Images de page
PDF
ePub

de la fabrication et de l'usage d'une pièce fausse, elle reconnaît, dans son arrêt : « que, dans cet état, si l'accusé eût été reconnu coupable de la fabrication, il eût été indubitable qu'en faisant usage des pièces qu'il aurait fabriquées, il aurait eu pleine connaissance de leur fausseté; mais que le fait de fabrication et celui de simple usage étant distincts par eux-mêmes et par la loi, les jurés devaient être interrogés sur chacun d'eux séparément; que celui du simple usage, dépouillé de celui de la fabrication, ne pouvait, aux termes de l'art 163, prendre le caractère de crime qu'autant que le faux aurait été connu du prévenu; que néanmoins la question posée à l'égard de l'usage de la pièce fausse n'a point porté sur la connaissance que pouvait avoir le prévenu de sa fausseté; et qu'ainsi, d'après cette omission, les jurés qui avaient déclaré l'accusé non coupable du fait de la fabrication, mais coupable d'avoir fait usage de la pièce fausse, n'ont pas été mis à même de faire de dé claration sur le point de savoir si le prévenu avait connaissance de la fausseté de la pièce, circonstance scule caractéristique du crime [1]. » Mais la loi n'a point déterminé de formule pour cette déclaration: il importe peu dès lors que le jury reconnaisse que l'usage a été fait sciemment ou avec connaissance de la fausseté de la pièce : le vœu de la loi est rempli par l'une ou l'autre de ces formules [2]: et il n'est pas besoin d'ajouter que cet usage a été fait méchamment ou à dessein de nuire.

La plupart des législations ont frappé d'une peine égale la fabrication d'une pièce fausse et l'usage de cette pièce. Telle est la disposition formelle du Code prussien (article 1379), de la loi brésilienne (article 167), enfin du Code préparé par M. Livingston. Cependant quelques législateurs ont prononcé une peine moins forte contre le seul usage d'une pièce fausse : telle est la décision des lois pénales des Deux-Siciles, qui, après avoir puni de la peine des fers la fabrication d'un acte faux, ajoutent (article 292): «L'individu qui, sans être complice du faux, aura fait sciemment usage de l'une des pièces fausses... sera puni de la relégation. >>

En général, la fabrication de l'acte faux et son usage sont empreints d'une même criminalité; ces deux actes tendent au même but, concourent à l'accomplissement du même crime, et si le fabricateur révèle plus d'habileté, l'agent manifeste plus d'audace. Ainsi, lorsque l'on

[1] Arr. cass. 5 oct. 1815, et 26 juin 1834; S. 1816, 1, 80.

suppose ces deux faits liés, comme ils le sont presque toujours, par un intérêt commun, agents de la même pensée, complices l'un de l'autre, on ne voit point de raison de mettre des degrés dans les deux peines, et de placer l'un des deux coupables sur un plan plus éloigné de la criminalité.

Mais lorsque celui qui a fait usage n'est pas complice de la fabrication, lorsqu'il est étranger à cette première phase du crime, on peut remarquer plusieurs nuances entre les deux agents. L'un a conçu la pensée créatrice du crime, il en a médité les résultats, il en a préparé l'exécution, il l'a même consommé par la criminelle habileté de sa contrefaçon : l'autre n'est qu'un agent secondaire, il n'a point eu la pensée du crime, il n'a pris aucune part à la contrefaçon, il n'arrive que lorsque cette contrefaçon est accomplie; la pensée de la fraude ne saisit son esprit qu'au moment où l'acte faux tombe dans ses mains; à proprement parler, il ne commet point un faux, mais seulement une escroquerie. Ce sont ces motifs qui ont déterminé l'atténuation de la peine consacrée par le Code pénal napolitain.

