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de ces sortes de certificats ne rentre point dans les dispositions du Code: le même caractère - inoffensif couvre et protége l'acte et la supposition de cet acte.

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Il est donc essentiel pour l'existence du délit prévu par l'article 161, que la personne dont le certificat est censé émaner soit un fonctionnaire public. Il n'importe plus ici de rechercher si cet officier est ou non compétent pour le délivrer les recommandations officieuses, les certificats de services peuvent être donnés par tous les fonctionnaires; mais cette qualité d'officier public est essentielle à l'existence du délit. Ainsi, dans une espèce où les faux certificats étaient attribués à d anciens officiers des armées vendéennes, la Cour royale de Rouen n'hésita pas à déclarer qu'il n'y avait point de délit «< attendu que ces personnes n'étaient point des fonctionnaires publics aux époques où les certificats énonçaient avoir été datés, et qu'il n'était pas justifié d'ordonnances du roi qui eussent conféré aux prétendus signataires de certificats, caractère et qualité pour délivrer des actes propres à faire obtenir des récompenses. » La Cour de cassation répliqua en annulant cet arrêt: «que trois ordonnances (des 31 mars 1814, 23 octobre 1815 et 22 mai 1816) et deux lois (des 15 mai 1818 et 26 juillet 1821) ont assuré des récompenses pécuniaires et des distinctions honorifiques aux anciens soldats et officiers de l'armée royale de l'Ouest; que dès-lors ces lois et ordonnances ont suffisamment autorisé les officiers de ces armées à délivrer, en leurs qualités respectives, les certificats et attestations qu'elles rendaient indispensables pour la justification des services qu'elles entendaient récompenser; qu'aux termes de l'article 258 du Code pénal, les fonctions militaires sont mises au rang des fonctions publiques; que dès lors ces officiers doivent être réputés fonctionnaires publics, quand ils agissent en qualité de fonctionnaires militaires [1]. » Ainsi, pour faire l'application de la peine, la Cour de cassation fut forcée de reconnaître aux prétendus signataires la qualité de fonctionnaires publics.

Le même arrêt juge ensuite: « que dans l'application de l'art. 161, il est inutile de rechercher si les personnes sous le nom desquelles on a fabriqué les certificats exerçaient véritablement à cette époque les fonctions publiques qu'on leur attribue; qu'il suffit qu'il soit constaté que les faussaires ont cherché à

[1] Arr. cass. 22 oct. 1825.

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se prévaloir frauduleusement de l'autorité légale attachée aux fonctions publiques, et de la confiance naturelle qu'inspire le témoignage des personnes qu'on suppose en être revêtues, pour que le délit soit constant et la peine encourue. » Cette doctrine est-elle parfaitement exacte? La loi n'a point exigé, nous l'avons déjà dit, que le certificat fût attribué à un fonctionnaire compétent pour attester les faits qui y sont énoncés: il n'existe point, à proprement parler, de compétence particulière, lorsqu'il s'agit d'une attestation qui n'a point la force d'une preuve et qui n'est propre qu'à exciter la bienveillance; le danger de l'acte réside uniquement dans l'autorité du fonctionnaire, quel qu'il soit, dont on usurpe le nom, dans la confiance que ce nom peut inspirer. Il faut donc, suivant cet esprit même de la loi, que ce nom soit celui d'un fonctionnaire, c'està-dire d'un individu exerçant ses fonctions au moment où le certificat est présumé avoir été délivré; car si, à cette époque, cet individu n'était pas encore revêtu de ses fonctions, ou si ses fonctions avaient cessé, l'usurpation de son nom ne serait plus l'usurpation du nom d'un fonctionnaire. Que si la seule mention dans le certificat d'une fonction faussement ajoutée au nom d'un individu non fonctionnaire peut encore occasionner quelque erreur, on devra s'imputer de n'avoir pas vérifié l'existence réelle de l'officier signataire; mais cette énonciation mensongère ne suffira pas pour constituer le délit prévu par l'article 161, puisque cet article exige, pour l'existence du délit, non pas seulement l'usurpation d'une fausse qualité, mais l'usurpation du nom d'un fonctionnaire ou officier public.

