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des travaux forcés; mais entre ces deux classes de faits, il eût été possible de définir et de placer une classe intermédiaire à laquelle la peine de la reclusion eût été justement appliquée : on eût alors, soit d'après la seule quotité du préjudice, soit d'après les circonstances de la soustraction, marqué trois termes dans la criminalité, et à ces trois degrés se seraient appliquées, avec une plus juste proportion, les peines de l'emprisonnement, de la reclusion et des travaux forcés.

L'art. 170 prononce également la peine des travaux forcés, quelle que soit la valeur des deniers ou effets détournés ou soustraits, si cette valeur égale ou excéde le cautionnement, lorsqu'il s'agit ou d'une recette ou d'un dépôt attaché à une place sujette à un cautionnement. Est-il juste de comprendre dans la même peine ces deux faits essentiellement distincts? Si la somme détournée n'excède pas le cautionnement, la sévérité n'est-elle pas excessive, puis que la garantie de ce cautionnement efface toute espèce de préjudice? Le vol ne commence, à proprement parler, qu'à l'égard des deniers qui excéderaient le montant du cautionnement, si ce cautionnement est d'ailleurs la propriété de l'agent. La dissipation dans ce cas ne devrait done donner lieu qu'à une peine correctionnelle, et ce n'est qu'au détournement de deniers excédant cette garantie, que la peine des travaux for cés devrait être réservée.

L'art. 170 prononce encore la même peine lorsque le détournement excède le tiers du produit commun de la recette pendant un mois, s'il s'agit d'une recette composée de rentrées successives et non sujettes à cautionnement. Cette disposition semble une anomalie étrange au milieu des dispositions qui l'environnent à un terme fixe et certain elle substitue une mesure incertaine et capricieuse; aussi futelle adoptée malgré l'avis de M. Berlier qui objectait «< que le terme d'un mois lui semblait court, et que le tiers des petites recettes, dans un si bref espace de temps, n'offrirait le plus ordinairement qu'une somme très-exiguë dont la soustraction faite avec espoir de remplacement serait trop punie par les travaux forcés [1]. »

Si les valeurs détournées sont au-dessous de trois mille francs, ou inférieures à ces diverses mesures, le fait n'est plus qu'un simple délit, et l'art. 171 ne prononce qu'un emprisonnement de deux à cinq ans ; mais cet article ajoute

[1] Procès-verbaux du Conseil-d'état, séance du 5 avr. 1809.

que le condamné sera de plus déclaré à jamais incapable d'exercer aucune fonction publique. Cette exclusion perpétuelle que nous retrouverons plus loin attachée à l'art. 175, et qui ne figure point dans l'échelle pénale du Code, fut adoptée lors de la discussion du Code pénal, sur la demande d'un membre du Conseil d'état, et malgré les observations de M. Berlier. Celuici faisait remarquer : « que cette disposition n'a pas besoin d'être exprimée pour celui qui aurait été condamné aux travaux forcés; et qu'à l'égard de celui qui n'aurait été condamné qu'à une peine correctionnelle pour une soustraction légère, il est assez vraisemblable qu'on ne l'emploiera point mais une incapacité absolue et principale ne pourrait-elle pas, en quelques circonstances, paraître une trop forte aggravation de la peine? Un dépositaire qui dispose d'une petite partie de son dépôt commet une infidélité punissable, lors même qu'il aurait eu l'espoir de le remplacer, et la loi fait bien de ne point admettre une telle excuse; mais la peine ne doit point excéder les vraies limites que lui assigne la gravité du délit : s'il y a quelque chose à ajouter ce serait plutôt une disposition facultative qu'une disposition absolue [2]. »>

