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Le premier mode de perpétration du faux est celui qui se manifeste par de fausses signa

tures.

Il est nécessaire de distinguer l'emploi d'un faux nom et d'une fausse signature. L'usurpation d'un faux nom, s'il est pris verbalement, ne peut évidemment constituer un faux en écritures: l'article 405 du Code pénal range cette usurpation parmi les moyens d'escroquerie. Mais si le nom usurpé est pris dans un écrit, il peut devenir la base d'un faux en écritures; car l'article 405, en donnant le caractère de simple escroquerie à l'usage d'un faux nom, a réservé en même temps des peines plus graves pour le cas où l'escroquerie aurait les caractères d'un faux [1]. Or, s'il ne faut pas déduire de là, comme une conséquence absolue, ainsi que l'a fait la Cour de cassation, que tout usage d'un faux nom par écrit constitue un faux qualifié, il faut néanmoins reconnaitre que cet usage peut devenir la base de ce crime.

La loi n'a fait nulle distinction entre le cas où la signature fausse porterait un nom idéal, et celui où il y aurait contrefaçon et imitation de la signature d'une personne réellement existante et connue. Il faut en conclure que, dans l'un et l'autre cas, il peut y avoir également crime de faux [2]; et il est certain, en effet, que la supposition d'une signature même idéale peut avoir les mêmes résultats que si elle était réelle: en général, le crime de faux peut résulter de la suscription d'un acte avec un nom quelconque qui n'appartient pas au signataire. Lorsque la signature porte le nom d'une personne existante, la criminalité de l'action n'est point subordonnée à la plus ou moins exacte imitation de la signature contrefaite ainsi il n'est pas nécessaire que le faussaire ait imité la vraie signature de la personne dont il usurpe lenom; il suffit qu'il donne le nom qu'il a inscrit comme étant sa signature [3].

:

Le deuxième mode de perpétration de faux est celui qui a lieu par altération des actes, écritures ou signatures,

Cette disposition comprend les altérations commises par les fonctionnaires publics dans les actes de leur ministère, et par lesquelles ils détruisent ou altèrent les conventions ou les faits que ces actes ont pour objet de constater, Nous avons vu dans le chapitre précédent, en développant les règles générales du faux, que

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touté altération commise par un fonctionnaire public ne suffit pas pour le constituer en prévention de crime: il faut de plus rechercher s'il a commis cette altération dans une intention criminelle, et si elle peut être préjudiciable à autrui. Car les altérations prévues par l'article 145 n'entraînent pas plus que les autres une présomption nécessaire de crime : il ne peut y avoir lieu à accusation que dans le cas où, au fait matériel de ces altérations, se joignent des circonstances particulières qui peuvent faire supposer une intention criminelle. Si cette règle, qui s'applique à toutes les espèces de faux, était enfreinte à l'égard des fonctionnaires il en résulterait des poursuites multipliées qui auraient pour effet de porter atteinte à leur considération sans servir aucun intérêt public.

L'altération de signatures constitue le faux matériel, de même que la supposition de fausses signatures car, en altérant une signature vraie, on lui imprime un nouveau caractère, un sens étranger; elle devient fausse par l'altération qu'on lui fait subir.

Toute autre altération commise dans des actes pour en dénaturer la substance, et leur faire produire un autre effet que celui qu'ils devaient avoir, constitue également le crime de faux ; mais il est nécessaire que le fonctionnaire ait agi avec intention de nuire, que les clauses altérées soient substantielles, et qu'il puisse en résulter quelque préjudice pour autrui: ainsi, lorsque l'altération faite après coup dans un acte est commise sans fraude et par exemple. pour rectifier une énonciation inexacte, lorsqu'elle porte sur des mentions qui sont étrangères à la substance de l'acte, elle ne peut devenir la base du crime de faux.

C'est ainsi qu'il a étéjugé que le notaire qui substitue une fausse date à la date véritable d'un contrat de vente, ne commet point un faux punissable, si cette substitution a eu pour motif unique qu'il n'avait point d'argent pour payer les droits d'enregistrement à l'instant où l'acte aurait dû être présenté au bureau du receveur, et s'il n'avait changé la date que pour faire courir un nouveau délai pour remplir cette formalité [4].

Il en serait autrement si l'altération de la date pouvait porter quelque préjudice à des tiers, et si cette altération a été faite avec l'intention de produire ce préjudice. Le courtier ou

[3] Arr, cass. 31 déc. 1813; Dalloz, t. 15, p. 424. [4] Arr. cass. 24 prair. an xi; Dalloz, t. 13, p. 393.

l'agent de change qui antidate sur ses registres une vente faite par son intermédiaire, pour la faire remonter à une époque qui la dérobe aux attaques des créanciers, commet évidemment le crime de faux; car cette altération, commise par un officier public dans un acte de son ministère, a pour effet de léser des tiers [1].

