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nature, produits par un égarement de zèle, sont assez fréquents parmi les fonctionnaires d'un ordre inférieur, et sont peut-être les plus odieux. La foi trop légèrement accordée au pro cès-verbal rend toute défense inutile, et la peine a pour base un faux témoignage par acte authentique, dont le prévenu lui-même ne peut attaquer la fausseté qu'à l'aide d'une procédure le plus souvent impossible.

Les fonctionnaires ou officiers publics qui commettent des faux dans l'exercice de leurs fonctions sont punis des travaux forcés à perpétuité. Les motifs de cette pénalité plus rigoureuse sont qu'un fonctionnaire public connaît plus particulièrement ses devoirs qu'un simple citoyen, qu'il jouit d'une confiance obligée, et qu'en se rendant coupable de faux, il commet à la fois une infraction à la loi commune qui lie tous les citoyens, et une infraction à la loi spéciale de ses fonctions.

Mais de cette raison même de la loi est née la question de savoir si les simples particuliers, qui ont coopéré au crime de faux commis par l'officier public, doivent être atteints de la même peine. Cette question, que nous avons déjà effleurée au chapitre de la complicité [1], a été diversement résolue par la Cour de cassation.

Cette Cour jugeait, d'abord d'une manière absolue, que les particuliers qui coopèrent à la perpétration d'un faux dans un acte du ministère d'un fonctionnaire public sont passibles, comme complices, de l'application des peines de l'article 145, encore bien que le fonctionnaire n'eût été qu'un instrument matériel du crime et n'eût pas agi sciemment. Elle se fondait sur ce que « pour qu'un complice soit poursuivi et puni de la peine prononcée par la loi contre l'auteur principal, il n'est point nécessaire qu'il y ait eu poursuite et condamnation contre cet auteur; qu'il suffit que le fait matériel du crime principal existe, qu'il soit jugé et reconnu avec celui qui est accusé d'en avoir été le complice, et que les faits de complicité aient eu un caractère criminel [2]. » Ce principe est évident par lui-même lorsque l'auteur principal peut invoquer sa bonne foi ou quelque privilége personnel, il est certain que l'action peut néanmoins se diriger contre les complices [3]. Mais la difficulté n'était pas là,

[1] Voyez tome 1. p. 178.

elle était dans l'assimilation de deux éléments distincts de la criminalité.

De là l'exception créée par la Cour de cassation à sa propre jurisprudence. Elle a distingué le cas où le fonctionnaire public n'aurait été qu'un instrument inerte et matériel du crime, et celui où il y aurait participé avec pleine connaissance. Dans la première hypothèse, le crime cesse d'appartenir aux dispositions des articles 145 et 146: c'est un crime de faux en écritures publiques commis sans le concours d'un fonctionnaire. « On ne peut, disent les arrêts, considérer les individus qui se sont rendus coupables de faux par supposition de personnes dans les actes qu'ils n'ont pas rédigés en qualité d'officiers publics, comme complices de l'officier rédacteur de ces actes, lequel n'a pas coopéré au faux sciemment, sans faire une fausse application de l'article 59 du Code pénal; on ne peut les punir de la peine des travaux forcés à perpétuité, prononcée par l'article 145 contre l'officier public, sans aggraver la peine à leur préjudice [4]. »

Toutefois, lorsque l'officier public a connu le crime dont il s'est fait l'instrument, lorsque de connivence avec une partie, il a certifié comme vrais des faits faux, des conventions mensongères, la peine qui atteint cette partie est encore la même que celle qui frappe l'officier public. La Cour de cassation a maintenu cette assimilation qu'elle appuie sur la disposition de l'article 59 du Code pénal [5].

Mais en examinant la théorie de ce Code sur la complicité, nous avons vu qu'il fallait distinguer si l'aggravation de la peine dont l'auteur principal est passible, prend sa source dans une circonstance intrinsèque du fait, ou dans une circonstance extrinsèque et personnelle à l'auteur [6]. Dans le premier cas, elle doit s'étendre à tous les complices; dans l'autre, elle ne doit pas les atteindre; car ce que l'article 59 a voulu, c'est que les complices soient punis comme s'ils étaient eux-mêmes auteurs du crime. Ces circonstances, qui n'appartiennent point au fait, mais qui dérivent de la qualité de la personne, sont purement personnelles, et l'aggravation qu'elles entraînent ne peut être étendue aux complices.