Ces observations ne furent point accueillies, et de la disposition adoptée il est résulté cette conséquence bizarre, que le même fait, lorsqu'il n'a que le caractère d'un délit correctionnel, produit une incapacité plus grave que lorsque la loi l'élève au rang des crimes. En effet, l'agent qui est condamné en vertu des art. 169 et 170 aux travaux forcés à temps, et par suite à la dégradation civique, peut, après sa peine subie, se faire relever par la réhabilitation de toutes les incapacités qui pesaient sur lui, et par conséquent reprendre son aptitude aux fonctions publiques. Mais si le même agent n'a encouru qu'une peine correctionnelle, si le fait qu'il a commis, moins grave en lui-même, n'a que le caractère d'un simple délit, l'incapacité d'exercer une fonction publique pèsera à jamais sur lui; car la réhabilitation, aux termes de l'art. 619 du Code d'instruction criminelle, n'est ouverte qu'aux condamnés à une peine afflictive et infamante. Ce résultat démontre que cette peine de l'exclusion perpétuelle, qui ne figure point dans l'échelle pénale du Code, est une anomalie dans la loi. Il est en effet de l'essence des peines correction

[2] Procès-verbaux du Conseil-d'état, séance du 4 août 1809.

nelles de n'entraîner que des incapacités temporaires; temporaires elles-mêmes et n'imprimant aucune tache infamante, il est inconséquent de faire survivre à leur durée un seul de leurs effets, et d'attacher la perpétuité à l'accessoire d'une peine qui n'est elle-même ni infamante ni perpétuelle.

§ II.

Des Concussions commises par les fonctionnaires publics.

Le crime de concussion se confondait, soit dans la législation romaine, soit dans notre ancien droit, avec celui de corruption. Il consistait, en général, sous ces deux législations, dans l'abus que les magistrats faisaient de leur autorité, soit pour mettre à contribution les provinces dont l'administration leur était confiée, soit pour exiger des sommes d'argent de ceux à qui la justice était due gratuitement. Les jurisconsultes romains connaissaient ce crime sous le nom de crimen repetundarum, parce qu'il donnait lieu à une action que les provinces ou les parties lésées exerçaient pour répéter et se faire restituer les sommes indument exigées. Ce fut là la seule peine qui fut imposée aux concussionnaires par la loi Calpurnia repetundarum: plus tard, la loi Junia porta, outre la restitution, la peine de l'exil; mais c'est une question qui a été longuement, agitée par les docteurs, que de savoir si la loi postérieure Julia repetundarum (portée par Jules-César) a maintenu ou abrogé cette peine de l'exil. Il faut peut-être distinguer deux classes de pénalités les unes s'appliquaient aux exactions des gouverneurs et magistrats des provinces; la peine était du quadruple des sommes indument perçues [1]; cependant, si la concussion avait frappé sur les habitants des campagnes, la peine pouvait s'élever jusqu'à

[1] L. 1. C. ad leg. Jul. repetund.: « Ut unius pœnæ metus posset esse multorum ducem, qui malė egit ad provinciam quam excedaverit... in quadruplum exolvet invitus. »

[2] L. 1, C. ne rustic. ad ult. oblig. evoc.: « Ablatis omnibus facultatibus, perpetuo subjugentur exilio. »>

[3] L. 7, § 3, Dig, ad leg. Jul. repet. : « Hodiè ex lege repetundarum extra ordinem puniuntur, et plerumque vel exilio punientur vel etiam duriùs, prout admiserint. »

[4] « Si simulatio præsidis jussu, concussio intervenit, ablatum, ejusmodi terrore, restitui

la confiscation et l'exil [2]. Les autres étaient réservées aux juges prévaricateurs qui recevaient des sommes d'argent ou des présents pour rendre bonne ou mauvaise justice [3]

La loi romaine comprenait indifféremment dans la même classe de délits des cas de concussion et de corruption; c'est ainsi qu'elle prévoit le crime d'un officier public qui, pour imposer une perception illicite, suppose un faux ordre du préfet de la province [4), et l'action du magistrat qui, soit pour décerner des honneurs ou des places [5], soit pour vendre la justice, porter ou anéantir une accusation, susciter ou supprimer un témoignage [6], soit enfin pour procurer des dispenses de charges publiques [7], aurait reçu des présents ou des sommes d'argent. Il est visible, toutefois, que le premier cas constitue seul le crime de concussion, et que les autres espèces rentrent dans la classe des faits de corruption.