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personne, tandis qu'un autre individu a réelle ment comparu.

La commission du Corps législatif avait demandé qu'aux mots par supposition de personnes, il fût ajouté: frauduleusement par lui faite ou de lui connue. « Lorsqu'un notaire, disait le rapporteur de la commission, reçoit un acte, il arrive que, malgré les précautions par lui prises pour s'assurer de l'identité d'un des individus contractants, d'autres lui présentent et lui certifient un individu supposé; alors la supposition n'est point connue de lui et n'est point de son fait. En laissant le cas tel qu'il est exprimé, il pourrait donner à entendre que la seule supposition de personnes constituerait un crime de la part de cet officier public, et

Le notaire qui ferait signer après coup un testament par les témoins instrumentaires serait-il coupable d'un faux punissable, si ces témoins ont été présents à la rédaction, et si le retard de leur signature n'est que le résultat d'une négligence? On pourrait induire l'affirmative d'un arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 1812 [2]; mais il faut remarquer que, dans l'espèce de cet arrêt, les témoins n'avaient signé que depuis le décès du testateur, c'est-il pourait se trouver des juges qui ne considé à-dire lorsqu'il y avait droit acquis à des tiers: cette circonstance parait décisive. Mais si le testateur eût encore existé, si la signature après coup des témoins n'eût porté aucun préjudice, le crime n'eût point eu ses caractères constitutifs.

Les comptables des deniers publics qui altèrent les écritures des registres ou des pièces de comptabilité, pour s'approprier une partie des fonds dont ils sont dépositaires, rentrent dans les termes du troisième paragraphe de l'article 145. Cette proposition ne peut soulever aucun doute; et il faudra juger encore, còmme l'a fait la Cour de cassation avant le Code pénal, que le receveur de l'enregistrement qui, au moyen de différentes altérations commises sur ses registres d'enregistrement, a dissimulé ses véritables recettes, afin de distraire une partie des deniers qu'il devait verser au trésor public, a commis un crime de faux en écritures publiques, dans l'exercice de ses fonctions [3].

Le crime ne change point de nature si l'alté ration a pour effet de porter préjudice non point au trésor, mais aux contribuables. Tel serait l'acte d'un percepteur qui augmenterait les cotes des contribuables sur les rôles des contributions [4].

Le quatrième paragraphe de l'article 145 prévoit les faux par supposition de personnes. Ce crime peut étre commis par les fonctionnaires publics, lorsqu'ils supposent dans un acte de leur ministère la comparution d'une

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reraient pas l'article 164 comme suffisamment explicatif du cas dont il s'agit, quoiqu'il s'y trouve implicitement compris. » Le Conseil d'état crut l'amendement inutile. « Il ne peut y avoir supposition de personnes, dit M. Berlier, que lorsque l'auteur de la fausse désignation a agi sciemment; si lui-même était trompé, il n'y aurait qu'erreur. D'ailleurs, l'addition demandée semblerait absoudre totalement le notaire imprudent qui, lorsqu'il ne connaît pas les parties, ne prend pas la précaution de se les faire certifier. »>

Ces dernières paroles formulent une réserve contre le notaire qui a négligé de se faire attester l'individualité des parties; mais il ne faut pas confondre cette négligence, qui ne constitue qu'une infraction aux règles du notariat, avec la supposition frauduleuse de la comparution d'un tiers. Le notaire qui commet cette erreur sans fraude et par simple négligence est néanmoins passible d'une peine disciplinaire [5] et des dommages-intérêts des parties [6]; mais il ne peut encourir les peines de faux qu'autant qu'il a connu la non-identité et qu'il a agi dans Pintention de nuire. La loi doit donc être interprétée dans le sens de l'amendement du Corps législatif qui a été repoussé comme inutile, mais non comme contraire à l'esprit de la loi.

Le dernier paragraphe de l'article 145 prévoit le faux commis par des écritures faites ou intercalées sur des registres ou d'autres actes publics, depuis leur confection ou clôture.

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Les articles 15 et 16 de la loi du 25 ventôse an XI déterminent les formes dont les renvois, apostilles, additions et surcharges doivent être accompagnés dans les actes notariés. Chaque infraction est punie d'une amende de cinquante francs contre le notaire, ainsi que de tous dommages-intérêts, et même de destitution en cas de fraude. Mais ces peines ne sont point exclusives des peines du faux, si la surcharge ou l'addition a les caractères de ce crime.

