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Définition du crime de concussion. - Il faut qu'il y ait abus d'une autorité publique. - Conséquences et application de ce principe. · Distinction des fonctionnaires et des préposés. -Responsabilité du fonctionnaire supérieur.—Ce qu'il faut entendre par les commis ou préposés. Espèces diverses proposées comme exemples. Il faut que la perception soit illegitime. — Explication de cette règle et conséquences qui en résultent. Il faut que l'agent ait la connaissance de l'illégalité de la perception; mais il n'est pas nécessaire que la recette ait tourné à son profit. — Causes de justification. — Ordres des supérieurs. — Peines. — Amende proportionnelle. — § III. Des délits des fonctionnaires qui s'ingèrent dans des affaires ou commerces incompatibles avec leur qualité. — Caractères de ces prohibitions. — Éléments constitutifs des delits. Qualité de l'agent. Intérêt dans les actes ou entreprises. Personnes interposées ne sont pas complices. — Surveillance de l'affaire conférée au fonctionnaire intéressé. — Le notaire n'est pas considéré comme ayant la surveillance des actes qu'il reçoit. — Commerce des grains et des boissons fait par les commandants militaires et les préfets. Caractères et éléments principaux de ce délit. — § IV. De la corruption des fonctionnaires publics. — Definition de ce crime. Examen des lois romaines et des lois étrangères. Législation française. — Principes généraux de la matière. Crime du fonctionnaire corrompu.—Éléments constitutifs.— Qualité inhérente de l'agent.—Questions diverses relatives aux huissiers, aux médecins, aux secrétaires de mairies. Fait matériel des offres agréées ou des présents reçus. — Conséquences de cette condition essentielle du crime. Il faut que la corruption ait pour objet un acte de la fonction. - Développement de cette règle.-Hésitations de la jurisprudence – Espèces diverses où elle a reçu son application. · Il n'importe pas que l'acte soit juste ou injuste. — Distinction pour le cas où le fonctionnaire n'a pas exécuté l'acte qu'il s'était engagé à accomplir. — Nécessité de constater chaque élément du crime.—Examen des pénalités. — Circonstances aggravantes : 1o quand la corruption a pour objet un fait criminel emportant une peine plus forte; — 2° quand elle a pour objet un jugement rendu en matière criminelle. — Caractères et limites de cette double incrimination. · Crime du corrupteur.- ·Distinction suivant que la tentative a été ou non suivie d'effet. - Il n'existe point de complicité légale entre le corrupteur et le fonctionnaire Conséquences de cette règle. Caractères constitutifs de la provocation à la corruption. — Pénalités. Décisions des juges et des administrateurs par haine ou par faveur. Caractères généraux de ce crime spécial. — Il faut que la haine ou la faveur se soit trahie par des signes extérieurs. · Règles d'interprétation. § V. Des abus d'autorité.- Distinctions générales. — Énumération.—De la violation du domicile.—Principes des diverses législations sur cette matière.— Règles de notre législation.— Dans quels cas il est permis à un fonctionnaire

corrompu.

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de s'introduire dans le domicile d'un citoyen. — Formalités prescrites pour cette introduction, Il y a délit lorsque l'agent s'écarte de ces cas ou enfreint ces formes.-Caractères particuliers de ce delit.― Le consentement tacite du citoyen couvre-t-il le délit ? — Dans quels cas l'ordre du supérieur protège l'acte de l'agent — Violations de domicile commises par les particuliers.— Du déni de justice.-Caractères et éléments de ce délit. - Des violences exercées sans motif légitime. Conditions essentielles de cette incrimination.—Des motifs légitimes justificatifs de l'agent. La provocation n'est pas une cause justificative du meurtre ou des blessures commis - De la violation du secret des lettres. par le fonctionnaire, La loi ne punit que les violations commises par les fonctionnaires. — L'autorité judiciaire peut néanmoins saisir et ouvrir les lettres émanées des prévenus ou qui leur sont adressées. — Des réquisitions illégales de la force publique. – Conditions essentielles des crimes. — Peines progressives. — § VI. De quelques délits relatifs à la tenue des actes de l'état civil. - Ces infractions n'ont que le caractère d'une contravention matérielle. — Éléments de chacune de ces infractions. Caractère de l'officier de l'état civil. Cas de collusion. - § VII. De l'exercice de l'autorité publique illégalement anticipé ou prolongé. Ces deux faits ne constituent que de simples contraventions. — Cas d'application. - VIII. Des peines applicables aux fonctionnaires qui ont participé aux crimes qu'ils étaient chargés de surveiller. Gradation de ces peines. Conditions de leur application. (Commentaire des articles 166 à 198 du Code pénal.)