Cette distinction s'applique avec évidence à notre espèce. La qualité de fonctionnaire public

[4] Arr. cass. 7 et 21 juill. 1814; Dalloz. t. 15,

[2] Arr. cass. 9 fév. 1811 et 23 avr 1813; Dalloz, p. 419; S. 1814, 1, 274.

t. 15, p. 424, el t. 16, p. 440.

[3] Voy. notre tom. 2, p. 176.

[5] Arr. cass. 22 juilł. 1830; S. 1830, 1, 378 [6] Voy. notre tom. 2, p. 178.

est personnelle à celui qui est revêtu des fonctions; on ne peut rendre le complice de l'officier public responsable de la violation d'un de voir qui ne lui était pas imposé à lui-même. L'un et l'autre commettent le même crime en commun, mais le complice n'enfreint point la loi spéciale de ses fonctions qui liait l'officier, et c'est cette infraction cependant qui motive seule l'aggravation. Cette aggravation, comme sa cause, est donc personnelle. La confirmation de ce principe se trouve, au reste, dans le texte même de la loi. L'article 147 porte : « Seront punies des travaux forcés à temps toutes autres personnes qui auront commis un faux en écritures publiques. » Or cet article ne distingue point si ce faux a été commis avec ou sans le concours des fonctionnaires dont l'écriture émane. Donc, même en interprétant l'article 59 dans le sens absolu que la Cour de cassation lui a prêté, on ne peut regarder l'article 147 comme y créant une exception à l'égard des particuliers qui auraient trempé dans le crime du fonctionnaire. Leur concours forme un crime distinct et principal la peine édictée par l'article 145 ne leur est jamais applicable.

§ II.

tes; elle punit plus fortement la possibilité d'un préjudice plus grave. Ce qu'il faut inférer ici de cette observation, c'est que, surtout en ce qui concerne cette classe de faux, il est essentiel d'examiner avec soin le caractère de l'écriture contrefaite. Nous avons établi dans le paragraphe précédent les règles qu'il est nécessaire de consulter à cet égard.

Les dispositions des articles 145 et 146 se trouvent reproduites avec exactitude dans l'article 147, qui est ainsi conçu: « Seront punies des travaux forcés à temps toutes autres personnes qui auront commis un faux en écriture authentique et publique, ou en écriture de commerce ou de banque, soit par contrefaçon ou altération d'écritures ou de signatures, soit par fabrication de conventions, dispositions, obligations ou décharges, ou par leur insertion après coup dans ces actes, soit par addition ou altération de clauses, de déclarations ou de faits que ces actes avaient pour objet de recevoir et de constater.»>

Cet article indique trois modes par lesquels le faux peut être commis: la contrefaçon ou altération d'écritures, la fabrication de conventions, l'altération de clauses ou de faits dans des actes destinés à les constater. Ces modes de perpétration sont communs aux faux en écritures publi

Nous venons de considérer le faux en écritu-ques, commerciales et privées; mais leur applicare authentique lorsqu'il est commis par les fonctionnaires publics eux-mêmes dans l'exercice et par abus de leurs fonctions. Nous allons maintenant examiner le même crime sous une face nouvelle, lorsqu'il est commis par de simples particuliers, ou par les fonctionnaires publics eux-mêmes, mais en dehors de leurs fonctions et de l'exercice de leur pouvoir.