Mais ces motifs acquièrent une plus grande force, si l'on suppose que le coupable a reçu le billet faux comme bon, et que ce n'est que pour éviter et rejeter sur un autre la perte qui le menaçait, qu'il l'a de nouveau émis dans le commerce. L'article 135 a admis cette excuse relativement à la fausse monnaie, mais elle ne l'a point étendue aux écrits faux. Nous admettons aisément que l'espèce n'est pas identique celui qui remet en circulation un billet qu'il a reçu pour sa valeur supposée, mais avec la connaissance qu'il est faux, sait qu'il cause une perte à celui qui le reçoit, et commet une fraude que la valeur de l'acte rend plus grave et plus coupable. Mais il est difficile cependant de confondre cet agent avec le complice du faussaire, avec l'instrument du crime, avec celui même qui exploite l'acte faux, non pour éviter un préjudice, mais pour réaliser un gain illicite. Une différence visible sépare ces divers coupables, et l'on est fondé à porter contre la loi le juste reproche d'avoir confondu dans une même disposition des actions qui n'ont pas la même valeur morale, une criminalité identique.

Toutefois, notre Code pénal ne paraît point avoir adopté à cet égard une règle absolue: l'article 151 punit, à la vérité, l'usage d un

[2] Arr. cass 2 juil. 1813; Dalloz, t. 3, p. 354; 25 nov. 1825; S. 1826, 1, 376; 16 sept. 1830.

acte privé faux de la même peine que la fabrication même de cet acte; mais l'article 148 ne punit l'usage des actes faux, soit publics, soit commerciaux, que de la seule peine des travaux forcés à temps, quoique la fabrication de ces actes soit frappée, dans le cas des articles 145 et 146 de la peine plus grave des travaux forcés à perpétuité. Ainsi la loi n'a pas fait une règle générale de l'uniformité de la peine appliquée à ces deux actes; ainsi elle a paru soupçonner quelque distance entre la moralité de P'un et de l'autre.

Il résulte de là que le fonctionnaire qui a fait sciemment usage d'un acte faux n'est passible que de la peine des travaux forcés à temps, encore bien que le faux ait été commis en écritures publiques, et que la poursuite soit exercée simultanément contre les deux crimes. La raison, que nous avons déjà exprimée au début de ce chapitre, en est que l'usage n'est point un acte de complicité du faux, qu'il forme un crime distinct, passible d'une peine spéciale. C'est aussi ce que la Cour de cassation a jugé par un arrêt qui confirme cette distinction, « attendu qu'il ne résulte pas de la déclaration du jury que l'accusé ait concouru à l'acte faux, qu'il a été seulement convaincu d'avoir fait usage sciemment d'une fausse expédition de l'acte fabriqué [1]. »

Il en serait ainsi dans le cas même où le faux aurait été commis par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions; car l'usage n'étant point un fait de complicité, mais un acte distinct, et l'article 148 ne comportant aucune exception, l'usage qui serait fait par un autre fonctionnaire de cet acte faux ne pourrait entrainer d'autre peine que celle fixée par cet article. Au reste, une règle générale est que celui qui a fait usage d'une pièce fausse ne peut encourir une peine plus grave que celle dont le Code a puni l'auteur du faux. Cette règle repose sur le texte des deux articles 148 et 151, qui établissent une relation formelle entre l'usage et la nature du faux. Il en résulte la nécessité de constater tous les éléments du faux principal avant de pouvoir déterminer la nature de l'usage. Ainsi l'article 151 ne peut être appliqué qu'autant que le faux en écriture privée renferme les éléments caractéristiques du crime; ainsi la peine plus grave de l'article 148 ne peut être infligée que dans le cas où la circonstance

aggravante de l'écriture authentique ou commerciale est, en outre, constatée [2].

Il ne suffirait donc pas que l'usage d'un billet à ordre constituât en lui-même une opération commerciale, pour que l'application de l'article 148 fût justifiée; il faut nécessairement que ce billet soit un acte de commerce: car, s'il ne constitue qu'une obligation civile, par exemple s'il n'émane pas d'un négociant, et n'est pas né d'une opération commerciale, la négociation qui en est faite par un commerçant ne peut en altérer la nature; elle ne peut constituer que l'usage d'une fausse obligation privée, et non d'une écriture de commerce; dès lors le fait de cet usage demeure dans les termes de l'article 151.