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erimes et délits contre la paix publique. L'exposé des motifs a cru devoir justifier cette division. « Parmi les crimes et délits qui compromettent le plus la paix publique, a dit M. Berlier, il était impossible de ne pas accorder un rang principal à ceux que commettent les fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions: l'ordre est manifestement troublé quand ceux que la loi a préposés pour le maintenir sont les premiers à l'enfreindre. » Il nous paraît également que les délits que les fonctionnaires commettent en abusant de l'autorité qui leur est déléguée, peuvent être classés dans cette catégorie : la qualité de fonctionnaire, la nature du fait qui n'est que l'abus de ses fonctions, enfin le caractère du préjudice qu'il produit, impriment au délit des effets particuliers, et justifient une classification distincte; mais on serait fondé à reprocher au législateur d'avoir été infidèle à la classification qu'il a tracée ce chapitre, qui devrait renfermer tous les délits commis par les fonctionnaires dans leurs fonctions, ne contient que quelques-uns de ces délits; et l'on trouve dispersés dans d'autres chapitres, confondus dans d'autres catégories, des faits d'une nature identique, et que la division des matières plaçait naturellement ici [1].

Les trois premiers articles de cette section sont employés à définir la forfaiture [2]. « Tout crime, porte l'article 166, commis par un fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonc tions, est une forfaiture. » L'art. 168 ajoute surabondamment : « Les simples délits ne constituent pas les fonctionnaires en forfaiture. »> Énfin l'art. 167 dispose que. «< toute forfaiture pour laquelle la loi ne prononce pas de peines plus graves, est punie de la dégradation civique. »>

Il est difficile d'expliquer la présence dans le Code de ces trois articles, dont la rédaction est contraire à l'économie générale de la loi pénale, et dont les dispositions sont si complétement inutiles, que leur suppression n'altérerait aucune de ses incriminations, aucune de ses pénalités.

En effet, que servait de maintenir dans la loi cette qualification de forfaiture pour exprimer les crimes commis par les fonctionnaires dans leurs fonctions, puisque chacun de ces crimes a été l'objet d'une incrimination spéciale? Que

[1] Voy. les art. 114, 115, 116, 119, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 129, 130, 131, 145, 146, 155, 158, 234, 254, 432 du Code pénal.

servait d'établir par l'art. 167 que la dégradation civique est la peine de la forfaiture, puisque le Code pénal, chaque fois qu'il a incriminé un cas de forfaiture, a pris soin d'y attacher une peine? Dira-t-on que cette disposition générale a été posée par forme d'abréviation, et afin que le législateur pût incriminer ensuite, en la qualifiant de forfaiture, telle action illicite qu'un fonctionnaire commettrait dans ses fonctions? Mais telle n'a pas été sa pensée, puisque les articles où le Code incrimine des cas de forfaiture prononcent formellement et de nouveau la peine de la dégradation civique [3]. Objectera-t-on que l'art. 167 a eu pour objet d'expliquer les art. 483 et suivants du Code d'instruction criminelle, qui règlent la compétence en matière de poursuites contre des crimes emportant la peine de forfaiture? Mais, dans le système du Code, tout crime emporte la dégradation civique, soit comme peine principale, soit comme peine accessoire; l'art. 167 n'est donc nullement nécessaire pour l'intelligence de ces articles.

