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toujours, à la grande famille des empereurs de Russie. Croyez, messieurs, que je suis animé des meilleures intentions; mais c'est à vous de me faciliter ma tâche, et je vous le répète, messieurs, point de rêveries, point de rêveries!

Quant à vous, messieurs les sénateurs, laissez-vous diriger par mon lieutenant ici présent, par le prince Gortschakoff; et vous, messieurs les évêques, ne perdez jamais de vue que la base de toute bonne morale est la religion, et il est de votre devoir d'inculquer aux Polonais que leur bonheur dépend uniquement de leur entière fusion avec la sainte Russie.

Discours d'Alexandre II, prononcé à Varsovie le 15/27 mai 1856, devant la députation de la noblesse polonaise, qui avait organisé le bal donné le 14/26 mai.

Je suis bien aise, messieurs, de vous dire que j'ai été très-satisfaitde me trouver au milieu de vous. Le bal d'hier était un très-beau bal; jamais il ne sortira de ma mémoire: je vous en remercie.

Je suis certain qu'on vous a répété les paroles que j'ai adressées aux députés de la noblesse quand je les ai reçus, il y a cinq jours de cela. Soyez, messieurs, dans la réalité, soyez unis à la Russie, et abandonnez toutes les rêveries d'indépendance, impossibles désormais à réaliser et à maintenir.

Aujourd'hui je vous le répète de nouveau: ma conviction est que le bien de la Pologne, que son propre salut, exigent qu'elle reste unie, pour toujours, et par une entière fusion, à la glorieuse dynastie des empereurs russes; qu'elle forme une partie intégrale de la grande famille de l'empire de toutes les Russies. En conservant à la Pologne ses droits et ses institutions telles que les lui a données mon père, j'ai la volonté inébranlable de faire du bien et de favoriser la prospérité du pays. Je veux lui garantir tout ce qui peut lui être utile et tout ce que mon père lui a promis et accordé : je ne les changerai en rien; tout ce que mon père a fait est bien fait. Mon règne sera la continuation du sien; mais il dépend de vous, messieurs, de me rendre cette tâche possible; vous devez faciliter mon œuvre. Vous seuls serez responsables, si mes intentions devaient échouer devant de chimériques résistances.

Pour vous prouver que j'ai pensé à apporter des adoucissements, je vous préviens que je viens de signer l'acte d'amnistie; je permets à tous les émigrés qui le demanderont, leur retour en Pologne. Ils seront certains qu'on les laissera en repos. Leurs droits civils leur seront rendus et on ne les traduira pas devant des comités d'enquête. Je n'ai fait qu'une seule exception: j'ai exclu les anciens incorrigibles et ceux qui, dans les dernières années, n'ont cessé de conspirer ou de combattre contre nous.

Tous ceux qui reviendront pourront même, après trois années de repentir et de bonne conduite, se rendre utiles en rentrant au service de l'État. Mais avant tout, messieurs, agissez de façon à ce que le bien projeté devienne possible, et à ce que je ne me voie pas réduit à la nécessité de brider et de punir; car, si malheureusement cela devenait nécessaire, j'en aurai la volonté tout comme la force que jamais donc je ne sois forcé de le faire.

(Ici, en se tournant vers un des maréchaux de la noblesse, Jean Jezierski, qui semblait avoir l'intention de parler, l'empereur continua.)

M'avez-vous compris? J'aime mieux être à même de pouvoir récompenser que de punir. Il m'est beaucoup plus agréable, ainsi que c'est le cas aujourd'hui, de dispenser des éloges, de donner des espérances et de provoquer la reconnaissance. Mais, sachez aussi, et tenez-le pour dit, messieurs, que quand cela sera nécessaire, je saurai réprimer et punir, et on verra que je punirai sévèrement.

Adieu, messieurs!

Acte d'amnistie conditionnelle accordée aux Polonais, par l'empereur Alexandre II.