La Cour de cassation a confirmé cette distinction en se fondant également sur ce que : « les articles 148 et 151 assimilent les actes faux à la fabrication même de ces actes; d'où il résulte que, quelle que soit la nature de la négociation à l'occasion de laquelle un individu a fait usage d'une pièce fausse, il ne peut encourir une peine plus grave que celle dont le Code pénal a puni le faussaire; qu'ainsi, si le faux principal n'est pas en écriture de commerce, l'usage, même fait par un négociant, de cette obligation civile, et pour un fait de commerce, ne peut encourir les peines de l'usage d'un faux commercial [3]. »

Aux termes de l'article 164 du Code, la peine accessoire de l'amende est applicable, non-seulement aux auteurs du faux et à leurs complices, mais encore à ceux qui ont fait usage de la pièce fausse; car, en mesurant la quotité de l'amende sur le bénéfice que le faux était destiné à procurer à ces divers agents, la loi a suffisamment manifesté l'intention de les comprendre dans le nombre des coupables qui sont passibles de cette amende.

Mais en est-il de même à l'égard de l'exposition publique? Cette seconde peine accessoire s'étendelle aux individus qui ont fait usage de la pièce fausse comme aux auteurs mêmes de cette pièce? Laraison de douter se puise dans les termes de l'article 165 qui, loin de faire aucune mention des individus qui ont fait usage d'une pièce fausse, n'appliquent l'exposition publique qu'aux faussaires condamnés soit aux travaux forcés, soit à la reclusion. Or, qu'est-ce qu'un faussaire, dans le sens naturel de ce mot? C'est celui qui

[1] Arr. cass. 15 oct. 1813; Dalloz. t. 8, p. 85; S. 1828, 1, 364. S. 1814, 1, 329.

[3] Arr. cass. 6 avr. 1827; arr. cass. 22 juin 1832;

[2] Arr. cass. 24 janvier et 19 septembre 1828; S. 1828, 1, 37.

a fait un acte faux, qui a commis une altération dans un acte. L'expression de la loi semble donc exclure de sa disposition les individus qui, sans être faussaires, c'est-à-dire auteurs du faux, n'ont fait que se servir de l'acte falsifié.

Cependant il est fort douteux que cette interprétation soit conforme à l'esprit de la loi. Le législateur a voulu renfermer dans l'expression de faussaire tout individu condamné pour fabrication ou usage de faux; s'il s'est exprimé inexactement, son intention ne ressort pas moins des diverses dispositions de la loi. L'exposé des motifs portait : « Dans les cas où la confiscation n'est pas prononcée, les auteurs du faux, leurs complices, ou ceux qui en auraient fait usage sciemment, seront condamnés à une amende dont le maximum sera du quart du bénéfice illégitime que le faux leur aura procuré; et dans le cas où la peine du faux sera afflictive ou infamante, elle sera accompagnée de la marque.» Ces paroles indiquent déjà que le législateur n'a point entendu restreindre la marque (aujourd'hui l'exposition) dans des limites plus étroites que l'amende. Lorsqu'on remarque, ensuite, que le Code a complétement assimilé la fabrication et l'usage du faux, et les a confondus dans la qualification et dans la peine, on ne peut s'empêcher de penser qu'il eût été contraire à son système de soustraire à l'exposition les agents coupables d'avoir fait usage du faux. Enfin la place que l'art. 165 occupe parmi les dispositions communes à toute la section du fanx, achève de démontrer que le législateur n'a pas voulu faire de distinction parmi les crimes qui sont rangés dans la classe du faux, et qu'à ses yeux tous les condamnés, soit pour altération d'actes, soit pour usage des actes altérés, sont des faussaires. Cette opinion, à laquelle le texte paraît, quoiqu'assez faiblement, résister, nous semble seule exprimer l'intention qui a présidé à sa rédaction. La jurisprudence de la Cour de cassation s'y est constamment conformée. Ses arrêts se fondent sur un double motif. Les uns s'appuient sur ce que : « l'article 151, en disposant que celui qui a fait usage de la pièce fausse sera puni de la même peine que l'auteur du faux, les assimile entièrement, et les confond