Il faut chercher la source des articles 166, 167 et 168 dans la législation en vigueur au moment de sa rédaction. L'art. 641 du Code des délits et des peines portait : « Il y a forfaiture de la part des juges lorsque, dans les cas déterminés et précisés par la loi seulement, ils commettent quelque délit ou crime dans l'exercice de leurs fonctions. » Le législateur voulut modifier cette disposition sous un double rapport: elle était restreinte aux juges, il voulut l'étendre à tous les fonctionnaires publics; elle embrassait sous le nom de forfaiture les crimes et les délits, il voulut que les crimes seuls pussent modifier cette qualification. De là les dispositions, aujourd'hui complétement inutiles, des art. 166 et 168.

L'art. 167 a la même origine. L'art. 642 du Code du 3 brumaire an Iv portait : « La peine de la forfaiture consiste dans la déclaration du tribunal, que celui qui en est convaincu est incapable de remplir aucune fonction ou emploi public, et d'exercer aucun droit de citoyen pendant 20 ans. » C'était à peu près les déchéances que le Code pénal a depuis renfermées dans la dégradation civique. L'art. 643 ajoutait: «Cette peine est indépendante de celles qui sont établies par les lois pénales : elle se prononce cumulativement avec celles portées

[2] Foris factura, action en dehors des règles. [3] Voy. les art. 121, 126, 127 et 183.

contre les différents délits ou crimes; elle se prononce seule, lorsqu'il n'y en a pas d'autres décernées par la loi.» Telles sont les dispositions que l'art. 147 a reproduites en les modifiant. Mais, d'une part, la dégradation civique est la conséquence nécessaire des peines encourues pour crimes, et d'un autre côté, l'article 164 du Code des délits et des peines énumérait neuf cas de forfaiture, sans y attacher aucune peine, tandis que notre Code n'omet jamais au contraire d'attacher une peine à cha→ cun des cas de forfaiture qu'il prévoit. De là il suit que cet art. 167 ne reçoit aucune application, et il est même impossible de lui assigner un but quelconque dans la loi pénale.

On est donc fondé à conclure qu'il eût été plus conforme à un système général de rédaction qui a banni du Code pénal des incriminations parasites et de stériles définitions, de répudier la définition et la qualification des art. 166, 167 et 168, inutile héritage du Code de brumaire, qui n'ajoutent aucune force à l'énergie des dispositions répressives de la loi, ci ne peuvent produire d'autre effet que d'en obscurcir la clarté.

Quoi qu'il en soit, le crime de forfaiture, considéré dans son caractère générique, a ses éléments et ses conditions qu'il est nécessaire d'énoncer. La forfaiture ne peut exister qu'autant que le fait inculpé réunit les caractères d'un crime, qu'il a été commis par un fonctionnaire public, et que sa perpétration a eu lieu dans l'exercice même des fonctions: cette triple condition est textuellement exprimée

dans l'art. 166.

Il faut qu'il y ait crime; de là deux corol laires: le premier, que les simples délits, et à plus forte raison les contraventions, ne peuvent constituer une forfaiture; le deuxième, que la forfaiture ne peut exister si le fait n'a été commis par le fonctionnaire dans une intention coupable. Ainsi, il ne suffirait pas qu'un fonctionnaire eût abusé de ses fonctions pour être constitué en forfaiture; il est nécessaire que le but qu'il se proposait en commet tant cet abus soit criminel.

Il faut, en second lieu, que le crime soit l'œuvre d'un fonctionnaire public. Mais que doit-on entendre par cette dénomination? Les fonctionnaires publics sont les agents qui exercent, au nom de l'État, une portion de l'au-torité publique: tels sont les juges, les officiers de police judiciaire, les préfets, les maires. Il faut distinguer les fonctionnaires publics et les agents du gouvernement : tous les fonctionnaires ne sont pas agents du gouvernement;

