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Et rien n'est plus contraire à sa rare conduite.
Son zèle si connu pour le culte des dieux
Doit rendre à sa vertu nos respects odieux ;
Et, loin qu'à son abord mon effroi diminue,
Malgré moi, je le sens qui redouble à sa vue.

ALCINE.

Ah! ma propre frayeur suffit pour m'affliger.
Loin d'aigrir mon ennui, cherche à le soulager,
Et tâche de fournir à mon âme oppressée
De quoi parer aux maux dont elle est menacée.
Redoublons cependant les gardes du palais,
Et s'il n'est point pour nous d'asile désormais,
Dans notre désespoir cherchons notre défense,
Et ne nous rendons pas au moins sans résistance.

Alcine, mademoiselle du Parc.

Célie, mademoiselle de Brie.

Dircé, mademoiselle Molière.

Lorsqu'elles eurent achevé, et qu'Alcine se fut retirée pour aller redoubler les gardes du palais, le concert des violons se fit entendre, pendant que le frontispice du palais venant à s'ouvrir avec un merveilleux artifice, et des tours venant à s'élever à vue d'œil, quatre géans d'une grandeur démesurée vinrent à paroître avec quatre nains, qui, par l'opposition de leur petite taille, faisoient paroître celle des géans encore plus excessive. Ces colosses étoient commis à la garde du palais, et ce fut par eux que commença la première entrée du ballet.

BALLET DU PALAIS D'ALCINE.

PREMIÈRE ENTRÉE.

GEANS. Les sieurs Manceau, Vagnard, Pesan et Joubert. Nains. Les deux petits Desairs, le petit Vagnard, et le petit Tutin.

DEUXIÈME ENTRÉE.

HUIT Maures, chargés par Alcine de la garde du dedans, en font une exacte visite, avec chacun deux flambeaux. Maures. Les sieurs d'Heureux, Beauchamp, Molière, La Marre, Le Chantre, de Gan, du Pron, et Mercier.

TROISIÈME ENTRÉE.

CEPENDANT, un dépit amoureux oblige six des chevaliers qu'Alcine retenoit auprès d'elle, à tenter la sortie de ce palais; mais la fortune ne secondant pas les efforts qu'ils font dans leur désespoir, ils sont vaincus après un grand combat par autant de monstres qui les attaquent.

Chevaliers. Monsieur de Souville, les sieurs Raynal, Desairs l'aîné, Desairs le second, de Lorge, et Balthasard. Monstres. Les sieurs Chicanneau, Noblet, Arnald, Desbrosses, Desonets, et La Pierre.

QUATRIÈME ENTRÉE.

ALCINE, alarmée de cet accident, invoque de nouveau tous ses esprits, et leur demande secours : il s'en présente deux à elle, qui font des sauts avec une force et une agilité merveilleuses.

Démons agiles. Les sieurs Saint-André et Magny.

CINQUIÈME ENTRÉE.

D'AUTRES démons viennent encore, et semblent assurer la magicienne qu'ils n'oublieront rien pour son repos. Démons sauteurs. Les sieurs Tutin, La Brodière, Pesan, et Bureau.

SIXIÈME ET DERNIÈRE ENTRÉE.

MAIS à peine commence-t-elle à se rassurer, qu'elle voit paroître auprès de Roger, et de quelques chevaliers de sa suite, la sage Mélisse, sous la forme d'Atlas. Elle court aussitôt pour empêcher l'effet de son intention; mais elle arrive trop tard. Mélisse a déjà mis au doigt de ce brave chevalier la fameuse bague qui détruit les enchantemens. Lors un coup de tonnerre, suivi de plusieurs éclairs, marque la destruction du palais, qui est aussitôt réduit en cendres par un feu d'artifice, qui met fin à cette aventure, et aux divertissemens de l'Ile Enchantée.

Alcine. Mademoiselle du Parc.

Mélisse. Le sieur de Lorge.

Roger. Le sieur Beauchamp.

Chevaliers. Les sieurs d'Heureux, Raynal, du Pron, et Desbrosses.

Ecuyers. Les sieurs La Marre, Le Chantre, de Gan, et Mercier.

IL sembloit que le ciel, la terre et l'eau fussent tout en feu, et que la destruction du superbe palais d'Alcine, comme la liberté des chevaliers qu'elle y retenoit en prison, ne se pût accomplir que par des prodiges et des miracles. La hauteur et le nombre des fusées volantes, celles qui rouloient sur le rivage, et celles qui ressortoient de l'eau après s'y être enfoncées, faisoient un spectacle si grand et si magnifique, que rien ne pouvoit mieux terminer les enchantemens

qu'un si beau feu d'artifice; lequel ayant enfin cessé après un bruit et une longueur extraordinaires, les coups de boîtes qui l'avoient commencé redoublèrent encore.

Alors toute la cour se retirant, confessa qu'il ne se pouvoit rien voir de plus achevé que ces trois fêtes; et c'est assez avouer qu'il ne s'y pouvoit rien ajouter, que de dire que les trois journées ayant eu chacune ses partisans, comme chacune ses beautés particulières, on ne convint pas du prix qu'elles devoient emporter entre elles, bien qu'on demeurât d'accord qu'elles pouvoient justement le disputer à toutes celles qu'on avoit vues jusqu'alors, et les surpasser peut-être.

FIN DU BALLET.

QUATRIÈME JOURNÉE.

MAIS, quoique les fêtes comprises dans le sujet des plaisirs

de l'Ile Enchantée fussent terminées, tous les divertissemens de Versailles ne l'étoient pas; et la magnificence et la galanterie du roi en avoient encore réservé pour les autres jours, qui n'étoient pas moins agréables.

Le samedi, dixième, Sa Majesté voulut courre les têtes. C'est un exercice que peu de gens ignorent, et dont l'usage est venu d'Allemagne, fort bien inventé pour faire voir l'adresse d'un chevalier, tant à bien mener son cheval dans les passages de guerre, qu'à bien se servir d'une lance, d'un dard et d'une épée. Si quelqu'un ne les a pas vu courre, il en trouvera ici la description, étant moins commune que la bague, et seulement ici depuis peu d'années; et ceux qui en ont eu le plaisir, ne s'ennuieront pas d'une narration si peu étendue.

Les chevaliers entrent l'un après l'autre dans la lice, la lance à la main, et un dard sous la cuisse droite; et après que l'un d'eux a couru et emporté une tête de gros carton peinte, et de la forme de celle d'un Turc, il donne sa lance à un page; et, faisant la demi-volte, il revient à toute bride à la seconde tête qui a la couleur et la forme d'un Maure, l'emporte avec le dard qu'il lui jette en passant; puis, reprenant une javeline peu différente de la forme du dard, dans une troisième passade il la darde dans un bouclier où est peinte une tête de Méduse; et achevant sa demivolte, il tire l'épée dont il emporte, en passant toujours à toute bride, une tête élevée à un demi-pied de terre; puis, faisant place à un autre, celui qui, en ses courses, en a emporté le plus, gagne le prix.

III.

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