La rédaction de l'article 161 a donné lieu à une difficulté que la jurisprudence a immédiatement aplanie; cet article n'a prévu dans ses deux paragraphes que deux délits, à savoir : la fabrication, sous le nom d'un fonctionnaire, d'un certificat de bonne conduite, et la falșification d'un certificat de cette nature originairement véritable, pour l'approprier à une personne autre que celle à laquelle il a été primitivement délivré. Or, de ces termes faut-il induire que si l'agent a, non pas fabriqué, mais falsifié un certificat originairement véritable, et que cette falsification ait pour objet, non de l'approprier à un tiers, mais d'y ajouter quelques nouvelles attestations en faveur de la personne qu'il désigne, cette frauduleuse addition echappera à la prévision de la loi? Quelques tribunaux, s'attachant strictement au texte de l'article, ont adopté cette inter

prétation: ils se sont fondés sur ce que l'intercalation d'une nouvelle mention dans un certificat véritable devait être considérée comme une falsification de ce certificat, et que cette falsification n'était point celle que l'article a définie. Il nous semble qu'une distinction précise répond à cette objection: ou la mention intercalée dans le certificat véritable porte sur une circonstance accessoire aux faits qui y sont énoncés, ou elle renferme une attestation d'une circonstance nouvelle propre à exciter la bienveillance. Dans le premier cas, cette falsification ne forme aucun délit, d'abord parce qu'elle ne porte pas sur une circonstance substantielle de l'acte, ensuite parce que l'article 161 ne comprend pas dans ses termes cette espèce d'altération. Mais la deuxième hypothèse présente évidemment tous les éléments du délit de fabrication d'un faux certificat: qu'importe, en effet, que le certificat de bonne conduite, soit intercalé dans un premier certificat délivré à la même personne, mais pour un objet différent, ou qu'il soit fabriqué séparément et forme une pièce distincte? La moralité du fait et le préjudice qu'il peut causer sont les mêmes. C'est dans ce sens qu'il faut entendre la jurisprudence de la Cour de cassation, qui déclare dans l'un de ses arrêts: « que du fait imputé au prévenu d'avoir fabriqué huit à neuf lignes d'écriture énonçant qu'il était de bonnes vie et mœurs, et d'avoir inséré ces lignes dans un certificat à lui délivré par un maire pour attester qu'il avait perdu sa feuille de route, résultait l'imputation d'avoir falsifié son certificat de déclaration de perte de feuille de route, par la fabrication et l'insertion d'une attestation de bonnes vie et mœurs pour se faire un certificat de ces derniers faits, sous le nom et avec le caractère d'authenticité que donnaient au premier certificat les noms et les signatures des fonctionnaires qui l'avaient visé et délivré; que ces faits ainsi circonstanciés rentraient nécessairement dans l'application de la disposition pénale de l'article 161 du Code pénal [1]. »

Nous avons examiné les divers caractères des faux certificats que la loi a qualifiés simples délits, et cet examen nous a déjà conduits à tracer en partie la ligne qui les sépare des mêmes actes auxquels la qualification criminelle a été réservée. Nous allons reprendre

maintenant cette distinction, et il nous será plus aisé de la rendre sensible.

Elle résulte des termes de l'article 162 qui sont ainsi conçus : « Les faux certificats de toute autre nature, et d'où il pourrait résulter soit lésion envers des tiers, soit préjudice envers le trésor royal, seront punis, selon qu'il y aura lieu, d'après la disposition des paragraphes 3 et 4 de la présente section (art. 146, 147 et 150). »