cette qualité n'est étendue qu'à ceux qui se trouvent sous la dépendance immédiate d'une autorité supérieure, tellement qu'ils ne peuvent tenir une conduite opposée à celle que cette autorité leur a tracée : tels sont les directeurs des administrations, les préfets, les souspréfets et tous ceux qui ont reçu du gouvernement une mission, ne fût-elle que temporaire. Il faut distinguer encore les fonctionnaires et les officiers publics; ceux-ci, quoiqu'ils agissent avec un caractère public, n'exercent aucune portion de la puissance publique tels sont les avoués, les huissiers, les commissairespriseurs, Au reste, ces distinctions qui, dans d'autres cas, peuvent avoir des effets importants, n'ont qu'une gravité fort secondaire dans la matière qui fait l'objet de ce chapitre, les diverses dispositions que nous allons examiner s'appliquent généralement aux fonctionnaires et aux officiers publics: ce n'est donc pas ici le lieu d'insister sur ce point.

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La troisième condition est que le fait soit commis dans l'exercice même des fonctions: en effet, le crime ne prend un caractère particulier que parce qu'il constitue un abus des fonctions elles-mêmes; si donc l'acte incriminé n'était pas un acte de ces fonctions, il pourrait sans doute encore constituer un autre crime, mais on ne saurait y voir le crime de

forfaiture.

Ces premiers principes posés, nous allons passer à l'examen des divers crimes et délits que le Code pénal a réunis dans une même section. Nous diviserons en conséquence, suivant l'ordre adopté par ce Code, cette matière en huit paragraphes qui auront pour objet : 1o les soustractions commises par les dépositaires publics; 20 le crime de concussion; 3° l'immixtion des fonctionnaires dans des actes de commerce; 4 le crime de corruption; 5o les abus d'autorité; 6o les infractions relatives à la tenne des registres de l'état civil; 7° l'usurpation de l'autorité publique; 8o enfin, la participation des fonctionnaires aux crimes dont leurs fonctions leur commandent la surveillance.

$ Ier.

Des soustractions commises par les dépositaires publics.

Ces soustractions constituaient dans la législation romaine et dans notre ancien droit le crime de péculat: peculatus est furtum pecuniæ publicæ vel fiscalis. Ce terme dérivait du mot pecus: peculatus furtum pu

blicum dici cœptus à pecore. Le motif de cette origine est sans doute qu'aux premiers temps de Rome, le vol des choses publiques n'était qu'un vol de bestiaux, unique richesse des Romains. Jules César incrimina ensuite sous la même qualification, par la loi Julia de peculatu, la dissipation de deniers destinés aux sacrifices [1]; enfin elle fut encore étendue au détournement des deniers privés confiés à des dépositaires publics [2]. Les peines furent d'abord le bannissement [3], ensuite la déportation ou la condamnation aux mines, suivant la qualité des coupables [4]. La loi Julia de residuis étendait les mêmes châtiments aux comptables qui conservaient entre leurs mains les deniers publics qu'ils avaient reçus pour les employer à un usage déterminé [5].

Dans notre ancien droit, le péculat était le vol ou la dissipation des deniers royaux ou publics, par les receveurs et autres officiers qui en avaient le maniement ou à qui le dépôt en avait été confié, ou même par les magistrats qui en avaient été les ordonnateurs [6]; le détournement des deniers privés, par les mêmes officiers, ne constituait point le même crime, alors même que ces deniers leur avaient été confiés à raison de leurs fonctions [7].

L'ordonnance de janvier 1629 déclarait coupables de péculat tous ceux qui, étant préposés pour le maniement des deniers royaux, emportent les deniers dont la recette leur est confiée, ou les détournent de leurs caisses, ou sortent du royaume sans en avoir rendu compte, ou font de faux emplois ou des omissions dans leurs comptes, ou se trouvent débiteurs de fortes sommes sans pouvoir vérifier la cause de leurs pertes (art. 390 à 398). La peine ordinaire de ce crime était ou les galères ou le bannissement perpétuel avec confiscation des biens. C'était ainsi qu'avait été interprétée l'ordonnance du 1er mars 1545, remise en vigueur par la déclaration du 26 novembre 1633, et portant : « Ordonnons que le crime de péculat sera puni par confiscation de corps et de biens, par quelque personne

[1] Lege Juliá peculatus tenetur qui pecuniam sacram, religiosam abstulerit, interceperit. L. 4, Dig. ad leg. Jul. de peculatu.