Entre ces deux classes du crime nous avons déjà remarqué une différence essentielle : la raison de l'aggravation de la peine, à l'égard du fonctionnaire, est dans l'abus qu'il fait de ses fonctions ; il joint ce nouveau crime au crime de faux. La peine, à l'égard du simple particulier, s'aggrave, non point à raison d'une culpabilité plus intense, mais à raison d'une circonstance pour ainsi dire artificielle, l'authenticité de l'acte. Cette circonstance, qui se puise dans les distinctions de la loi civile, est extrinsèque au délit ; elle est étrangère à l'agent, il l'a même peut-être ignorée. Mais la loi a mesuré la peine sur la confiance qu'elle accorde aux ac

tion à chacune de ces espèces de faux entraîne des difficultés et même des règles diverses. Nous nous occuperons, dans les deux chapitres suivants, de l'application de cet article aux faux en écriture de commerce et en écriture privée. Notre examen ne portera dans ce chapitre que sur son application aux faux en écriture authentique.

On doit examiner, en premier lieu dans quels cas il y a faux par contrefaçon ou altération d'écritures ou de signatures.

Il n'est pas besoin de faire observer que cette contrefaçon ou altération ne peut prendre un caractère coupable que quand elle peut produire un préjudice. Ainsi la contrefaçon d'un acte dépourvu de signature(1), ou signé d'une simple croix (2), ne pourrait constituer une contrefaçon punissable, parce que la nature même d'un pareil acte s'oppose à ce qu'il puisse léser les intérêts d'un tiers. De là il suit qu'il n'y a contrefaçon d'écriture, dans le sens de la loi pénale, que lorsque l'écriture contrefaite forme

[1] Arr. cass. 1er mai 1812; Dalloz, t. 15 p. 451, S. 1813, 1, 73.

[2] Arr. cass. 11 déc. 1806; Dalloz, t. 15, p. 402; S. 1807; 2, 979.

un acte quelconque susceptible d'engendrer une obligation (1). Cette règle générale doit servir à apprécier toutes les contrefaçons d'écritures qui pourraient être assimilées au crime de faux.

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Une différence peut être remarquée entre les termes des articles 145 et 147 le premier inculpe, en général, tout faux commis par fausses signatures; l'article 147 ne punit que la contrefaçon et l'altération des signatures. De cette différence dans les termes, on pourrait induire que la signature d'un nom inconnu, par exemple, ne serait pas une fausse signature, dans le sens de l'article 147, puisqu'elle ne serait pas la contrefaçon ou l'altération d'une signature véritable. Mais cette conséquence ne serait pas exacte; car, si le signataire ne contrefait pas, dans ce cas, une signature vraie, le faux nom qu'il prend peut, dans certains cas, constituer une altération de sa propre signature. Une telle signature peut donc alors, comme dans le cas prévu par l'article 145, devenir un élément du faux. Il y a, dans le même sens, altération de signature lorsque l'acquéreur d'un immeuble ajoute à son nom dans l'acte de vente un faux prénom, dans le but de soustraire le bien à l'action de ses créanciers (2). Mais il n'y aurait aucune altération dans le fait d'une femme mariée qui, même dans une pensée de fraude, signerait un acte de son nom de fille; car ce nom lui appartient, et la seule dissimulation de sa qualité de femme mariée ne peut constituer une altération matérielle, susceptible de former un crime la partie qui contracte doit s'imputer de ne s'être pas informée de sa position.

Il y a contrefaçon de signatures, toutes les fois que l'on souscrit un acte du nom d'une personne à laquelle on l'attribue. Le crime n'est point subordonné à la plus ou moins exacte imitation de la signature vraie du nom usurpé (3), non plus qu'à la manière plus ou moins lisible dont il est tracé (4). La grossièreté de cette mutation et l'illisibité peuvent être des circons tances atténuantes, si elles dénotent la fraude et dépouillent le faux de son danger, mais elles ne sont pas destructives du crime lui-même. L'usurpation par un frère, dans un acte de

[1] Arr. cass. 7 août 1812; Dalloz, t. 15, p. 451. [2] Arr. cass. 3 oct. 1806; Dalloz, t. 15, p. 402; S. 1807, 2, 983.

