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d'airain, de commencer ces vers à la louange de la reine, adressés à Apollon, représenté par le sieur La Grange.

LE SIÈCLE D'AIRAIN, à Apollon.

BRILLANT père du jour, toi, de qui la puissance,
Par ses divers aspects, nous donna la naissance,
Toi, l'espoir de la terre, et l'ornement des cieux,
Toi, le plus nécessaire et le plus beau des dieux,
Toi, dont l'activité, dont la bonté suprême

Se fait voir et sentir en tous lieux par soi-même,
Dis-nous par quel destin, ou par quel nouveau choix,
Tu célèbres tes jeux aux rivages françois.

APOLLON..

Si ces lieux fortunés ont tout ce qu'eut la Grèce
De gloire, de valeur, de mérite et d'adresse,
Ce n'est pas sans raison qu'on y voit transférés
Ces jeux qu'à mon honneur la terre a consacrés.

J'ai toujours pris plaisir à verser sur la France
De mes plus doux rayons la bénigne influence;
Mais le charmant objet qu'hymen y fait régner,
Pour elle maintenant me fait tout dédaigner.

Depuis un si long temps que pour le bien du monde
Je fais l'immense tour de la terre et de l'onde,
Jamais je n'ai rien vú si digne de mes feux,
Jamais un sang si noble, un cœur si généreux,
Jamais tant de lumière avec tant d'innocence,
Jamais tant de jeunesse avec tant de prudence,
Jamais tant de grandeur avec tant de bonté,
Jamais tant de sagesse avec tant de beauté.

Mille climats divers qu'on vit sous la puissance
De tous les demi-dieux dont elle prit naissance,
Cédant à son mérite autant qu'à leur devoir,

Se trouveront un jour unis sous son pouvoir.

Ce qu'eurent de grandeur et la France et l'Espagne,
Les droits de Charles-Quint, les droits de Charlemagne,
En elle avec leur sang heureusement transmis,

Rendront tout l'univers à son trône soumis.
Mais un titre plus grand, un plus noble partage
Qui l'élève plus haut, qui lui plaît davantage

Un nom qui tient en soi les plus grands noms unis,
C'est le nom glorieux d'épouse de Louis.

LE SIÈCLE D'ARGENT.

Quel destin fait briller, avec tant d'injustice,
Dans le siècle de fer, un astre si propice?

LE SIECLE D'OR.

Ah! ne murmure point contre l'ordre des dieux.
Loin de s'enorgueillir d'un don si précieux,
Ce Siècle, qui du ciel a mérité la haine,
En devroit augurer sa ruine prochaine,
Et voir qu'une vertu qu'il ne peut suborner,
Vient moins pour l'ennoblir que pour

l'exterminer.
Sitôt qu'elle paroît dans cette heureuse terre,
Vois comme elle en bannit les fureurs de la guerre;
Comme, depuis ce jour, d'infatigables mains
Travaillent sans relâche au bonheur des humains;
Par quels secrets ressorts un héros se prépare
A chasser les horreurs d'un siècle si barbare,
Et me faire revivre avec tous les plaisirs
Qui peuvent contenter les innocens désirs.

LE SIÈCLE DE FER.

Je sais quels ennemis ont entrepris ma perte;
Leurs desseins sont connus, leur trame est découverte ;
Mais mon cœur n'en est pas à tel point abattu....

APOLLO N.

Contre tant de grandeur, contre tant de vertu,
Tous les monstres d'enfer, unis pour tà défense,
Ne feroient qu'une foible et vaine résistance.
L'univers opprimé de ton joug rigoureux,
Va goûter, par ta fuite, un destin plus heureux.
Il est temps de céder à la loi souveraine
Que t'imposent les vœux de cette auguste reine :
Il est temps de céder aux travaux glorieux
D'un roi favorisé de la terre et des cieux.
Mais ici trop long-temps ce différend m'arrête;
A de plus doux combats cette lice s'apprête;
Allons la faire ouvrir, et ployons des lauriers
Pour couronner le front de nos fameux guerriers.

Tous ces récits achèvés, la course de bague commença, en laquelle, après que le roi eut fait admirer l'adresse et la grâce qu'il a en cet exercice, comme en tous les autres, et après plusieurs belles courses de tous les chevaliers, le duc de Guise, les marquis de Soyecourt et de La Vallière demeurèrent à la dispute, dont ce dernier emporta le prix, qui fut une épée d'or enrichie de diamans, avec des boucles de baudrier de grande valeur, que donna la reine mère, et dont elle l'honora de sa main.

