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L'ILLADE

D'HOMERE

TRADUITE EN FRANÇOIS

A VE C

DES REMARQUES

PAR MPE. DAČIER.

NOUVELLE ÉDITION,

Revue, corrigée & augmentée; avec Figures.
TOME. SECOND..

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V

Oici quelques réflexions enfantées par l'enthoufiafme. Nous n'avons pu lire les ouvrages d'Homere, chir-tout fon Iliade, faus y admirer un génie vafte & profond, des connoiffances très-étendues, & une vivacité agréable. Le premier, il a fu trouver les regles de l'Épopée, &, le premier, il a fu les mettre en pratique. Juf ques à préfent il ne nous a entretenu que de combats où les Grecs & les Troyens font alternativement ou vainqueurs ou vaincus les bleflures qu'il fait donner à fes guerriers, & en fi grand nombre, font toutes différentes & d'autant plus fingulieres qu'elles ne choquent point la vraisemblance: Homere connoît parfaitement la ructure du corps humain, & l'oftéologie comme le plus habile Anatomifte. Parle-t-il de la guerre ? il donne des confeils qui proviennent d'une prudence confommée, & par-là-même fi utiles, qu'Alexandre le grand le confultoit fouvent dans fes expéditions militaires. S'agit-il des regles de la vie civile ? Alors il nous trace des maximes fublimes, analogues à fon fiecle, qui nous le font regarder comme infpiré par une Divinité ( à part toutes les anciennes abfurdités de la fable). Pour amufer fon lecteur & pour l'inftraire en même tems, fans lui faire jamais perdre de vue l'action principale, il amene comme naturellement des épifodes contenant des aventures fingulieres, épisodes qu'il a rendus néceffaires à fon Poëme, par l'art avec lequel ils lui paroiflent fi naturellement enchaînés.

La colere d'Achille contre Agamemnon & les Grecs eft le fujet principal de l'Iliade. Nous avons vu jufques à préfent ce Héros, qu'Homere nous a peint extrêmement violent, refufer fon fecours aux Grecs: le jufte reflentiment qu'il a de l'affront qu'Agamemnon lui a fait de lui enlever fa captive Brifeïs, nous fait remarquer en lui un cœur fenfible, jaloux de fa gloire; & tel eft le caractere diftinctif des véritables Héros. Nous venons de voir les Grecs, que Jupiter femble abandonner, perdre déja courage & fuir evant Hector que fon bonheur préfent rend plus préfompx; tous ces grands Hommes femblent fe déshonorer par ne hontenfe retraite mais le divin Homere rend cette uite nécefiaire, en faifant remarquer que les Grecs ne beuvent pas réfifter au Maître du tonnerre, & en nous TOME II.

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peignant Jupiter tonnant fur leurs têtes, & lançant fa foudre fur le champ de bataille.

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Plus nous avançons & plus le fujet devient intéreffant. Les Grecs épouvantés vont bientôt regretter l'absence d'Achille leur derniere reflource eft d'implorer fon fecours avec de vives inftances; mais Achille conferve toujours fon reflentiment: il eft inflexible & ne peut fe laiffer toucher ni par le malheur des Grecs, ni par leurs brillantes promeffes: il permet enfin à fon ami Patrocle de prendre fes armes & de voler à leur fecours; mais Patroele, moins vaillant qu'Achille, fuccombe fous les coups d'Hector, & eft tué. Voici le fpectacle le plus fatisfaifant: Achille en fureur d'avoir perdu fon fidele Patrocle fe difpofe à combattre le reffentiment qu'il avoit contre les Grecs s'évanouit, ou plutôt fe tourne contre Hector & les Troyens ; il venge la mort de fon ami par celle d'Hector dont il fait traîner le cadavre lié à fon char avec ignominie, & il fait un carnage horrible des Troyens.

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Que de beautés font prodiguées dans ce Poëme ! Pour nous, nous ne ceffons de les admirer & nous nous preffons de venir à l'ouverture de la fcene.

ARGUMENT DU IX. LIVRE.

A GAMEMNON défefpérant du falut de l'armée, convoque l'affemblée des Grecs & confeille de fe retirer. DIOMEDE fe levant s'oppose fortement à cet avis, & NESTOR qui parle après lui, le loue de la maniere fage & hardie avec laquelle il a parlé au Roi. Il dit enfuite ce qu'il juge à propos que l'on faffe, & par fon confeil on envoie ULYSSE & AJAX, fils de TELAMON, à ACHILLE, pour tâcher de l'adoucir, & PHOENIX eft prié de les accompagner. Ils font tous trois des difcours très-forts & très-tou chants, accompagnés de grandes offres de la part

AGAMEMNON, mais cet inflexible héros rejette toutes leurs prieres, & leur répond avec dureté; il retient pourtant PHOENIX dans fa tente. AJAX & ULYSSE s'en retournent rendre compte de leur amLaffade, & les troupes vont fe repofer.

L'ILIADE D' HOMERE.

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LIVRE IX.

ES TROYENS I fe tenoient ainfi fur leurs gardes près des feux qu'ils avoient allumés, & qui éclairoient la plaine; 2 mais les Grecs effrayés par Jupiter même, s'abandonnoient à la fuite, compagne inféparable de la peur,

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1 Les Troyens fe tenoient ainfi fur leurs gardes ] Nous venons de voir commencer à la fin du livre précédent la nuit du feizieme jour de la colere d'Achille; cette unit occupe tout ce qu'Homere raconte dans les deux livres fuivans, & on verra que cette nuit eft très-bien employée. Ce livre eft parfaitement beau. Euftathe en a très-bien jugé, quand il a écrit: πάνυ δὲ ἐναγώνιος ή ραψωδία καὶ πολλὴν ἔχουσα δύναμιν ρητορείας δικανικής ἐν οἷς οἱ μὲν πρέσβεις λέγουσιν, ὁ δὲ Αχιλλευς αντιλέγει, καὶ εἴπέρ που ἀλλάχου ἐνταῦθα τὴν ἐν λόγῳ πολιτική ρητορικήν Όμηρος #ide'xwurai. Ce livre est très-vif, plein d'action, & ren ferme une force d'éloquence admirable pour le genre judiciaire, dans tout ce que les ambassadeurs difent à Achille, & dans tout ce qu'Achille leur répond; & jamais Homere t'a mieux fait voir que dans ce livre la force de fon art mer veilleux dans les difcours politiques.

2 Mais les Grecs effrayés par Jupiter même ] Homere ne veut pas que son lecteur oublie un feul moment que

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