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Ventreguienne ça n'est pas bian, après tout; et t'es froide pour les gens.

CHARLOTTE.

Que veux-tu que j'y fasse ? C'est mon himeur, et je ne me pis refondre.

PIERROT.

Ignia himeur qui tienne. Quand en a de l'amiquié pour les parsonnes, l'en en baille toujou queuque petite signifiance.

CHARLOTTE.

Enfin, je t'aime tout autant que je pis, et si tu pas content de ça, tu n'as qu'à en aimer queuque

n'es

autre.

PIERROT.

Eh bian, vlà pas mon compte? Tétigué, si tu m'aimois, me dirois-tu ça?

CHARLOTTE.

Pourquoi me viens-tu aussi tarabuster l'esprit ?

PIERROT,

Morgué, queu mal te fais-je ? Je ne te demande qu'un peu d'amiquié.

CHARLOTTE.

Eh bian, laisse faire aussi, et ne me presse point tant. Peut-être que ça viendra tout d'un coup sans

⚫y songer.

PIERROT.

Touche donc là, Charlotte.

CHARLOTTE, donnant sa main.

Eh bian, quien.

PIERROT.

Promets-moi donc que tu tâcheras de m'aimer davantage.

CHARLOTTE.

que

J'y ferai tout ce que je pourrai, mais il faut ça vienne de lui-même. Piarrot, est-ce là ce mon

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Ah, mon guieu, qu'il est genti, et que c'auroit été dommage qu'il eût été nayé!

PIERROT.

Je revians tout à l'heure ; je m'en vas boire chopaine, , pour me rebouter tant soit peu de la fatigue que j'ais eue.

SCÈNE II.

DON JUAN, SGANARELLE; CHARLOTTE,

dans le fond du théâtre.

D. JUAN.

Nous avons manqué notre coup, Sganarelle, et cette bourasque imprévue a renversé avec notre barque le projet que nous avions fait; mais, à te dire vrai, la paysanne que je viens de quitter répare ce malheur, et je lui ai trouvé des charmes qui effacent de mon esprit tout le chagrin que me donnoit le mauvais succès de notre entreprise. Il ne faut pas que ce cœur m'échappe, et j'y ai déjà jeté des

dispositions à ne pas me souffrir long-temps pousser

des soupirs.

SGANARELLE.

Monsieur, j'avoue que vous m'étonnez. A peine sommes-nous échappés d'un péril de mort, qu'au lieu de rendre grâces au ciel de la pitié qu'il a daigné prendre de nous, vous travaillez tout de nouveau à attirer sa colère par vos fantaisies accoutumées, et vos amours cr.... (Don Juan prend un air menaçant. ) Paix coquin que vous êtes, vous ne savez ce que vous dites, et monsieur sait ce qu'il fait. Allons.

D. JUAN, apercevant Charlotte.

Ah, ah! d'où sort cette autre paysanne, Sganarelle? As-tu rien vu de plus joli, et ne trouves-tu pas, dis-moi, que celle-ci vaut bien l'autre?

SGANARELLE.

Assurément. (à part.) Autre pièce nouvelle.
D. JUAN, à Charlotte.

D'où me vient, la belle, une rencontre si agréable? Quoi! dans ces lieux champêtres, parmi ces arbres et ces rochers, on trouve des personnes faites comme vous êtes?

CHARLOTTE.

Vous voyez, monsieu.

D. JUAN.

Êtes-vous de ce village?

CHARLOTTE.

Oui, monsieu.

D. JUAN.

Et vous y demeurez?

CHARLOTTE.

Oui, monsieu.

D. JUAN.

Vous vous appelez ?

CHARLOTTE.

Charlotte, pour vous servir.

D. JUAN.

Ah, la belle personne! et que ses yeux sont pé

nétrans!

CHARLOTTE.

Monsieu, vous me rendez toute honteuse.

D. JUAN.

Ah, n'ayez point de honte d'entendre dire vos vérités. Sganarelle, qu'en dis-tu? Peut-on rien voir de plus agréable? Tournez-vous un peu, s'il vous plaît. Ah, que cette taille est jolie! Haussez un peu la tête, de grâce. Ah, que ce visage est mignon! Ouvrez vos yeux entièrement. Ah, qu'ils sont beaux! Que je voie un peu vos dents, je vous prie. Ah, qu'elles sont amoureuses, et ces lèvres appétissantes! Pour moi, je suis ravi, et je n'ai jamais vu une si charmante personne.

CHARLOTTE.

Monsieu, cela vous plaît à dire, et je ne sais pas si c'est pour vous railler de moi.

D. JUAN.

Moi, me railler de vous, Dieu m'en garde! Je vous aime trop pour cela, et c'est du fond du cœur que je vous parle.

CHARLOTTE.

Je vous suis bien obligée, si ça est.

D. JUAN.

Point du tout, vous ne m'êtes point obligée de tout ce que je dis; et ce n'est qu'à votre beauté que vous en êtes redevable.

CHARLOTTE.

Monsieu, tout ça est trop bian dit pour moi, et je n'ai pas d'esprit pour vous répondre.

D. JUAN.

Sganarelle, regarde un peu ses mains.

CHARLOTTE.

Fi, Monsieu, elles sont noires comme je ne sais quoi.

D. JUAN.

Ah, que dites-vous là! Elles sont les plus blanches du monde; souffrez que je les baise, je vous prie.

CHARLOTTE.

Monsieu, c'est trop d'honneur que vous me faites, et si j'avois su ça tantôt, je n'aurois pas manqué de les laver avec du son.

D. JUAN.

Hé, dites-moi un peu, belle Charlotte, vous n'êtes pas mariée, sans doute?

CHARLOTTE.

Non, monsieu; mais je dois bientôt l'être avec Piarrot, le fils de la voisine Simonette.

D. JUAN.

Quoi! une personne comme vous seroit la femme d'un simple paysan! Non, non, c'est profaner tant

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