l'un et l'autre dans l'application de la peine, comme dans la qualification du crime; que le crime d'avoir fait sciemment usage d'une pièce fausse est classé dans le Code sous la rubrique du faux, comme la fabrication d'une pièce fausse; que ces deux crimes, ainsi confondus par la loi dans leur qualification comme dans la peine dont ils sont déclarés passibles, sont donc réputés identiques; que l'auteur de l'usage fait sciemment d'une pièce fausse est donc aussi réputé faussaire; que conséquemment la marque (l'exposition) doit être infligée à celui qui a fait usage de la pièce fausse, comme à celui qui l'a fabriquée [1]. »

D'autres arrêts sont arrivés à la même solution en la motivant sur ce que: «< tous les articles du Code ( qui s'appliquent à la fabrication et à l'usage) sont placés sous la section première ( intitulée du faux) du chapitre 3 du titre premier du livre 3 du Code pénal; que la loi ayant voulu que les articles 164 et 165 fussent communs aux dispositions des articles précédents qui sont contenus dans ladite section première, il s'ensuit nécessairement que les peines prononcées par les articles 164 et 165 doivent être ajoutées à celles portées par les articles 148 et 151 contre ceux qui font sciemment usage d'une pièce fausse [2]. »

Nous terminerons ici nos observations sur l'usage du faux le petit nombre de questions que cette matière a soulevées trouvent leur solution dans les principes que nous avons établis.

Nous avons successivement parcouru, dans les quatre chapitres qui précèdent et dans celuici, les caractères généraux des faux en écritures, la division de ces crimes, les caractères spéciaux des faux en écritures publiques, commerciales et privées, enfin les éléments du crime distinct d'usage des actes altérés. Nous avons essayé d'enchaîner cette immense matière sous le joug de quelques règles précises, et de ramener les dispositions vagues de la loi, et les décisions multiples et variées qu'elle a suscitées, à quelques points fixes, féconds dans l'application 'Il nous reste encore, pour compléter cette matière, à nous occuper des faux commis dans les certificats.

[1] Arr. cass. 1er août 1816; Dalloz, t. 15, p. 468.

[2] Arr. cass. 8 fév. 1812; Dalloz. t. 15, p. 468; S. 1812, 1, 319.

acte privé faux de la même peine que la fabrication même de cet acte; mais l'article 148 ne punit l'usage des actes faux, soit publics, soit commerciaux, que de la seule peine des travaux forcés à temps, quoique la fabrication de ces actes soit frappée, dans le cas des articles 145 et 146 de la peine plus grave des travaux forcés à perpétuité. Ainsi la loi n'a pas fait une règle générale de l'uniformité de la peine appliquée à ces deux actes; ainsi elle a paru soupçonner quelque distance entre la moralité de P'un et de l'autre.

Il résulte de là que le fonctionnaire qui a fait sciemment usage d'un acte faux n'est passible que de la peine des travaux forcés à temps, encore bien que le faux ait été commis en écritures publiques, et que la poursuite soit exercée simultanément contre les deux crimes. La raison, que nous avons déjà exprimée au début de ce chapitre, en est que l'usage n'est point un acte de complicité du faux, qu'il forme un crime distinct, passible d'une peine spéciale. C'est aussi ce que la Cour de cassation a jugé par un arrêt qui confirme cette distinction, « attendu qu'il ne résulte pas de la déclaration du jury que l'accusé ait concouru à l'acte faux, qu'il a été seulement convaincu d'avoir fait usage sciemment d'une fausse expédition de l'acte fabriqué [1]. >>

