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M. DIMANCHE.

Ah, monsieur, vous vous moquez! Monsieur....

D. JUAN.

Embrassez-moi donc, s'il vous plaît. Je vous prie, encore une fois, d'être persuadé que je suis tout à vous, et qu'il n'y a rien au monde que je ne fisse pour votre service.

SCENE IV.

M. DIMANCHE, SGANARELLE.

SGANARELLE.

Il faut avouer que vous avez en Monsieur un homme qui vous aime bien.

M. DIMANCHE.

Il est vrai; il me fait tant de civilités et tant de complimens, que je ne saurois jamais lui demander de l'argent.

SGANARELLE.

Je vous assure que toute sa maison périroit pour vous; et je voudrois qu'il vous arrivât quelque chose, que quelqu'un s'avisât de vous donner des coups de bâton, vous verriez de quelle manière....

M. DIMANCHE.

Je le crois; mais, Sganarelle, je vous prie de lui dire un petit mot de mon argent.

SGANARELLE.

Oh, ne vous mettez pas en peine, il vous payera le

mieux du monde.

M. DIMANCHE.

Mais vous, Sganarelle, vous me devez quelque chose en votre particulier.

SGANARELLE.

Fi, ne parlez pas de cela.

M. DIMANCHE.

Comment! Je....

SGANARELLE.

Ne sais-je pas bien que je vous dois ?

M. DIMANCHE.

Oui. Mais....

SGANARELLE.

Allons, monsieur Dimanche, je vais vous éclairer.

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M. DIMANCHE.

Je....

SGANARELLE, le poussant tout-à-fait hors du théâtre.

Fi, vous dis-je.

SCÈNE V.

DON JUAN, LA VIOLETTE, SGANARELLE.

LA VIOLETTE, à don Juan.

MONSIEUR, Voilà monsieur votre père.

D. JUAN.

Ah, me voici bien! Il me falloit cette visite pour me faire enrager.

SCÈNE VI.

DON LOUIS, DON JUAN, SGANARELLE.

D. LOUIS.

Je vois bien que je vous embarrasse, et que vous vous passeriez fort aisément de ma venue. A dire vrai, nous nous incommodons étrangement l'un l'autre; si vous êtes las de me voir, je suis bien las aussi de vos déportemens. Hélas! que nous savons peu ce que nous faisons, quand nous ne laissons pas au ciel le soin des choses qu'il nous faut, quand nous voulons être plus avisés que lui, et que nous venons l'importuner par nos souhaits aveugles, et nos demandes inconsidérées ! J'ai souhaité un fils avec des ardeurs nompareilles ; je l'ai demandé sans relâche avec des transports incroyables; et ce fils, que j'obtiens en fatiguant le ciel de vœux, est le chagrin et

le supplice de cette vie même dont je croyois qu'il devoit être la joie et la consolation. De quel œil, à votre avis, pensez-vous que je puisse voir cet amas d'actions indignes, dont on a peine, aux yeux du monde, d'adoucir le mauvais visage; cette suite continuelle de méchantes affaires, qui nous réduisent à toute heure à lasser les bontés du souverain, et qui ont épuisé auprès de lui le mérite de mes services, et le crédit de mes amis? Ah, quelle bassesse est la vôtre ! Ne rougissez-vous point de mériter si peu votre naissance? Êtes-vous en droit, dites - moi, d'en tirer quelque vanité, et qu'avez-vous fait dans le monde pour être gentilhomme? Croyez-vous qu'il suffise d'en porter le nom et les armes, et que ce nous soit une gloire d'être sorti d'un sang noble, lorsque nous vivons en infâmes? Non, non, la naissance n'est rien où la vertu n'est pas. Aussi, nous n'avons part à la gloire de nos ancêtres qu'autant que nous nous efforçons de leur ressembler; et cet éclat de leurs actions qu'ils répandent sur nous, nous impose un engagement de leur faire le même honneur, de suivre les pas qu'ils nous tracent, et de ne point dégénérer de leur vertu, si nous voulons être estimés leurs véritables descendans. Ainsi, vous descendez en vain des aïeux dont vous êtes né; ils vous désavouent pour leur sang, et tout ce qu'ils ont fait d'illustre ne vous donne aucun avantage; au contraire, l'éclat n'en rejaillit sur vous qu'à votre déshonneur, et leur gloire est un flambeau qui éclaire aux yeux d'un chacun la honte de vos actions. Apprenez enfin,

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qu'un gentilhomme qui vit mal est un monstre dans la nature; que la vertu est le premier titre de noblesse; que je regarde bien moins au nom qu'on signe, qu'aux actions qu'on fait; et que je ferois plus d'état du fils d'un crocheteur, qui seroit honnête homme, que du fils d'un monarque, qui vivroit

comme vous.

D. JUAN.

Monsieur, si vous étiez assis, vous en seriez mieux pour parler.

D. LOUIS.

Non, insolent, je ne veux point m'asseoir, ni parler davantage, et je vois bien que toutes mes paroles ne font rien sur ton âme; mais sache, fils indigne, que la tendresse paternelle est poussée à bout par tes actions, que je saurai, plus tôt que tu ne penses, mettre une borne à tes déréglemens, prévenir sur toi le courroux du ciel, et laver, par ta punition, la honte de t'avoir fait naître.

SCÈNE VII.

DON JUAN, SGANARELLE.

D. JUAN, adressant encore la parole à son père, quoiqu'il soit sorti EH! mourez le plus tôt que vous pourrez, c'est le mieux que vous puissiez faire. Il faut que chacun ait son tour, et j'enrage de voir des pères qui vivent autant que leurs fils. (Il se met dans un fauteuil. )

SGANARELLE.

Ah, monsieur! vous avez tort.

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