Varsovie, le 15/27 mai 1856 '. Nous, par la grâce de Dieu, Alexandre II Nicolaëvitsch, empereur et autocrate de toutes les Russies, roi de Pologne, grandduc de Finlande, etc.,

Les nombreuses demandes adressées par des personnes qui ont quitté le royaume de Pologne de leur propre mouvement,

1. Archives de Russie.

pour obtenir l'autorisation d'y rentrer, et les témoignages de repentir de leur égarement momentané et de leur disposition à se soumettre à la volonté de notre gouvernement, prouvent qu'un grand nombre de réfugiés, et surtout ceux qui ont quitté le pays après l'insurrection, n'hésitent à présenter de pareilles demandes qu'à cause de l'incertitude de leur sort futur en Po-. logne.

Nous livrons donc à l'oubli leurs erreurs passées, et nous autorisons nos ambassadeurs près des Cours étrangères à recevoir les demandes d'autorisation de revenir de ceux qui montrent un repentir sincère, pour les soumettre, par notre lieutenant, à notre décision définitive, et nous ordonnons

1 D'exempter tous ceux qui obtiendront cette autorisation de retour dans le royaume de Pologne, de toute enquête sur le passé et de toute poursuite judiciaire sous le rapport politique;

2De leur rendre à tous la jouissance de leurs droits civils, è partir du moment où ils auront renouvelé le serment de foi e d'hommage; azlog #7 efy TL 27,90

3° De reconnaître à ceux dont la conduite, du moment de leur retour, aura été irréprochable durant trois ans, le droit d'entrer selon leur capacité, dans les emplois civils, afin qu'il leur scit. fourni l'occasion de se rendre utiles et de donner en même temps une preuve de la sincérité de leurs bons sentiments.

1

Cette grâce, que nous accordons à ceux qui montreront un repentir sincère, ne s'étend cependant pas à ces réfugiés qui, par leur conduite, font preuve d'une haine constante contre notre gouvernement. Alexandre.

Par l'Empereur et Roi, le ministre secrétaire d'État,
Ignace Turkull.

Déclaration russe expliquant la manière dont doit être compris et appliqué l'acte d'amnistie du 12/27 mai 1856 signé à Varsovie.

Varsovie, le 16/28 mai 1856 1.

S. M. l'Empereur et Roi, désirant prouver sa clémence naturelle à ceur qui, après avoir quitté illégalement le royaume de Pologne ou les goubernies occidentales de l'empire, regrettent maintenant leur faute et voudraient revenir dans leurs pays; voulant en même temps leur prouver que leurs

1. Sources précédentes.

délits antérieurs sont oubliés, il daigne autoriser ses missions à l'étranger à recevoir leurs pétitions pour obtenir un permis de retour. L'autorisation de rentrer sera aussitôt accordée aux pétitionnaires; ils ne seront plus sujets à aucune investigation ultérieure ni à aucune responsabilité devant les tribunaux. Bien au contraire, ils rentreront tous, à partir du moment de ce retour, dans l'exercice de leurs droits civils et de ceux de leur état, et après trois années d'une conduite irréprochable ils pourront être admis au service public, et seront à même de devenir utiles au pays et de donner des preuves de la sincérité de leurs sentiments.

Sont exceptés de cette grâce de Sa Majesté Impériale Royale ceux d'entre les émigrés qui, par leurs procédés, ont prouvé ou ne cessent de prouver leur haine incorrigible contre le gouvernement impérial.

Note diplomatique du prince Alexandre Gortschakoff, ministre des affaires étrangères, adressée aux ambassades russes à l'étranger, sur la portée de l'acte d'amnistie du 15/27 mai 1856, signé à Varsovie.

Varsovie, le 16/28 mai 1856'.

Monsieur, revenus de leurs erreurs, beaucoup de réfugiés polonais se montrent animés du désir de rentrer dans leur patrie; mais, dans l'incertitude du sort qui leur est réservé, ils hésitent à en solliciter la faveur.'

L'empereur, notre auguste maître ne veut pas repousser les dispositions dictées par un sentiment qui, pour être tardif, n'en constitue pas moins un titre à sa clémence.

Vouant à un généreux oubli la vie passée des réfugiés longtemps égarés ou coupables, qu'ils soient originaires du royaume de Pologne ou des provinces occidentales de l'empire, Sa Majesté Impériale daigne consentir à accueillir leur soumission et, par suite, à autoriser leur retour dans leurs foyers, sans qu'ils aient à y subir une poursuite judiciaire ou une enquête quelconque. Elle permet également, qu'une fois rentrés, ils soient réintégrés dans leurs droits civils, et que ceux parmi eux qui pendant trois ans auront tenu dans leur pays une conduite irréprochable, soient admis au service de l'Etat, où ils trouveront l'occasion, en se rendant utiles, de faire preuve de la sincérité de leurs sentiments.

