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L

ES CHEMINS DE FER
LEUR NAISSANCE

Déjà, en 1769, la voiture à vapeur de Cugnot présentait de réels avantages. Elle avait de la force, car, « par mégarde, elle renversa un mur », mais elle manquait de constance; tous les quarts d'heure, elle devait s'arrêter; elle manquait aussi d'équilibre, car elle tomba sur le côté vers l'emplacement actuel de la Madeleine; elle avait des virages incertains et, considérée comme dangereuse, elle fut enfermée à l'Arsenal.

Le rail a précédé la locomotive. Le chemin à rails, fils du chemin à ornière, était fort en usage en Angleterre pendant le dix-huitième siècle. Pour le transport du charbon autour des puits de mines, on eut d'abord recours aux chemins de bois. Quand on passa du bois au fer, on ne découvrit pas du premier coup l'art d'assembler les rails; Stephenson trouva le précieux système du joint à recouvrement.

Sur ces rails, le moteur fut d'abord le cheval, puis on y adjoignit la voile et l'on eut des trains à voile. On se préoccupa vite d'y adapter la machine. En 1813, on essaya une sorte de locomotive à jambes appelée « le voyageur mécanique ». On établit aussi des machines fixes, placées à l'extrémité du trajet et qui tiraient les wagons au moyen d'un câble. Non sans peine, Stephenson fit triompher le principe de la locomotive.

Le 27 septembre 1825 fut inaugurée la première ligne ferrée de Stockton à Darlington. Le premier train se composait de 17 wagons chargés de houille et de farine et de wagons à voyageurs, 38 véhicules en tout : « A un signal donné, raconte un journal de l'époque, la machine se mit en route avec cet immense convoi de voitures et sa vitesse était telle qu'en certains endroits elle accomplit douze milles (près de vingt kilomètres) à l'heure. A Stockton, l'arrivée excita une profonde admiration »>.

En fait, pour ne pas épouvanter le Parlement anglais, il fallut ne pas envisager de vitesse supérieure à 13 ou 15 kilomètres, « la plus grande que l'on puisse risquer avec sécurité ».

Parmi les objections innombrables faites au chemin de fer, citons celle présentée par Arago. Il fit observer à la Chambre que les tunnels offraient un grand danger : les voyageurs seraient forcément exposés à des températures très différentes et à des écarts pouvant amener des «< conséquences fatales » (1).

En France, sous l'influence de Marc Séguin, l'inventeur du foyer tubulaire, le premier chemin de fer véritable fit son apparition entre Lyon et Saint-Etienne (1832). (Voir ci-dessus fig. 77, p. 154.) Un peu plus tard, on inaugura la ligne Beaucaire

(1) Note d'HENRI DE VARIGNY dans le Journal des Débats, 20 juillet 1922.

Alais. Puis Flachat construisit le chemin de fer de Paris à Saint-Germain. Le public prit goût pour ces « vitesses folles» de vingt-trois kilomètres à l'heure. Simultanément on inaugura les lignes : Paris-Versailles et Montauban-Cette. En Angleterre, les chemins de fer débutèrent dans les pays miniers; en France, les houillères du Nord furent parmi les dernières zones desservies.

On ne se doute guère aujourd'hui de tous les efforts faits et de toutes les difficultés qu'il a fallu vaincre pour réaliser l'œuvre considérable des réseaux de voies ferrées. D'abord on se heurta à l'opposition opiniâtre des intéressés : les voituriers, les éclusiers, les mariniers, les maîtres de poste, les rouliers, les aubergistes de grandes routes, protestèrent violemment contre cette nouvelle industrie qui compromettait les leurs. Cette irritation se traduisit même en 1848 par des émeutes, dont la plus caractéristique fut la destruction des chemins de fer près de Paris et sur la ligne de Rouen ; des bandes brûlèrent des stations et des maisons de garde (à Saint-Denis, Ermont, Herblay, etc.), détruisirent la voie et coupèrent même les ponts (1).

Il fallut encore passer outre aux objections de certains départements et de certaines villes, et surmonter la résistance des partisans convaincus de la circulation par eau.

Lors de la Révolution de 1848, la ligne de la Méditerranée, écrit Pierre de la Gorce, était ouverte jusqu'à Chalon, puis d'Avignon à Marseille : entre Chalon et Avignon s'étendait un long trajet inachevé, et il se trouvait même quelques esprits arriérés ou méfiants qui formulaient encore des doutes sur l'utilité de l'œuvre : « A quoi bon, disaient-ils, poser ces rails parallèlement à la Saône et au Rhône, et ces deux magnifiques voies fluviales n'offrent-elles pas un mode de transport suffisant pour les besoins soit du commerce, soit des voyageurs eux-mêmes (2)? »

Ainsi les lignes qui nous paraissent le plus homogènes, et qui nous semblent avoir été établies suivant un plan général déterminé au préalable, n'ont été constituées pourtant qu'au fur et à mesure, et par tronçons disjoints.

