Images de page
PDF
ePub

ACTE II.

SCÈNE I.

ALCESTE, CÉLIMÈNE.

ALCESTE.

MADAME, Voulez-vous que je vous parle net?
De vos façons d'agir je suis mal satisfait;

1

Contre elles dans mon cœur trop de bile s'assemble,
Et je sens qu'il faudra que nous rompions ensemble ;
Oui, je vous tromperois de parler autrement,
Tôt ou tard nous romprons indubitablement,
Et je vous promettrois mille fois le contraire,
Que je ne serois pas en pouvoir de le faire.
CÉLIMÈNE.

C'est pour me quereller donc, à ce que je voi,
Que vous avez voulu me ramener chez moi?

ALCESTE.

Je ne querelle point. Mais votre humeur, madame,
Ouvre au premier venu trop d'accès dans votre âme;
Vous avez trop d'amans qu'on voit vous obséder,
Et mon cœur de cela ne peut s'accommoder.
CELIMÈNE.

Des amans que je fais me rendez-vous coupable?
Puis-je empêcher les gens de me trouver aimable?

Et lorsque, pour me voir, ils font de doux efforts,
Dois-je prendre un bâton pour les mettre dehors?

ALCESTE.

Non, ce n'est pas, madame, un bâton qu'il faut prendre;
Mais un cœur à leurs vœux moins facile et moins tendre.
Je sais que vos appas vous suivent en tous lieux;
Mais votre accueil retient ceux qu'attirent vos yeux;
Et sa douceur offerte à qui vous rend les armes,
Achève sur les cœurs l'ouvrage de vos charmes.
Le trop riant espoir que vous leur présentez
Attache autour de vous leurs assiduités;
Et votre complaisance un peu moins étendue,
De tant de soupirans chasseroit la cohue.
Mais au moins dites-moi, madame, par quel sort
Votre Clitandre a l'heur de vous plaire si fort;
Sur quel fonds de mérite et de vertu sublime,
Appuyez-vous, en lui, l'honneur de yotre estime?
Est-ce par l'ongle long qu'il porte au petit doigt,
Qu'il s'est acquis chez vous l'estime où l'on le voit?
Vous êtes-vous rendue, avec tout le beau monde,
Au mérite éclatant de sa perruque blonde?
Sont-ce ses grands canons qui vous le font aimer?
L'amas de ses rubans a-t-il su vous charmer?
Est-ce par les appas de sa vaste reingrave,
Qu'il a gagné votre âme en faisant votre esclave?
Ou sa façon de rire, et son ton de fausset,
Ont-ils de vous toucher su trouver le secret?
CÉLIMÈNE.

Qu'injustement de lui vous prenez de l'ombrage!
Ne savez-vous pas bien pourquoi je le ménage?

6

[ocr errors]

Et que

Il

dans mon procès, ainsi qu'il m'a promis, peut intéresser tout ce qu'il a d'amis?

ALCESTE.

Perdez votre procès, madame, avec constance,
Et ne ménagez point un rival qui m'offense.

CÉLIMÈNE.

Mais de tout l'univers vous devenez jaloux.

ALCESTE.

C'est que tout l'univers est bien reçu de vous.
CÉLIMÈNE.

C'est ce qui doit rasseoir votre âme effarouchée,
Puisque ma complaisance est sur tous épanchée;
Et vous auriez plus lieu de vous en offenser,
Si vous me la voyiez sur un seul ramasser.

ALCESTE.

Mais moi, que vous blâmez de trop de jalousie, Qu'ai-je de plus qu'eux tous, madame, je vous prie? CÉLIMÈNE.

Le bonheur de savoir que vous êtes aimé.

[ocr errors][merged small]

Et quel lieu de le croire, à mon cœur enflammé ?:

CÉLIMÈNE.

Je pense qu'ayant pris le soin de vous le dire,"
Un aveu de la sorte a de quoi vous suffire.

ALCESTE.

Mais qui m'assurera que, dans le même instant, Vous n'en disiez, peut-être, aux autres tout autant?

CÉLIMÈNE.

Certes, pour un amant la fleurette est mignonne, Et vous me traitez là de gentille personne.

Eh bien! pour vous ôter d'un semblable souci,
De tout ce que j'ai dit, je me dédis ici;

Et rien ne sauroit plus vous tromper que vous-même:
Soyez content.

ALCESTE.

Morbleu, faut-il que je vous aime!

[ocr errors]

Ah! que si de vos mains je rattrape mon cœur,
Je bénirai le ciel de ce rare bonheur !

Je ne le cèle pas, je fais tout mon possible
A rompre de ce cœur l'attachement terrible;
Mais mes plus grands efforts n'ont rien fait jusqu'ici,
Et c'est pour mes péchés que je vous aime ainsi.
CÉLIMÈNE.

Il est vrai, votre ardeur est pour moi sans seconde.

ALCESTE.

Oui, je puis là-dessus défier tout le monde.
Mon amour ne se peut concevoir, et jamais
Personne n'a, madame, aimé comme je fais.
CÉLIMÈNE.

En effet, la méthode en est toute nouvelle,
Car vous aimez les gens pour leur faire querelle;
Ce n'est qu'en mots fâcheux qu'éclate votre ardeur,
Et l'on n'a vu jamais un amant si grondeur.

ALCESTE.

Mais il ne tient qu'à vous que son chagrin ne passe. A tous nos démêlés coupons chemin, de grâce; Parlons à cœur ouvert, et voyons d'arrêter....

SCÈNE II.

CÉLIMÈNE, ALCESTE, BASQUE

CÉLIMÈNE.

QU'EST-CE?

BASQUE.

Acaste est là-bas.

CÉLIMÈNE.

Eh bien, faites monter.

SCÈNE III.

CÉLIMÈNE, ALCESTE.

ALCESTE.

Quoi! l'on ne peut jamais vous parler tête à tête? A recevoir le monde, on vous voit toujours prête? Et vous ne pouvez pas, un seul moment de tous, Vous résoudre à souffrir de n'être pas chez vous? CÉLIMÈNE.

Voulez-vous qu'avec lui je me fasse une affaire?

ALCESTE.

Vous avez des égards qui ne sauroient me plaire.
CÉLIMÈNE.

C'est un homme à jamais ne me le pardonner,
S'il savoit que sa vue eût pu m'importuner.

ALCESTE.

Et que vous fait cela, pour vous gêner de sorte....

CÉLIMÈNE.

Mon Dieu, de ses pareils la bienveillance importe;

« PrécédentContinuer »