[2] Non solum pecuniam publicam sed etiam privatam. L. 9, §3, eod tit.

[3] L. 3, 4, Dig. eod. tit. Quelques docteurs pensent que les premières peines furent seulement la peine du quadruple; le texte de la loi 3 nous paraît contredire formellement cette opinion: Peculatus pœná aquæ et ignis interdictionem in quam ho

CHAUVEAU. T. II.

qu'il ait été commis. » Cependant l'art. 398 de l'ordonnance de 1629, la déclaration du 5 mai 1690 et celle du 3 juin 1701, portaient pour les cas plus graves la peine de mort. Les simples particuliers complices du détournement de deniers publics n'étaient passibles que d'une action civile en restitution des sommes détournées [8].

Le crime de péculat fut longtemps la plaie de l'administration des finances: il fallut à plusieurs fois créer des juridictions extraordinaires, élever des chambres de justice pour en combattre les déprédations, et ces juridictions elles-mêmes, quoique façonnées pour ces luttes, reculèrent devant les déprédateurs. On en voit un curieux exemple dans le préambule de l'édit de mars 1717, qui portait amnistie des crimes de péculat et malversations. « Les recherches, dit ce préambule, que la chambre de justice a faites, et les états qu'une grande partie de ceux qui en étaient l'objet ont donnés de leurs biens, nous ont fait connaître la grandeur du mal et la difficulté du remède : plus nous avons voulu approfondir la cause et le progrès, plus nous avons reconnu que la corruption s'était tellement étendue, que presque toutes les conditions en avaient été infectées; en sorte qu'on ne pouvait employer la plus juste sévérité pour punir un si grand nombre de coupables, sans causer une interruption dangereuse dans le commerce et une espèce d'ébranlement dans tout le corps de l'Etat. » Ainsi les malversations, par leur nombre et par la qualité des coupables, échappaient à l'action des lois, et le législateur lui-même, voilant la justice, était contraint d'en décréter l'inexécution.

L'Assemblée constituante fut également préoccupée des difficultés d'atteindre les crimes de cette nature: elle en déféra la connaissance à des jurés spéciaux [9]; le Code des délits et des peines en attribua ensuite la poursuite immédiate au directeur du jury d'accusation (article 142). Les peines étaient portées par les articles 11 et 12 (2e partie, titre 1er, section 5) du

die successit deportatio, continet.

[4] Ibid. et § 9 Inst. de publicis judic. L. 1, C. de crim. peculatus.

[5] L. 1, Dig. ad leg. Jul. de peculatu. Voy. Serpillon, Code crim, 1, p. 98. [6] Jousse, Traité des matières crim., t. 4, p. 26; Serpillon, Cod. crim., t. 1, p. 98. [7] Muyart de Vouglans, p. 157. [8] Décl. du 5 mai 1690.

[9] L. 19-29 sept. 1790, tit. 12, art. 1 et 3. 11

Code pénal du 25 septembre-6 octobre 1791, ainsi conçus « Article 11. Tout fonctionnaire public qui sera convaincu d'avoir détourné les deniers publics dont il était comptable, sera puni de la peine de quinze années de fers. Article 12. Tout fonctionnaire ou officier public qui sera convaincu d'avoir détourné ou soustrait des deniers, effets, actes, pièces ou titres, dont il était dépositaire à raison des fonctions publiques qu'il exerce, et par l'effet d'une confiance nécessaire, sera puni de la peine de douze années de fers. >>

Cette distinction entre les comptables et les dépositaires publics a été maintenue, mais avec certaines modifications, par notre Code : les détournements de deniers, de titres ou d'effets, peuvent être commis, soit par les dépositaires publics qui, sans être fonctionnaires, ont le maniement et le dépôt de certaines choses ou effets, soit par les fonctionnaires ou officiers publics qui se trouvent dépositaires, en leur qualité et à raison de leurs fonctions, d'une chose ou effet, soit enfin par les officiers que la loi commet à la garde d'un dépôt public, et qui ne sont dépositaires qu'en vertu des fonctions qu'ils exercent relativement à ce dépôt. Ces trois hypothèses, dont les différents caractères seront développés plus loin, font l'objet des articles 169, 173 et 254; nous n'avons à nous occuper ici que des deux premiers.

