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sonne logée dans leurs auberges, et dont l'inscription n'aurait pas été faite sur leurs regis tres dans ce cas ils subissent la responsabilité de la faute qu'il ont commise; cette faute a porté préjudice aux tiers lésés par le crime ou le délit; une stricte justice en exige la réparation. Enfin l'article 154 prévoit et punit, non plus la simple omission de l'inscription, mais l'inscription faite sciemment sous des noms faux ou supposés : il ne s'agit plus d'une simple négligence, comme dans le cas de l'article 475, ni des suites de cette négligence, comme dans l'hypothèse prévue par l'article 73, mais d'un délit moral, puisque la loi suppose la complicité de l'hôtelier avec la personne qu'il loge. Il est nécessaire que le jugement constate qu'il a agi sciemment.

délits; l'autre a été érigé au rang des crimes, à raison de la qualité de son auteur.

Toutefois il faut remarquer que le deuxième paragraphe de l'article 155 ne panit que la seule supposition du nom; celle des qualités et des autres énonciations ne rentre pas dans les termes de cette disposition. Le premier paragraphe du même article, au contraire, s'applique à l'omission de l'attestation, soit en ce qui concerne les noms, soit même à l'égard des qualités. Il suit de cette différence dans les deux textes que l'officier public qui délivrerait le passeport avec des qualités qu'il saurait supposées, ne pourrait être inculpé qu'à raison de la négligence qu'il aurait mise à se faire attester ces qualités. L'importance secondaire de cette énonciation est sans doute le motif de cette différence. Mais il est difficile cependant de ne pas apercevoir quelque contradiction à punir dans la personne du fonctionnaire l'omission de l'attestation des qualités, tandis que les articles. 153 et 154 n'ont puni ni dans le requérant, ni dans les témoins, la fausse déclaration de ces qualités et même leur fausse attestation. § II.

Cette considération justifie peut-être l'opinion exprimée par M. Haus [1], que la peine de six jours à un mois est trop faible, comparée au fait qu'elle doit punir. En effet, l'hôtelier qui, pour soustraire une personne à la surveillance de l'autorité, l'inscrit sur ses registres sous un faux nom, commet une double infraction: il viole les devoirs imposés à sa profession et se rend complice de la supposition de nom. Or, comme cette fraude peut avoir dans certains cas Du Faux commis dans les Feuilles de des résultats assez graves, on aurait pu, sans blesser l'exacte proportion qui doit unir le délit et la peine, élever à trois mois le maximum de celle-ci.

L'article 155, également emprunté à la loi du 17 ventôse 'an Iv, est ainsi conçu : « Les officiers publics qui délivreront un passe-port à une personne qu'ils ne connaîtront pas personnellement, sans avoir fait attester ses noms et qualités par deux citoyens à eux connus, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à six mois. Si l'officier public, instruit de la supposition du nom, a néanmoins délivré le passe-port sous le nom supposé, il sera puni du bannissement. »

Les deux faits prévus par cet article ont un caractère fort distinct : le premier n'est qu'une simple négligence, quoiqu'elle ne soit pas exempte de blâme; le deuxième constitue une véritable prévarication du fonctionnaire qui abuse du pouvoir qui lui a été confié, pour certifier un fait qu'il sait n'être pas vrai. Cette différence dans la nature de ces deux actes a motivé la qualification diverse qu'ils ont reçue; le premier, qui n'est à proprement parler qu'une simple contravention, a été placé parmi les

[1] T. 2, p. 87.

route.

Les feuilles de route servent de passe-ports aux militaires et aux employés à la suite des armées. L'altération de ces actes peut avoir un double but, et par conséquent doit revêtir deux caractères différents : si elle n'a pour objet que de tromper la surveillance de l'autorité publique, ses effets sont identiquement les mêmes que ceux de l'altération d'un passe-port, et dès lors le délit conserve le même caractère; mais, si la falsification de la feuille de route a eu pour objet de soustraire au trésor public les frais de route qui sont alloués aux militaires, alors le faux n'est qu'un moyen de commettre un vol, et cette circonstance nouvelle entraîne une qualification plus grave. C'est suivant l'expression de M. Berlier, un délit complexe, et qui se compose du faux qui est le moyen, et de l'escroquerie qui est le but.

