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SCÈNE III.

16 Il y a dans cette scène admirable un à parte de dix vers; mais, malgré sa longueur, il est plus supportable, et même plus dans la nature que ceux de nos pièces modernes, quelque courts qu'ils soient. Dans l'explication violente qu'ont ensemble le Misanthrope et Célimène, cette dernière essaie d'en imposer à son amant, en convenant de tout avec lui, et en lui donnant son congé. Elle s'avance donc sur le théâtre, en attendant l'effet que doit produire l'art qu'elle vient d'employer; et Alceste, épouvanté de l'ordre qu'on vient de lui donner de se retirer, débite les dix vers en question, que Célimène peut ne point vouloir entendre, parce qu'il faut qu'elle laisse, à l'agitation où il est, le temps de se calmer pour revenir comme il fait à des sentimens plus doux. Il est difficile de surprendre Molière dans une faute qui blesse la raison et les règles de son art.

M. Le Sage, dans son Turcaret, fait employer à sa coquette le même art et la même impudence de Célimène, dans sa manière de se justifier. Ce qui différencie cette scène moderne de son original, c'est le ridicule excessif du personnage de Turcaret.

ACTE V.

SCÈNE IV.

17 Il n'y avoit que Molière qui pût risquer avec succès le retour d'Arsinoé chez Célimène, après la scène d'aigreur qu'elles avoient eue; c'est la charité qui ramène cette prude: elle ne reparoît, dit-elle, que pour voir son amie se justifier du crime dont Acaste et Clitandre, qu'elle vient de rencontrer, prétendent la convaincre. De pareils moyens, lorsqu'ils sont trouvés, paroissent naturels et faciles; ils sont l'effort secret de l'art et du génie.

18 Notre grand flandrin de vicomte.... depuis que je l'ai ·

vu, trois quarts d'heure durant, cracher dans un puits pour faire des ronds. Ce trait comique que Molière devoit, à coup sûr, à son coup d'œil contemplateur, avoit déplu à Madame, à laquelle il avoit été lire son ouvrage. Elle regardoit cet endroit comme une tache, et en demanda le sacrifice; Molière osa le refuser: il étoit attaché à la cour, mais il n'en fut jamais l'esclave.

SCÈNE VII.

19 Pour trouver tout en moi, comme moi tout en vous. Dufresny auroit-il voulu parodier ce vers médiocre dans sa comédie, quelquefois plaisante, mais peu naturelle du Dédit, scène VIII?

Tout en vous étant beau, tout en moi vous aimant,
Tout en moi tout en vous par un rapport charmant,
Tout en vous tout en moi demande mariage.

Il semble au premier coup d'œil, et c'est une observation qui nous a été communiquée par un homme de l'art, que le 1 acte du Misanthrope est, comme on dit en termes du métier, un enfant perdu, et qu'il pourroit être séparé de la pièce sans que la marche de l'action en fût retardée : ce qui seroit un défaut considérable.

Cette opinion est fondée principalement sur ce qu'Alceste sort au second acte pour se rendre à l'assignation qu'il a reçue de la part de messieurs les maréchaux, et que le Ive acte commence par le récit du raccommodement qui a été ordonné à ce tribunal; mais si l'on fait attention que c'est dans ce 111 acte que la prude Arsinoé cherche à détacher le Misanthrope de Célimène, et que, sur le refus qu'il fait de la croire sur sa parole, elle doit lui donner dans l'entr'acte des preuves convaincantes de l'infidélité de sa maîtresse, ce qui produit les scènes principales et brillantes

du ive acte; on conviendra que ce 1e acte ne seroit pas si facile à supprimer qu'on le croit.

C'est d'ailleurs dans ce 111o acte que la vraie fatuité françoise et la pruderie sont peintes avec des couleurs si fortes et si vraies, que ce seul mérite rend cet acte aussi précieux au théâtre que les autres.

Le sieur Riccoboni, dans son Traité de la Réformation du théâtre, fait grâce au Misanthrope, et voici ses raisons:

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<< La coquetterie de Célimène est punie par la honte et « par l'abandon de ses amans: le Misanthrope, de son « côté, a sa bonne part de la punition que méritoit son imprudence de s'être attaché à Célimène par prédilection, « lui qui haïssoit tout le genre humain; voilà, à ce que je crois, la correction et l'instruction que l'on doit cher<«< cher dans une fable dramatique..... et je crois que la «< comédie du Misanthrope mérite d'être conservée, et « qu'elle est très digne d'être admise au théâtre. »

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Le projet de jouer la vertu n'avoit donc point frappé cet acteur étranger, si versé dans son art et si rigoureux du côté des mœurs. Pourquoi donc avoir été rechercher dans les écrits du célèbre archevêque de Cambrai, la seule erreur de goût qui s'y trouve peut-être, et que son état fait excuser chez lui?

En 1745, Louise Bergalli, Vénitienne, et de l'Académie des Arcades, fit une comédie intitulée la Misanthrope, imitée, dit-elle, de Molière; il faut redouter de se prévenir; mais une imitation d'un des chefs-d'œuvre de notre auteur, est une tâche bien forte pour une femme. La misanthropie, d'ailleurs, est moins le ridicule de son sexe que du nôtre.

FIN DU TROISIÈME VOLUME.

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LES FÊTES DE VERSAILLES, OU LES PLAISIRS DE
L'ILE ENCHANTÉE. (1664)

Avertissement de l'éditeur sur LE MARIAGE FORCÉ....
LE MARIAGE FORCÉ.

Avertissement

LE MARIAGE FORCÉ, ballet du roi.....

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Observations de l'éditeur sur LE MARIAGE FORCÉ.... 181

Avertissement de l'éditeur sur LE FESTIN DE PIERRE.. 187 DON JUAN, OU LE FESTIN DE PIERRE...

195

Avertissement de l'éditeur sur L'AMOUR MÉDECIN.... 293 PROLOGUE..

304

L'AMOUR MÉDECIN..

305

Observations de l'éditeur sur L'AMOUR MÉDECIN..... 348

Avertissement de l'éditeur sur LE MISANTHROPE....... 353 LE MISANTHROPE......

367

Remarques grammaticales sur LE MISANTHROPE..... .... 457 Observations de l'éditeur sur LE MISANTHROPE..

FIN DE LA TABLE.

......

460

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