La première condition pour que le faux certificat prenne les caractères d'un crime est qu'il soit de toute autre nature que les actes énumérés aux articles 159, 160 et 161. Ainsi les certificats de maladie ou d'infirmité, soit qu'ils soient fabriqués sous le nom d'un médecin, soit qu'ils émanent du médecin lui-même, ne peuvent devenir la base d'une accusation de faux criminel, tant qu'ils n'ont pour objet que l'affranchissement d'un service public; ainsi les certificats de bonne conduite ou d'indigence, les attestations de faits ou de services rendus, délivrés sous le nom d'un officier public, ne peuvent entrer dans la même catégorie, tant que leur but unique est d'appeler la bienveillance sur les personnes qu'ils désignent : c'est ce but qui constitue surtout leur caractère propre, leur nature. De là deux conséquences: la première est que tous les faux certificats qui sont de la même nature que ceux qui viennent d'être énumérés, mais qui ne renferment pas les caractères spéciaux exigés par les articles 159, 160 et 161, ne constituent nul délit et ne peuvent faire l'objet d'aucune poursuite; la deuxième est que les faux certificats de toute autre nature ne peuvent être incriminés qu'en vertu des dispositions répressives du faux en général, et ne peuvent dès lors motiver une poursuite qu'au · tant qu'ils renferment les éléments essentiels du crime de faux.

Tel est aussi l'objet de la deuxième condition exprimée par l'article 162 : il faut que des certificats de toute autre nature il puisse résulter soit lésion envers des tiers, soit préjudice envers le trésor royal. C'est en effet, l'intention de commettre cette lésion, c'est l'existence ou la possibilité du préjudice qui placent le fanx certificat dans la classe des faux ordinaires. Dès qu'il produit les mêmes effets que les autres actes falsifiés, il n'existe plus de raison pour le punir d'une peine plus légère.

Mais que faut-il entendre par ces mots : préjudice envers le trésor royal? Est-ce qu'il ne s'agit ici que d'un préjudice pécuniaire ? Cette

[1] Arr, cass. 11 mars et 9 juin 1828; S. 1827, 1, expression est-elle également indicative de la

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nature du préjudice que doit éprouver la partie

lésée? Faut-il induire de cette restriction qu'il n'y a de faux, aux yeux de la loi, que celui qui produit une lésion matérielle? Nous avons déjà précédemment combattu cette interprétation que l'article 164 semblait également offrir [1] le texte de la loi s'explique par cette raison qu'elle a du prévoir les cas les plus fréquents, et que ces cas sont ceux qui produisent un préjudice matériel. Mais le texte ne nous semble pas suffisant pour exclure de ses pénalités les faux certificats qui causent un préjudice évident à l'Etat, encore bien que ce préjudice ne soit pas exclusivement pécuniaire. Cette interprétation n'a d'ailleurs jamais éprouvé nulle con

testation.

Ainsi la Cour de cassation a sans cesse décidé que les faux certificats, fabriqués sous le nom d'un fonctionnaire, constituent le crime de faux, lorsque ce fonctionnaire agit en les délivrant dans l'exercice de ses fonctions, lorsqu'il accomplit un mandat de la loi. Tels sont les certificats de bonne conduite délivrés par un conseil d'administration d'un corps et exigés comme condition d'admission dans un autre corps [2]; tels sont les certificats de bonnes vie et mœurs que les maires sont appelés à délivrer aux individus qui se présentent comme remplaçants militaires [3]; tels sont enfin les certificats par lesquels les mêmes fonctionnaires attestent la position personnelle des conscrits, comme, par exemple, s'ils sont fils uniques de veuve [4] etc. Dans ces diverses espèces, il n'y a point, à proprement parler, de préjudice éprouvé par le trésor public; il n'y a point non plus, si ce n'est au cas de remplacement, de lésion pour les tiers, et cependant il est impossible de méconnaître dans les faux dont ces actes sont l'objet les caractères d'un faux criminel. En effet, en général, l'intention de nuire est un élément du crime, non-seulement quand elle porte atteinte à des intérêts privés, mais encore quand elle porte atteinte à des intérêts publics. Ce principe que nous avons établi, quand il s'agissait de poser les caractères généraux du faux punissable, doit-il recevoir une dérogation à l'égard du faux commis dans les certificats? Mais il est impossible d'admettre que la forme de l'acte puisse avoir quelque influence sur la gravité du crime; si l'altération, si l'intention de nuire, si le préjudice sont les mêmes, la nature du fait