Cette distinction n'existait point dans la législation antérieure à notre Code. Les faux commis dans les feuilles de route se trouvaient compris dans la classe générale des faux que punissait l'art. 41 du titre 2 de la deuxième section du Code de 1791. Seulement, si le but de la falsification avait été de percevoir des frais de route, le crime devenait justiciable de la Cour spéciale de Paris, aux termes des articles

1 et 2 de la loi du 2 floréal an xi, qui attribuait à cette Cour la connaissance de tous les crimes de faux commis sur des pièces de comp. tabilité intéressant le trésor public [1].

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L'article 156 du Code est ainsi conçu : « Quiconque fabriquera une fausse feuille de route, ou falsifiera une feuille de route originairement véritable, ou fera usage d'une feuille de route fabriquée ou falsifiée, sera puni, savoir d'un emprisonnement d'une année au moins et de cinq ans au plus, si la fausse feuille de route n'a eu pour objet que de tromper la surveillance de l'autorité publique; du bannissement, si le trésor royal a payé au porteur de la fausse feuille des frais de route qui ne lui étaient pas dus ou qui excédaient ceux auxquels il pouvait avoir droit, le tout néanmoins audessous de cent francs; et de la reclusion, si les sommes indûment reçues par le porteur de la feuille s'élèvent à cent francs et au-delà. »> Reprenons une à une les différentes dispositions de cet article. En premier lieu, il doit suffire de remarquer que son premier paragraphe n'est que la reproduction fidèle de l'article 153 relatif aux faux passe-ports: delà il suit qu'il faut appliquer aux feuilles de route, soit la distinction que nous avons établie entre les faits d'altération et d'usage, soit les règles relatives aux éléments constitutifs de cette altération et de cet usage, que nous avons développées dans le premier paragraphe de ce chapitre. Reproduire ici ces règles et leurs conséquences ne serait qu'une fastidieuse répétition. La deuxième disposition de l'article 156 applique à l'altération de la feuille de route et à l'usage de cette feuille altérée la peine déjà ́appliquée aux mêmes délits commis sur les passe-ports: c'est en effet le même délit, tant que l'altération de la feuille de route a pour objet uniqué de tromper la surveillance de l'autorité. Il faut donc, dans cette hypothèse comme dans la première, réunir une triple condition pour que cette peine puisse être prononcée, à savoir une altération matérielle de la feuille, l'intention de tromper la surveillance, enfin la possibilité d'atteindre ce but à l'aide de l'altération. Cette troisième condition, commune à tous les faux, a pour effet d'élaguer de l'incrimination les altérations qui ne portent que sur des énonciations secondaires, et qui, dès lors, ne peuvent avoir pour résultat de tromper l'autorité.

[1] Arr. cass. 1er mai 1807; 21 avr. 1808; Dalloz, t. 15, p. 460; S. 1809, 105.

La troisième disposition élève le faux au rang des crimes : dans l'hypothèse qu'elle prévoit, il n'a plus, en effet, pour seul objet de tromper une surveillance légale, mais de consommer un vol, en employant la feuille fausse à percevoir des frais de route. Toutefois une exception aux règles constitutives du faux punissable se fait remarquer ici : en principe général, il suffit que le préjudice qu'il a pour but de produire soit possible; aux termes de l'article 156, il faut qu'il soit réel, et qu'il y ait eu perception ou tentative légale de perception de sommes qui n'étaient pas dues. Cette condition, qui révèle une indulgence plus grande du législateur pour cette classe de faux, résulte formellement des textes de l'article; et la Cour de cassation l'a reconnu, en déclarant : « que pour cette espèce particulière de faux, il est encore indispensable d'après l'art. 156, pour qu'il devienne passible d'une peine afflictive ou infamante et qu'il prenne ainsi le caractère de crime, que par la feuille 'de route falsifiée il ait été apporté préjudice au trésor public, en obtenant de lui, au moyen de ladite feuille, des frais de route qui n'étaient pas dus, ou qui excèdent ceux qui peuvent être dus; ou que, du moins, et par une conséquence de l'article 2 du Code de procédure, il y ait eu, à cet effet, une tentative accompagnée des circonstances fixées dans cet article [2]. »