Elle ne constitue qu'une simple contravention, lorsqu'elle ne renferme rien de contraire à la vérité et qu'elle n'a point été faite méchamment et dans le dessein de nuire à autrui. Elle prend, au contraire, un caractère criminel, lorsqu'elle n'est consommée que depuis la confection ou la clôture des actes, qu'elle est faite dans une intention frauduleuse, et enfin qu'elle a pour effet d'occasionner un préjudice.

L'article 145 n'incrimine que les écritures faites ou intercalées sur les actes depuis leur confection ou clôture. Il est donc nécessaire, pour l'existence du faux, que les additions et surcharges aient eu lieu postérieurement à la rédaction des actes [1]. Et en effet, si elles avaient précédé la signature des parties, elles ne pourraient plus être considérées comme constituant un faux matériel, puisque celles-ci en auraient pris connaissance. Toutefois ces intercalations pourraient, suivant les circonstances, rentrer dans les termes de l'article 146, si elles avaient pour effet de dénaturer frauduleusement les dispositions substantielles de l'acte.

Il faut, en deuxième lieu, que la surcharge ait été faite dans l'intention de nuire; car cette règle générale s'applique à toutes les espèces du faux. Ainsi toutes les rectifications de dates et de noms qui sont insérées sans fraude dans les actes après leur rédaction, peuvent constituer des contraventions punissables, mais non des éléments d'un crime. D'après ce principe, l'huissier qui insère après coup dans un acte la mention de sa patente, le notaire qui ne met sa signature à un contrat que postérieurement à sa rédaction et en l'absence des parties et des témoins, ne peuvent être inculpés de faux [2].

Il est nécessaire enfin que la surcharge ou l'intercalation d'écritures puisse être préjudi

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ciable à autrui. Cette règle générale a été appli→ quée aux faux de cette classe par la Cour de cassation, quand elle a décidé que les renvois faits après coup par un notaire ne peuvent constituer un faux, «<lorsque ces renvois ne présentent aucun intérêt ni pour le notaire ni pour les parties, et ne peuvent porter préjudice à qui que ce soit [3]. »

et

En général, le faux suppose l'altération de la forme substantielle des contrats ou des conventions des parties. Cependant les surcharges qui, sans altérer la substance des conventions, ont pour objet unique de frauder la loi fiscale, peuvent constituer ce crime; car, dans cette hypothèse, l'altération a un but criminel, elle porte préjudice au trésor. Telle est aussi la décision consacrée par la Cour de cassation dans une espèce où un notaire, pour frustrer les droits du trésor, avait changé la date d'un acte. L'arrêt se fonde sur ce que « le législateur, en défendant aux notaires, sous peine d'amende, les surcharges, les interlignes et les additions, a uniquement consacré pour la rédaction des actes une mesure d'administration générale, propre à prévenir le crime de faux et à opposer des obstacles à l'exécution de ce crime; que la peine prononcée par la loi du 25 ventôse an XI est encourue par le fait de la seule existence des surcharges et des interlignes, quoique ces surcharges et ces interlignes ne contiennent rien de contraire à la vérité; qu'il n'en est pas de même des surcharges qui ont pour objet d'altérer la vérité et de substituer à des contrats une date différente de celle qu'ils ont réellement, ou de tout autre faux de la même nature; que cette substitution, quoiqu'il s'agisse de postdate, constitue véritablement le crime de faux, lorsqu'il y a été procédé méchamment et à dessein de nuire à autrui [4]. » Cette distinction qui est celle que nous avons établie, est par elle-même évidente : elle consacre les trois caractères que l'addition ou la surcharge doit renfermer comme toute autre espèce de faux.

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Le notaire qui surcharge de virgules et de parenthèses la minute d'un testament qu'il a reçu, après la confection de l'acte et depuis le décès du testateur, se rend-il coupable du crime de faux? M. Carnot [5] cite un arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 1812,

dont

[4] Arr. cass. 24 févr. 1809; Dalloz, t. 15, p. 412; S. 1812, 1, 175.

[5] Comm. du C. P. sur l'art. 145, obs. VIII; Bourguig. sur l'art. 145, no 4.

il ne rapporte qu'un extrait, et qui aurait décidé que ces sortes d'altérations ne peuvent constituer un faux pumissable,» attendu que les changements opérés dans la ponctuation d'un acte ne peuvent en altérer le contenu et la substance. » Il nous paraît que cette décision, qui se fondait sans doute sur des faits particuliers, ne peut être considérée comme une règle générale; car il est possible, au moyen d'une ponetuation frauduleuse, d'altérer profondément le sens des dispositions d'un acte, en isolant ou en groupant des phrases qui perdent, par ces coupures nouvelles, leur valeur primitive. Si donc les dispositions substantielles d'un acte se trouvaient altérées par une ponctuation fausse et faite après coup, et si cette altération avait été faite dans le dessein de nuire, il faudrait appliquer à cette espèce de falsification les peines du faux en écritures.