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ne peut changer. Le faux commis dans un certificat constituera donc un crime, toutes les fois que l'acte sera d'une autre nature que les certificats prévus par les art. 159, 160 et 161, et qu'il portera préjudice non pas seulement au trésor, mais encore aux intérêts généraux de l'Etat. Telle est la règle fondamentale et constamment appliquée de la matière: elle sépare avec netteté les deux classes de certificats que nous avons essayé de distinguer.

Il nous reste à mentionner quelques circonstances accidentelles qui pourraient jeter de l'incertitude sur la nature du fait punissable. Ainsi, lorsqu'à la fabrication du certificat l'agent a ajouté l'apposition d'un faux timbre de l'autorité, cette deuxième altération doit-elle être considérée comme un délit distinct, ou du moins doit-elle modifier le caractère du premier › délit ? La Cour de cassation a décidé : « que la circonstance du faux timbre n'étant qu'un ac cessoire des faux certificats, avec le but unique d'inspirer plus de confiance, ne changeait pas la nature desdits certificats [5]. » Ainsi cette circonstance est indifférente pour l'appréciation du fait qui entache le certificat, et il faut en faire une complète abstraction pour arriver à la qualification légale du fait.

Il est également indifférent que l'altération soit commise sur l'original ou sur la traduction d'un certificat; car la traduction n'enlève au certificat ni son caractère ni ses effets. C'est ce qui a été reconnu par la Cour de cassation, dans un arrêt de rejet portant: « que les faux certificats qui'servent de base à l'accusation, et par suite à la condamnation, tendant à établir une exemption de service militaire, portent la signature d'un maire, et constituent ainsi le crime de faux en écriture authentique; que peu importe que ces certificats ne soient que des traductions, puisqu'ils ne perdent pas par là leur caractère authentique [6]. »

Enfin les irrégularités dont un certificat se→ rait entaché n'empêcheraient pas la punition de l'altération dont il aurait été l'objet, si ces irrégularités n'emportent pas la nullité de l'acte et n'empêchent pas son effet; car, de ce qu'un acte est atteint d'un vice de forme, il ne s'ensuit pas qu'il ne puisse servir, au moins jusqu'à ce que ce vice soit connu, et quelquefois même après la connaissance de ce vice. L'élément du

[4] Arr. cass. 24 janv. 1811; S. 1811, 1, 89. [5] Arr. cass. 25 janv. 1828; S. 1828, 1, 306. [6] Arr. cass. 25 janvier 1828; Sirey, 1828, 1,

[3] Arr, cass. 4 et 27 juin 1835 (Journal du droit 306. crim. 1835, p. 179 et 300).

[7] Arr. cass. 25 janv. 1828; S. 1828, 1, 306.

crime est la possibilité du préjudice; si l'acte, mėme irrégulier, a produit ce préjudice, on n'est pas fondé à arguer de cette irrégularité pour nier l'existence du crime [1]. Cette règlé a été confirmée dans une espèce où un jeune soldat avait produit un certificat constatant faussement qu'il se trouvait dans un cas d'exemption, mais non revêtu des signatures exigées par l'art. 16 de la loi du 21 mars 1832: ce certificat, bien qu'irrégulier, avait été admis par le conseil de révision, et l'exemption avait été prononcée. Dès lors la Cour de cassation a été fondée à déclarer : « que si l'art. 16 de la loi du 21 mars 1832, sur le recrutement, dispose que les cas d'exemption doivent être jugés sur la production de documents authentiques, ou, à défaut de documents, sur les certificats signés de trois pères de famille, cet article ne fait qu'indiquer par là la nature des pièces qu'auront à produire les individus qui font valoir une cause d'exemption devant les conseils de révision; mais n'oblige pas ces conseils à rechercher des documents authentiques qui ne sont pas produits devant eux, lorsque celui qui réclame l'exemption fournit au contraire, comme pièce supplétive de ces documents, le certificat prescrit par l'art. 16 de la loi du recrutement ; qu'il serait inexact de soutenir que le certificat dont il s'agit ne pouvait causer aucun préjudice à des tiers, puisqu'il est constant que l'exemption obtenue à l'aide de ce certificat a donné lieu à l'appel au service militaire du jeune soldat de la même classe de recrutement [2]. »

