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ho, ho, debout, debout. Pour la chasse ordonnée il faut préparer tout; debout, debout, Lyciscas, debout. Ho, ho, ho, ho, ho.

(Plusieurs cors et trompes de chasse se font entendre; les Valets de chiens que Lyciscas a réveillés dansent une entrée. )

FIN DU PROLOGUE.

COMÉDIE-BALLET.

ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

EURIALE, ARBATE.

ARBATE.

silence rêveur, dont la sombre habitude Vous fait à tous momens chercher la solitude; Ces longs soupirs que laisse échapper votre cœur, Et ces fixes regards si chargés de langueur, Disent beaucoup, sans doute, à des gens de mon âge ; Et je pense, seigneur, entendre ce langage: Mais, sans votre congé, de peur de trop risquer, Je n'ose m'enhardir jusques à l'expliquer.

EURIALE.

Explique, explique, Arbate, avec toute licence
Ces soupirs, ces regards, et ce morne silence.
Je te permets ici de dire que l'Amour

M'a rangé sous ses lois, et me brave à son tour;
Et je consens encor que tu me fasses honte

Des foiblesses d'un cœur qui souffre qu'on le dompte.

ARBATE.

Moi, vous blâmer, seigneur, des tendres mouvemens
Où je vois qu'aujourd'hui penchent vos sentimens?
Le chagrin des vieux jours ne peut aigrir mon âme
Contre les doux transports de l'amoureuse flamme;
Et, bien que mon sort touche à ses derniers soleils,
Je dirai que l'amour sied bien à vos pareils ;
Que ce tribut qu'on rend aux traits d'un beau visage,
De la beauté d'une âme est un clair témoignage;
Et qu'il est malaisé que, sans être amoureux,
Un jeune prince soit et grand et généreux.
C'est une qualité que j'aime en un monarque;
La tendresse du cœur est une grande marque
Que d'un prince à votre âge on peut tout présumer,
Dès qu'on voit que son âme est capable d'aimer.
Oui, cette passion, de toutes la plus belle,
Traîne dans un esprit cent vertus après elle;
Aux nobles actions elle pousse les cœurs,

Et tous les grands héros ont senti ses ardeurs.
Devant mes yeux, seigneur, a passé votre enfance,
Et j'ai de vos vertus vu fleurir l'espérance;
Mes regards observoient en vous des qualités
Où je reconnoissois le sang dont vous sortez;
J'y découvris un fond d'esprit et de lumière;
Je vous trouvois bien fait, l'air grand et l'âme fière;
Votre coeur, votre adresse, éclatoient chaque jour :
Mais je m'inquiétois de ne point voir d'amour;
Et puisque les langueurs d'une plaie invincible
Nous montrent que votre âme à ses traits est sensible,
Je triomphe; et mon coeur, d'allégresse rempli ,

Vous regarde à présent comme un prince accompli.

EURIALE.

Si de l'amour un temps j'ai bravé la puissance,
Hélas, mon cher Arbate, il en prend bien vengeance!
Et, sachant dans quels maux mon cœur s'est abîmé,
Toi-même tu voudrois qu'il n'eût jamais aimé.
Car enfin, vois le sort où mon astre me guide;
J'aime, j'aime ardemment la princesse d'Élide,
Et tu sais que l'orgueil, sous des traits si charmans,
Arme contre l'amour ses jeunes sentimens,

Et comment elle fuit en cette illustre fête

Cette foule d'amans qui briguent sa conquête.
Ah! qu'il est bien peu vrai que ce qu'on doit aimer,
Aussitôt qu'on le voit, prend droit de nous charmer,
Et qu'un premier coup d'œil allume en nous les flammes
Où le ciel, en naissant, a destiné nos âmes!

A mon retour d'Argos je passai dans ces lieux,
Et ce passage offrit la princesse à mes yeux;
Je vis tous les appas dont elle est revêtue,
Mais de l'œil dont on voit une belle statue.
Leur brillante jeunesse, observée à loisir,
Ne porta dans mon âme aucun secret désir,
Et d'Ithaque en repos je revis le rivage,
Sans m'en être en deux ans rappelé nulle image.
Un bruit vient cependant à répandre à ma cour
Le célèbre mépris qu'elle fait de l'amour;
On publie en tous lieux que son âme hautaine
Garde pour l'hyménée une invincible haine,
Et qu'un arc à la main, sur l'épaule un carquois,
Comme une autre Diane elle hante les bois,

N'aime rien

que la chasse, et de toute la Grèce Fait soupirer en vain l'héroïque jeunesse. Admire nos esprits, et la fatalité :

Ce que n'avoient point fait sa vue et sa beauté,
Le bruit de ses fiertés en mon âme fit naître
Un transport inconnu dont je ne fus point maître;
Ce dédain si fameux eut des charmes secrets
A me faire avec soin rappeler tous ses traits;
Et mon esprit jetant de nouveaux yeux sur elle,
M'en refit une image et si noble et si belle,
Me peignit tant de gloire et de telles douceurs
A pouvoir triompher de toutes ses froideurs,
Que mon cœur, aux brillans d'une telle victoire,
Vit de sa liberté s'évanouir la gloire;

Contre une telle amorce il eut beau s'indigner,
Sa douceur sur mes sens prit tel droit de régner,
Qu'entraîné par l'effort d'une occulte puissance,
J'ai d'Ithaque en ces lieux fait voile en diligence,
Et je couvre un effet de mes vœux enflammés,
Du désir de paroître à ces jeux renommés
Où l'illustre Iphitas, père de la princesse,
Assemble la plupart des princes de la Grèce.

ARBATE.

Mais à quoi bon, seigneur, les soins que vous prenez?
Et pourquoi ce secret où vous vous obstinez?
Vous aimez, dites-vous, cette illustre princesse,
Et venez à ses yeux signaler votre adresse,
Et nuls empressemens, paroles ni soupirs,
Ne l'ont instruite encor de vos brûlans désirs.
Pour moi, je n'entends rien à cette politique.

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