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LE MARIAGE FORCÉ,

COMÉDIE EN UN ACTE.

1

SUR

LE MARIAGE FORCÉ.

CETTE comédie en prose fut jouée au Louvre, en trois actes, avec des intermèdes, sous le titre de Ballet du Roi, les 29 et 31 janvier 1664; et en un acte, avec quelques changemens, sur le théâtre du Palais-Royal, le 15 février suivant. Cette date se trouve sur le registre de Molière, et c'est faute de l'avoir consulté que jusqu'ici les différens éditeurs ont fixé la première représentation au 15 novembre 1664, et qu'ils ont mal à propos fait précéder cette pièce par la Princesse d'Élide, qu'on ne vit sur le théâtre de Molière 9 novembre de la même année.

que

le

Le Dictionnaire des Théâtres, après avoir copié ce qu'avoit dit M. de Voltaire, qu'on remarquoit dans cet ouvrage plus de bouffonnerie que d'art et d'agrément, ajoute, de son autorité moins respectable, que la scène en est irrégulière, et que les personnages y viennent presque tous au hasard.

Il n'y a point d'étranger qui, d'après ces deux décisions, et surtout d'après la dernière, ne juge le Mariage forcé une misérable pièce qui déshonore le recueil de Molière. Cependant, les représentations fréquentes de cet ouvrage, malgré la négligence avec laquelle on l'exécute', ne confirment guère le juge

L'engagement que semblent avoir pris en 1772 les comédiens

ment trop léger de l'auteur du Dictionnaire. La scène nous y paroît aussi régulière qu'elle peut l'être dans ces sortes de bagatelles, et les personnages y sont tous amenés avec cet art du théâtre et cette vraisemblance qui suffisent au genre de la farce.

Louis xiv n'accorda que très

peu

de temps

à Mo

lière pour lui fournir une comédie, à laquelle on pût lier des intermèdes de chant et de danse où ce prince devoit se montrer lui-même.

Notre auteur eut besoin des ressources de son esprit et de sa gaîté pour faire usage, en cette occasion, du sujet le plus simple, et qui, dans les mains d'un autre, eût à peine suffi à l'acte le plus court; il se ressouvint de l'art qu'il avoit employé trois ans auparavant dans la comédie des Fâcheux, où il avoit lié les ballets et les divertissemens au corps même de l'intrigue, et ce que nous voyons aujourd'hui ne composer que quinze ou seize scènes fort courtes, fut, comme on l'a dit, exécuté en trois actes.

Molière, dans cette espèce d'impromptu, ne perdit point de vue l'utile mission qui l'appeloit à la destruction des obstacles divers qu'on opposoit de tous côtés an triomphe du bon sens et du vrai goût. Élève du fameux Gassendi, et traducteur dans sa jeunesse du poëme de Lucrèce, on sent de quel œil il devoit voir les troubles ridicules qui s'étoient alors élevés dans nos écoles.

Les efforts sérieux de l'Université pour obtenir la

françois, de faire jouer les comédies de Molière par les meilleurs acteurs, a été reçu avec bien de la satisfaction de la part de tous les gens de goût. Ce sera servir à la fois, et leur intérêt, et leurs talens, et l'honneur de la nation.

confirmation d'un arrêt de 1624, qui avoit défendu, sous peine de la vie, d'enseigner aucune maxime contraire aux opinions d'Aristote, et qui fort heureusement étoit tombé dans l'oubli dont il étoit si digne, sont assez clairement aperçus dans ce que dit Pancrace, à l'occasion de la forme ou de la figure d'un chapeau, lorsque ce philosophe s'écrie : « Et les magis« trats qui sont établis pour maintenir l'ordre dans cet état, devroient mourir de honte en souffrant un « scandale aussi intolérable, etc. »

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Molière, dans cette même scène, nous met au fait des inepties pour le soutien desquelles de graves docteurs cherchoient à soulever les corps les plus respectables. Il fit rire aux dépens du jargon pédantesque et vide de sens de nos écoles. Aussi vigoureux ennemi de la fausse philosophie que des faux airs et du faux goût, il saisit avec plaisir cette occasion de verser à pleines mains le ridicule sur le procès de l'ignorance avec la raison; et Despréaux, par son arrêt burlesque, ne fit, quelque temps après, que consommer l'ouvrage de notre auteur.

Le parlement de Paris étoit sur le point de prononcer un arrêt contre la Philosophie de Descartes, lorsque Boileau fit présenter le sien à M. de Lamoignon par son oncle le greffier; cette bagatelle heureuse, au rapport du Ménagiana, empêcha peut-être, plus qu'aucune autre chose, qu'on ne rendît un arrêt véritable contre les Cartésiens.

Une prétendue anecdote sur le mariage du célèbre comte de Grammont est citée partout comme ayant fourni à Molière le dénouement du Mariage forcé; mais c'est voir une ressemblance de trop loin, et la

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