Mais la solution serait-elle la même, si le certificat, bien que falsifié, constatait un fait vrai el sincère? Prenons pour exemple la fabrication d'un faux certificat destiné à établir la libération du service militaire de son auteur cette fabrication constituera-t-elle le crime de faux, s'il est constaté qu'en effet cet agent a été libéré de ce service? La négative est la conséquence des règles que nous avons posées en développant les éléments du crime de faux. L'altération des actes, bien que presque toujours entachée d'immoralité, n'est pas toujours un fait punissable; la loi ne sévit qu'à l'égard des faux qui peuvent porter préjudice à l'Etat ou aux particuliers. De là ces trois éléments de crime: une altération de la vérité, une intention de nuire, un préjudice possible; or, si dans l'espèce nous voyons une altération

[1] Voy. nos observations, suprà p. 99 et suiv. [2] Arr. cass. 4 juin 1835 (Journ, du droit crim, 1835, p. 300).

matérielle, cette altération est isolée des deux caractères qui pourraient l'incriminer: comment supposer en effet l'intention de nuire lorsque l'agent n'a fait que constater un fait vrai? où sera le préjudice de l'Etat, quand il sera établi que l'agent qui a usurpé le nom d'un officier public pour établir sa libération est en effet libéré? Une usurpation du nom n'est pas une usurpation du droit; le faux est dans la forme, il n'est pas dans le fond; la falsification est constante, mais elle est purement matérielle, puisque son but n'est pas de nuire, puisque son effet n'est pas de léser un intérêt public ou privé. S'il en était autrement, il faudrait assimiler le faux qui n'a pour but que de suppléer un acte, mais qui n'altère aucun fait, à celui qui suppose à la fois l'acte et le fait; l'altération dépouillée de tout effet nuisible, à celle qui naît d'une pensée de fraude et dont l'effet est la tromperie ou la spoliation. C'est d'après ces mêmes règles que, dans des espèces analogues, nous n'avons pas hésité à décider que la supposition d'une preuve n'est pas constitutive du crime de faux, lorsque cette preuve a pour objet des faits exacts [3]; et que la supposition même d'un acte faux ne peut être incriminée quand elle n'a d'autre objet que d'obtenir le paiement d'une dette légitime [4]. Mais ajoutons de suite que si l'altération de l'acte, bien que s'appliquant à un fait vrai, a pu causer un préjudice; que si, par conséquent, elle révèle une pensée fraudulense, le faux reprend aussitôt sa criminalité et rentre dans les termes de la loi pénale: nous ne pouvons que poser les conditions légales du crime; mais l'existence de ces conditions dépend de l'appréciation du fait, et son caractère et ses effets peuvent incessamment les modifier.

La question devient plus complexe et plus délicate encore lorsqu'elle s'applique à des certificats de moralité, car un fait moral ne se présente jamais avec l'évidence d'une vérité absolue. Supposons, par exemple, qu'il s'agisse d'un certificat de bonne conduite: l'appréciation de la moralité de l'agent peut être fort diverse suivant les différents points de vue où l'on se placera, et suivant que le certificat se proposera de constater une probité absolue ou relative, une vie pure, ou seulement exempte de faits punissables. Comment donc constater que le fait attesté est vrai, que la conduite de l'agent

[3] Voy. suprà p. 99. [4] Voy. suprà p. 97 à 102.

a été bonne? Suffira-t-il que le fonctionnaire qui eût été compétent pour certifier ce fait vienne déclarer quelle eût été son appréciation? Non, car ce serait l'ériger en juge souverain du crime; son témoignage ne peut être qu'un élément de la conviction des jurés. Si des débats jaillit l'exactitude évidente de ce fait, si, par suite, l'intention de nuire et la possibilité du préjudice s'évanouissent, le crime n'aura plus de base légale; si, au contraire, quelques nuages planent sur l'exactitude du fait, si à ces doutes se joignent une pensée de fraude, un but préjudiciable, le faux peut être justement puni, puisqu'il réunit les éléments de sa criminalité [1].