Ces deux crimes diffèrent, en effet, par une circonstance essentielle : la concussion exige la somme qu'elle perçoit; la corruption se borne au contraire à l'agréer quand elle lui est offerte; dans le premier cas, le fonctionnaire abuse de son pouvoir ou altère la vérité, et se sert du mensonge pour assurer une perception illicite ; dans le second cas, il se lie par une sorte de convention avec le corrupteur, et vend à prix d'argent un acte de ses fonctions. Cette différence, qui n'est point arbitraire et qui sort du fond des choses, n'avait point échappé aux anciens jurisconsultes: Corruptio, dit Farinacius, quandò à sponte pecuniam dante judex injustitiam facit; concussio, quandò pecuniam non à sponte dante recepit sed extorquet [8].

Cependant, dans notre ancien droit, ces deux faits se confondaient encore. En général, le crime de concussion pouvait être commis par les gouverneurs et intendants des provinces,

præses provinciæ jubet et delictum coercet, », L. 1, Dig. de concussione.

[5] « Lege Juliá repetundarum censetur qui, cùm aliquam potestatem haberet, pecuniam ob judicandum decernendumve acceperit, vel quò magis aut minus quid ex officio suo faceret. » L. 3 et 4, Dig. ad leg. Jul. repet.

[6] « Qui ob accusandum vel non accusandum, denuntiandum vel non denuntiandum testimonium pecuniam acceperit. » L. 2, Dig. de con

cussione.

[7] L. 5, t. 2. Dig. ad leg. Jul. rep.
[8] Quæst. 111, no 39.

Des termes de cet article il résulte que la concussion, dans notre droit actuel, est toute perception illicite faite sciemment par des agents revêtus de l'autorité publique et agissant au nom de cette autorité. Trois conditions sont donc nécessaires pour l'application de la peine : l'abus de la puissance publique, l'illégitimité de la perception, la connaissance de cette illégitimité de la part de l'agent

qui donnaient à prix d'argent des exemptions sion, en ordonnant de percevoir, ou en exipour la milice ou les corvées; par les capitaines geant, ou en recevant ce qu'ils savaient n'être et membres des compagnies des gens de guerre, pas dû ou excéder ce qui était dû pour droits, qui exigaient des deniers pour exempler les com- taxes, contributions, deniers ou revenus, ou munes ou les maisons du logement militaire; pour salaires ou traitements, seront punis, sapar les seigneurs qui surchargeaient leurs sujets voir: les fonctionnaires ou les officiers publics, de nouveaux impôts; enfin par les officiers de jus de la peine de la reclusion, et leurs commis ou tice qui abusaient de leurs fonctions au détriment préposés, d'un emprisonnement de deux ans au des parties. Mais les prévarications des gou- moins et de cinq ans au plus. » verneurs, des gens de guerre et des seigneurs étaient connues sous le nom d'exactions; celles des greffiers, huissiers et notaires, sous le nom de malversations. En sorte que le crime de concussion ne s'étendait proprement qu'aux prévarications des juges et des gens du roi [1]. Or, la plupart des faits que les anciennes ordonnances rangent dans cette classe sont plutôt des faits de corruption que de concussion [2] : ce n'est donc pas ici le lieu de les rappeler. Du reste, la peine était arbitraire et dépendait des circonstances du fait et de la qualité des personnes [3] : les coupables encouraient tantôt la simple interdiction de leurs fonctions, tantôt la peine du blâme, tantôt celle du bannissement; les gouverneurs, les baillis et sénéchaux étaient frappés de la confiscation de corps et de biens; les seigneurs étaient déclarés ignobles et roturiers; enfin les gens de guerre étaient punis de mort [4]. Le Code pénal de 1791 incrimina, sans le dé finir, le crime de concussion: « Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne commise. à la perception des droits et contributions publiques, qui sera convaincu d'avoir commis, par lui ou ses préposés, le crime de concussion, sera puni de la peine de six années de fers, sans préjudice de la restitution des sommes reçues illégitimement [5]. » Ce crime était, de plus, soumis à des formes particulières d'instruction [6], et porté devant des jurés spéciaux [7].

Notre Code a défini, au contraire, la concussion, en posant avec clarté les éléments de ce crime; l'art. 174 est ainsi conçu : « Tous fonetionnaires, tous officiers publics, leurs commis ou préposés, tous percepteurs des droits, taxes, contributions, deniers, revenus publics ou com munaux, et leurs commis ou préposés, qui se scront rendus coupables du crime de concus

[1] Muyart de Vouglans, p. 262.

