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fable qu'avoit inventée notre auteur a dû le conduire naturellement à la manière plaisante dont il la termine. Ces différentes applications qu'on fait vaguement sur telle ou telle scène, prouvent tout au plus que ces scènes sont puisées dans la nature. Il n'y a que le faux et l'invraisemblable qui ne ressemblent à

rien.

Quoique nous ayons placé cette comédie au rang des farces de Molière, et que par là il eût été dispensé de lui donner un dénouement aussi heureux que ceux de ses comédies les mieux conduites, cependant, celui du Mariage forcé est regardé comme un des meilleurs de son théâtre. Le silence de Sganarelle, qui termine la pièce, « est un coup de maître, et «< c'est cette espèce de dénouement (dit M. de Riccoboni) que j'avois en vue, lorsque j'ai dit que le froid « d'une situation pouvoit quelquefois servir à dénouer « une pièce autant que le feu et la vivacité d'une ac<< tion. »

"

c'est

Il y a, dit le même observateur, page 144 de son ouvrage, « une scène et des lazzi tirés de plusieurs «< comédies italiennes jouées à l'impromptu ». Quelle est cette scène que M. Riccoboni ne désigne pas plus que les lazzi? Il y a grande apparence que ce doit être celle des Philosophes; mais comme on le verra, de Rabelais que Molière l'a imitée, et Rabelais avoit été plus d'une fois mis en pièces par les impromptuaires italiens. C'est ainsi que la moderne littérature italienne réclame quelquefois ce qu'elle devoit ellemême à notre littérature ancienne. Il ne faut que jeter les yeux sur les monumens de notre vieille poésie, pour y trouver tous les germes de ce que le génie ita

lien paroît avoir produit, surtout dans le genre plai

sant et conteur.

On verra à la fin de cette pièce un Avertissement des anciens éditeurs, et un détail de sa distribution en trois actes, avec les différens morceaux que Molière avoit faits pour le chant.

y

SGANARELLE, amant de Dorimène.

GERONIMO, ami de Sganarelle.
DORIMÈNE, fille d'Alcantor.
ALCANTOR, père de Dorimène.
ALCIDAS, frère de Dorimène.
LYCASTE, amant de Dorimène.
PANCRACE, docteur aristotélicien.
MARPHURIUS, docteur pyrrhonien.

DEUX BOHÉMIENNES.

La scène est dans une place publique.

LE MARIAGE FORCÉ,

COMÉDIE.

SCÈNE PREMIÈRE.

SGANARELLE, parlant à ceux qui sont dans sa maison.'

Je suis de retour dans un moment. Que l'on ait bien soin du logis, et que tout aille comme il faut. Si l'on m'apporte de l'argent, que l'on me vienne querir vite chez le seigneur Geronimo; et, si l'on vient m'en demander, qu'on dise que je suis sorti, et que je ne dois revenir de toute la journée.

SCÈNE II.

SGANARELLE, GERONIMO.

GERONIMO, ayant entendu les dernières paroles de Sganarelle. VOILA un ordre fort prudent.

SGANARELLE.

Ah! Seigneur Géronimo, je vous trouve à propos; et j'allois chez vous vous chercher.

GERONIMO.

Et pour quel sujet, s'il vous plaît?

SGANARELLE.

Pour vous communiquer une affaire que j'ai en tête, et vous prier de m'en dire votre avis.

GERONIMO.

Très volontiers. Je suis bien aise de cette rencontre, et nous pouvons parler ici en toute liberté.

SGANARELLE.

Mettez donc dessus, s'il vous plaît. Il s'agit d'une chose de conséquence, que l'on m'a proposée; et il est bon de ne rien faire sans le conseil de ses amis. GERONIM O.

Je vous suis obligé de m'avoir choisi pour cela. Vous n'avez qu'à me dire ce que c'est.

SGANARELLE.

Mais, auparavant, je vous conjure de ne me point flatter du tout, et de me dire nettement votre pensée.

GERONIMO.

Je le ferai, puisque vous le voulez.

SGANARELLE.

Je ne vois rien de plus condamnable qu'un ami qui ne nous parle point franchement.

GERONIMO.

Vous avez raison.

SGANARELLE.

Et dans ce siècle on trouve peu d'amis sincères.

Cela est vrai.

GERONIMO.

SGANARELLE.

Promettez-moi donc, seigneur Géronimo, de me parler avec toute sorte de franchise.

GERONIMO.

Je vous le promets.

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