En cette matière, les difficultés peuvent naitre, soit des circonstances caractéristiques du crime, soit des éléments qui servent au calcul de la peine. Examinons, en premier lieu, les conditions de l'incrimination.

L'article 169 inculpe «tout percepteur, tout commis à une perception, dépositaire ou comptable public, qui aura détourné ou soustrait des deniers publics ou privés, ou effets actifs en tenant lieu, ou des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui étaient entre ses mains en vertu de ses fonctions. >>

Cette disposition s'applique en général à tous les comptables ou dépositaires publics, même non fonctionnaires, qui ont reçu, en vertu de leurs fonctions, des deniers ou des effets. La jurisprudence de la Cour de cassation cn a consacré l'application à l'égard, 1° de l'huissier qui, après avoir procédé à une vente de meubles et en avoir reçu les deniers, détourne ou soustrait ces deniers [1], parce qu'étant spécialement dé

[1] Arr. cass. 18 déc. 1812; Dalloz, t. 16, p. 323. [2] Arr. cass. 21 janvier 1813; Dalloz, t. 16, p. 322; S. 1817, 1, 95.

signé par la loi pour faire publiquement les ventes mobilières, il devient dépositaire et comptable public des deniers qui en forment le prix; 2o d'un régisseur intéressé des droits d'octroi qui détourne une partie des sommes qu'il a reçues [2], parce que ces sommes ne sont pas sa propriété, qu'une portion des droits d'octroi appartient à l'Etat, et que les receveurs des droits d'octroi sont d'ailleurs soumis aux dispositions des lois relatives aux comptables publics; 3° d'un piqueur employé par l'administration des ponts et chaussées, et qui soustrait les sommes qui lui ont été confiées pour en faire la distribution aux ouvriers et fournisseurs [3], parce que cet employé, quelles que soient scs fonctions, est comptable aux yeux de l'adminis tration publique des sommes qui lui ont été remises et qui appartenaient à l'Etat ; 4o de l'économe d'un collége royal qui dissipe des deniers qui étaient entre ses mains en vertu de ses fonctions, parce que cet officier de l'université doit être considéré comme un dépositaire ou comptable public, puisque l'université fait partie de l'administration publique [4]. Ccs exemples suffisent pour déterminer le sens des termes de l'article 169. Les percepteurs des deniers des communes et les comptables des établissements publics rentreraient encore dans la même catégorie. Toutefois, on ne doit pas perdre de vue que la qualité de comptable ou dépositaire public est le premier élément du crime; si cette qualité n'était pas établie, et si, par exemple, le détournement avait été commis, soit par l'économe d'un collége indépendant de l'université, soit par le percepteur d'un droit de péage concédé à une compagnie, cette soustraction pourrait constituer un abus de confiance, mais elle ne réunirait pas les caractères du crime prévu par l'article 169.

Le deuxième élément du crime est qu'il y ait acte de détournement ou de soustraction. Le seul déficit ne suffit donc pas pour l'existence du crime; il faut que les deniers reçus ou déposés aient été détournés de la caisse ou soustraits du dépôt. Mais est-il nécessaire que ce détournement ait été accompagné d'une intention coupable? C'est une règle absolue, en droit pénal, qu'il n'y a point de crime sans intention; mais la difficulté est ici de déterminer à quels signes se révèle l'intention. Le détournement de de niers commis par un comptable public n'est pas

[3] Arr. cass. 29 avr. 1825.

[4] Arr. cass. 4 sept. 1835 (Journ. du droit erim. 1836, p. 20).

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