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La dernière disposition de l'art. 156 a pour objet de graduer la peine d'après la quotité du préjudice causé si ce préjudice est inférieur à cent francs, cette peine est le bannissement; c'est la reclusion, s'il s'élève à cette somme ou s'il l'excède. Nous trouverons encore dans quelques dispositions du Code des applications de cette règle qui fait de la quotité du dommage l'un des éléments de la peine; et nous examinerons, en développant la théorie du vol, les motifs qui se sont opposés à ce que le législateur en fit l'une des règles générales du Code pénal.

Il est inutile, du reste, de faire observer que le préjudice ne peut se composer que des sommes indûment payées par l'Etat. Si donc le porteur de la fausse feuille avait réellement droit, par sa qualité, aux frais de route qu'il s'est fait payer par ce moyen, il n'y aurait plus de préjudice causé, et le fait rentrerait dans la catégorie des simples délits prévus par le deuxième paragraphe de l'article. S'il s'est borné

[2] Arr. cass. 8 nov. 1816; Dalloz, t. 15, p. 451.

à ajouter à son nom un faux grade, afin de recevoir une indemnité plus forte, le préjudice ne se composera que de la somme excédant celle à laquelle il avait droit.

La question s'est élevée de savoir si la falsification des mandats délivrés par les intendants ou sous-intendants militaires aux sousofficiers ou soldats voyageant isolément, constitue, comme la falsification des feuilles de route, les crimes et délits prévus par l'art. 156. La Cour de cassation a prononcé affirmativement : « Attendu que les feuilles de route et les mandats sont nécessairement liés les uns aux autres; d'où il suit que dans l'espèce, en appliquant à la falsification des mandats et à l'emploi de ces faux mandats excédant la somme de cent francs, les dispositions de l'article 156, la Cour d'assises s'est conformée au véritable esprit de cet article [1]. » Deux motifs militent en faveur de cette interprétation. D'abord, il est visible qu'une analogie parfaite assimile les mandats des intendants militaires aux feuilles de route; ces actes ont les uns et les autres la même importance, le même objet, la même valeur; ensuite, si cette assimilation n'était pas adoptée, le faux commis dans les mandats tomberait nécessairement sous l'empire de l'article 147, et serait dès lors puni d'une peine plus grave; or, il ne serait pas rationnel de recourir à des dispositions plus sévères, lorsque la loi a cru pouvoir adoucir ces mêmes dispositions. en faveur d'un cas parfaitement analogue au fait de l'espèce.

L'article 157 prévoit une autre hypothèse. «Les peines portées en l'article précédent seront appliquées, selon les distinctions qui y sont posées, à toute personne qui se sera fait délivrer, par l'officier public, une feuille de route sous un nom supposé. » Deux conditions sont nécessaires pour l'application de cet article: il faut que la feuille de route ait été délivrée par P'officier public chargé de cette délivrance, il faut qu'elle ait été délivrée sous un nom supposé. Ces deux points établis, il est nécessaire de rechercher le but que la supposition était destinée à atteindre et l'effet qu'elle a produit. Si elle n'avait pour objet que de tromper la surveillance légale, elle ne forme qu'un simple délit auquel s'applique le deuxième paragraphe de l'art. 156; si elle a eu de plus pour effet d'exiger du trésor public des sommes qui n'étaient pas dues, elle revêt le caractère du crime, et la peine varie, d'après les paragra

[1] Arr. cass. 9 août 1832; S. 1833, 1, 318.

CHAUVEAU. T. II.

phes 3 et 4 du même article, suivant la quotité du dommage causé.

