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vœux en entrant dans ce Temple de l'Eloquence, de la Poésie, de l'Hiftoire, de la Science des mœurs, & de tous les Arts confacrés à l'instruc tion & au plaifir de l'esprit humain? Temple immortel où les talens font encouragés & récompenfés, où la grandeur elle-même, non contente d'être affociée aux talens, les partage & les embellit: où enfin la critique, toujours aussi utile que sage, les éclaire & les perfectionne. A la vue de ce lieu respectable & des noms célèbres que préfentent vos Fastes, rapproché des modeles & des fecours, mes premiers fentimens, après la reconnoissance, ne doivent-ils pas être ceux de la plus noble émulation, & tous mes regards ne s'arrêtent-ils pas nécessairement fur les exemples illuftres qui m'apprennent l'emploi du tems fur la néceffité de se rendre utile à son siècle, & sur la gloire d'apprendre à la postérité qu'on a vécu ?

Tels furent, Meffieurs, & les principes & les exemples de l'homme estimable que vous venez de perdre; toute fa vie fut appliquée, remplie, & digne de fes modèles : né avec un efprit facile & fécond, un talent heureux pour la Poésie, une ame faite pour faifir & peindre les idées elevées & les fentimens nobles, un jugement toujours maître du talent, Monfieur Danchet avoit joint à ces dons de la Nature tous les fecours de l'art,

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nérale d'une franchise refpectable, d'une probité fans nuages, & d'une conduite fans variations, que je viens rappeller votre fouvenir pour peindre tout le mérite de son âme : je n'ai nommé là que les vertus & les devoirs qu'il partageoit avec tous les véritables honnêtes gens, il n'avoit d'amis qu'eux, il ne pouvoit ressembler à d'autres; mais pour y joindre des traits plus perfonnels, un mérite dont il faut lui tenir compte, un avantage qu'il emporte dans le tombeau, c'est de n'avoir jamais déshonoré l'usage de son esprit par aucun abus de la Poéfie; caractère fi rare dans l'art dangereux qu'il cultivoit, & où le talent ne doit pas être plus estimable par les chofes mêmes qu'il produit, que par celles qu'il a le courage de se refufer. Inftruit dès fa jeuneffe, & convaincu toute fa vie que la Poéfie ne doit être que l'interprète de la vérité & de l'honneur, la langue de la fageffe & de l'amitié, & le charme de la fociété, il ne partagea ni le délire ni l'ignominie de ceux qui la profanent: au-deffus de cette lâche envie qui eft toujours une preuve humiliante d'infériorité; ennemi du genre fatyrique, dont l'art est si facile & fi bas; ennemi de l'obfcénité, dont le fuccès même eft fi honteux; inacceffible à cette aveugle licence qui ôfe attaquer le refpect dâ aux Loix, au Trône, à la Religion, audace dont tout

le mérite eft en même tems fi coupable & fi digne de mépris: incapable enfin de tout ce que doivent interdire l'espritsociable, la façon noble de penser, l'ordre, la décence & le devoir, fes Ecrits portè rent toujours l'empreinte de fon cœur.

Malgré l'opinion presque générale, il n'eft pas toujours vrai qu'on fe peigne dans fes Ouvrages. Il eft aifé d'être le panégyrifte de l'honneur, Porgane des fentimens vertueux, & l'Orateur des mœurs; mais quand on parcourt l'histoire de la Poéfie, on a quelquefois le regret de trouver les plus belles maximes en contradiction avec la vie de leurs déclamateurs, & l'élévation des préceptes dégradée par la bafsesse des exemples: telle a été la malheureuse destinée de quelques Ecrivains,qui ne prétendoient qu'à la célébrité, & qui n'ont në connu, ni mérité l'estime.

La mémoire de M. Danchet n'a rien à craindre d'un femblable reproche. La candeur, la raison & la noblesse que respirent tous les Ouvrages, font l'hiftoire de fa vie: heureux, en la perdant, d'obtenir les regrets fincères de tous ceux qui l'ont bica connu : heureux d'avoir unises talens tous les titres de l'honnête-homme & du fage, & d'avoir toujours mis avant le vain bruit de la renommée le foin de s'immortalifer dans l'eftime public. C'est votre ouvrage, Meffieurs, ce font vos

biens que je viens d'expofer à vos yeux, en parlant de fon cœur & de fes vertus. C'est par les principes invariables de cette illuftre Compagnie, qu'il avoit cultivé, enrichi, perfectionné un naturel fi heureux, & fur-tout l'efprit d'union, de déférence & de société, ce caractère fi effentiel à la République Littéraire, & dont vous donnerez toujours le modèle : caractère de nobleffe & de vérité, de force & de lumière, qui, ne connoissant ni les honteuses inquiétudes de la jaloufie, ni les intrigues de la vanité, ni le tourment de la haîne, ni la bassesse de nuire, reçoit & donne avec droiture tous les fecours de la confiance, tous les confeils du goût, tous les jugemens de l'impartialité; ne voit point un ennemi dans un concur→ rent; applaudit tout haut aux vrais fuccès, fans fe xéferver à les déprimer tout bas; & ne cherche que le bien, le progrès & l'embelliffement des Arts. Voilà, Meffieurs, l'efprit refpectable qui vous anime; voilà les loix & l'appui, ainfi que les premiers fondemens de l'Académie Françoise. En ouvrant fes annales, monumens de la vertu ainfi que de la gloire littéraire, on voit avec un fentiment de plaifir qui n'échappe point aux âmes généreufes, on voit, dis-je, que l'Amitié éclaira la naiffance de l'Académie. C'eft fur une fociété choifie de Sages, qui s'aimoient & s'inftrufoient

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