<< En 1854 et en 1855, ajoute P. de la Gorce, la longue voie de Paris à Marseille s'achève par l'ouverture successive des sections de Chalon à Lyon, de Valence à Avignon, et enfin de Lyon à Valence; un an plus tard la traversée de Lyon, de Vaise à Perrache, complète cette œuvre importante. »

Dans la région du Sud-ouest, la première ligne fut celle de Bordeaux à la Teste, inaugurée le 6 juillet 1841. La ligne qui devait relier Bordeaux à Paris ne fut longtemps exécutée que jusqu'à Tours.

La ligne Bordeaux-Cette avait été classée, par la loi du 11 juin 1842. On songea un moment à faire simplement la section Bordeaux-Agen. En amont d'Agen, le

(1) E. LAVISSE, Histoire de France contemporaine, t. VI, la Révolution de 1848, le Second Empire, par Ch. SEIGNOBOS, Hachette, 1921, p. 20.

(2) P. DE LA GORCE, Histoire du Second Empire, Paris, Plon, t. II, p. 10.

chemin de fer aurait été prolongé par le canal latéral à la Garonne alors en construction. Les Pereire constituèrent la Compagnie du Midi et ouvrirent en 1855 la première section Bordeaux-Saint-Macaire. Dès 1854, cette compagnie, ayant racheté la petite ligne de la Teste, la prolongeait jusqu'à la plage d'Arcachon et créait dans les dunes la pittoresque ville de bains de mer, premier exemple de la liaison des chemins de fer et d'une station balnéaire.

La construction du réseau ferré français fut marquée par toute une série de crises financières. Il y eut un engouement extraordinaire pour les entreprises ferroviaires qui naissaient un peu partout dans le désordre, sans plan bien arrêté. L'Etat fut obligé d'intervenir pour sauver les chemins de fer de la faillite et surtout parce que l'on avait enfin compris qu'ils devaient constituer ce que l'on appela dès alors « l'outillage national ».

On imagina le système du « déversoir », qui distinguait deux sortes de réseaux : l'ancien, dont l'Etat ne se préoccupait pas ; le nouveau, auquel l'Etat garantissait un revenu net et qui profitait en outre des bénéfices supplémentaires réalisés sur l'ancien réseau. C'était un moyen d'équilibrer la différence entre les lignes à rendement et les lignes déficitaires. C'est alors aussi que s'élabora le système ferroviaire français avec ses huit compagnies localisées géographiquement. En 1852, il y avait 3 000 kilomètres de lignes exploitées (tandis que l'Allemagne en possédait alors 8 000 kilomètres, l'Angleterre II 000 kilomètres). Le réseau achevé jusqu'aux frontières à la fin de 1856 atteignait 6 500 kilomètres. En 1870, 18 000 kilomètres étaient mis en exploitation; en 1875, 21 700 kilomètres.

L

E RÉSEAU FERRÉ A l'heure actuelle la longueur dépasse 53 000 kilomètres : la France se classe ainsi avant l'Angleterre avec 39000 et

ACTUEL

avant l'Italie 21 000 (1).

La France est le pays où les chemins de fer ont réalisé les plus beaux exploits de vitesse. Le Nord a des trains qui marchent à une vitesse de 95 kilomètres de moyenne commerciale, c'est-à-dire réalisant par moment 120 kilomètres à l'heure (notamment sur la ligne Paris-Calais). Les vitesses de nos trains dépassent de 15 à 20 pour 100 celles qui sont réalisées dans les pays voisins. Les express du P.-L.-M. qui desservent Lyon, Marseille et la Côte d'Azur marchent avec une régularité, une rapidité et selon un rythme de fréquence qu'admire sans réserve l'immense clientèle étrangère de cette ligne. Le service de luxe du « Calais-Méditerranée » permet,

(1) Voir Michel DE QUÉVANNE, Le Réseau français (Exportateur français, 20 mars 1924).

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Nous avons eu l'idée de dresser des cartes nouvelles figurant, pour tous les réseaux français, ligne par ligne, le lourd trafic marchandises, celui de petite vitesse, et nous avons ainsi classé les lignes en sept catégories de moins de 250000 tonnes à plus de 2 millions. Nous avons trouvé auprès des compagnies le plus accueillant intérêt, et grâce à l'obligeance extrême de M. PESCHAUD, secrétaire général de la Compagnie d'Orléans, P.-O., les autres compagnies ainsi que la sienne

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ont bien voulu classer toutes leurs lignes suivant l'échelle que nous avions établie. C'est d'après ces documents originaux que nous avons pu dresser les cartes des 4 figures 81 à 83, selon la même formule et à la même échelle. P.-O. et État, réseaux des régions occidentales : le trafic P. V. (année 1922 pour le P.-O. et 1923 pour l'État) est dans l'ensemble moins intense que celui des autres réseaux; aucune ligne ne dépasse 2 millions de tonnes de bout en bout; en réalité Paris-Rouen-Le Havre approche de 2 millions (1 963 000). Sur le P.-O., la grande ligne si active ParisBordeaux n'a pas un trafic d'une homogénéité continue; deux tronçons dépassent 2 millions de tonnes : l'un (de Paris à Orléans) exprime la confluence vers Paris par une seule branche de presque tout le réseau, et l'autre (d'Angoulème à Bordeaux) témoigne de l'activité attractive de Bordeaux.

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