[3] Arr, cass. 1er mai 1812; Dalloz, t. 15, p, 451; S. 1813, 1, 73.

remplacement militaire, du prénom de son frère, est une contrefaçon de signature (5): car le signataire se sert d'un nom qui est différent du sien, et l'usurpation de ce prénom lui suffit pour faire supposer la présence d'un tiers. Mais il est essentiel que le juge déclare que les signatures ont été contrefaites ou altérées. C'est cette contrefaçon ou cette altération matérielle qui forme la base du crime, qui renferme la présomption de culpabilité. Cette circonstance écartée, il ne resterait plus qu'une mention fausse, mais peut-être inoffensive. C'est dans ce sens que la Cour de cassation a jugé que l'accusé déclaré coupable d'avoir écrit un acte qui doit émaner d'un fonctionnaire public, n'est passible d'aucune peine si le jury n'a pas en même temps reconnu que l'écriture ou la signature de ce fonctionnaire a été contrefaite (6).

Le faux se commet, en second lieu, par fabrication de convention, dispositions, obligations ou décharges, ou par leur insertion après coup dans les actes.

Une première observation est que ce troisième alinéa de l'article 147 se compose de deux parties distinctes entre elles, et dont le législateur a marqué la différence en les séparant par la particule alternative ou. Or, la dernière de ces parties ayant pour objet l'insertion de fausses conventions, faite après coup, dans des actes consommés, il s'ensuit que la première s'applique nécessairement à la fabrication de fausses conventions dans la rédaction même des actes et avant leur consommation.

Cette fabrication 's'opère soit par supposition d'écrits, soit par supposition de personnes.

Il y a supposition d'écrits authentiques lorsque l'agent fabrique, par exemple, une expédition fausse d'un acte notarié qui n'existe pas. Mais il est nécessaire que l'acte soit complet, et par conséquent que la signature du notaire soit contrefaite; car la loi donne au mot acte la signification d'un acte régulier et par conséquent signé. S'il n'y avait pas contrefaçon de signatures, il n'y aurait pas d'acte susceptible de porter préjudice, il n'y aurait donc pas de faux.

Néanmoins la Cour de cassation a décidé avec raison qu'il n'était pas nécessaire de scinder, dans la position des questions au jury, la fabri

[4] Arr. cass. 11 déc. 1806; Dalloz, t. 15. p, 402; S. 1807, 2,979.

[5] Arr. cass. 7 août 1812; Dalloz, t. 15 p. 451. [6] Arr. cass. 20 sept. 1828.

cation de l'acte et la contrefaçon des signa- La Cour de cassation a toutefois jugé que le tures [1] Le mot acte emporte, en effet, l'idée seul fait d'avoir fabriqué une quittance notariée d'un écrit parfait et revêtu de ses formes léga- constitue le crime de faux en écritures publiles. Lors donc que le jury déclare l'accusé cou- ques, encore bien que la somme qui faisait pable de la fabrication d'une fausse convention, l'objet de cette quittance eût été régulièrement il décide implicitement que cette convention payée auparavant [7]. Les motifs de l'arrêt sont résultait d'un acte signé et en apparence régu- « que l'article 147 ne fait aucune distinction à lier. Mais si, après avoir décidé affirmativement cet égard, et qu'il suffit, pour qu'il y ait crime, la fabrication de l'acte, il déclarait que la si-`que le faux ait été commis en écriture authengnature de cet acte n'a pas été contrefaite [2], tique, par fabrication de conventions, dispole fait ainsi constaté ne constituerait aucun sitions, obligations ou décharges. » Une telle crime, car la fabrication d'un acte quelconque décision, si elle était absolue, ne serait pas dépourvu de signature ne peut produire aucun fondée; ce serait placer le crime de faux dans effet. un acte purement matériel, prendre l'un des éléments du crime pour le crime lui-même. Il ne suffit pas qu'il y ait fabrication d'un acte faux; il faut que cette fabrication soit animée d'une intention criminelle, il faut qu'elle puisse nuire. En général, la fabrication de la quittance d'une somme dûement acquittée, ne pouvant porter nul préjudice, ne pourrait devenir la base du crime. Mais cette décision se modifierait si cette quittance était en quelque point contraire à des stipulations précédentes, si elle ajoutait à la décharge la reconnaissance d'une dette, si enfin elle portait une somme supérieure à la somme acquittée dans ces dernières hypothèses, l'acte pourait constituer un faux criminel, parce qu'il pourrait devenir la source d'une action ou d'un droit. Nous avons déjà proposé cette distinction à l'égard de celui qui se fait payer à l'aide d'un faux une somme qui lui est légitimement due [s].