Sont exclus seulement de ces faveurs les réfugiés qui, par leur conduite, témoignent une hostilité incorrigible contre le gouvernement impérial.

Vous êtes autorisé, monsieur, à faire connaître cette décision souveraine aux réfugiés polonais séjournant en....., et à accueillir les recours en grâce de ceux d'entre eux qui ne seraient pas compris dans la catégorie ci-dessus indiquée.

Vous voudrez bien, monsieur, donner suite aux requêtes qui vous seront remises, conformément à la marche établie, en les faisant parvenir, pour être soumises à la haute décision de S. M. l'empereur, aux autorités compétentes de l'empire ou du royaume de Pologne, selon la provenance des pétitionnaires. A. Gortschakoff.

1. Sources précédentes.

Déclaration-protestation du parti démocratique de l'émigration polonaise, contre l'acte d'amnistie d'Alexandre II, signé à Varsovie le 15/27 mai 1856.

Paris, le 6 juin 1856'.

Une amnistie vient d'être accordée par le tzar Alexandre II aux émigrés polonais qui témoigneraient leur repentir et leur soumission au gouvernement russe.

Les émigrés polonais soussignés se font un devoir de protester publiquement contre cette amnistie. L'émigration polonaise n'a pas d'amnistie à recevoir, elle n'a rien à se reprocher, rien à regretter; elle a juré de perséverer dans le rôle qu'elle a accepté, en se vouant elle-même à l'exil.

La Pologne s'est insurgée en 1830 pour reconquérir son intégrité et son indépendance. Lorsque l'insurrection a été étouffée dans le sang, l'élite de la nation, toutes les autorités civiles et militaires, ont quitté le sol envahi par l'étranger; plusieurs milliers de Polonais sont sortis de leur pays pour demander justice au monde, et protester contre la violation des droits imprescriptibles de leur patrie; ils ont emporté dans l'exil l'obligation de perpétuer la lutte à outrance que la Pologne soutient depuis un siècle contre ses spoliateurs. A plusieurs reprises, l'émigration polonaise a vu grossir ses rangs par de nouveaux émigrés, parce qu'elle est la représentation vivante de la patrie eschaînée, parce qu'elle remplit un devoir sacré devant Dieu et devant les hommes.

Les émigrés polonais déclarent, en conséquence, à la face de leur patrie et du monde civilisé, qu'ils rejettent l'amnistie du tzar Alexandre II, aussi bien que toute autre qui pourrait leur être offerte par l'un des trois oppresseurs de la patrie, et qu'ils ne rentreront sur le sol natal que lorsqu'ils pourront en expulser l'étranger; que lorsque la Pologne sera libre et indépendante.

Ils déclarent qu'ils ont une foi invincible dans la résurrection de leur patrie, et, dussent-ils succomber sur la terre d'exil, ils attendront l'heure suprême comme des victimes, dont les cendres peuvent faire germer toute une génération de vengeurs.

(Suivent les signatures.)

Déclaration-protestation du parti monarchique de l'émigration polonaise, contre l'acte d'amnistie d'Alexandre II.

Paris, le 9 juin 18562.

Un acte récent du gouvernement russe, reproduit par la circulaire du ministre des affaires étrangères du 15/27 mai dernier, proclame la clémence de l'empereur Alexandre II à l'égard des émigrés polonais, et permet la libre entrée dans leur patrie à ceux d'entre eux qui, se repentant de leurs erreurs passées, en feraient la demande. Cet acte est parvenu à notre connaissance, en même temps que les discours que l'empereur vient de prononcer à Varsovie. La portée réelle de ces documents est appréciable pour chacun de nous; aussi, sans intention d'influer sur les résolutions individuelles, ni de peser en aucune manière sur les consciences de nos frères d'exil, nous soussignés, avens voulu seulement, par une déclaration publique, faire connaître aux gouverne1. Archives de l'émigration, et Chodzko, Ann. polon. Ms. (1816.)

2. Sources précédentes.

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