L'article 157 ne s'occuppe que de la feuille de route délivrée sous un nom supposé; il ne comprend point dans ses termes la supposition des qualités. Il suit de là que la seule usurpation d'une fausse qualité sur la feuille de route ne peut donner lieu à aucune poursuite. Mais ceci nous donne lieu de poser une distinction qui peut être importante: de même qu'en ce qui concerne les passe-ports, l'altération de la qualité sur les feuilles de route ne prend aucune criminalité en elle-même, pourvu qu'elle n'ait d'autre but que de détourner la surveillance dont le porteur peut être l'objet. Mais il doit en être autrement lorsque cette fausse qualité a servi de base à l'exercice d'un droit, lorsque son usurpation a eu pour but de soustraire au trésor public des frais de route plus élevés. En effet, comme ces indemnités sont calculées d'après le grade du porteur de la feuille, il s'ensuit que ce grade devient alors l'une des énonciations substantielles de cette feuille; son altération, lorsqu'il en a été fait usage pour procurer des indemnités qui n'étaient pas dues par le trésor, constitue donc un faux qui rentre dans les termes des troisième et quatrième paragraphes de l'article 156. C'est par suite de cette distinction qu'il a été jugé par la Cour de cassation, anté-rieurement au Code pénal, que l'individu qui prend sur des feuilles de route et devant des intendants militaires la qualité d'officier, afin de toucher les émoluments et les frais de route attachés à ce grade, commet le crime de faux [2]. Cette décision est fondée; seulement cette espèce de faux se trouve classée par le Code dans les articles 156 et 157.

L'individu qui fait usage d'une feuille de route délivrée à un tiers ne commet, en matière de faux, ni crime, ni délit; car, d'une part, il n'y a pas d'altération de cette feuille, et, d'une autre part, elle n'a pas été délivrée sous un nom supposé. Mais il y aurait escroquerie s'il s'en était servi pour toucher des sommes que le trésor ne lui devait pas.

L'article 158 prévoit la complicité de l'officier public. « Si l'officier public, porte cet article, était instruit de la supposition de nom lorsqu'il a délivré la feuille, il sera puni, savoir dans le premier cas posé par l'article 156, du bannissement; dans le second cas du même article, de la reclusion; et dans le troisième cas, des travaux forcés à temps. »›

[2] Arr. cass. 21 avril 1808; Dalloz, t. 15, .461.

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Une première observation que suggère cet article, est que la complicité de l'officier public n'aggrave en aucune manière la position du prévenu: cela résulte du texte même de la loi, qui limite expressément son application à l'officier public.

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La culpabilité de cet officier lui-même est soumise à deux conditions: il faut qu'il soit compétent pour délivrer la feuille de route; et en effet, s'il n'avait pas ce droit, l'acte serait vicié dans sa base, il n'aurait aucune valeur, puisqu'il ne pourrait produire aucun effet; dès lors l'altération serait indifférente, puisqu'aucun préjudice nepourrait en résulter. Il faut ensuite que l'officier public ait été instruit de la supposition de nom lorsqu'il a délivré la feuille.Il ne suffirait donc pas qu'il eût négligé de se faire attester l'identité du réclamant la loi n'exige même pas dans ce cas cette formalité, quin'a lieu qu'à l'égard des passe-ports. Il faut qu'il ait agi sciemment, qu'il ait eu l'intention du crime. Ce n'est pas tout la peine puise différents degrés de gravité dans le but même que le porteur de feuille de route se proposait d'atteindre et dans les résultats de son action. S'il ne voulait qu'échapper à la surveillance, la peine de l'officier public qui s'est rendu le complice du faux est le bannissement; si le faux a eu pour résultat la perception de sommes qui n'étaient pas dues, et que les sommes ne s'élèvent pas à cent francs, la peine est la reclusion; enfin les travaux forcés à temps lui sont appliqués, si le préjudice qu'il a contribué à causer atteint ou excède cette somme.

S III.