[2] Ord. de Moulins, art. 19 et 20; ord. de Blois, art. 114; ord. de 1867, tit. 21, art. 15.

[3] Art. 166 de l'ord, de 1629.

[4] Ord. de Blois, art. 280, 282, 305.

Si l'agent n'est ni fonctionnaire ou officier public, ni leur commis ou préposé, la perception illicite peut constituer sans doute un autre délit, mais elle cesse de constituer une concussion. En effet, c'est l'excès de pouvoir, l'abus de la puissance, qui forme la base essentielle de ce crime [8]; il ne peat donc être commis que par ceux qui exercent cette puissance : « Ce crime existe, a dit l'orateur du gouvernement, toutes les fois qu'un fonctionnaire exige ou reçoit ce qu'il sait ne lui être pas dû, ou excéder ce qui lui est dû; et l'on conçoit aisément que, s'il importe de poser des barrières contre la cupidité, c'est surtout quand elle se trouve unie au pouvoir cette circonstance tient à l'essence du crime. Lege Julia repetundarum, dit la loi romaine, censetur qui cùm aliquam potestatem haberet pecuniam acceperit [9]; et la même loi ajoute cette définition: Lex Julia repetundarum pertinet ad eas pecunias quas quis in magistratu, potestate, curatione (publicâ),legatione, vel quas alio officio, munere, ministeriove publico cepit [10].

:

Cette règle a été reconnue par la jurisprudence dans plusieurs espèces qu'il importe derappeler. Dans la première, le directeur d'un établissement de prêts sur gages, autorisé par l'autorité municipale, avait été condamné pour concussion: la Cour de cassation a annulé cette

[7] C. 3 brumaire an 1v, art. 517.

[8] « Concussio à concutere, hoc est intimorare, quando quis in officio constitutus aliquid à subditis extorquet metu, vi, minis vel persuasionibus, secretè vel expressè illatis. » Farinacius,

[5] C P. 25 sept. -6 oct. 1791, 2o part., tit. 1, quæst. 11', no 43. sect. 5, art. 14.

[6] L. 18-29 sept. 1792, tit. 12, art. 1 et 5.

[9] L. 3, Dig. ad leg. Jul, repet.
[10] L. 1, Dig. eod. tit.

condamnation : <«< attendu que l'accusé n'était, à l'époque du fait qui lui est imputé, ni fonction naire, ni officier public, ni commis à la perception d'aucuns deniers ni contributions publiques; que seulement il avait un établissement de prêts sur gages, autorisé, à la vérité, par l'ordonnance du maire, mais qu'il n'en tenait pas moins cet établissement en son propre nom et exclusivement pour son compte particulier [1]. » Dans la deuxième espèce, l'accusation de concussion avait été dirigée contre le fermier des droits d'étalage dans les halles d'une commune. La Cour de cassation annula également la procédure : «< attendu que l'art. 174 est placé sous la rubrique des concussions commises par fonctionnaires publics; que l'orateur du gouvernement, dans son exposé au Corps législatif, n'en a fait non plus l'application qu'aux fonctionnaires publics, et qu'il en a justifié les dispositions pénales par la nécessité d'opposer des barrières à la cupidité quand elle est unie au pouvoir; que l'accusé n'a rien perçu comme fonctionnaire ou officier public; qu'il n'était investi d'aucun caractère public; qu'il n'a perçu qu'à titre de fermier les droits de halles qui appartenaient à la commune; que ce titre n'était qu'un titre privé; qu'il n'était ni le commis ni le préposé d'aucun fonctionnaire ou officier public; qu'en sa qualité de fermier, il ne perce vait point pour autrui ; qu'il percevait pour son propre compte et à ses risques et périls; que s'il faisait la perception en vertu d'un bail passé entre lui et 1 adjoint de la commune, la qualité de la partie avec laquelle il avait contracté ne changeait rien à la sienne qui était déterminée par le bail, à celle de fermier exclusive de celle de commis ou préposé; que d'ailleurs, s'agissant dans cet acte d'un revenu communal, l'adjoint municipal n'y avait eu que la qualité privée de mandataire et de gérant de la commune, et non le caractère public de fonctionnaire ou d'agent du gouvernement; que si l'accusé a ou exigé ou reçu ce qu'il savait n'être pas dû on excéder

ce qui lui était dû d'après son bail, il ne s'est pas rendu coupable de concussion, qu'il n'a commis qu'une simple exaction contre laquelle il peut être réclamé [2]. »