Nous avons vu que les fonctionnaires publics peuvent se rendre coupables de faux, nonseulement par l'altération matérielle des actes, mais encore par l'altération intellectuelle des clauses que ces actes doivent contenir. Cette deuxième espèce de faux est prévue par l'art. 146, portant: «< Sera aussi puni des travaux forcés à perpétuité, tout fonctionnaire ou officier public qui, en rédigeant des actes de son ministère, en aura frauduleusement dénaturé la substance ou les circonstances, soit en écrivant des conventions autres que celles qui auraient été tracées ou dictées par les parties, soit en constatant comme vrais des faits faux, ou comme avoués des faits qui ne l'étaient pas. »> L'espèce d'altération que prévoit cet article ne se reconnaît à aucun signe extérieur et apparent: elle consiste dans l'insertion, dans un acte, de clauses que les parties n'ont pas entendu souscrire, ou de circonstances contraires à la vérité. La loi exige, en outre, que le fonctionnaire ait agi frauduleusement. Nous avons déjà remarqué qu'il ne fallait point induire de cette expression quelque nuance particulière dans la criminalité de cette sorte de faux: aucune altération de la vérité, quelle qu'elle soit, n'est punissable si elle n'est accompagnée de dol et de fraude; mais dans cette espèce plus que dans les autres, l'erreur peut être présumée. « Il faut prendre garde, porte l'exposé des motifs, de réputer crime ce qui ne serait qu'un malentendu ou une méprise; le rédacteur d'un acte

[1] Voy. suprà.

peut mal saisir la volonté des parties, et pourtant n'être pas criminel. » C'est pour séparer le crime d'une erreur aussi facile qu'elle peut être commune, que la loi a cru devoir énoncer plus particulièrement comme une circonstance constitutive du crime, la fraude, l'intention de nuire. Ce principe a reçu des applications dans la jurisprudence. Ainsi la simulation qui peut avoir lieu dans l'intérêt des parties et sur leur demande, ne constitue point un faux criminel [1]; ainsi les fonctionnaires qui certifient comme accomplies des formes essentielles qu'ils ont omises par négligence et sans fraude, ne sont point en général rangés dans la classe des faussaires [2].

La Cour de cassation nous paraît avoir dérogé à cette règle dans une espèce particulière. La chambre d'accusation de la Cour de Besançon avait jugé qu'il n'y avait pas lieu de mettre en prévention un notaire qui avait faussement énoncé que le testament avait été dicté par la testatrice en présence des témoins, en se fondant sur ce que ce testament était l'expression fidèle de la volonté de la testatrice, et qu'ainsi les énonciations mensongères qui y auraient été insérées par le notaire n'étaient point frauduleuses. La Cour de cassation a annulé cet arrêt : « Attendu que le faux ne résulte pas seulement, en cette matière, de la fausse supposition des volontés d'un testateur, mais encore des pratiques tendantes à valider l'expression d'une volonté qui a été manifestée d'une manière illégale; que la dictée par le testateur au notaire, en présence des témoins, est une formalité substantielle du testament; qu'elle est exigée à peine de nullité par les articles 972 et 1001 du Code civil; qu'elle est la garantie légale de la liberté du testateur, de l'intégrité de ses facultés intellectuelles, et de la fidélité du notaire qui rédige; que supposer faussement l'accomplissement de formalités sans lesquelles un testament serait déclaré nul, c'est évidemment commettre un faux dont l'effet est de violer la loi et de porter un préjudice grave aux héritiers du sang [3]. »

Il est évident que cet arrêt confond deux choses distinctes et que nous avons séparées avec soin dans notre précédent chapitre : l'altération de la vérité et le crime de faux. Nul doute que le notaire qui suppose faussement l'accomplissement d'une formalité essentielle

19 nov. 1819 et 7 mars 1825; S. 1823, 157 et 1825. [3] Arr. cass. 21 avr. 1827; S. 1827, 1. 533.

[2] Voy. suprà. Voy. aussi arr. cassation du 340.

CHAUVEAT. T. II.