La fabrication d'un diplôme de docteur en médecine ou de licencié en droit rentrerait dans les mêmes dispositions: car l'usurpation de ces titres, à l'aide du faux, peut entraîner soit lésion envers des tiers, puisqu'elle expose les particuliers aux inconvénients et aux dangers qu'ont pour objet de prévenir les dispositions d'ordre public qui en ont réglé l'obtention; soit préjudice envers le trésor royal, puisque sa délivrance est subordonnée au paiement d'une subvention fiscale [3].

Il en serait de même de la fabrication d'un faux acte de décès ou de mariage, destiné à soustraire un individu au recrutement militaire [4]; car ce faux aurait pour objet de dérober son auteur à une loi d'ordre public de le libérer d'une obligation que cette loi lui impose personnellement, et par suite de faire remplir cette obligation par un autre citoyen. Mais répétons ici que si l'acte ne peut produire aucun effet, soit parce que le fonctionnaire dont il est réputé émaner est incompétent, soit parce que l'acte est par lui-même inoffensif, le crime disparaît aussitôt. C'est ainsi qu'il a été reconnu que la fabrication d'un acte de décès d'un militaire français, supposé rédigé par un prêtre espagnol desservant un hopital militaire, ne peut constituer le crime de faux, puisqu'un tel acte n'a aucune force légale [5]; et que la supposition d'un acte constatant qu'un prêtre a donné la bénédiction nuptiale ne peut être réputée un faux acte de mariage, puisque cet acte ne doit aujourd'hui émaner que de l'officier de l'état civil [6].

[1] Arr. cass. 7 juill. 1827 ( Bull. p. 587).
[2] Arr. cass. 7 juill. 1827 (Bull. p. 587.
[3] Arr. cass. 5 sept. 1833; S. 1834.1, 108.
[4] Arr. cass. 24 mars 1806; Dalloz, t. 15, p. 400.
[5] Arr. cass. 17 août 1815; Dalloz, t. 15 p. 426,

La fabrication de conventions peut être faite, en deuxième lieu, par supposition de personnes. Nous nous sommes déjà occupés de cette sorte de faux, lorsqu'elle est l'œuvre des fonctionnaires publics : son caractère n'est nullement altéré quand la supposition est commise par des particuliers; la peine seule est diminuée.

Comme l'article 145 mentionne seul en propres termes le faux par supposition de personnes, on avait pensé dans les premiers temps qui ont suivi la promulgation du Code pénal,ou que cette espèce de faux, quand des particuliers en étaient les auteurs, devait échapper aux dispositions de la loi pénale, ou qu'il fallait leur appliquer les peines de l'art. 145. Cette double

S. 1815, 1, 297.

[6] Arr. cass. 28 avr. et 13 oct. 1809; Dalloz, t. 15, p. 414; S. 1809, et 1810, 1, 428 et 306. [7] Arr. cass. 13 mai 1831. [8] Voy. suprà.

interprétation devait être repoussée. Il est évident que la supposition d'une personne dans un acte quia pour but de créer des engagements, n'est qu'un mode de fabrication de conventions, et l'article 147 embrasse généralement toute fabrication de conventions dans des actes écrits. Au reste, cette difficulté fut soulevée dans les discussions préparatoires du Code. M. Jaubert demanda que la supposition de personnes fût comprise dans l'article 147. M. Berlier répondit que les mots fabrication de conventions embrassaient évidemment et la supposition de personnes et celle d'autres circonstances que la loi peut n'avoir pas prévues ; que c'était l'expression générique, et qu'elle suffisait. La jurisprudence, quelque temps incertaine, est aujourd'hui entièrement fixée dans ce sens [1].