Enfin, dans une troisième espèce, il a été reconnu encore que la perception illicite faite par un gendarme ne peut constituer un fait de concussion, « parce que le gendarme ne peut être rangé dans la classe des fonctionnaires, officiers publics, leurs commis ou préposés ou percepteurs de taxes [3]. » Cette dernière décision, plus délicate que les deux premières, est également conforme au texte de la loi: un gendarme est un agent de la force publique; mais la loi n'exige pas seulement que l'agent soit revêtu d'une portion de l'autorité publique, elle veut qu'il soit, de plus, fonctionnaire ou officier public, ou commis ou préposé de l'un de ces officiers; l'incrimination ne comprend qu'une classe des agents de l'autorité.

Cela posé, cette classe se divise en deux catégories principales: les fonctionnaires ou officiers publics, et les commis ou préposés de ces officiers et fonctionnaires. Il est inutile de faire remarquer qu'il n'existe de crime qu'en ce qui concerne les premiers, et que c'est improprement que la même qualification a été étendue par l'article 174 aux faits de concussion des commis et préposés, puisque ces faits ne sont punis que d'une peine correctionnelle.

Nous avons expliqué, dans le premier paragraphe de ce chapitre, quelle sont les conditions caractéristiques de la qualité de fonctionnaire ou d'officier public. La jurisprudence a reconnu cette qualité à l'égard de faits de concussion, dans la personne d'un maire. [4], d'un garde champêtre agissant dans ses fonctions d'officier de police judiciaire [5], d'un garde forestier [6], d'un simple préposé des douanes [7], enfin d'un concierge de prison [8].

On est peut-être fondé à se demander si l'article 174 doit s'appliquer aux notaires, aux avoués, aux huissiers, aux commissaires-pri

[1] Arr. cass. 4 juin 1812; Dalloz, t. 16, p. 323; Ainsi un garde-forestier qui, dans l'exercice de S. 1813, 1, 50. ses fonctions, exige et reçoit des rétributions en

[2] Arr. cass, 2 janv. 1817; Dalloz, t. 3, p. 118; argent et en denrées, qu'il sait ne pas lui être dus, S. 1817, 1,

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[3] Arr. cass. 4 janv. 1836 (Journ. du droit crim. 1836, p. 177).

[4] Arr. Donai, 17 juin 1836 (Journ. du droit crim. 1836, p. 336).

[5] Arr. cass. 16 sept. 1820; Dalloz, t. 18, p. 326; S. 1821, 1, 41.

L'art. 174 s'applique à tous fonctionnaires bien qu'ils ne soient chargés d'aucune perception.

est passible des peines qu'il prononce. Br. cass. 25 oct. 1824; J. du 19es, 1825; 3o, p. 16; J. de B., 1824, 1, 189.

[6] Arr. cass. 23 avril 1813; Dalloz, t. 27, p. 340; S. 1817, 1, 321.

[7] Arr. cass. 21 avril 1821 ; Dalloz, t. 16, p. 324. [8] Arr. cass. 2 janv. 1817 ; Dalloz, t. 3, p. 118; S. 1817, 1,

