus en plus antipathiqué au peuple, et cédant peut-être au mal du pays qui le poursuivait sans relâche, Louis-Napoléon médita et exécuta l'entreprise de Strasbourg, qui n'eut d'autre résultat que sa translation en Amérique.

En 1840, les mêmes causes déterminèrent la tentative de Boulogne, à la suite de laquelle il fut condamné par la cour des pairs, le 6 octobre, à une détention perpétuelle dans une forteresse sur le territoire continental du royaume. En entendant sa sentence, le prince s'écria : « Du moins, j'aurai le >> bonheur de mourir en France. ».

Tout le monde sait que ce fut dans la forteresse de Ham que le prince fut transféré.

Au mois de juillet 1839, il avait terminé sous ce titre Des Idées napoléoniennes, la plus importante de ses œuvres, dont nous nous proposons d'entretenir le lecteur, persuadé que c'est le plus sûr moyen de donner une idée exacte du caractère du prince comme homme politique, et des sérieuses études auxquelles il a dû une expérience si précoce.

Fidèle à ses habitudes studieuses, Napoléon charma

les ennuis d'une étroite captivité en composant de nouveaux ouvrages, et notamment celui intitulé: Fragments historiques, qu'il publia en 1844; sa Théorie explicative de la pile voltaïque, qu'il adressa à l'Académie des sciences.

L'année 1844 vit paraître deux autres écrits intitulés, le premier : Réflexions sur e mode de recrutement de l'armée; et le second: Extinction du paupérisme, cette dernière œuvre, fruit de longues méditations, prouve que l'auteur a commencé bien jeune à se préoccuper sérieusement de l'amélioration du sort des prolétaires.

Nous ne pouvons résister au désir de mettre sous les yeux du lecteur une lettre d'une des gloires les plus pures de la littérature française, du poëte Béranger, dont la perte récente fut si vivement ressentie.

Voici dans quels termes cet homme de cœur, qui sut si bien se rendre l'écho des sentiments les plus nobles et les plus intimes du peuple français, apprécie l'œuvre du prince sur l'extinction du paupérisme :

« L'idée développée par vous dans cet écrit est >> une des mieux conçues pour arriver à l'améliora» tion du sort des classes laborieuses. Ce n'est pas >> dans ma retraite que je puis juger du mérite des >> calculs dont vous appuyez vos plans; mais des rêves » de même sorte ont souvent traversé mon cerveau, >> et m'ont mis à même d'apprécier tout ce qu'il y a » de généreux dans ce projet. Par une coïncidence >> dont je m'enorgueillis, les utopies de mon coin de

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