Il en serait ainsi dans le cas même où le faux aurait été commis par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions; car l'usage n'étant point un fait de complicité, mais un acte distinct, et l'article 148 ne comportant aucune exception, l'usage qui serait fait par un autre fonctionnaire de cet acte faux ne pourrait entraî ner d'autre peine que celle fixée par cet article. Au reste, une règle générale est que celui qui a fait usage d'une pièce fausse ne peut encourir une peine plus grave que celle dont le Code a puni l'auteur du faux. Cette règle repose sur le texte des deux articles 148 et 151, qui établissent une relation formelle entre l'usage et la nature du faux. Il en résulte la nécessité de constater tous les éléments du faux principal avant de pouvoir déterminer la nature de l'usage. Ainsi l'article 151 ne peut être appliqué qu'autant que le faux en écriture privée renferme les éléments caractéristiques du crime; ainsi la peine plus grave de l'article 148 ne peut être infligée que dans le cas où la circonstance

[1] Arr. cass. 15 oct. 1813; Dalloz . t. 8, p. 85; S. 1814, 1, 329.

[2] Arr. cass. 24 janvier et 19 septembre 1828;

aggravante de l'écriture authentique ou commerciale est, en outre, constatée [2].

Il ne suffirait donc pas que l'usage d'un billet à ordre constituât en lui-même une opération commerciale, pour que l'application de l'article 148 fût justifiée; il faut nécessairement que ce billet soit un acte de commerce car, s'il ne constitue qu'une obligation civile, par exemple s'il n'émane pas d'un négociant, et n'est pas né d'une opération commerciale, la négociation qui en est faite par un commerçant ne peut en altérer la nature; elle ne peut constituer que l'usage d'une fausse obligation privée, et non d'une écriture de commerce; dès lors le fait de cet usage demeure dans les termes de l'article 151.

La Cour de cassation a confirmé cette distinction en se fondant également sur ce que : «les articles 148 et 151 assimilent les actes faux à la fabrication même de ces actes; d'où il résulte que, quelle que soit la nature de la négociation à l'occasion de laquelle un individu a fait usage d'une pièce fausse, il ne peut encourir une peine plus grave que celle dont le Code pénal a puni le faussaire; qu'ainsi, si le faux principal n'est pas en écriture de commerce, l'usage, même fait par un négociant, de cette obligation civile, et pour un fait de commerce, ne peut encourir les peines de l'usage d'un faux commercial [3]. » ·

Aux termes de l'article 164 du Code, la peine accessoire de l'amende est applicable, non-seulement aux auteurs du faux et à leurs complices, mais encore à ceux qui ont fait usage de la pièce fausse; car, en mesurant la quotité de l'amende sur le bénéfice que le faux était destiné à procurer à ces divers agents, la loi a suffisamment manifesté l'intention de les comprendre dans le nombre des coupables qui sont passibles de cette amende.

Mais en est-il de même à l'égard de l'exposition publique? Cette seconde peine accessoire s'étendelle aux individus qui ont fait usage de la pièce fausse comme aux auteurs mêmes de cette pièce? Laraison de douter se puise dans les termes de l'article 165 qui, loin de faire aucune mention des individus qui ont fait usage d'une pièce fausse, n'appliquent l'exposition publique qu'aux faussaires condamnés soit aux travaux forcés, soit à la reclusion. Or, qu'est-ce qu'un faussaire, dans le sens naturel de ce mot? C'est celui qui

[blocks in formation]

a fait un acte faux, qui a commis une altération dans un acte. L'expression de la loi semble donc exclure de sa disposition les individus qui, sans être faussaires, c'est-à-dire auteurs du faux, n'ont fait que se servir de l'acte falsifié.