La nuit vint cependant à la fin des courses, par la justesse qu'on avoit eue à les commencer; et un nombre infini de lumières ayant éclairé tout ce beau lieu, l'on vit entrer dans la même place trente-quatre concertans fort bien vêtus, qui devoient précéder les Saisons, et faisoient le plus agréable concert du monde.

Pendant que les Saisons se chargeoient de mets délicieux, qu'elles devoient porter, pour servir devant leurs majestés la magnifique collation qui étoit préparée, les douze Signes du zodiaque et les quatre Saisons dansèrent dans le rond une des plus belles entrées de ballet qu'on eût encore vues. Le Printemps parut ensuite sur un cheval d'Espagne, représenté par mademoiselle Du Parc, qui, avec le sexe et les avantages d'une femme, faisoit voir l'adresse d'un homme. Son habit étoit vert, en broderie d'argent et en fleurs au naturel.

L'Été le suivoit, représenté par le sieur Du Parc, sur un éléphant couvert d'une riche housse.

L'Automne, aussi avantageusement vêtu, représenté par le sieur La Thorillière, venoit après, monté sur un chameau. L'Hiver, représenté par le sieur Béjart, suivoit sur un

ours.

Leur suite étoit composée de quarante-huit personnes, qui portoient sur leur tête de grands bassins pour la collation.

Les douze premiers, couverts de fleurs, portoient,

comme des jardiniers, des corbeilles peintes de vert et d'argent, garnies d'un grand nombre de porcelaines, si remplies de confitures et d'autres choses délicieuses de la saison, qu'ils étoient courbés sous cet agréable faix.

Douze autres, comme moissonneurs, vêtus d'habits conformes à cette profession, mais fort riches, portoient des bassins de cette couleur incarnate qu'on remarque au soleil levant, et suivoient l'Été.

Douze, vêtus en vendangeurs, étoient couverts de feuilles de vigne, et de grappes de raisins, et portoient dans des paniers feuille-morte, remplis de petits bassins de cette même couleur, divers autres fruits et confitures, à la suite de l'Automne.

Les douze derniers étoient des vieillards gelés, dont les fourrures et la démarche marquoient la froidure et la foiblesse, portant dans des bassins couverts d'une glace et d'une neige, si bien contrefaites, qu'on les eût prises pour la chose même, ce qu'ils devoient contribuer à la collation, et suivoient l'Hiver.

Quatorze concertans de Pan et de Diane précédoient ces deux divinités, avec une agréable harmonie de flûtes et de

musettės.

Elles venoient ensuite sur une machine fort ingénieuse, en forme d'une petite montagne ou roche ombragée de plusieurs arbres; mais ce qui étoit plus surprenant, c'est qu'on la voyoit portée en l'air, sans que l'artifice qui la faisoit mouvoir se pût découvrir à la vue.

Vingt autres personnes les suivoient, portant des viandes de la ménagerie de Pan et de la chasse de Diane.

Dix-huit pages du roi, fort richement vêtus, qui devoient servir les dames à table, faisoient les derniers de cette troupe; laquelle étant rangée, Pan, Diane et les Saisons se présentant devant la reine, le Printemps lui adressa le premier ces vers :

*LE PRINTEMPS, A LA REINE.

ENTRE toutes les fleurs nouvellement écloses

Dont mes jardins sont embellis,

Méprisant les jasmins, les œillets et les roses,
Pour payer mon tribut j'ai fait choix de ces lis
Què dès vos premiers ans vous avez tant chéris.
Louis les fait briller du couchant à l'aurore,
Tout l'univers charmé les respecte et les craint;
Mais leur règne est plus doux et plus puissant encore,
Quand ils brillent sur votre teint.

L'ÉTÉ.

Surpris un peu trop promptement, J'apporte à cette fête un léger ornement :

Mais avant que ma saison passe,

Je ferai faire à vos guerriers
Dans les campagnes de la Thrace
Une ample moissons de lauriers.

L'AUTOMNE.

Le Printemps, orgueilleux de la beauté des fleurs
Qui lui tombèrent en partage,

Prétend de cette fête avoir tout l'avantage,

Et nous croit obscurcir par ses vives couleurs ;
Mais vous vous souviendrez, princesse sans seconde,
De ce fruit précieux qu'a produit ma saison,
Et qui croît dans votre maison,

Pour faire quelque jour les délices du monde.

L'HIVER.

La neige, les glaçons que j'apporte en ces lieux,
Sont les mets les moins précieux;

Mais ils sont des plus nécessaires
Dans une fête où mille objets charmans,

De leurs œillades meurtrières,

Font naître tant d'embrasemens.

DIANE.

Nos bois, nos rochers, nos montagnes,

Tous nos chasseurs, et mes compagnes

Qui m'ont toujours rendu des honneurs souverains,

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