Du Faux commis dans les Certificats. En général, les altérations dont les certificats sont l'objet sont comprises dans la classe commune des faux en écritures et sont punies des mêmes peines. Et quelle serait, en effet, la raison d'en former une catégorie à part? Si le certificat renferme obligation ou décharge, si les faits qu'il constate faussement réfléchissent contre des tiers et leur portent préjudice, il doit être mis sur la même ligne que les autres actes: ce n'est pas dans la forme des écritures falsifiées, mais dans leur but et dans leurs effets, que la peine doit puiser ses degrés.

Mais lorsque les certificats ne peuvent, par leur caractère propre, produire que des effets éloignés ou incertains, lorsqu'ils n'agissent qu'indirectement contre les tiers, lorsque les attestations qu'ils renferment ne portent que sur un fait moral dont l'appréciation est subor

donnée à des connaissances spéciales, il est juste, il est dans la nature des choses de séparer des crimes ordinaires de faux les altérations d'écritures ou de faits dont ces actes sont l'objet. Car le préjudice possible qui peut naître d'une action est l'un des éléments les plus puissants de son appréciation morale; et comme, d'un autre côté, les attestations qui s'appliquent à des faits complexes et moraux sont sujettes à des erreurs de bonne foi, il convient, sous ce double rapport, de ne frapper les faux commis dans cette espèce de certificats que d'une pénalité légère. Ce n'est point une exception à la règle générale ce n'est qu'une application à des actes différents par leur valeur morale et leurs résultats matériels, de règles différentes.

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La difficulté de la matière, difficulté que la loi pénale n'a résolue que d'une manière imparfaite, est de tracer une ligne précise et invariable entre les certificats dont la falsification est comprise dans la classe commune des faux et constitue un crime, et les certificats dont l'altération ne peut, d'après leur nature et leurs effets, constituer qu'un simple délit.

Notre Code s'est borné à imprimer en général ce dernier caractère aux faux qui sont commis, 1° dans les certificats de maladies ou d'infirmités, soit qu'ils émanent d'un homme de l'art, soit qu'ils soient fabriqués sous son nom par un tiers; 2° dans les certificats de bonne conduite ou d'indigence, ou autres de la même nature, et qui ont pour but d'appeler sur celui qui en fait usage la bienveillance publique; ou de lui procurer des places, du crédit et des secours. Nous commen cerons par examiner les caractères particuliers de ces deux espèces de certificats ; c'est le moyen le plus sûr d'arriver à la distinction des actes du même genre qui n'y sont pas compris.

Les certificats de maladies ou d'infirmités sont considérés sous un double rapport, suivant qu'ils sont fabriqués sous le nom d'un homme de l'art, ou qu'émanant de ce praticien lui-même, ils attestent des maladies ou des infirmités qui n'existent pas. La première hypothèse, que la législation antérieure au Code n'avait point prévue, fait l'objet de l'article 159. Cet article est ainsi conçu: «Toute personne qui, pour se rédimer elle-même ou en affranchir une autre d'un service public quelconque, fabriquera, sous le nom d'un médecin, chirurgien ou autre officier de santé, un certificat de maladie ou infirmité, sera punie d'un emprisonnement de deux à cinq ans. >>

Il résulte de cette disposition que le délit qu'elle punit repose sur une triple condition: il est nécessaire que le certificat atteste une

maladie ou infirmité : c'est cet objet de l'acte qui l'empreint d'un caractère particulier et le soustrait aux peines communes du faux. Il est nécessaire, en second lieu, qu'il soit fabriqué sous le nom d'un médecin, chirurgien ou officier de santé : c'est cette usurpation qui seule donne foi aux attestations du certificat. Enfin il est nécessaire que son but soit l'exemption d'un service public: c'est ce but qui forme le préjudice et qui fait le péril de l'acte.