On doit donc comprendre sous la dénomination de faux par fabrication de conventions, les faux commis par des parties lors de la rédaction d'un acte, au préjudice d'un tiers qui est faussement supposé présent, et avec le but de créer des engagements à la charge de ce tiers. Ainsi le fait de s'être frauduleusement présenté devant un sous-intendant militaire sous un faux nom, et d'avoir souscrit sous ce nom un acte de remplacement, constitue le crime prévu par cet article [2]. Il en est de même de la fabrication d'une quittance au nom d'une personne supposée, sur les registres de la poste aux lettres [3]. Est-il nécessaire, pour l'existence du faux par supposition de personnes, que la personne supposée ait fait quelques écritures et qu'elle ait au moins signé l'acte auquel elle a concouru? La Cour de cassation avait jugé l'affirmative, en se fondant sur ce qu'il ne peut y avoir faux en écritures lorsque la personne supposée ne prend pas le nom qu'elle usurpe par écrit [4]. Mais cette Cour a reconnu, depuis, que le faux se trouvait constitué par la seule fabrication de l'acte à l'aide de la supposition de personnes [5]. Il suffit, en effet, que cette supposition motive de fausses écritures: peu importe qu'elles émanent du faussaire lui-même ; il en est réputé l'auteur. dès qu'elles ont pour objet de constater ses frauduleuses déclarations.

Mais il est indispensable que la supposition ait donné lieu à de fausses écritures, car autrement ce ne serait point un crime de faux. C'est

[1] Arr. cass. 7 et 21 juill. 1814, 11 févr. 1815, 24 avr. et 8 oct. 1818; Dalloz, t. 15, p. 419; S.1814, 1. 274.

[2] Arr. cass. 14 sept. 1821, 23 av. 1813; Dalloz, t. 15, p. 432 et 424.

[3] Arr. cass. 17 juill. 1829; S. 1829, 1, 315,

ce qui a été reconnu par la Cour de cassation, dans une espèce où un frère s'était substitué à son frère, dont il portait les mêmes prénoms, dans son service militaire. Cette substitution n'ayant donné lieu à aucun changement, à aucune rectification sur les contrôles ni sur aucun acte public et authentique, il est évident qu'il n'existait dans l'espèce aucun faux en écritures [6].

La fabrication d'une convention par supposi tion de personnes se manifeste par des actes qui en rendent la simple tentative punissable Supposons qu'une personne se présente chez un notaire pour faire souscrire à son profit un acte de donation par un individu qui s'oblige faussement sous le nom d'un tiers; avant que l'acte ne soit parfait, le notaire découvre la fraude, et la donation reste en projet. Il est clair que ce fait renferme tous les caractères de la tentative légale du crime de faux en écritures publiques [7].

Le troisième paragraphe de l'article 147 prévoit également le faux qui se commet par l'insertion, après coup, de conventions, dispositions, obligations ou décharges dans les actcs. Cette disposition comprend toute intercalation de dispositions faite dans les actes après leur clôture. Telle serait la quittance du prix frauduleusement ajoutée dans un contrat de vente, après sa signature; telles seraient toutes les clauses insérées dans les actes, après leur rédaction, à l'insu de l'une des parties, et avec l'intention de lui nuire.

Le troisième mode de perpéiration du faux a lieu par addition ou altération de clauses, de déclarations ou de faits que les actes ont pour objet de recevoir et de constater.

La première conséquence à déduire de ce texte est que le crime n'existe qu'autant que le faux porte sur des faits que l'acte a pour objet de constater. Ainsi la fausse déclaration dans un acte de naissance que les père et mère de l'enfant sont mariés, ne constitue point un faux criminel, parce que la loi ne prescrit point de déclarer dans les actes de naissance si le père et la mère sont unis par le lien du mariage, si les enfants nouveau-nés sont naturels ou légitimes. Cette déclaration n'établit donc aucun droit; elle peut être fausse sans que la substance de l'acte soit altérée, sans que le but de la loi soit interverti.

[4] Arr, cass. 27 juill. 1809; Dalloz, t. 15, p. 413; S. 1810, 1, 328.

[5] Arr. cass. 7 mars 1835; S. 1835, 1, 654. [6] Arr. cass. 17 déc. 1831; S. 1832, 1, 274. [7] Arr. cass. 9 juill. 1807; Dalloz. t. 15, p. 406.

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