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ne commette une altération de la vérité; mais pour l'existence du crime, il ne suffit pas que la vérité soit altérée; il ne suffit même pas que cette altération puisse porter préjudice, il faut qu'elle soit commise avec l'intention de nuire. C'est cette pensée de fraude qui seule peut donner l'être au crime. Or, s'il est reconnu que le notaire n'a point dénaturé les volontés du testateur, qu'il les a fidèlement exprimées, que sa conduite est exempte de dol, que reste-t-il donc? une contravention à la loi, et un acte entaché de nullité, par conséquent une action disciplinaire et une action en dommages-intérêts, mais non point une action publique en réparation d'un crime, puisque l'agent n'a agi ici ni dans un intérêt ni dans un but coupables. C'est au reste, ce que la Cour de cassation ellemême a reconnu dans une autre espèce, en déclarant que : « lorsqu'il se joint au faux matériel résultant de la signature apposée après coup à un acte par un notaire et des témoins instrumentaires qui n'ont point assisté à la confection, des circonstances qui révèlent un intérêt et un but coupables, il appartient aux chambres d'accusation de reconnaître dans ce fait les éléments du faux prévu et puni par la foi, à savoir, l'altération de la vérité dans une intention criminelle qui a porté ou pu porter préjudice à des tiers [1]. »>

Mais lorsqu'il est constant que l'officier public a agi frauduleusement, soit dans son intérêt, soit dans celui de l'une des parties, l'alté ration dans un acte d'une seule clause suffit pour constituer le crime, lors même que cet acte a été signé des parties et que ses autres dispositions sont conformes à la vérité [2]. Ainsi les termes de l'article 146 s'étendent non-seulement au notaire qui ferait signer un acte de vente ou de donation à la partie qui croit souscrire un mandat ou un prêt, mais encore à celui qui intercalerait dans un acte de prêt ou de vente des conventions mensongères qui n'auraient pas été dans l'intention commune des deux parties.

On doit ranger dans la même catégorie le notaire qui énonce faussement l'enregistrement des actes sur les expéditions qu'il en délivre [3];

[1] Arr. cass. 17 juil. 1835; Sirey, 1835, 1,

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le greffier qui, dans des expéditions rédigées, signées et délivrées par lui, atteste faussement le concours du juge dans cette acte et sa signature sur les minutes [4]; l'huissier qui opère sur l'original d'un commandement en expropriation, après sa signification et son enregistrement, un changement qui établit que le nouveau domicile de l'exproprié serait connu de la partie poursuivante [5].

En général, tout fonctionnaire public qui certifie faussement et sciemment comme vrai un fait dont sa déclaration doit faire preuve, commet le crime de faux. Il suit de là que le maire qui, dans un certificat délivré à un conscrit de sa commune, atteste faussement à l'autorité supérieure que ce conscrit est le fils unique d'une veuve, peut être poursuivi pour faux [6], et qu'il en est de même du maire ou de son adjoint qui délivre un certificat où il constate des faits faux pour faire admettre un individu au service militaire [7].

Toutefois, on doit observer que l'attestation d'un fait faux par un fonctionnaire, dans un certificat, ne rentre dans les termes de l'article 146 qu'autant que ce fonctionnaire a mission spéciale de constater ce fait et que sa déclaration en fait une preuve complète; car s'il n'est pas compétent pour l'attester, et si son attestation ne forme pas une pièce probante, ce certificat n'est plus un acte de son ministère, et le faux change de caractère. Il en devrait encore être ainsi lorsque les attestations ne portent point sur un fait simple et absolu, mais sur un fait moral dont l'appréciation est subordonnée soit aux lumières du fonctionnaire, soit aux règles de la science, et qui, par conséquent, sont sujettes à des erreurs de bonne foi [8].

Les officiers de police judiciaire, les gardes forestiers, les gendarmes, les préposés des administrations publiques, qui, dans les procèsverbaux qu'ils sont appelés à dresser pour constater les délits et les contraventions, attesteraient comme vrais des faits faux, ou accompagneraient des faits vrais de circonstances mensongères propres à aggraver la position des inculpés, se rendraient évidemment coupables du crime prévu par l'article 146. Les faux de cette

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[2] Arr. cass. 7 janv. 1808; Dalloz, t. 15, p. 408; S. 1811, 1, 89. S. 1809, 1, 85.

[7] Arr. cass. 16 juill. 1829; Sirey, 1829, 1,

[3] Arr. cass. 27 mars 1815 ( Bull. p. 10), et 14 323. jin 1821; Dalloz, t. 15, p. 432.

Arr. eass. 22 août 1807 (Bull. p. 206 ).

[8] Voy. infrà notre chapitre xxvi.

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