Reprenons ces trois conditions. Il faut que le certificat ait pour objet l'attestation d'une maladie ou infirmité; mais est-il nécessaire que cette maladie relatée soit fausse? Ce qui peut faire naître un doute, c'est que l'art. 159 n'exprime pas formellement la nécessité de cette fausseté; mais elle résulte de l'esprit de cet article; car, si la maladie certifiée est réelle, le certificat, bien qu'entaché de faux, ne produira cependant aucun préjudice. En effet, si cette maladie est de nature à motiver l'exemption d'un service public, cette exemption sera la conséquence de la maladie elle-même et non du certificat. La fabrication de ce certificat n'aura donc plus aucun objet, et dès lors elle cessera d'être un délit : ce sera, si l'on veut, une mauvaise voie prise pour formuler une juste réclamation; l'acte conservera son cachet d'immoralité; mais comme il cessera d'être un moyen de nuire, la justice sociale n'aura plus à s'en occuper.

Il faut que le certificat soit placé sous le nom d'un médecin, chirurgien ou officier de santé. Ainsi l'on devrait déclarer que celui qui se borne à ajouter à son nom la qualité d'officier de santé ou de médecin, dans un certificat de maladie qu'il signe, ne commettra point le délit prévu par cet article; car cette qualité n'est point une qualité substantielle du certificat, et d'ailleurs la loi n'inculpe expressément que l'usurpation du seul nom. Déjà la Cour de cassation avait jugé dans ce sens, antérieurement au Code pénal, en déclarant que la fausse qualité de chirurgien militaire, usurpée par un individu pour fabriquer des certificats de visi-' tes, n'était pas caractéristique du faux [1]. Mais il est évident que dans cette espèce, comme dans tous les cas où le certificat peut produire préjudice à un tiers, l'usurpation de la qualité peut être considérée comme une manoeuvre fraudu leuse qui rentrerait dans les termes de l'art. 405. Il faut que le certificat ait pour but de prépa

[1] Arr. cass. 6 août 1807; S. 1809, 1, 88.

rer l'exemption d'un service public; tels sont les certificats qui constatent des maladies propres à motiver des exemptions du jury, de la garde nationale ou du service militaire.

Faudra-t-il ranger dans la même catégorie les certificats qui auraient pour but des exemptions d'une autre nature, et qui par exemple seraient fabriqués dans le dessein de faire extraire un détenu d'une prison pour le transférer dans une maison de santé [2]? La parfaite analogie que présente cette espèce avec celle que nous discutons peut faire pencher pour l'affirmative; car, dans les deux hypothèses, les certificats sont rédigés sous le nom d'un officier de santé, et leur but est d'obtenir, par l'allégation d'une fausse maladie, une exemption quelconque. Cependant il ne faut pas perdre de vue la différence qui les sépare : dans l'espèce proposée, le certificat a pour but, non d'obtenir la dispense d'un service public, mais l'inexécution d'une peine. Or il est impossible de confondre ces deux résultats : on méconnaît ses devoirs de citoyen en s'exemptant, par la fraude, d'un service public; on blesse profondément l'ordre social en soustrayant un condamné à l'expiation de son délit. L'article 159 n'a infligé les peines correctionnelles qu'il prononce qu'aux auteurs des certificats qui ont pour objet de se rédimer ou d'affranchir des tiers d'un service public; ces termes ne doivent être ni restreints, ni étendus. Les certificats qui s'appliquent à un tout autre objet qu'à un service public ne rentrent donc pas dans cette classe, et l'on peut dès lors voir dans leur falsification les caractères d'un faux commun, si d'ailleurs elle entraîne le préjudice dont parle l'art. 162.

L'art. 160 prévoit la deuxième hypothèse; cet article est ainsi conçu : « Tout médecin, chirurgien ou autre officier de santé qui, pour favori. ser quelqu'un, certifiera faussement des mala dies ou infirmités propres à dispenser d'un service public, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans. S'il a été mû par dons ou promesses, il sera puni du bannissement; les corrupteurs seront, en ce cas punis de la même peine. »>

Antérieurement au Code pénal, cette espèce de faux n'était prévue par aucune loi spéciale, et rentrait dans les dispositions générales du Code de 1791. On n'en trouve, en effet, la mention que dans l'art. 121 du Code des délits et des peines, lequel se borne à autoriser le juge

[2] Arr. cass. 22 mai 1807; Dalloz, t. 15, p. 463; S. 1820, 1, 493.

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