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seurs, qui ont reçu des taxes supérieures aux allocations des tarifs [1]. A la première vue, toute distinction semble contraire aux termes de cet article; car il comprend tous les officiers publics, il punit toutes les perceptions de taxes, droits et salaires qui excèdent ce qui était dû ; aussi la Cour de cassation n'a-t-elle point cru qu'on pût y établir une exception d'après l'hypothèse que nous proposons [2]. Cependant, si l'on se pénètre de l'esprit de cette disposition, on voit qu'elle a eu principalement en vue les fonctionnaires ou officiers qui sont chargés, à raison de leur qualité, d'une recette publique. La loi devait, dans ce cas, une garantie plus puissante au contribuable contre les exactions du receveur, parce qu'il n'a la plupart du temps aucun moyen de contrôle, et qu'il doit se fier à l'officier que la confiance du gouvernement investit. A l'égard des officiers ministériels, cette raison n'a plus la même force: la partie a le choix de celui qu'elle veut employer; elle a la libre vérification des taxes qui lui sont demandées, et, en cas de contestation, elle peut faire régler les mémoires par le juge. On peut même apercevoir dans l'action de ces différents agents une nuance assez tranchée. Tout est précis, tout est rigoureux, dans les rapports du percepteur avec les redevables: toute perception qui excède les droits fixés par la loi est un vol d'autant plus dangereux qu'il est plus difficile de l'atteindre. Cette inflexibilité n'existe point dans les relations des officiers ministériels avec leurs clients: si les taxes sont fixées par les tarifs, rien ne s'oppose à ce que les parties n'excèdent volontairement ces fixations, à raison des soins donnés à leurs affaires. Ensuite, le fonctionnaire se sert de son autorité pour consommer la concussion; l'officier ministériel n'exerce aucune autorité, il peut employer la supercherie, il n'abuse pas d'un pouvoir qu'il n'a pas.

Maintenant, on doit rapprocher de ces considérations différents actes de la législation qui semblent venir à l'appui. Ainsi les articles 66 et 151 du décret du 16 février 1807 prévoient les exactions des huissiers et des avoués; les déclarent-ils coupables de concussion? Nullement; ces officiers, porte le décret, ne pourront exiger de plus forts droits que ceux énoncés au présent tarif, à peine de restitution, dommages-intérêts, et d'interdiction s'il y a

[1] Pour qu'il y ait lieu à l'application de l'article 174 à un greffier de juge de paix, il faut qu'il y ait preuve et malversation évidente. Les art. 4 de la loi du 21 prairial an 7, et 13, du décret du

lieu. Les art. 64 et 86 du décret du 18 juin 1811 appliquent, en matière criminelle, la même règle aux greffiers et aux huissiers ; si ces officiers exigent d'autres ou de plus forts droits que ceux qui leur sont attribués par ce décret, ils sont destitués de leurs emplois, et condamnés à une amende qui peut s'élever de 500 à 6,000 fr. A la vérité, ces articles ajoutent : sans préjudice toutefois, suivant la gravité des cas, de l'application de la disposition de l'art. 174 du Code pénal. Mais cette restriction elle-même semble justifier notre distinction: si la perception illicite ne s'est appliquée qu'à des taxes et salaires, la peine spéciale doit seule être infligée; mais si elle s'est appliquée à d'autres recettes dont les greffiers et même les huissiers sont chargés dans certains cas, ce n'est plus une simple faute disciplinaire, c'est un crime de concussion, et l'art. 174 le comprend dans ses termes. L'article 625 du Code de procédure civile paraît encore se concilier avec cette interprétation; ce n'est en effet qu'à l'égard du prix des adjudications, dont la loi déclare les commissaires-priseurs et les huissiers responsables, que cet article dispose que ces officiers ne pourront recevoir des adjudicataires aucune somme au-dessus de l'enchère, à peine de concussion.

La conséquence de ces différentes dispositions paraît donc être celle-ci toutes les fois que l'officier exige un salaire supérieur à celui qui lui est alloué par le tarif, cette infraction n'est considérée par la loi que comme une contravention disciplinaire, et la peine doit être empruntée à la loi spéciale. Mais, lorsqu'au contraire ces officiers ont été chargés par la loi d'une perception ou d'une recette quelconque, tels que les commissaires-priseurs et huissiers dans les cas d'adjudications, les greffiers en ce qui concerne les droits qu'ils perçoivent pour l'Etat, la perception illicite dont ils se rendent coupables a les caractères du crime de concussion. Si cette distinction n'était pas adop tée, si tout salaire en dehors des tarifs constituait ce crime, il résulterait d'abord que la peine ne serait point en proportion avec la gravité du fait, et il faudrait ensuite admettre que le même fait considéré avec le même caractère de criminalité pourrait être puni deux fois comme contravention et comme crime, ce qui

16 fév. 1807, sont encore en vigueur. Liége, cass. 28 nov. 1827; J. du 19o s., 1828, 3o, p. 167

[1] Arr. cass. 15 mars 1821; Dalloz. t. 16, p. 325.

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