Cependant il est fort douteux que cette interprétation soit conforme à l'esprit de la loi. Le législateur a voulu renfermer dans l'expression de faussaire tout individu condamné pour fabrication ou usage de faux; s'il s'est exprimé inexactement, son intention ne ressort pas moins des diverses dispositions de la loi. L'exposé des motifs portait : «Dans les cas où la confiscation n'est pas prononcée, les auteurs du faux, leurs complices, ou ceux qui en auraient fait usage sciemment, seront condamnés à une amende dont le maximum sera du quart du bénéfice illégitime que le faux leur aura procuré; et dans le cas où la peine du faux sera afflictive ou infamante, elle sera accompagnée de la marque. »> Ces paroles indiquent déjà que le législateur n'a point entendu restreindre la marque (aujourd'hui l'exposition) dans des limites plus étroites que l'amende. Lorsqu'on remarque, ensuite, que le Code a complétement assimilé la fabrication et l'usage du faux, et les a confondus dans la qualification et dans la peine, on ne peut s'empêcher de penser qu'il eût été contraire à son système de soustraire à l'exposition les agents coupables d'avoir fait usage du faux. Enfin la place que l'art. 165 occupe parmi les dispositions communes à toute la section du fanx, achève de démontrer que le législateur n'a pas voulu faire de distinction parmi les crimes qui sont rangés dans la classe du faux, et qu'à ses yeux tous les condamnés, soit pour altération d'actes, soit pour usage des actes altérés, sont des faussaires. Cette opinion, à laquelle le texte paraît, quoiqu'assez faiblement, résister, nous semble seule exprimer l'intention qui a présidé à sa rédaction. La jurisprudence de la Cour de cassation s'y est constamment conformée. Ses arrêts se fondent sur un double motif. Les uns s'appuient sur ce que « l'article 151, en disposant que celui qui a fait usage de la pièce fausse sera puni de la même peine que l'auteur du faux, les assimile entièrement, et les confond

l'un et l'autre dans l'application de la peine, comme dans la qualification du crime; que le crime d'avoir fait sciemment usage d'une pièce fausse est classé dans le Code sous la rubrique du faux, comme la fabrication d'une pièce fausse; que ces deux crimes, ainsi confondus par la loi dans leur qualification comme dans la peine dont ils sont déclarés passibles, sont donc réputés identiques; que l'auteur de l'usage fait sciemment d'une pièce fausse est donc aussi réputé faussaire; que conséquemment la marque (l'exposition) doit être infligée à celui qui a fait usage de la pièce fausse, comme à celui qui l'a fabriquée [1]. »

D'autres arrêts sont arrivés à la même solution en la motivant sur ce que: « tous les articles du Code ( qui s'appliquent à la fabrication et à l'usage) sont placés sous la section première (intitulée du faux) du chapitre 3 du titre premier du livre 3 du Code pénal; que la loi ayant voulu que les articles 164 et 165 fussent communs aux dispositions des articles précédents qui sont contenus dans ladite section première, il s'ensuit nécessairement que les peines prononcées par les articles 164 et 165 doivent être ajoutées à celles portées par les articles 148 et 151 contre ceux qui font sciemment usage d'une pièce fausse [2]. »

Nous terminerons ici nos observations sur l'usage du faux le petit nombre de questions que cette matière a soulevées trouvent leur solution dans les principes que nous avons établis.

Nous avons successivement parcouru, dans les quatre chapitres qui précèdent et dans celuici, les caractères généraux des faux en écritures, la division de ces crimes, les caractères spéciaux des faux en écritures publiques, commerciales et privées, enfin les éléments du crime distinct d'usage des actes altérés. Nous avons essayé d'enchaîner cette immense matière sous le joug de quelques règles précises, et de ramener les dispositions vagues de la loi, et les décisions multiples et variées qu'elle a suscitées, à quelques points fixes, féconds dans l'application 'Il nous reste encore, pour compléter cette matière, à nous occuper des faux commis dans les certificats.

[1] Arr. cass. 1er août 1816; Dalloz, t. 15, p. 468.

[2] Arr. cass. 8 fév. 1812; Dalloz. t. 15, p. 468; S. 1812, 1, 319.

« PrécédentContinuer »