Nous terminons cette matière par une observation générale qui s'applique à tout ce chapitre : c'est que les art. 163, 164 et 165, intitulés par le Code dispositions communes aux différentes sections du faux, ne s'appliquent pas cependant également aux diverses espèces de faux qui sont traitées dans ce chapitre. D'abord, l'art. 165 ne peut évidemment s'appliquer qu'aux seuls cas prévus par les articles 156 et 158, c'est-à-dire au faussaire qui à l'aide de la fausse feuille de route a reçu plus de

100 fr., et à l'officier public qui a reçu une pareille somme pour délivrer une fausse feuille de route, puisque ces deux articles sont les seuls qui prononcent les deux peines auxquelles l'art. 165 a attaché accessoirement l'exposition publique. L'art. 164, qui prononce une amende contre les coupables, doit également être restreint aux cas où le faux est qualifié crime par la loi; car cette amende, aux termes de cet article, doit être calculée sur le bénéfice illégitime que le faux était destiné à procurer aux auteurs du crime, à leurs complices ou à ceux qui ont fait usage de la pièce fausse. Mais l'article 163 renferme, au contraire, une règle générale qui s'étend à tous les faux commis par l'usage de la chose fausse : c'est que cet usage n'est punissable qu'autant que la personne qui en est inculpée a connu le faux dont la pièce était entachée. Ce principe, qui ne fait que consacrer l'un des éléments indispensables de la criminalité, embrasse nécessairement toutes les pièces falsifiées, soit que les pièces soient des obligations, des passe-ports ou des certificats, soit que la falsification d'après ses effets et ses périls soit qualifiée crime ou délit par la loi pénale.

CHAPITRE XXVIII.

DES CRIMES Et délits des FONCTIONNAIRES PUBLICS DANS L'exercice DE LEURS FONCTIONS.

De l'objet de ce chapitre et de sa classification. — De la forfaiture. Objet des articles 166, 167, et 168. — Éléments du crime de forfaiture. Il faut qu'il y ait crime.-Conséquences de ce principe. - Il faut que ce crime soit le fait d'un fonctionnaire. — Distinction des fonctionnaires, des agents du gouvernement, des officiers publics. — Il faut que le crime soit commis dans les fonctions. - Différentes espèces de forfaiture.· Division du chapitre. —§ Ier. Des soustractions commises par les dépositaires publics. - Ce crime constitue l'ancien crime de péculat. — Aperçu historique de la législation sur cette matière. · Circonstances caractéristiques du crime.— Qualité de l'agent. — Détournement ou soustraction de deniers. · Caractères de ce détournement.

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· Distinction des deniers publics ou privés. — Si le déficit est contesté, il faut que l'agent soit déclaré reliquataire. Autorité compétente pour faire cette déclaration. Dépôt de deniers privés. - Violation du contrat. - Dans quels cas cette violation peut élre prouvée devant les tribunaux criminels. — De la destruction ou suppression des titres.— Différences entre les articles 169 et 173.- Il s'agit, dans ce dernier article, d'actes utiles supprimes frauduleusement. Examen des pénalités attachées à ces différents faits. - Peines progressives.-§ II. Des les fonctionnaires publics. - Aperçu des différentes phases de la ·Caractères distincts des crimes de corruption et de concussion. —

par

concussions commises législation sur cette matière.

[1] Voy, une espèce pleine d'intérêt où cette M. Cuzon, a présenté de judicieux développements. question s'est produite, et dans laquelle l'avocat, (Journ, génér. des Tribunaux du 2 nov. 1836.)

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